Un morceau de liberté n'est pas la liberté [pv Credence <333]

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lle prit une grande inspiration et se sentit aussitôt saisie d'une immense vague de satisfaction teintée d'une angoisse plus prégnante encore. A tout instant, elle s'attendant à entendre le pas de Skender dans son dos, sa voix douceureuse et terrifiante à son oreille. Mais il n'y avait rien, juste le murmure d'un vent glacé d'hiver. Elle avait réussi. Pour combien de temps, c'était la question. A chaque fois qu'elle réussissait, miraculeusement, l'une de ses évasions du cirque Arcanus, elle songeait que ce n'était qu'un bref répit. Parce que, jusqu'alors, on l'avait toujours retrouvée, elle ne s'était jamais échappée pour de bon. Et maintenant, une grande question se posait : où aller ? La nuit était tombé depuis bien longtemps, elle avait attendu que l'entièreté du cirque soit endormie pour se faufiler, sous son apparence reptilienne, à l'extérieur de l'immense structure magique et attendu de s'être suffisamment éloignée pour reprendre son apparence normale. Et maintenant ? Maintenant, elle ne savait pas. Il était tard, elle était seule, dans une ville où elle ne connaissait personne... Oui, cela faisait un mois que le cirque était installé à New York, mais elle n'avait pas eu la moindre occasion d'en voir ne serait-ce que les monuments les plus significatifs. Même s'ils sillonnaient le monde sans cesse, ils n'étaient pas là en touriste, et personne au sein de la troupe, y compris Skender - il fallait lui accorder cela, ce serait bien la seule qualité que Nagini lui accorderait, d'ailleurs - ne prenait jamais de vacances.

Elle était à la fois tétanisée et exaltée. Son regard courait à droite, à gauche... incapable qu'elle était de savoir quelle serait sa prochaine destination. Elle voulait partir le plus loin possible, c'était tout ce qu'elle savait... Fuir... ne pas se retourner. Cela faisait plusieurs heures qu'elle progressait de la sorte. Elle voudrait en cet instant comme ces sorciers qui savaient transplaner sans aucun souci. Mais Nagini, elle, n'avait jamais appris. C'était à peine d'ailleurs, si elle savait se servir d'une baguette magique. Alors elle marcherait. Elle prendrait un bateau, le premier venu, elle s'éloignerait, elle partirait, elle disparaîtrait... trouver un endroit, qui sait, où la bête s'épanouirait... Perdue dans ces réflexions, elle avançait, elle errait, les bras croisés sur sa poitrine, tentant d'échapper au frond mordant qu'elle ne pouvait que ressentir, simplement vêtue qu'elle était de sa tenue de scène, elle qui ne possédait pas la moindre tenue "civile" (à quoi bon ? lui ferait remarquer Skender), quand elle apperçut une silhouette, au loin... Evénement familier  New York, certes, mais pas à cette heure-ci. Elle n'avait pas croisé âme qui vive, jusqu'alors. Nagini hésita. Poursuivre son chemin ou l'aborder. Pour savoir où aller, peut-être faudrait-il au moins qu'elle sache où elle se trouvait.

-Excusez-moi... Je crois que je me suis perdue..., osa-t-elle articuler.

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agini observa plus attentivement le jeune homme qui acceptait de lui adresser la parole. Ils ne devaient pas être très éloignés en âge, tous les deux, ce qui avait tendance - peut-être à tort - de la mettre un peu en confiance. Et il semblait.. terriblement timide... Elle s'en voudrait presque de l'avoir dérangé alors qu'il était assez évident que cette conversation le mettait mal à l'aise. Sa voix était faible. Il baissait les yeux. Il bredouillait... Ce garçon inspirait presque instinctivement l'empathie, l'envie de le protéger. De quoi ? Aucune idée, mais quelque chose lui donnait le sentiment qu'il était... brisé... un peu comme elle, en fin de compte. Oui, elle s'en voulait, quelque part, de l'avoir dérangé, mais d'un autre côté, elle avait le sentiment que le moindre geste de sympathie, la moindre attention, aurait du moins le mérite d'ensoleiller un peu sa journée... ou tout du moins sa vie. Finalement, quelques secondes, il daigna lever le regard, ce qui encourageait la jeune femme, même si, quand il prit la parole, elle réalisa qu'elle n'avait pas vraiment de réponse précise à lui donner.

