Entretenons nos amitiés | Isobel & Cherryl

Entretenons nos amitiés

Cherryl avait l’impression de tourner en rond sur l’affaire Shaw. Pourtant, elle avait tout de même réussi à avoir quelques pistes, réunir quelques indices, mais cela n’allait jamais vraiment très loin. Malheureusement. Il y avait toujours quelque chose qui clochait, une pièce manquante et maîtresse dans toute cette histoire, et cela frustrait beaucoup Cherryl.

Elle avait d’abord eu quelques doutes sur Debrah Burton, la fiancée du sénateur. Après tout, sa mort aurait pu lui profiter, mais cela aurait été d’autant plus logique si elle avait été mariée avec l’homme. Elle aurait ainsi hérité de son nom et de sa fortune, ce qui était loin d’être négligeable. Tout le monde savait que les Shaw était l’une des familles les plus riches et puissantes de la ville de New York. Même si pour le moment, elle n’avait rien contre Debrah Burton, Cherryl ne l’oubliait pas pour autant. Ensuite, il y avait le père Shaw, Henry. Elle le voyait mal tuer ou commanditer le meurtre de son fils. Il était sa plus grande fierté, et sa plus grande réussite, et sa mort l’avait profondément anéanti, ce n’était pas dur à voir. Restait Langdon, le petit frère. Il aurait pu vouloir le tuer par jalousie, par colère. Langdon était un jeune homme complexe, et Cherryl avait du mal à le cerner, mais était-il capable de tuer son frère ? Elle ne savait pas. Elle n’en savait strictement rien.

Et puis, il y avait eu ces attaques, le réveillon du nouvel-an. Contre l’église des Barebone, qui avait fait des dégâts à Central Park également. L’aîné des enfants y avait perdu la vie, ou avait disparu, on ne savait pas vraiment. Personne n’avait retrouvé de corps. Est-ce que les deux affaires étaient liées ? Cherryl savait que les Barebone avaient rendu visite aux Shaw avant la mort du Sénateur, et Langdon faisait partie de la secte de Mary Lou. A qui en voulait-on vraiment ? Aux Shaw, aux Barebone ? Les deux ? Elle n’en savait rien pour le moment, et elle se trompait peut-être sur toute la ligne, mais c’était quelque chose à creuser.

Mais elle n’avait plus vraiment le temps pour ça. Elle devait voir Isobel, une amie d’enfance à elle. Elle n’était pas sa meilleure amie, loin de là. Surtout qu’il y avait toujours un moment où Cherryl se sentait agacée par le côté parfait d’Isobel. Elle voyait en elle tout ce qu’elle n’était pas, et tout ce que ses parents auraient voulu qu’elle soit. Isobel avait toujours été adorée par le couple Mathews dans tous les cas. Mais bon, Cherryl l’appréciait quand même, et elle n’était pas contre boire un café avec la jeune femme. Elle se rendit au café avec quelques minutes de retard et s’installa en face d’Isobel.

« Bonjour, excuse-moi pour le retard, j’étais encore perdue dans mes enquêtes. Comment tu vas ? »

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Cherryl appréciait Isobel, il n’y avait pas de doutes à ce sujet. Après tout, les deux femmes se connaissaient depuis qu’elles étaient enfants. Mais la naturel miss parfaite d’Isobel avait tendance à agacer Cherryl assez rapidement. Elle savait que c’était sa façon d’être, qu’elle ne faisait pas exprès, mais c’en était d’autant plus énervant. Le pire, c’était surtout le fait qu’elle avait entendu toute sa vie ou presque ses parents lui dire qu’elle devait prendre exemple sur elle. Qu’Isobel se comportait de la bonne manière. Elle était belle, classe, distinguée, et se comportait comme une parfaite future femme d’intérieur qui saura prendre soin de son époux. Mais Cherryl n’était rien de tout cela, et elle ne voulait pas l’être. Seulement ses parents ne l’avaient jamais compris, et jamais conçu.

Maintenant, ses parents ne lui diraient plus jamais rien. Et dans le fond, Cherryl regrettait qu’ils se soient quittés en conflit. Elle n’entretenait pas une bonne relation avec ses parents au moment de leur mort, parce que ces derniers n’acceptaient pas ses choix de vie. Et encore, si jamais ils avaient eu vent du fait qu’elle aimait les femmes, cela aurait été encore pire. Même si au final, ils l’avaient appris juste avant de mourir, mais ça, Cherryl n’en avait plus aucun souvenir. Quoiqu’il en soit, elle avait quelques regrets concernant ses parents, mais elle ne regrettait pas son indépendance. Elle n’aurait jamais pu prétendre être ce qu’elle n’était pas. Elle avait besoin d’exister, et elle avait besoin d’être elle-même. Elle ne savait pas si maintenant que ses parents étaient morts, ils la regardaient de quelque part, si jamais ils étaient au courant de ce qu’elle leur avait toujours caché. Elle n’avait jamais cru à une vie après la mort, mais elle se posait tout de même la question.

