Aisling O’Brien : you can't break what's already broken

Il est dommage qu'Aisling n'ait ni l'éducation suffisante ni le goût à la poésie et encore moins au théâtre. Si cela avait été le cas, il aurait pu comparer le début de son histoire avec une certaine oeuvre de Shakespeare. Il aurait pu commencer ainsi : plusieurs familles, toutes sorcières, dans la belle Irlande, où nous plaçons notre scène, sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles. et ainsi se seraient interrompus les rimes car il n'est nullement questions d'une histoire d'amour réciproque dans son passé, bien que celui-ci contienne son lot de tragédie.

Dès son plus jeune âge, on apprit à Aisling quelle personne il devait détester. Cela dépendait uniquement du nom de famille. S'il portait le nom de MacCormack ou encore celui d'O'neill, par exemple, aucune entente n'était possible. Son enfance et le début de son adolescence se résuma à traîner en compagnie de ses cousins avec la même attitude que des voyous croyant posséder le quartier. Lorsque l'Irlandais se tournait vers le passé pour y chercher un moment de bonheur, c'est à sa dixième année qu'il pensait toujours. À ce moment-là, il croyait que tout était encore possible. Il exprimait sans cesse son impatience d'avoir sa propre baguette magique. Surtout que cet idiot de Sean du clan O'neill avait eu la sienne l'été dernier et n'arrêtait pas de les menacer sur les sorts qu'il allait leur lancer. Un revers difficile pour la petite bande des O'brien. Aisling étant le plus âgé et constituant déjà un atout de par sa grande taille, tous les espoirs de renverser la vapeur reposaient sur lui.

Sauf que sa onzième année passa dans une normalité perturbante, sans l'arrivée d'aucun hibou annonçant son entrée dans une quelconque école de magie. À ce moment-là, son père commença à redouter une hypothèse assez dérangeante si elle s'avérait être vraie. Mais, sa mère... Sa mère y crut jusqu'au bout. Elle trouva toujours une excuse pour rester optimiste et pour rassurer son fils aîné. Son petit Aisling a un peu de retard par rapport aux autres, aucune baguette ne réagissait entre ses mains, mais sa magie va certainement se manifester d'un jour à l'autre. Une prière qu'elle répéta encore et encore, tandis qu'elle tomba dans la moindre arnaque lui promettant d'améliorer la situation où couvrait son fils de porte-bonheur et autres grigris du même genre. Pendant ce temps, les rumeurs circulaient et le rouquin redoubla d'efforts pour compenser ce qui commençait à être un handicap pour sa bande. Il tapa plus fort, se montra plus acharnée et surtout plus prompte à en venir aux mains là où les autres se contentaient facilement d'échanger des insultes. Il était une cocotte-minute que le moindre sourire ou regard de travers pouvait faire déborder.

Ce déni général dura trois longues années. Ensuite, son jeune frère, Kylian, reçut sa lettre, et, là, ce fut le moment ou plus aucun doute ne fut possible. Aisling était un cracmol. C'était pire qu'être un sang-mêlé. À entendre les disputes de ses parents, c'était la pire chose qui pouvait arriver à sa famille ou même au 'clan' tout entier. Le comportement de tous ses proches changèrent. Sa mère fuyait son regard, les larmes aux yeux, son père le regardait comme si son fils aîné était la source de tous les malheurs dans le monde, ses cousins ne voulaient plus qu'il traîne avec eux tandis qu'ils acceptèrent Kylian avec joie dans la bande. Le verdict était aussi clair qu’implacable : il n'était plus "un des leurs".

Quatorze ans et sa vie était déjà foutu. Le garçon vivait dans la maison comme s'il en était devenu le fantôme ou comme s'il était un rat ayant investi les lieux en évitant de croiser les véritables occupants. Il devait se débrouiller pour tout, faire ces repas avec les restes et les fonds d'armoire, apprendre à coudre pour raccommoder ces vêtements troués à force de les porter, se débrouiller pour l'école puisque ses parents ne voyaient plus l'utilité de dépenser pour son éducation. Des études moldus pour son fils, quelle honte. Ses notes dégringolaient, ce qui confirmait l'impression qu'il avait d'être un raté. Oui, ses parents devaient avoir raison. Le jeune Cracmol acceptait tout sans broncher. L'histoire aurait pu continuer comme cela, avec Aisling acceptant de se faire écraser. Ce serait sans compter sur son jeune frère qui avait décidé de transformer son grand frère dépourvu de magie en cobaye idéal pour s'entraîner sur ses sortilèges pendant les vacances. Au début, l'aîné essaya de se plaindre. Ses parents admiraient les prouesses du cadet plutôt que de le sermonner. Il faut bien qu'il s'exerce, disaient-ils au rouquin, il faut bien que tu serves à quelque chose.