-Je ne sais pas... le plus loin possible, répondit-elle alors, très honnêtement.

Elle se rendait compte qu'elle allait sans doute passer pour une folle, avec sa tenue de scène un peu trop voyante et son discours incohérent, mais c'était la vérité, elle ne voulait pas atteindre de destination particulière, elle voulait juste fuir, fuir aussi loin que ses pas (ou son ventre) seraient susceptibles de la porter. Elle se demandait si ce n'était pas une chose que son interlocuteur serait capable de comprendre. Lui-même ne semblait pas à sa place, et ça se voyait. Peut-être avait-elle trop envie de se reconnaître en lui, ou en n'importe qui qui saurait lui donner le sentiment d'être un peu moins seule, d'être mieux comprise. Parce qu'elle savait que sa fugue n'était pas seulement risquée... mais promettait aussi d'être solitaire. Dans tous les cas, c'était dit, et elle savait que ça ne signifiait pas grand-chose. Fuir le plus loin possible, d'accord, mais de quoi ? Elle trouverait libérateur de raconter son histoire. Mais évidemment, elle ne pouvait rien en faire... Mais peut-être au moins grapiller un soupçon d'information.. Le simple fait de converser avec une autre personne, qui lui semblait d'apparence bienveillante, était un peu de liberté obtenue.

-Où est-ce qu'on est ? demanda-t-elle alors, tout en jetant un oeil autour d'elle, sans savoir si la réponse de son interlocuteur lui parlerait en aucune manière.

Le regard circulaire qu'elle jetait tout autour d'elle ne l'aidait pas le moins du monde, il n'y avait aucun point de repère, rien de familier qui sache l'aiguiller. En même temps, même les points de repère les plius connus ne lui seraient en rien familiers.

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taten Island... Bon, elle s'en doutait, savoir cela ne l'aidait pas davantage à savoir où elle se trouvait... Elle avait changé de district, c'était sûrement.. une bonne chose... elle s'était donc éloignée de Skender et du cirque. Malheureusement, dans son cas, ça ne voulait pas dire grand-chose. Skender, contrairement à elle, avait le don de transplaner, pour peu qu'il comprenne où elle était, il la retrouverait en un claquement de doigts. Mais elle n'avait pas envie de penser ni au cirque, ni à Skender, en cet instant, elle s'intéressait bien davantage au jeune homme qui lui faisait face et avec lequel, sans rien savoir de lui pourtant, elle ressentait comme... une sorte de connivence... Il n'allait pas pouvoir l'aider à savoir où elle était précisément, enfin si, sauf qu'elle ne savait pas ce que ça signifiait, mais peut-être qu'il l'aiderait d'une autre manière... peut-être que c'était elle, qui devait l'aider. Elle sentait luir dans son regard une sorte de détresse qui lui donnait le sentiment de n'être pas réellement celle des deux qui méritait qu'on lui tende la main, qui en avait le plus grand besoin, même. Elle esquissa un fin sourire quand le jeune homme précisa qu'ils étaient à New York... elle devait vraiment avoir l'air égaré, pour qu'il suggère qu'elle ne sache pas dans quelle ville elle se trouvait.

-Je sais, répondit-elle dans ce même fin sourire. Enfin. Qu'on est à New York, je veux dire, ajouta-t-elle un peu maladroitement, de crainte de passer pour une folle... ce qu'elle resterait peut-être à ses yeux... Je... Elle ne savait pas vraiment quoi dire, la logique voudrait qu'elle passe sa route, qu'elle progresse dans sa fuite, ça et rien d'autre. Mais elle n'avait pas envie de partir, ni laisser le jeune homme dans la seconde. Je m'appelle Nagini, décida-t-elle donc de se présenter.

C'était un début, et un nom, ce n'est pas grand-chose, mais la jeune femme espérait qu'ainsi, son interlocuteur se présenterait à son tour et, qui sait, peut-être parviendraient-ils à échanger une véritable conversation... Bien sûr, il faudrait passer outre leurs tempéraments respectifs, à l'un comme à l'autre, mais dans tous les cas, Nagini ne voulait pas partir d'ici tant qu'elle n'en saurait pas plus sur ce jeune homme. Elle avait besoin de se conforter dans ses impressions, ou de réaliser qu'elle avait tort. Elle avait au moins besoin de comprendre à qui elle avait affaire. Elle avait le sentiment, pour la première fois depuis très longtemps, que l'on plaçait sur son chemin une personne bienveillante, et qui elle aussi avait besoin de bienveillance. Et elle avait besoin de découvrir si cette impression n'était qu'une impression, ou si elle avait un réel fondement.

