Ne négliger aucune piste (Phineas)

Même si la situation était tout sauf idéale (c'est rien de le dire) et que Newt avait constamment le sentiment d'être épié, suivi, observé... ce qui n'était sûrement pas qu'une impression, au passage, Newt devait tout de même reconnaître qu'il y avait un avantage (peut-être le seul) à la situation telle qu'elle avait tourné. Il pouvait à présent se promener au grand jour dans les rues de New York sans craindre d'être cerné à tout instant par les Aurors du MACUSA et de se retrouver une fois de plus en cellule dans l'attente de l'un des sorts les moins enviables que l'on puisse imaginer.

Et cela lui facilitait grandement la tâche pour ce qui était de ses recherches. Puisque Dougall, encore et toujours lui, ainsi que l'un de ses occamys (ce qu'il avait compris sur le tard suite à un mauvais décompte) étaient toujours aux abonnés absents. Plus le temps passait, plus il savait que ses chances de les retrouver étaient minces, mais il n'avait pas renoncé pour autant... Qu'avait-il de mieux ou de plus important à faire quoi qu'il en soit ? Cet aspect de sa situation était peut-être le seul sur lequel il avait une prise réel.

Ce matin, c'était seul qu'il avait poursuivi les différentes pistes à sa disposition (dont beaucoup lui avaient été communiquées par Tina), Tina ne pouvait le rejoindre pour des raisons compréhensibles : les Aurors du MACUSA et leurs effectifs diminués avaient énormément à faire pour juguler une crise en expansion depuis la révélation de Gellert Grindelwald.

Et Newt, pourtant grand solitaire dans l'âme, réalisait qu'il n'y était plus réellement habitué. Il avait passé tant de semaines entouré de Tina, Jacob et Queenie, il s'était tant habitué à leur présence, qu'il avait quelque peu le sentiment de passer de tout à rien, à vrai dire. Certes, il savait qu'il pouvait toujours compter sur Tina, mais cette pensée lui rappelait également qu'il n'aurait jamais l'occasion de manquer à Jacob, dont l'enthousiasme et la jovialité manquaient beaucoup au magizoologiste. Il aurait aimé qu'il ait l'occasion de faire la connaissance de Dougall, lui qui s'était tant investi aussi à le chercher... Enfin bon.

Il avait fait chou blanc, mais il lui restait un très léger espoir. Il avait appris que l'un de ses contacts en Angleterre, Phineas, se trouvait actuellement à New York. Il s'y connaissait en créatures fantastiques, et l'avait déjà beaucoup aidé par le passé. Peut-être le pourrait-il une fois encore ?

Il lui avait donc donné rendez-vous dans un café de Brooklyn, et le salua avec maladresse quand l'homme s'y présenta.

"Monsieur Black, merci d'être venu."

« Monsieur Scamander, c’est toujours un plaisir »

En réponse, Newt esquissa un léger sourire. Il n'était pas convaincu de pouvoir croire son interlocuteur sur parole, pas parce qu'il estimait ce dernier hypocrite, loin s'en faut, mais parce qu'il avait du mal à considérer que tout rendez-vous avec lui puisse être considéré comme un plaisir alors qu'il ne pensait pas que sa compagnie soit celle que l'on cherche effectivement de prime abord.

Dans tous les cas, il valait mieux qu'il soit effectivement favorable à cette rencontre, car il était donc disposé à lui rendre service, si du moins ce pouvait réellement être possible pour lui, ce qui était donc une excellente chose.

Newt s'apprêtait tout de même à répondre quelque chose à son interlocuteur mais il fut interrompue par la serveuse qui prit leur commande. Le jeune homme commanda un thé, même s'il savait d'expérience que les thés américains n'étaient pas réellement à son goût.

Quand elle revint avec leurs commandes, elle manqua de renverser le contenu d'une des tasses sur Newt, mais ce dernier ne s'en était absolument pas rendu compte, il était trop préoccupé par ce qui serait le sujet de leur conversation pour se soucier réellement du reste.

Il remercia la serveuse d'un ton légèrement absent avant de porter la tasse à ses lèvres afin de prendre une première gorgée de thé et se donner une légère contenance.

"Comme vous devez le savoir, j'ai rencontré quelques... difficultés... avec le gouvernement magique américain."

La nouvelle était connue, et même si Newt n'était plus considéré comme un criminel recherché, il était tout de même assigné au territoire américain et se devait toujours de retrouver ses créatures disparues.

