Invitée surprise || PV Eleanora

La lune se reflétait sur les eaux sombres des docks. Un bateau était amarré. Quelques caisses se trouvaient à son bord. Sur le quai, des hommes s'affairaient à décharger le contenu du navire sous les ordres d’un homme à la carrure impressionnante. Orlando dirigeait ses troupes sans problème.

Aliocha arriva enfin sur place, accompagné de trois de ses hommes. Les mains dans les poches de son épais manteau, il salua de la tête son associé.

- Bonsoir.

Le russe observait la situation, satisfait de voir que le transfert vers les camions se déroulait sans encombre. Les bateaux étaient discrets et se vidaient très rapidement, avant de repartir vers le large.

- Tout s’est bien déroulé ? demanda-t-il à Orlando qui hocha la tête sans quitter son équipe des yeux. Aliocha n'était pas surpris puisque tout se passait toujours bien pour Orlando et ses hommes. En presque cinq ans de collaboration avec Aliocha, jamais son équipage n’avait essuyé le moindre échec.

- Bien.

Il se détourna ensuite pour se diriger vers un camion un peu particulier. Le chauffeur ouvrit les portes. Au fond du camion trônaient quelques bouteilles d'alcool parfaitement conservées. Le russe avait du mal à comprendre ce que la prohibition avait apporté aux no-majs, si ce n'est rendre service aux trafiquants en faisant grimper leurs affaires. Aliocha n'allait donc pas s'en plaindre car il se remplissait en partie les poches grâce aux moldus qui payaient le prix fort pour se ravitailler en alcool.

Ce n'était pas la seule chose que contenait ce camion : quelques femmes affaiblies ayant payé une fortune pour passer en Amérique se trouvaient également à l'intérieur. Elles ne pouvaient plus rembourser leurs dettes et le paieraient avec leur corps. Il les examina avec attention. Certaines étaient plutôt jolies, malgré la peur qui les faisaient grimacer.

Soudain, l'une d'elles se jeta sur le russe et l'attrapa par le col de son manteau. Elle prononçait des mots en espagnol, qu'Aliocha ne comprenait pas mais en saisissait tout de même le sens : elle le suppliait de la laisser partir. Il la regarda avec mépris et posa son index sur son épaule. Une décharge partit et elle fut violemment propulsée à l'arrière du camion. La jeune femme se heurta à une autre fugitive qui émit un cri de douleur. Des pleurs se firent alors entendre. Tss. Le chauffeur referma ensuite les portes afin d'éviter qu'une autre femme ne tente de fuir et pour étouffer les bruits.

Aliocha s'éloigna ensuite du camion, avant de se figer. Ses sens en alerte, il lui semblait qu'un invité non désiré se trouvait actuellement ici. Visiblement, les personnes chargées de surveiller les alentours du port clandestin n'avait pas bien fait leur boulot.

Estimant qu'on n'était jamais mieux servi que par soi-même, Aliocha prit son apparence de panthère noire et commença à explorer le port. Il flaira les alentours et ne mit pas longtemps à retrouver la trace de l'inconnu. Il grogna et s'avança lentement, prêt à planter ses crocs dans la gorge de l'individu qui n'avait absolument rien à faire ici. Cela faisait longtemps que l'animagus ne s'était pas amusé, et il avait soif de sang. Coincée dans le coin d’un vieux bâtiment, une jeune femme le regardait. Il ne mit pas longtemps à la reconnaître.

- Merde alors, ne serait-ce pas cette charmante Eleanora ?

Il avait eu vent de sa libération de prison. Elle avait immédiatement repris du service et faisait du bon boulot d'après les rumeurs. On lui avait raconté pas mal de choses sur son compte, et si elle était aussi douée que ses clients et partenaires le disaient, il avait hâte de refaire affaire avec elle. Avant son incarcération, il lui avait confié pas mal de contrats qu'elle avait su honorer. Cependant, il avait été très déçu lorsqu'on lui avait rapporté qu'elle s'était faite coffrer. Cet épisode avait fait baisser l'estime qu'il avait eu pour elle, mais son évasion surprenante l'incitait à penser qu'il pourrait potentiellement lui faire de nouveau confiance. Il se ferait un avis définitif une fois qu'il lui aurait parlé.

Pour l'heure, il était simplement étonné de la voir dans un tel endroit. Elle ne représentait pas un danger, aussi reprit-il sa forme originelle et ordonna aux hommes qui l'avaient suivis de ranger les baguettes pointées vers elle.

- Qu'est-ce que tu fous là ?

Apparemment, elle ne se trouvait pas ici par hasard. Ce n’était pas vraiment le bon moment pour discuter, d’autant plus qu’il était en plein travail. Enfin, maintenant qu’elle était là, autant savoir ce qui l’amenait. En revanche, le fait qu'elle sache qu'elle pouvait le trouver ici cette nuit était assez étrange... et problématique.

- Et visiblement on t’a bien informé. répondit-il en soupirant, bien incapable pour le moment de savoir qui était le responsable.

Le transfert de ce soir était connu de ses hommes et de ceux d’Orlando. Autrement dit, l’un d’entre eux n'avait pas tenu sa langue et était allé parler de l'opération de ce soir à une personne qui n'était pas censée être au courant. Il ne savait pas encore lequel était responsable mais ça ne saurait tarder. Et lorsqu’il aurait mis la main sur ce connard, il lui ferait passer un sale quart d’heure. Aliocha était un sorcier impulsif et la moindre bavure, même minime, n’était jamais prise à la légère.

- Pourquoi tu me cherchais ? demanda-t-il, bien qu’il eût déjà une petite idée en tête.

