C'est à l'école qu'amitié et savoir naissent | Elizabeth

L

ally entre dans la salle des professeurs tel un coup de vent, sans lever la tête de la liasse de parchemins entre ses mains, ni pour regarder ou elle marchait, ni pour saluer les quelques collègues déjà présents. De manière automatique, portée par l'habitude, elle agite sa baguette pour préparer son café et s'assoit dans son fauteuil habituel. Tout haut, elle commentait les écrits que les élèves venaient de lui remettre à la fin de son dernier cours, râlant ou félicitant à demi-mots les jeunes troisième année, même s'ils n'étaient pas là pour l'entendre.

« Quirinus, passable. Comment peut-il toujours confondre les propriétés du sort de sommeil profond ? Je l'ai répété déjà cent fois... Santiago, les fautes d'orthographe ! Décent, à part ça. Hm, je devrais entamer une leçon bonus sur -oh, Elizabeth, je ne t'ai pas vu ce matin. » Ce qui était normal puisque Lally avait totalement oublié le petit-déjeuner, le sautant pour se rendre directement en cours rédiger le plan de leçon au tableau. Cela lui arrivait, parfois, lorsqu'elle avait la tête trop remplie, que d'oublier de s'alimenter. Une mauvaise habitude mais, qu'y pouvait-elle, Lally Hicks avait des priorités qui n'étaient pas nécessairement partagées par ses pairs.

Elle baisse vite les yeux pour raturer et annoter la copie de Santiago, la couvrant de nombreux petits commentaires, comme à chaque copie qu'elle étudiait toujours avec le même zèle. « Ais-je manqué quoi que ce soit ? » L'on ne savait jamais s'il prenait au directeur de faire des annonces importantes alors que sa concentration était ailleurs. Avec les derniers évènements, la sécurité de l'école avait été rehaussée, et Lally avait- travaillé d'arrache-pied sur les défenses magiques, d'autant plus déterminée que Grindelwald était dans la nature, un électron-libre, dangereux et imprévisible...

Sans le savoir, la savante arborait, depuis le matin même, de larges traces d'encre violette sur la moitié droite de son visage, après avoir fini sa nuit sur une page fraîche d'hypothèses pour son projet de recherche avec Adalbert. Et n'ayant pas eu à l'idée de lever suffisamment longtemps son nez pour regarder son reflet dans le miroir, elle risquait de continuer à faire rire malgré elle les élèves d'Ilvermorny.

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C

e n’était pas pour elle un manque de politesse que d’écouter sans regarder ses interlocuteurs, pas à ses yeux en tout cas. Etre polyvalent était une qualité nécessaire à tout sorcier souhaitant être proactif. Elle pouvait parfaitement relire ses copies tout en échangeant de manière civilisée avec Elizabeth. Il était plus important d'avancer son travail que d'accorder une attention totale à sa collègue, elle avait toujours procédé ainsi : à morgane les formules et manières soit-disant polies si elles n'avaient pas de sens.

D’ailleurs la réponse à sa question lui tire un soupir, ils n’étaient pas prêt d’arrêter d’entendre parler de cette histoire, qui allait sans doute en plus être déformée par le bouche à oreilles… Mais elle ne pouvait pas le reprocher. L'attaque avait fait beaucoup de dégâts et continuerait de faire jaser.

« Si ressasser le passé faisait revenir les morts et permettait d'attraper Grindelwald, tout serait déjà réglé. »Elle n’avait jamais été très au courant des ragots et autres histoires sans importance, n’aimait pas discuter sans fondements. Ce n’était pas ce qui faisait avancer les choses. Alors les ragots lui passaient au-dessus de la tête, quitte à se retrouver parfois la dernière au courant de tout, que ça ait de l'importance ou non.

Elle secoue la tête alors qu’elle rature insensiblement une phrase entière. S’occuper l’esprit, pour ne pas penser à tout ça. A son frère, à Percival, à Grindelwald… Lally s’attendait d’ailleurs à être convoquée par le MACUSA pour être questionnée, vu ses interactions avec l’usurpateur lors des derniers mois. Et elle n’était pas certaine de n’avoir rien à se reprocher… Même si c'était involontaire. Ce qu'elle avait été naïve. « C’est une erreur de débutant enfin, pas de 3ème année. » marmonne-t-elle, et étais-ce seulement pour l’élève ? Pas certain.

Le nez plongé avec concentration dans sa copie, Lally n’aime pas l’idée d’apporter à l’école ses bagages autres qu’intellectuels. Ses soucis ne concernaient ni Elizabeth, ni personne d'autre, et même si elle appréciait particulièrement sa collègue -amie, osait-elle parfois penser- elle n'était pas femme à se confier pour se sentir mieux. Pas sur les choses importantes du moins. Elle utilise la manche de sa cape pour  essuyer sa joue, et le tissu revient tâché d’encre, comme il fallait s’en douter.