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agini afficha une très légère esquisse de sourire quand son interlocuteur se présenta à son tour. Cela ne servirait sans doute pas à grand-chose, voilà longtemps que l'horizon de la maledictus se résumais au cirque Arcanus et à ses curiosités qu'on observait avec un mélange d'horreur et de fascination avant de rentrer tranquillement chez soi... Même si elle était parvenue à s'échapper, elle savait, au fond, qu'elle y reviendrait bien vite, et si dans ce laps de temps, elle avait fait la connaissance de ce garçon singulier dans lequel elle se reconnaissait si aisément... cela ne voulait rien dire du tout. Malgré tout, elle appréciait de savoir comment s'appelait son interlocuteur au nom aussi étrange que son attitude (et c'était la fille qui s'appelait Nagini qui disait ça, oui on est bien d'accord)... Elle n'aurait su quoi dire de plus. Elle n'avait pas vraiment envie de poursuivre sa route vers elle ne savait où... elle avait le sentiment qu'elle devait rester ici... mais en même temps, elle voulait sans doute aussi donner du sens à une conversation qui n'en avait sans doute aucune, parce qu'elle cherchait depuis beaucoup trop longtemps quelqu'un en qui se refléter et se découvrir, pour être finalement comprise... Elle ne voyait peut-être en Credence que ce qu'elle avait envie d'y lire, mais cela ne l'empêcha pas d'apprécier sa question. Elle hocha doucement la tête.

-C'est une longue histoire... et un peu compliquée...

Comment parler de tout cela à ce garçon, qui était très certainement un no-maj ? Elle ne le pouvait évidemment pas, et ce n'était pas faute de le vouloir, pourtant, elle voudrait lui parler de sa malédiction, de Skender, du cirque, de son quotidien... mais outre le fait que ce ne sont pas le genre de chose que l'on est supposé confier à des inconnus, elle ne pouvait tout simplement pas lui dire quoi que ce soit, et pour quoi faire, de toute façon ? Peut-être qu'il comprendrait, elle avait envie de penser qu'il comprendrait, mais rien ne l'affirmait, rien ne le promettait.

-Très compliquée, en fait, précisa-t-elle d'une voix légèrement tremblante. L'adrénaline lui avait un peu fait oublier le froid de l'hiver, qui ne pouvait que la mordre dans une telle tenue, mais à présent qu'elle était un peu plus statique, le vent glacé de décembre la rappelait à l'ordre.

Elle songeait qu'une telle réponse inviterait sans doute seulement son interlocuteur à passer sa route et à ne pas vouloir en savoir davantage... A juste titre, puisqu'elle ne pouvait rien dire, mais elle ne savait que se reprocher intérieurement de ne pas en dire davantage. Comme si elle gâchait la seule opportunité qu'elle aurait jamais de se confier. Avant que les circonstances ne l'enferment à tout jamais dans un impossible mutisme.

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importe qui d'autre ou presque à la place de Credence aurait certainement exigé plus d'explications, aurait quémandé plus de détails sur sa situation, aurait voulu en apprendre davantage sur cette longue et complexe histoire qui la poussait à fuir allez savoir quoi pour se rendre allez savoir où... mais Credence, lui, ne demandait rien. Au fond, elle sentait qu'il en avait envie, mais il ne posait aucune question, et pour cela, elle lui était reconnaissante. Rien que pour cette raison, elle serait tentée de répondre aux questions qu'il ne lui posait pas, mais tout ne dépendait pas d'elle, malheureusement, et il valait sans doute mieux qu'elle laisse couler... Dans tous les cas, ce qui valait le mieux était tout de même assez évident. Elle devrait partir, prendre plus de distance qu'elle n'avait déjà su en instaurer avec Skender et les employés du cirque susceptibles de la retrouver... Elle devrait partir sans demander son reste, laisser son interlocuteur à ses propres démons et à sa propre solitude... mais à la place, elle ne bougeait pas, même toute transie de froid qu'elle était, et visiblement, ce n'était pas passé aperçu.

