Ce qui devait arriver, arriva... (Milla et Elizabeth)

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illa avait toujours eu ce qu'elle voulait, ou presque. C'était comme ça. Elle ne supportait pas qu'on lui oppose la moindre résistance, elle n'acceptait pas que les choses n'aillent pas exactement comme elle le désirait. Et elle faisait ce qu'il fallait pour cela soit le cas le moins possible. Et de manière générale, elle se débrouillait bien. Alors, évidemment, certaines personnes affirmeraient que la vie qu'elle menait n'avait rien d'enviable, mais c'était une vie que Milla avait choisie, et qu'elle adorait comme elle était, ou presque. Par beaucoup d'aspects, elle avait précisément ce qu'elle souhaitait, c'est un fait. Professionnellement, par exemple, même si certains affirmaient que ce qu'elle faisait n'était pas un vrai métier, tout allait comme sur des roulettes, et elle en était franchement heureuse.

C'était d'un point de vue sentimental que les choses étaient plus compliquées. Enfin, presque... L'air de rien, elles n'étaient pas désespérées non plus, loin de là. Elle avait voulu Ethan, et elle avait réussi à l'avoir, le problème étant qu'elle ne l'avait eu que temporairement et qu'elle devait encore le partager avec la femme qu'il avait choisie pour fiancée. Elle ne serait satisfaite que lorsqu'Ethan aurait largué Elizabeth une bonne fois pour toutes, quand leur mariage serait annulé, tout simplement. Oui, ça arriverait, et si Ethan ne se bougeait pas, elle provoquerait la situation. Elle ne voulait pas en arriver là, elle voulait qu'Ethan lui prouve qu'il tenait à elle.. En espérant qu'il tienne à elle. Car la vérité, la cruelle vérité, c'était qu'elle était amoureuse d'Ethan. Et découvrir que ce sentiment n'était pas réciproque la ferait définitivement souffrir.

Et quand on parlait du loup... Vraiment, ce 'était pas volontaire si Milla avait croisé la route du couple. Elle n'avait pas cherché du tout à le faire, mais voilà, elle marchait dans la rue, et en passant devant la devanture d'un traiteur, elle les avait vus. Et là, d'accord, elle devait reconnaître qu'au lieu de tracer gentiment sa route, elle avait attendu qu'ils sortent dans le seul but de venir mettre son grain de sel dans leur petit couple beaucoup trop harmonieux. Savoir qu'ils étaient tranquillement en train de réfléchir aux préparatifs de leur mariage la rendait terriblement amère, et pour la peine, elle avait le plus grand besoin de se défouler. C'était même une nécessité absolue.

-Tiens, mais si c'est pas le couple de l'année, dit la jeune femme avec un sourire pour éviter que le couple, lui, choisisse de tracer son chemin en prétendant ne pas l'avoir vu. Alors, ça roucoule ?

Elle avait envie de leur rentrer dans le lard, mais pour le moment, elle se contenait, tout simplement, de provoquer tout doucement... Elle n'hésiterait pas à se montrer plus virulente ensuite. Là, c'était juste l'entrée en matière.

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illa avait bien conscience d'avoir jeté un certain malaise, mais puisque ça avait été très précisément le but de la manoeuvre, elle n'avait pas la moindre intention de s'en excuser, certainement pas. Elle se vengeait comme elle le pouvait, disons. Une vengeance bien basse et inutile, au fond, en comparaison de ce qu'elle endurait elle-même, mais elle faisait ce qu'elle pouvait. Parce que oui, même si elle donnait l'air de rien sous ses airs mesquins, tout dans cette situation lui faisait mal. Voir Elizabeth serrer le bras de son fiancé et ce dernier la laisser faire sans réagir, ça lui faisait mal.

Entendre Elizabeth parler de leur mariage (auquel elle n'était pas invitée... sans blague... en même temps, encore faudrait-il qu'il ait véritablement lieu, ce mariage, et Milla n'avait pas encore dit son dernier mot à ce sujet), ça lui faisait mal. Voir Ethan fuir la discussion plutôt que d'assumer ses responsabilités, ça aussi, ça faisait mal. C'était même ce qu'il y avait de plus douloureux dans tout cela. La jeune femme voulait se montrer plus forte qu'elle ne l'était, imperturbable, mais la vérité, c'est qu'elle donnerait tout pour être à la place d'Elizabeth en cet instant.