Enfin bref, dans tous les cas, ce n’était pas le moment pour penser à ce genre de choses. Malgré leurs différences, Isobel était tout de même son amie, et elle avait l’intention de passer un bon moment avec elle. Si Cherryl se sentait parfois agacée, elle ne piquait pas non plus de crises, des disputes inutiles, elle en avait son compte avec Clyde ces derniers temps, alors inutile d’en rajouter d’autres.

« Oh ne t’en fais pas, ce n’est pas grave. Je vais plutôt bien et toi ? »

Cherryl avait envie de dire qu’elle se sentait frustrée et au pied du mur, parce qu’elle n’arrivait pas à trouver de pistes solides pour son enquête, même si elle avait quelques intuitions et idées, mais elle n’était pas sûre qu’elle puisse vraiment parler de son travail avec Isobel. Elle ne doutait pas que la jeune femme l’écouterait, mais cela ne l’intéresserait peut-être pas par contre.

« Ça va, j’ai beaucoup de travail et Clyde continue de faire sa forte tête, mais j’arrive tout de même à m’y retrouver un minimum. »

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Cherryl était tout de même contente de voir Isobel. Malgré les rancœurs qu’elle avait pu avoir à son égard. Ce n’était pas vraiment la faute de la jeune femme, mais entendre ses parents lui répéter qu’elle devrait être un peu plus comme Isobel, cela avait eu le don de la mettre en colère contre cette dernière. Mais bon, maintenant, elle n’avait plus de raison de lui en vouloir, quand bien même elles restaient très différentes. Mais ce n’était pas maintenant que ses parents étaient morts, que Cherryl allait se transformer en une parfaite petite femme bien élevée, et bonne à marier. Elle gardait son caractère, et sa façon d’être. Ce n’est pas parce qu’elle ne se trimballait pas en robe du dimanche tous les jours e qu’elle ne faisait pas rien de ses journées, à s’occuper de la maison en attendant que son mari rentre qu’elle n’était pas une femme. Elle ne s’était jamais considérée comme un garçon manqué de toute manière, et elle était féminine, juste pas assez aux goûts des traditionnalistes.

« Tant mieux que tu parviennes à t’en sortir. »

Effectivement, c’était tant mieux. Mais Cherryl préférerait tout de même pouvoir affirmer qu’elle allait bien, que tout marchait comme elle le voulait, plutôt que devoir affirmer qu’elle parvenait à s’en sortir. Parce que cela impliquait que plusieurs choses n’allaient pas, et elle les lui avait mentionnées, enfin… en partie. Elle ne pouvait pas non plus tout confier à Isobel. Mais sa vie était tout de même beaucoup trop compliquée. Cherryl était sous pression tout le temps, pour diverses raisons, et elle avait peur d’exploser un jour ou l’autre, de virer complètement folle et d’être enfermée dans un hôpital psychiatrique. Pourtant, elle ne changeait rien, parce que rien n’était facilement réglable.

« Ça ne va pas mieux avec ton frère ? »

Non, cela n’allait pas mieux du tout, elle aurait plutôt tendance à dire que cela empirait. Ils étaient tous les deux têtus, et quand ils se parlaient, cela finissait toujours en cris et aucun n’écoutait vraiment l’autre, finalement. Evidemment, elle aimerait que cela change, mais tant que Clyde n’arrêterait pas de se fermer comme une huitre, ils n’arrivaient à rien. Il était perdu, elle le comprenait, que la mort de leurs parents ait été un choc, mais de là à croire que les sorciers existaient… ce n’était pas du tout la même chose. Au final, les choses restaient au même point, et elle avait l’impression de s’éloigner de son frère petit à petit. Ce qui était dur pour elle, mine de rien. Elle n’avait aucune envie de le perdre.

« Non, il reste convaincu de l’existence des sorciers, il n’en démord pas et passe tout son temps libre avec les Barebone. Je ne le reconnais plus. »

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Cherryl avait toujours eu un comportement un peu distant avec Isobel. Elle était son amie, mais à chaque fois qu’elle la voyait, elle voyait la fille parfaite que ses parents auraient voulu qu’elle soit. Ses parents le lui avaient déjà dit, plus ou moins. En lui demandant frontalement pourquoi elle n’était pas un peu plus comme Isobel, pourquoi elle n’était pas plus féminine, plus douce, plus docile… elle en avait longtemps voulu à son amie, même si elle n’y était pour rien. Mais entendre de la bouche de ses parents ce genre de choses, ça ne l’avait pas aidée à être lucide, et juste.