Chaque jour, le cracmol bouillonnait un peu plus. Jusqu'au moment où il ne put en supporter davantage. Il répondit de la seule manière qu'il connaissait puisque les larmes et les demandes de pitiés n'avaient pas fonctionné : en cognant. Il s'était saisi de la baguette de son frère et l'avait brisé comme une brindille, puis il avait donné un coup de poing dans le nez du jeune Kylian et n'avait pu s'empêcher de ressentir une certaine satisfaction en entendant un craquement. Aisling s'enfuit avant que ses parents n'arrivent, alertés par les pleurs du cadet. Il savait qu'il venait de franchir le point de non-retour. On ne le laisserait plus vivre ici après avoir casser le nez et la baguette du précieux cadet.

Âgé de quinze ans, il se retrouva seul, sans rien. L'Irlande lui rappelant trop la vie qui aurait dû être la sienne, il partit jusqu'à Londres et essaya de vivre parmi les Moldus. Le voyage fut long et pénible, mais il avait l'espoir que tout irait mieux arrivé à destination. Au début, une part de lui avait espéré qu'on le cherche, que quelqu'un s'inquiète pour lui et lui demande de revenir, mais rien. Rien que la rue et la misère. Il mentirait s'il affirmait s'être adapté à la vie parmi les Moldus. Quand on avait vécu entouré de magies, qu'on sache en faire soi-même ou non, il était difficile de s'habituer à un univers qui en était totalement dépourvu. Sa nouvelle vie lui permit de peaufiner sa débrouillardise. Pour le reste, il l'apprit à la dure, notamment concernant le vol et la triche. Il renonça assez vite à cette deuxième pratique, n'étant pas assez habile lorsqu'il s'agissait de mentir. En plus, ses doigts manquaient d'agilité pour échanger les cartes et autres subtilités que demandaient l'escroquerie. Ses mains ne semblaient bonnes qu'à cogner. Chaque fois qu'il se faisait prendre ou repérer, il le payait chèrement. Alors il apprit à encaisser, à gagner du respect à coups de poing et à ne plus écouter sa conscience. Tout ce qu'il fallait pour survivre. La vie dans la rue était un étrange mélange de chacun pour soi parsemer de bouffée de solidarité entre sans-abris. Ce n'était pas vraiment une vie plutôt de la survie.

Il entendit parler de l'Amérique dans un de ces moments de solidarité au coin du feu sous un pont. "Aaahhhh si on était en Amérique, tout serait différent." Et chacun y allait de son commentaire rêveur. À les entendre, il s'agissait d'une sorte de Terre Promise ou tout le monde avait sa chance. C'était limite si les pavés là-bas n'étaient pas en or. De quoi mettre des étoiles plein les yeux à un adolescent qui avait tout perdu.

Dès qu'il eut cette idée en tête, il essaya de changer de méthode. Il ne pouvait plus se contenter de voler de quoi se nourrir, il lui fallait de l'argent pour s'acheter un billet en direction de cette terre idyllique. Il venait d'avoir dix-huit ans lorsqu'il rencontra un fantôme de son passé. Cordelia Mac cormack. Une demoiselle du clan adverse qui avait son âge. Il avait voulu lui prendre son sac à main. Elle l'avait reconnu, ce qui avait avorté immédiatement sa tentative. Aujourd'hui, il lui arrive encore de se demander : L'avait-elle aimer ? Elle avait été gentille avec lui, mais ces gentillesses remuaient toujours le couteau dans la plaie. Elle lui rappelait trop de choses qu'il aurait préféré arriver à oublier. À chaque rencontre, il lui extorquait un peu d'argent ou un repas chaud tout en la draguant juste assez pour provoquer une deuxième rencontre. Jusqu'au jour où il eut assez d'argent pour se payer un aller simple en bateau pour New York. Dès cet instant, la charmante Cordelia perdit son utilité. Alors, il la laissa après une nuit passionnée dans un hôtel près du port. Avec une joie revancharde, il espérait que la demoiselle tombe enceinte, une petite vengeance mesquine pour salir les noms des MacCormack avant de partir vers sa Terre Promise Américaine. Il laissa Cordelia alors qu'elle dormait encore. Sans un mot ni un regard en arrière.