« Ah. Merci. J'espère que le parchemin restera à lisible, sinon il va falloir tout réécrire. » Elle hausse les sourcils et sort sa baguette qu’elle agite pour nettoyer son visage et sa manche. « Cela va probablement les amuser mes élèves quelques temps. » Comme s'ils avaient besoin de ça pour être déconcentrés ! « Je ne saurais trop dire, je me suis endormie en milieu de phrase. Comme tu peux le constater. »

Lally se retourne à moitié vers Elizabeth, passant à une nouvelle copie. « Le sommeil aurait du être optionnel, je n'aime pas perdre tout ce temps. Je ne sais pas comment tu fais, toi, pour dormir sans problèmes. Je ne peux pas agiter ma baguette et just arrêter de réfléchir, comme avec un nox pour éteindre la lumière. » Ce serait beaucoup plus simple, certainement, mais elle n'avait jamais été adhérente de la facilité. En tout cas, Elizabeth avait bien meilleure mine qu'elle, toujours aussi belle et propre sur elle. Eulalie n'était pas très portée sur les apparences -son ex -mari n'était pas vraiment un exemple de beauté, même s'il le compensait en intérêt et caractère- mais rien d'étonnant à ce que sa collègue soit fiancée, avec une mine et un esprit comme le sien.

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I

lvermorny était une école et en tant que tel… une vraie plaque tournante de ragots et autres occupations favorites des adolescents. Lally ne se rappelait pas d’une époque ou elle ait partagé cet intérêt, mais elle avait toujours été un peu à part, aurait sans doute préféré la compagnie des livres aux autres êtres vivants sans les efforts de ses frères aînés. Mais voilà, elle était retournée à l’école, pour le meilleur et pour le pire… Et qu’elle était condamnée, à un moment ou à un autre, de subir les conséquences du bourdonnement magique incessants des sorciers en herbes. Sans la salle des professeurs elle arriverait presque à passer à côté. Dans tous les cas cela ne l’étonnait pas, que Grindelwald soit sur le bout de la langue générale, mais ça ne lui plaisait pas non plus… Il était grand temps qu’il soit arrêté dans sa folie des grandeurs. Que ce soit par des moyens légaux ou par des voies moins droites, ce à quoi l’Ordre pourrait potentiellement servir… Au moins pour recueillir des informations. Ils n’étaient pas des Aurors après tout… Elle n’avait pas esquivé ce destin là pour s’y retrouver avec l’Ordre.

Bref, elle est soulagée qu’Elizabeth ne tente pas de relancer la discussion et peut tranquillement se concentrer sur ses copies. Eulalie n’était vraiment pas une grande conversationniste et ne s’en préoccupe pas. Ce n’est pas comme si elle avait besoin d’être appréciée par les personnes avec qui elle travaillait ! Et ce même si Elizabeth était sans aucun doute sa collègue favorite, malgré sa passion discutable pour les créatures magiques.

« Oh. Tu n’en as pas l’air. » répond-elle avec un air quelque peu surpris lorsque sa cadette lui dit avoir elle aussi des difficultés à dormir. Elle ne prend pas la peine de s’enquérir du pourquoi du comment -empathie quelque peu atrophiée par ce même manque de sommeil. Cela la surprenait car Elizabeth avait vraiment bonne mine -encore une fois, cela pourrait aussi simplement être le résultat d’une bonne hygiène de vie et coquetterie supérieure à celle de Lally- et lui semblait être une personne posée et… Posée, voilà tout. Mais les relations sociales et Eulalie ne faisaient vraiment pas bon ménage, comme les ménages en eux-mêmes. Elle n’était pas non plus une professionnelle des troubles du sommeil, bien qu’ils la hantent depuis des lustres, et d’autant plus récemment pour des raisons tout sauf saines sur lesquelles elle n’aime pas se pencher.
Mais c’est que l’idée d’une Elizabeth insomniaque lui semble d’ailleurs si incongrue qu’Eulalie en oublie momentanément sa copie, style stoppé à quelques centimètres du papier, telle une épée de Damocles s’apprêtant à abattre non pas du sang mais de la sévère encre rouge.

« Ah, mais nos cerveaux ne sont pas aussi disciplinés que les aur- nos élèves. » Ce qui n’était probablement pas la comparaison la plus juste étant donné que les élèves étaient loin d’être de bons petits soldats… Mais le sujet Auror n’est pas un qu’elle veut amener. « Ce que tu as de cerveau ? Il me semble que nous avons tous le même, non ? » Même proportions, simplement pas la même utilisation…. Comme le prouve William avec ses références absolument hors sujet. Elle reprend la coupe des erreurs à la plume. « Certains individus trouvent la musique apaisante. Je peux ensorceler un instrument pour toi, je pense. Une harpe peut-être ? Pour jouer des berceuses magiques. J’ai utilisé cette méthode pour endormir un ogre une fois. Même si à mon avis nous aurions plutôt dû l’occire, cela aurait fait une créature en moins. » propose-t-elle après un instant de réflexion. Eulalie ne comprenait vraiment pas qu’on veuille perdre du temps à dormir, comme elle l’avait déjà si bien fait entendre (si rudement plutôt, mais elle n’en avait pas conscience) mais son opinion était loin de faire l’unanimité. Ça, au moins, elle en avait conscience.

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