-Merci, souffla-t-elle avec un léger sourire quand Credence, à sa manière attendrissante et maladroite, lui proposa son manteau, qu'elle daigna enfiler, en dépit de l'étrangeté de la situation. Elle devrait refuser, mais à dire vrai, l'épaisseur de la veste lui faisait du bien et atténuait un rien ses tremblements... quand bien même c'est Credence qui risquait d'avoir froid, pour la peine, à ce stade. Bon... Elle allait juste en profiter pour se réchauffer, rien qu'un tout petit peu, et elle la lui rendrait, voilà tout. D'où est-ce que tu viens ? demanda-t-elle après un moment.

Elle avait abandonné le vouvoiement.. Elle trouvait cela trop... impersonnel. Par conséquent sans doute approprié à la situation, certes, mais Credence lui était trop... familier... pour qu'elle puisse se cantonner à cette formule... Elle avait envie de comprendre qui était ce garçon, et pourquoi il lui donnait le sentiment d'être son exact reflet... Par la force des choses, Nagini croyait au destin. Difficile de faire autrement quand on savait d'avance à quoi l'on serait un jour condamné, et ce jusqu'à la fin de son existence. Alors elle se demandait si ce n'était pas ce même destin, pour des raisons peut-être moins funestes, qui l'avait placée sur la route de ce garçon... Peut-être pas, en fin de compte, une fois encore, l'on aspire parfois tant et tant à certaines choses qu'on serait capable de les voir n'importe où. Mais ça ne l'empêcherait pas d'essayer d'en avoir le coeur net : même si elle n'avait pas été prolixe sur sa propre histoire, et même si Credence lui semblait réservé au possible, elle se disait qu'il saurait peut-être se montrer plus... consistant qu'elle au moment de parler de lui.

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e quartier de Manhattan... une information qui n'apprenait pas grand-chose à Nagini, et pour cause, elle était, une fois de plus, loin de connaître New York comme sa poche... Elle savait, de nom, ce qu'était Manhattan, peut-être même avait-elle traversé le quartier au cours de son errance du soir... ce n'était pas vraiment, dans tous les cas, la réponse qu'elle attendait de la part de Credence, même si elle serait bien incapable d'exprimer précisément ce qu'elle attendait de lui. Elle avait envie de mieux le connaître, de mieux le comprendre... même si, justement, elle avait quelque part le sentiment de le comprendre sans pourtant rien connaître de lui, ou si peu. Il précisa que c'était là qu'il vivait, avec sa famille adoptive. Ainsi, le garçon était orphelin, comme elle... Elle n'aurait évidemment pas pu le deviner, mais pour autant, elle était incapable de se sentir surprise par cette information... Cela était loin de tout justifier, mais elle avait le sentiment qu'elle commençait à mettre le doigt sur ce qui les rapprochait de la sorte. Et elle en eut la confirmation quand le jeune homme précisa qu'il ne savait pas vraiment, à la vérité, d'où il venait exactement. Sans doute entendait-il par là qu'il n'avait jamais connu ses parents, qu'il ignorait tout de ses origines... et là-dessus, c'était évident qu'elle était parfaitement capable de se mettre à sa place... et elle appréciait la confiance qu'il plaçait en elle. Il se doutait que ce n'était pas le genre de paroles qu'il adressait à tout le monde, loin de là.

-Je comprends, répondit-elle doucement avec aux lèvres un fin sourire qui se voulait encourageant. C'est pareil pour moi.

Elle n'avait jamais connu ses parents. Des raisons de son abandon, elle n'avait que des suppositions. Ses parents, en découvrant qu'elle était une fille, avaient sans doute préféré renoncer à la garder plutôt que de la voir doucement se changer en monstre... Elle n'avait jamais cherché à les retrouver, même s'il n'était pas rare qu'elle s'interroge à leur sujet. Sa mère ne devait plus avoir figure humaine à l'heure actuelle, et elle serait incapable de soutenir le regard d'un père qui avait tout perdu. Elle était une anomalie, elle avait appris à vivre comme tel. Cela ne signifiait pas qu'elle s'en satisfaisait, sans quoi elle ne fuguerait pas le cirque en cet instant précis, mais elle n'envisageait pas réellement d'autre possibilité.

-Ta famille, elle prend bien soin de toi ? demanda-t-elle, soucieuse.

Elle n'avait pas envie de faire de plans sur la comète, ce n'était pas parce qu'il lui donnait le sentiment d'aller mal que cela signifiait forcément que sa famille le traitait mal. Mais dans tous les cas, elle tenait à s'en assurer.