Rien ne changea à New York. Il ne lui fallut pas longtemps avant de réaliser à quel point il s'était montré naïf en faisant reposer tout ses espoirs sur ce voyage. Bien sûr, il y eut la solidarité entre Irlandais. Ce qui lui permit de trouver un travail en usine qui lui forgea les muscles et d'avoir un toit sur la tête même s'il s'agissait d'un taudis. Malgré tout, on était loin de l'El Dorado promis. Heureusement, il y avait aussi des à côté sympathique. Sans doute les mêmes qu'à Londres sauf qu'il avait à présent l'âge d'en profiter pleinement. Les bars, les salles de jeux, l'alcool, la cigarette et d'autres endroits où on pouvait passer la soirée en galante compagnie. Dès qu'il avait un peu d'argent, il en profitait dans ces amusements. Il y avait aussi les bagarres pour se défouler, des tensions entre Irlandais et Italiens, par exemple. Des bandes qui s'affrontaient pour un oui ou pour un non, de quoi vous sentir vivant. Les moments en dehors de ces instants lui semblaient fades, sans intérêt. Il n'arrivait pas à réellement apprécier cette nouvelle vie, même après plusieurs années. Même si sa carrure lui offrait une place de choix dans n'importe quel gang des rues, il ne se sentait à sa place nulle-part.

Arriva la guerre, d'abord ce n'était que beaucoup de bruit au loin, avant que ce bruits ne s'intensifie. Dans les rues, ça parlait beaucoup de combattre pour la liberté, pour la paix et d'autres choses dans ce goût-là. "On reviendrait en héros !" Assurait-on. Et l'Irlandais se laissa de nouveau bercer par ses nouvelles promesses. Pourquoi pas s'engager ? Sa vie ne pouvait pas être pire que maintenant.

La guerre lui apprit le véritable sens de la phrase "lutter pour sa survie". Dire qu'il avait cru vivre l'enfer avant... Une désillusion de plus. Il en revint brisé et avec des nuits peuplés de cauchemars. De quoi le faire tomber sans retenue dans ses mauvais travers. La boisson et les jeux d'argent. À une vitesse affolante, ses dettes se creusèrent, descendant petit à petit dans des endroits de plus en plus louches et peu recommandables. C'est ainsi qu'il remit le pied dans le monde magique qu'il avait fui jusqu'à ce jour. Ou plutôt, qu'il mit le pied dans son côté illégal. Encore plus vite, l'Irlandais se retrouva à devoir de l'argent aux mauvaises personnes de ce milieu. Aisling se retrouva coincé dans une ruelle par quatre costauds venus réclamés leur dû. L'Irlandais put en mettre trois au tapis avant que la quatrième ne lui pointe sa baguette sous le nez. "Putain de sorcier de merde, me rate par parce que moi je te raterais pas." Avait ragé le rouquin, le poing encore serré comme s'il n'attendait qu'une hésitation pour l'abattre sur sa cible. Quelqu'un avait assisté à cette scène et ce quelqu'un jugea que l'Irlandais pouvait lui être utile. C'est ainsi qu'Aisling commença à jouer les gros bras pour la pègre. Il devint la force de frappe qu'on envoie pour les recouvrements de dettes ou le garde du corps qui s'assure qu'une transaction se passe sans encombre. Il a aussi participer à quelques combats clandestins. Dans sa tête, il ne fait rien de mal. Enfin si, il en fait du "mal" sous la force d'os cassés entre autres, mais il n'en fait qu'à des gens mauvais ou suffisamment idiots pour côtoyer d'autres mauvaises personnes. En quelque sorte, ces gens-là l'avaient cherché. Comme il se le répète quand sa conscience le titille trop : dans ce monde, tu es soit une victime soit un survivant, et lui, il est un survivant.