Il aurait pu tourner longuement autour du pot comme certains savaient si bien le faire, mais il n'était pas doué à ce jeu-là, et il ne voyait pas l'intérêt de prétendre qu'il souhaitait juste tailler le bout de gras avec son interlocuteur, alors qu'il lui avait donné rendez-vous pour une raison précise et que son interlocuteur devait s'en douter.

"Je suis à la recherche de quelques-unes de mes créatures qui se sont... malencontreusement échappées."

Son interlocuteur pouvait en tirer les conclusions qui s'imposaient, Newt espérait que Mr. Black aurait à sa disposition des informations qui lui avaient échappé.

« Vos créatures sont facétieuse et ont une fâcheuse tendance à s'échapper, je pense. Combien cette fois sont parties en balade ? »

Newt n'irait pas jusqu'à dire qu'il était systématique de la part de ses créatures que de se faire la malle... mais il est vrai que ce n'était pas une première. Aux yeux de Newt, sa valise était plus à blâmer qu'autre chose. Il était vraiment grand temps qu'il en change. Ou qu'il la répare, ce qui ne serait pas du luxe du tout.

Cela dit, c'était vrai aussi que ses créatures étaient sans doute un peu trop facétieuse... en même temps, on ne pouvait leur reprocher d'avoir besoin de grand air... Newt aurait seulement voulu qu'elles aient la patience d'être relâchées dans leur milieu naturel plutôt que dans un cadre aussi hostile que la ville de New York.

« J'ai cru voir un Billywig dans le parc aujourd'hui... Je crois que les moldus l'ont confondu avec un pivert mais le son qu'il dégageait m'avait ...interpellé. Je crois me souvenir que vous aviez un niffleur particulièrement agile ? »

Oui, plusieurs Billywig avaient disparu... mais les récupérer tiendrait d'un effort magistral, ce n'était pas vraiment la priorité. La priorité, dans tous les cas, c'était Dougall avant toute chose.

"Oui", admit-il avec un fin sourire quand Phineas évoqua le niffleur. "Il faisait partie des créatures évadées, mais j'ai pu le récupérer."

« Les temps sont troubles Monsieur Scamander, j'ai entendu dire que le cirque magique avait fait halte en ville, j'espère qu'ils ne vous ont rien enlevé... Il serait peut-être intéressant d'y faire un tour »

Newt hocha la tête. Il avait pensé exactement la même chose. Et pour cette raison, il avait d'office décidé d'aller faire un tour au cirque Arcanus dès lors qu'il avait su qu'il était installé en ville. Son petit détour par le cirque avait été... édifiant, c'est rien de le dire. Mais il n'y avait trouvé aucune trace de ses créatures.

"J'ai pensé la même chose que vous. Je suis passé au cirque Arcanus. J'y retourne régulièrement."

Surtout parce qu'il cherchait le moyen de sauver les créatures qui restaient à la merci de Skender, dans des conditions misérables. Les relâcher était tentant, mais il avait suffisamment à faire avec ses propres créatures pour ne pas en rajouter une couche.

"Deux créatures manquent à l'appel. Un occamy que je pense réussir à récupérer. Il fait apparemment l'objet d'une vente aux enchères dans les milieux de la pègre. Et Dougall, mon demiguise."

Qui de par sa faculté à se rendre invisible, lui donnait singulièrement du fil à retordre.

« C'est un endroit particulier. Si j'avais jamais été une créature, jamais je n'aurai aimé en faire partie. J'espère que jamais vos protégés n'iront s'y perdre. »

Newt hocha la tête, il serait le dernier à dire le contraire. Il avait découvert, par la force des choses, la manière dont étaient traitées les créatures au sein du cirque Arcanus, et il en avait été totalement horrifié. C'était insupportable, et s'il ne pouvait pas être sur tous les fronts, mais il était incapable de rester indifférent à ce qui se tramait là.

Il pensait à toutes ces créatures... y compris cette maledictus, Nagini, avec laquelle il avait eu l'occasion de parler brièvement, et qui avait refusé sa main tendue, plus par appréhension et par peur, lui semblait-il, que parce qu'elle était satisfaite de son sort. En d'autres circonstances, Newt demanderait l'assistance du MACUSA, même si les restrictions sur les créatures magiques le rendaient réticent à cela. Mais il n'était clairement pas en odeur de sainteté auprès du gouvernement magique américain, c'était le moins que l'on puisse dire.

« De plus... on ne peut pas dire que le propriétaire soit doux en affaire. Il ne laisserait jamais partir une de ses créatures, du moins pas facilement. Même si elles faisaient parties de votre ménagerie au préalable, il n'est pas certain qu'il accepterait de vous les rendre...du moins pas gratuitement »

Newt ne s'était pas adressé à Skender directement, mais il le croyait sur parole, Skender était le genre de personne avec laquelle il fallait marchander... Et il était assez convaincu de ne vouloir faire partie d'aucun marché que pourrait lui proposer ce maître loyal de pacotille. Mais cela attendrait. Dans tous les cas, ses créatures n'étaient pas au cirque... pour le moment du moins.