Mais avec le temps, elle avait réussi à prendre sur elle, et ne plus en vouloir à Isobel, même si forcément, elle gardait un petit quelque chose, une petite rancœur. Ses parents étaient morts à présent, et c’était difficile de se dire qu’ils étaient morts en ayant une si piètre opinion d’elle, et encore, elle n’avait aucune idée qu’ils étaient morts en sachant qu’elle aimait les femmes, tout comme elle avait tout oublié de la personne qui les avait tués. Mais elle savait aussi parfaitement que jamais elle n’aurait pu être comme Isobel. Il n’y avait aucune malice là-dedans, mais ce n’était pas elle. Être celle qui mettait des jolies robes, toujours pomponnée et qui attendait patiemment son époux à la maison en faisant la cuisine… c’était impossible. Isobel n’était pas mariée, mais c’était une idée générale qu’on se faisait de la femme, et elle était incapable de s’y cantonner. Tant pis si elle était un peu marginale, elle ne le vivait pas mal du tout.

Mais c’était toujours bien de pouvoir retrouver son amie malgré tout. Sa vie ressemblait à un vaste bordel ces derniers temps, alors avoir un peu de compagnie, et de soutien, elle n’allait certainement pas dire non. Et Cherryl savait qu’elle pouvait parler de Clyde avait Isobel, que cette dernière allait la comprendre, vu qu’elle le connaissait très bien. Elle s’attendait à ce qu’elle soit de son côté, sur ce coup-là.

« Mais… tu es certaine qu’il n’aurait pas raison ? Je ne sais pas si ces gens ont raison ou pas, mais peut-être qu’il… qu’il a raison de se renseigner ? »

Et elle ne s’attendait pas à cette réponse. Elle ne comprenait pas ce qu’ils avaient tous, avec ces délires de sorcellerie. Sérieusement, elle ne comprenait pas. Et comment Isobel pouvait avoir le doute de tout cela ? Comment pouvait-on croire qu’il y avait des sorciers qui se baladaient dans les rues et commettaient divers crimes ? Cela commençait à l’agacer, elle avait l’impression que personne dans son entourage n’avait les idées claires, ou presque pas, et elle allait finir par tous les envoyer bouler et ne plus avoir aucun proche.

« Se renseigner sur quoi ? Les Barebone sont complètement dingues, je les ai interrogés plusieurs fois et quelque chose ne tourne vraiment pas rond dans cette fichue famille. »

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Cherryl ne savait pas trop d’où venait cette mode de penser que les Barebone pouvaient être dans le vrai. Si la magie existait, ça se saurait. Bien sûr, il y avait toujours quelques illuminés, qui n’avaient plus toute leur tête, qui tentaient de faire croire qu’ils étaient des sorciers, mais sincèrement, ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait cacher depuis tant de temps. Elle n’y croyait pas, pas du tout. Si cela faisait plaisir à certains de croire à un monde parallèle empli de magie, c’était leur droit, mais il fallait tout de même garder un minimum de raison. Et elle estimait que ce n’était pas le cas de Clyde, de Langdon, et encore moins des Barebone.

Alors elle n’avait vraiment pas besoin qu’Isobel se mette à lui dire qu’elle aussi croyait aux affabulations de cette Mary Lou Barebone. Isobel n’éatait pas sa meilleure amie, mais elle la connaissait depuis de nombreuses années. Et même si elles avaient eu quelques différents, notamment à cause de leurs différents, et du fait que ses parents avaient toujours voulu qu’elle prenne exemple sur la blonde, mais elle la considérait tout de même comme une amie, et elle l’appréciait. Alors elle avait besoin dans son entourage, de personnes qui gardaient la tête froide, sinon elle allait elle aussi perdre l’esprit. Heureusement, elle avait Darlene.

« Oui, tu as raison. »

Isobel n’ajouta rien d’autre, elle ne relança même pas la conversation, et Cherryl ne savait donc pas vraiment comment prendre cela. Elle se posait peut-être trop de questions, mais elle se demandait si elle n’était pas vexée, ou elle ne savait trop quoi. Cherryl pouvait paraître un peu virulente pour le coup, elle voulait bien le reconnaître, mais ce n’était pas ce qu’elle souhaitait. Elle était juste un peu à cran. Elle espérait qu’Isobel ne lui en tenait pas rigueur. Elle ne voulait pas que leur relation se ternisse. Ni qu’Isobel lui en veuille. Mais bon, elle se demandait tout de même comment elle connaissait cette famille, si elle avait été en contact prolongé avec eux ou pas. Ils faisaient beaucoup parler d’eux ces derniers temps, mais peut-être qu’Isobel les avait rencontrés. Il est vrai que Cherryl était un peu curieuse, en cet instant précis.

« Tu les connais personnellement ? »

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