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ompliqué... un mot que Nagini avait elle-même employé pour parler de sa situation quelques instants plus tôt. La jeune femme comprenait que son interlocuteur n'ait pas envie de s'exprimer sur sa propre situation, parce qu'elle-même était restée secrète concernant la sienne, et qu'elle devinait dans tous les cas que le jeune homme avait dû prendre pour habitude de tout garder pour lui et de ne jamais se confier à personne (comme c'était son cas à elle aussi)... Mais sa réponse, de fait, était plutôt inquiétante malgré tout, car elle devinait que si sa famille devait réellement se soucier de lui ou bien le traiter, il n'y aurait pas de "c'est compliqué" qui tienne. Elle fuyait ces complications, lui semblait vouloir se contraindre à y retourner, mais au fond, elle le devinait : il rêvait de fuir autant qu'elle. Elle afficha une très légère esquisse de sourire. Elle tenait à en apprendre plus sur Credence, à le comprendre au-delà de ce qu'elle devinait déjà de lui, et pour cela, elle comprenait que le mieux qu'elle puisse faire était de se dévoiler... dans la limite de ce qu'elle avait le droit de dire ou de faire, évidemment. Elle poussa un léger soupir avant de prendre la parole.

-C'est un cirque... l'endroit que j'essaie de fuir... Quand mes parents m'ont abandonnée, personne n'a voulu de... du monstre qu'elle était, mais c'était une partie de l'histoire, bien qu'essentielle, qu'elle ne pouvait malheureusement pas partager avec son interlocuteur, qu'elle n'imaginait pas conscient d'un monde auquel on l'avait pourtant forcé à se familiariser dès son plus jeune âge. Ils m'ont recueillie... mais je ne supporte plus de vivre comme ça. En fait, j'ai jamais supporté ça...

C'était si peu, déjà, et elle voudrait tant en dire davantage... Mais puisqu'elle ne pouvait pas se le permettre, elle se contentait de ce trop peu, à contrecoeur. Elle n'avait jamais été friande de ces grands discours sur sa propre vie, même si Skender se permettait d'en répéter le récit avant chacune de ses transformations, face à tout un public. A lui, pourtant, elle était convaincue qu'elle pourrait parler de sa malédiction, et qu'il saurait la comprendre, mais c'était trop brutal, elle ne pouvait tout bonnement pas se le permettre. Elle se disait néanmoins qu'en lui délivrant ne serait-ce qu'une partie de son histoire, il serait à même de se sentir plus en confiance et de lui parler à son tour. Ce qu'ils gardaient en eux au point de s'en rendre presque fous, quelqu'un était peut-être enfin capable de l'entendre, ils ne pouvaient pas passer à côté de cela, c'était tout simplement impossible. Ou elle avait le sentiment que ça l'était, du moins, même si tout cela ne reposait que sur une pure intuition.

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amais Nagini n'aurait contraint Credence à la confidence si ce dernier avait dû estimer ne rien vouloir lui dire (ce qui était compréhensible - après tout, même si elle avait le sentiment de le connaître, peut-être parce qu'elle se reconnaissait en lui, ils faisaient à peine connaissance, elle était seulement une étrangère, et elle pourrait tout à fait lui vouloir du mal), mais il osa s'exprimer, et elle éprouva un certain soulagement à l'idée qu'il le fasse, surtout parce qu'elle estimait que son interlocuteur avait besoin qu'on l'entende, et qu'elle serait peut-être la première à le faire depuis une éternité. Ce n'est pas pour autant qu'elle serait capable d'être à la hauteur de ses confidences, mais elle comptait tout de même faire tout son possible pour l'encourager et le soutenir... parce que le jeune homme qu'elle avait sous les yeux paraissait en avoir cruellement besoin... et elle ne pensait pas que quiconque lui ait jamais accordé l'attention qu'il méritait. Encore que de ce point de vue, elle se leurrait complètement... la différence résidait dans le fait que Nagini n'avait que de bonnes intentions envers son interlocuteur... Il lui inspirait toute la bienveillance du monde et l'envie de le soutenir quoi qu'il lui en coûte.