Il n'avait rien, ni personne. Du moins, c'est ce qu'il s'était imaginé avant qu'une personne déclarant être sa fille ne lui tombe dessus, presque littéralement tomber dessus. Au début, il avait pris cette déclaration pour une blague. Lui ? être père ? Jamais. Puis, le nom de Cordelia avait resurgi, accompagné du caractère têtu de la demoiselle qui s'incrusta de force dans sa vie. Au début, il voulait la faire fuir par tous les moyens possibles, puis, petit à petit, il a toléré sa présence, tout en niant qu'il commençait à véritablement l'apprécier. Il la tolère parce qu'elle est utile, avec son don d'animagus elle peut se faufiler partout. Elle est aussi devenue le cerveau dans les sales coups qu'ils leur arrivaient de concocter. C'est ce qu'il dira si on lui demande s'il l'apprécie. Et il n'avouera jamais qu'il commence à ressentir une certaine pointe de fierté voire à désirer le meilleur pour elle. Sûrement pour cela qu'il s'inquiète de ce qui s'est passé à New York récemment. S'il n'avait qu'à s'inquiéter que pour sa pomme, il n'en ferait pas tout un drame. Mais, il n'était plus question que de lui maintenant. Tout cela le faisait soupirer d'avance. L'avenir semblait soudainement bien compliqué pour lui qui s'était habitué à vivre un jour après l'autre.

Il est très facile de comprendre Aisling. Le Cracmol n'a qu'une priorité dans la vie : mener une belle vie, parfois il espère carrément mener la grande vie. Avoir assez d'argent pour bien manger, bien boire et, pourquoi pas, acheter un peu de respect de ses 'semblables' ou se faire un nom. Pour accomplir cet objectif, il estime que tous les coups sont permis. Voilà pourquoi il ne se considère pas comme une mauvaise personne. C'est juste que, dans ce monde cruel, tu as le choix entre être un survivant ou une victime. Qui voudrait être une victime ?

Pour de l'argent, il sacrifie sans problème son honneur ou sa conscience. Du moins, il aime bien s'en persuader. On ne le dirait pas à première vue, mais Aisling possède un cœur. Peut-être même qu'il a un bon fond. Ces bons côtés sont justes très bien cachés. Il peste souvent contre ce relent de conscience qui le prend, car il n'y a rien de pire d'être pris par de remords lorsqu'on tabasse quelqu'un. Au fond, il se dégoûte lui-même, d'être un Cracmol et d'être quelqu'un prêt à vendre son âme pour un dollar (ou même pour un centime lorsqu'il est vraiment désespéré), cela se voit dans son regard. C'est ce sentiment qui le pousse inconsciemment à se flinguer la santé à coup de cigarette, d'alcool corsé, de bagarres, de coups risqués et de jeux dangereux. Quoique l'alcool à des bons côtés, ça l'aide à bien dormir, même si le réveil avec la gueule de bois est douloureux, au moins, il ne fait plus de cauchemars liés à la guerre.

On le voit comme une brute sans cervelle et il n'y a pas grand-chose dans son comportement qui pourra changer cette première impression. Il a toujours le visage amoché, comme s'il revenait d'une bagarre. Ce qui est généralement le cas. Bien qu'il ne soit pas totalement illettré, il n'est pas très loin de l'être. La faute a une scolarité brutalement interrompue. En absence de magie, les muscles sont tout ce qu'il a. C'est ce qui fait qu'on le trouve utile. C'est sa petite victoire personnelle. Le petit truc qui lui arrache toujours un sourire. Même les gens qui le méprisent parce qu'il est un cracmol peuvent se retrouver à avoir besoin de lui, parce que, absence de baguette ou non, il reste un sacré castard qui dépasse la plupart des gens d'une tête du haut de son 1m96 ! Il ferait n'importe quel boulot du moment qu'on le paie. C'est pour cela aussi qu'il s'est retrouvé à travailler presque exclusivement pour la pègre. Les gentils ont tendance à travailler gratuitement et un travail honnête ne suffit pas quand on a tendance à accumuler les dettes. Parce que l'argent gagné ne reste pas longtemps dans sa poche. Il passe d'un taudis à un autre, préférant dépenser son argent malhonnêtement gagné en pari, dépenses exagérées, luxes éphémères et bien d'autres choses. On ne vit qu'une fois, après tout !

C'est un flambeur qui a le don de parier toujours sur la personne ou l'équipe qu'on donne perdante. Pour deux raisons : Premièrement, parce qu'il se concentre sur la mise qu'il empocherait en cas de victoire. Deuxièmement, parce qu'il veut croire que les losers peuvent triompher avec suffisamment de motivation et de persévérances. Cette guigne le suit jusqu'à la table de jeu puisqu'il ne sait pas quand s'arrêter lorsqu'il est question de jeux d'argent, persuadé qu'il se referait à la prochaine partie. Au point qu'on le surnomme "Unlucky Ace" dans le milieu. Parfois, il se dit que sa fille est la seule chose dans sa vie qu'il n'a pas totalement foiré, mais il le l'avouera jamais à voix haute.