Jamais cette femme ne serait venue le voir simplement pour discuter tranquillement. Il n’avait pas spécialement d'affection pour Eleanora. Avoir une femme comme amie ne pouvait que lui attirer des ennuis et il était persuadé que les femmes étaient des créatures fourbes qui pouvaient lui planter un couteau dans le dos. Alors oui, Aliocha était extrêmement mal placé pour parler de traîtrise mais tout ce qui touchait à sa petite personne était une affaire à part. Lui pouvait très bien se conduire comme une parfaite ordure si cela lui chantait.

Bref, elle était sûrement là pour un contrat. Et des contrats, Aliocha en avait des tas à lui proposer, mais pas certain qu’elle se montre à la hauteur. Mieux valait laisser les grosses affaires à l’un de ses hommes, il risquait d’être moins déçu du résultat. La mission qu'il lui confierait serait l'occasion de la juger.

Il allait donc de nouveau parler affaire avec Eleanora. Sa présence sur le port n’étant pas essentielle pour la suite des opérations, il pouvait très bien laisser l'un de ses hommes gérer la suite du transfert.

- Elijah, je compte sur toi pour terminer le boulot ici. Je vais devoir m'absenter.

Elijah était son fidèle chien, celui qui ne le trahirait jamais. Envers lui, il pouvait avoir confiance. Envers quiconque d’autres, c’était moins évident. Il se tourna vers Eleanora et lui dit :

- Je connais un endroit où on pourra discuter sans se faire emmerder.

N’importe qui de sensé refuserait catégoriquement d’avoir à travailler pour le compte d’un sorcier comme Aliocha. Ce n’était pas le cas d’Eleanora. Il faut dire que le russe payait bien.

- Prête ?

Il lui empoigna le bras, sur le point de transplaner.

Elle jouait les provocatrices. Venant d'Eleanora, cela n'avait rien de surprenant mais c'était une attitude qu’Aliocha détestait. Cependant, il n’avait pas l’intention de se montrer agressif. Pas ce soir. Non, en cette soirée où ses affaires se portaient à merveille, il avait bien envie de s’amuser. Une fois qu’Eleanora lui affirma qu’elle était prête, les deux sorciers transplanèrent.


Le meilleur moyen pour le russe de ne pas se faire emmerder par les Aurors était de se rendre dans un endroit qu’il possédait. Aussi décida-t-il d’emmener Eleanora à son casino Le Royal. Il ignorait si la brune appréciait les jeux d’argent mais il s’en moquait pas mal, elle devrait le suivre si elle voulait repartir avec un contrat.

D’un pas très assuré, le sorcier pénétra dans le casino sans saluer le portier ni le barman. Ils baissèrent les yeux à son passage. Le russe les possédait, pouvait les faire renvoyer à tout moment. Il leur faisait peur. A sa montre, il pouvait lire qu’il n’était pas loin de 1 heure. L’heure parfaite pour boire et claquer de l’argent au Black Jack. Le monde du casino est intemporel ; il y fait toujours jour, quiconque de non initié y perd la notion du temps. Ce sont des proies faciles, reconnaissables aisément pour un sorcier comme Aliocha.

De sa main, il intima au barman de lui tendre son verre. Il n’avait pas eu à ouvrir la bouche, le barman savait ce qu’il commandait. Cependant, il n’allait pas se montrer égoïste et demanda un deuxième verre pour sa potentielle future employée. Une fois les deux sorciers servis, Aliocha leva son verre en disant :

- Nous n’avons qu’à trinquer à ta libération, Zdorov'ye !

Il vida son verre d'une traite et se resservit un shot de vodka. L'alcool lui procura une délicieuse sensation de chaleur dans la gorge. Il s'affaissa confortablement sur sa chaise et regarda son interlocutrice en souriant.

- T’as de la veine. En ce moment j’ai pas mal de contrats.

Évidemment, ils n’étaient pas simplement ici pour boire en l'honneur de la sortie d'Eleanora, mais bien pour parler affaires. Il lui fallait tout de même la mettre en garde sur certaines choses. Aliocha était un sorcier très pointilleux sur les personnes qu’il engageait et même si c'était une sorcière expérimentée, la méfiance était de mise à cause de son passage par la case prison. Il ne lui ferait aucun cadeau et il espérait qu’elle lui prouve qu’elle était encore capable de refroidir n’importe qui.

- Mais je dois t'avouer que ma confiance envers toi a baissé depuis ton petit séjour derrière les barreaux. Avant ça, j'étais plutôt content de tes services : t'étais une bonne tueuse, tu ne posais pas de question et tu t'en sortais toujours... Et puis on m'apprend que tu t'es faite coffrer par les Aurors. J'étais sérieusement étonné qu'une femme comme toi se fasse avoir.

Ceci dit, il avait peut-être placé trop d’espoir dans la gent féminine. La première fois qu’il avait engagé Eleanora, il voulait simplement tester ses capacités, voir si elle était capable de se salir les mains et d’accomplir les boulots qu'il lui confierait sans sourciller. Le russe avait agréablement été surpris puisqu'elle s’était montrée efficace, ce qui l’avait poussé à l’engager régulièrement. Grande avait été sa déception d'apprendre qu'une aussi bonne employée ait fini par se faire avoir par le MACUSA.

- Enfin, t'as réussi à t'échapper, ce qui prouve que t'es pas si mauvaise que ça finalement.

Évidemment, s’il la considérait vraiment comme une incapable, jamais il n’aurait pris la peine de la conduire dans cet endroit pour lui proposer un travail, ce qu’elle devait parfaitement avoir compris.

- Alors je suis prêt à te donner une nouvelle chance. La plupart de mes associés m'ont rapportés tes récentes "prouesses" et apparemment tu fais du bon boulot.

Serait-elle à la hauteur ? Il n’en savait foutre rien pour le moment.