Elle sentit son coeur se serrer en entendant son interlocuteur lui apprendre que sa mère, sa mère adoptive donc, le battait. De tels sévices étaient dans tous les cas intolérables, c'est certain, mais elle estimait que c'était pire encore quand cela venait d'une figure qui devrait incarner la confiance et la douceur... et perdait le cap en cours de route. Elle aussi avait subi ce genre de supplices, on ne pouvait pas dire que Skender ménageait ses coups quand il décidait qu'elle ne filait pas droit, et elle en prendrait certainement pour son grade s'il la retrouvait d'ailleurs... Alors elle comprenait à présent que si Credence ne fuyait pas, il devait le désirer malgré tout... pour des raisons évidentes.

-Je suis désolée..., répondit-elle tout en sachant pertinemment que ces mots ne seraient d'aucun recours à Credence quoi qu'il en soit, et qu'il lui en faudrait bien davantage pour se remettre de sa situation... Une situation qui lui échapperait forcément. Elle marqua une légère pause, hésita... C'était insensé, mais. Pars avec moi.

Où ? Comment ? Elle n'avait la réponse à aucune de ces questions, d'autant plus que la jeune femme n'avait absolument rien prévu sur le long terme pour elle-même. Sans oublier qu'ils se connaissaient bien trop peu. Mais il avait besoin d'aide, ils souffraient tous deux de la même détresse... peut-être qu'ils pourraient réussir à se soutenir mutuellement ? Ou peut-être que ce n'était qu'une mauvaise idée qui devait s'ajouter à la liste de tous les autres.

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agini savait pertinemment que sa proposition était totalement folle, et que son interlocutrice n'avait pas la moindre raison de l'accepter... n'importe qui de sensé refuserait, après tout. Le jeune homme ne la connaissait pas, il ne savait rien d'elle en dehors des quelques informations qu'elle lui avait données, et qui n'avaient pas forcément de quoi la rassurer : elle était échappée d'un cirque, elle n'avait pas la moindre idée d'où se rendre, pourquoi la suivrait-il ? Pourquoi lui ferait-il confiance ? Pourtant, la jeune femme avait vraiment espéré qu'il dirait oui... Maintenant... maintenant, elle ne se sentait pas capable de fuir seule de son côté s'il ne partait pas avec elle. Il n'était pas indispensable à ses errances, non, mais elle était incapable de l'abandonner... Mais il ne la suivrait pas.

Ou plus exactement, il ne le pouvait pas. Réponse naturelle. Après tout, elle-même n'était pas forcément sereine à cette idée, elle savait ce que Skender ferait d'elle si elle était retrouvée... tout comme la mère de Credence lui en ferait baver en le revoyant. C'était une réponse logique, c'était une réponse sûre, elle ne pouvait pas le lui reprocher. Ce qui ne l'empêcha pas de sentir son coeur se serrer et une boule en travers de sa gorge. Il allait partir, et elle, elle voyait peut-être disparaître la seule occasion qu'elle aurait jamais d'être comprise. Pas qu'elle soit certaine d'où lui venait cette impression, une fois encore, mais elle avait voulu écouter son instinct... et maintenant, elle devait le retenir d'obliger Credence à la suivre.

-D'accord, souffla-t-elle, évidemment déçue. Elle hésita un instant... retira finalement le manteau que le jeune homme lui avait aimablement prêté et le lui tendit. Au croisement entre Middlemary et Greenway, il y a une petite placette avec une statue en pierre. Demande-lui de voir Skender. Elle te mènera à moi. Si jamais... tu changes d'avis.

Elle savait que son propos allait paraître hautement incohérent à son interlocuteur, alors qu'elle lui demandait ni plus ni moins de parler à une statue. Qui plus est, elle n'était pas convaincue que cela fonctionne avec les non-sorciers... Mais tant pis, elle ne voulait pas perdre totalement la trace de Credence, et elle voulait qu'il sache pouvoir la retrouver en cas de besoin... Ce qui signifiait aussi qu'elle devait retrouver le cirque... Mais elle l'acceptait. Elle était convaincue qu'on l'aurait vite retrouvée dans tous les cas. Elle n'avait eu aucune idée d'où aller, aucun but à poursuivre vraiment. Maintenant, c'était différent. Elle savait ce qu'elle devait faire : elle devait protéger Credence. Ce n'était peut-être pas son rôle, mais peu importe, elle se l'assignait.

-Fais attention à toi, d'accord ?

Mais qu'il le fasse ou non, il ne pouvait pas rester dans sa situation.

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