« La pègre m'est familière, vous avez connaissance du nom du vendeur ? On peut peut-être encore lui éviter la vente aux enchères quant à votre démiguise... cela risque d'être plus compliqué. Vous savez ce qu'il préfère faire ? Un type d'endroit où il pourrait aimer se rendre ? J'imagine qu'il serait vain de penser que vos deux créatures manquantes pourraient se trouver au même endroit ? »

Newt fit doucement non de la tête en réponse à la seconde question de son interlocuteur. C'était ce qu'il avait espéré dans un premier temps, mais il était certain, à présent, que Dougall ne se trouvait pas avec l'occamy nouveau-né. Il ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Concernant l'occamy, au moins, il était sûr qu'il était toujours en vie.

"La vendeuse s'appelle Milla Holloway, je n'en sais pas beaucoup plus."

Et il ne l'avait su que grâce à Dumbledore, qui avait échoué à convaincre la jeune femme de lui rendre sa précieuse créature. Peut-être qu'avec cette seule information, Phineas serait capable de faire quelque chose ? Il en avait le vague espoir.

« Qu'est-ce qu'un demiguise peut désirer ? »

Newt déplorait de l'ignorer... Il ne savait pas ce que Dougall cherchait, ce qui l'avait attiré au dehors. Il avait longtemps étudié cette créature, il connaissait ses goûts, ses dégoûts, ses caractéristiques, ses talents, son caractère. Mais ses désirs, ça...

"Je l'ignore...", admit-il dans un soupir.

« Milla Holloway ? Je vais me renseigner. Je ne peux pas vous promettre de tout arranger mais je vais voir ce que je peux faire. Sinon je pourrai au moins me rendre à la vente aux enchères, j'ai certaines ressources et je pourrai au pire lui éviter de se retrouver en ingrédients pour potions quelque part »

Les propos de Phineas étaient encourageants. Certes, il ne lui promettait pas de remettre la main sur son occamy, mais au moins, il allait faire une nouvelle tentative, et la moindre d'entre elles serait forcément la bienvenue. Voilà trop longtemps que ses créatures s'étaient échappées, en proie à la concupiscence humaine. Celles qu'il n'avait pu récupérer encore étaient sans doute en très mauvaise posture.

Newt n'avait en tout cas aucune confiance en cette Milla Holloway pour ce qui était de prendre le meilleur soin de l'occamy, qu'elle ne considérait de toute évidence que comme une marchandise qui allait lui permettre de profitables bénéfices. Le magizoologiste ne voulait surtout pas que son interlocuteur se ruine pour lui, en revanche. Mais il ne voulait pas passer non plus à côté d'une aide réelle, alors que la situation devenait de plus en plus compliquée pour lui. Il ne pouvait pas du tout se permettre de rejeter les alliés prêts à se ranger honnêtement de son côté.

« Parlez-moi de Dougall votre demiguise. Je connais les caractéristiques générales de cet animal, sa propension à l'invisibilité et à préduire le futur proche, mais j'ignore ce qu'il mange et l'habitat qu'il préfère. Quel est le caractère du vôtre ? Je vous aiderai Newt »

Newt afficha un sourire. Les circonstances actuelles auraient peut-être dû l'inviter à se méfier de tout et de tout le monde, mais c'était, a contrario, tout l'inverse qui se passait. Lui qui était pourtant un solitaire, qui avait bien souvent préféré dépendre de lui-même, s'était découvert des alliés précieux, des amis véritables, en un temps finalement record. Il n'avait jamais été aussi soutenu et entouré que depuis qu'il se trouvait à New York, et il pouvait reconnaître que c'était un sentiment vraiment plaisant.

"Je vous remercie", répondit-il pour commencer, afin de témoigner sa reconnaissance envers cette main tendue, qu'il acceptait avec humilité et respect. "Dougall se nourrit essentiellement de plantes et de graines. J'ai écumé tous les parcs de New York, mais ça a été infructueux." En même temps, même s'il s'y était trouvé... il aurait tout à fait pu ne pas le voir. "Curieusement, il a aussi un penchant prononcé pour les friandises." Ce qui élargissait presque le champ de recherche à toute la ville, en réalité. "Il a toujours été très protecteur avec mes autres créatures. J'ai eu un temps l'espoir de lui-même afin de les retrouver, mais..."