Quand il n'y avait qu'Ethan et elle, quand il n'y avait que leurs étreintes et que le monde s'évaporait agréablement autour d'eux, il était facile de prétendre que tout le reste n'existait pas, qu'elle avait l'ascendant sur sa rivale, et que quoi qu'il arrive, Ethan finirait par la choisir. Mais pour tout dire, alors qu'elle les voyait à ce point engagée sur la voie du mariage, elle avait le sentiment que c'était elle qui était de trop, et ça, c'était dur à encaisser. Elle avait très envie de cracher toute la vérité, ici et maintenant, d'apprendre à Elizabeth qu'elle se révélait aussi cocue qu'on puisse l'être, mais si ça la soulagerait peut-être sur le moment, ça n'arrangerait pas ses affaires ensute, et surtout, ça n'obligerait pas Ethan à faire ce qu'elle attendait vraiment de lui, à savoir qu'il la choisisse, de son propre chef, et sans y être finalement encouragé par les circonstances. Mais elle n'était plus si certaine que ce cas de figure soit envisageable... Elle qui ne manquait définitivement pas d'assurance se haïssait de se découvrir aussi faible en cet instant.

-Ne partez donc pas si vite, enfin, si je ne suis même pas invitée à votre mariage, laissez-moi au moins l'occasion de bavarder un peu avec vous. C'est pour quand le grand jour ? Vous avez pas trop le trac, ça va ? C'est bien connu, plus la date fatidique approche, plus on a envie de faire machine arrière.

Même si Milla s'adressait au couple, c'était avant tout Ethan que son regard toisait. Tant pis si elle l'embarrassait, lui, il lui brisait le coeur, alors c'était de bonne guerre.
 

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illa devrait ne prêter aucune forme d'intérêt au propos d'Elizabeth. Elle devrait se moquer profondément, comme de sa première paire de chaussettes, de ce que cette femme pouvait penser d'elle. Après tout, n'était-elle pas convaincue de valoir mieux qu'elle dans tous les cas ? Elle s'estimait plus belle, plus aventureuse, plus intéressante, elle estimait que ce qu'Ethan et elle partageaient transcendait, et de très loin, tout ce que le couple pour le moment fiancé avait jamais pu vivre... Oui, mais c'était facile de se dire ce genre de choses seule dans son coin, ou encore en compagnie d'Ethan, quand ce dernier la dévorait du regard et lui promettait monts et merveilles.

C'était plus difficile, en revanche, de garder la face dans ces circonstances. Parce qu'elle avait beau dire, c'était tout de même au bras d'Ethan qu'Elizabeth se trouvait en cet instant, c'était elle qui avait une bague de fiançaille à son doigt, c'était à elle qu'Ethan avait promis le plus beau des avenirs... Elle avait de bonnes raisons d'être sûre d'elle... Car dans le fond, Milla le savait, si elle était tout ce qu'Elizabeth n'était pas, l'inverse était tout aussi vrai. Elizabeth, c'était cette stabilité rassurante. Elle, un volcan en éruption. Bien sûr, avec elle, Ethan ne s'ennuierait jamais. Mais peut-être qu'il en avait envie, en réalité ? De s'ennuyer... juste s'ennuyer... Elizabeth lui garantissait qu'ils n'appréhendaient pas, qu'ils n'étaient qu'impatients de se marier... que le grand jour n'arriverait jamais assez vite.

Et Ethan, quant à lui... Eh bien, c'était simple. Ethan, lui, ne disait juste rien. Et Milla avait le sentiment que c'était pire encore que s'il se contentait de prendre la défense de sa fiancée en faisant mine de rien. Non. Non, ce n'était pas ça, le pire. Le pire, c'était le regard qu'il lui lançait, et qu'elle déchiffrait comme une supplique. Il l'exhortait à se taire, c'était aussi simple que ça. Et Milla, en toute honnêteté, en était dégoutée. Ce n'était pas un regard destiné à la rassurer, non. Ce regard était là pour la pousser à ne pas trop en dire. Cette occasion pourrait être celle de mettre cartes sur table, mais Ethan se dégonflait comme une baudruche... Et elle commençait à entrevoir que ça resterait comme ça jusqu'au bout.

-Tu as l'air sûre de toi, mais je constate que ton futur mari est particulièrement silencieux. Et ce silence était en train de tuer Milla. Elle n'allait rien dire, elle n'allait rien dire parce qu'elle l'avait promis. Mais elle avait envie de le secouer, de l'obliger à confesser leur liaison. Elle avait envie de l'embrasser, là, à pleine bouche, sous le regard médusé d'Elizabeth, pour avoir le dernier mot. Mais non. Je n'ai pas l'impression que l'impatience soit partagée.

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I

l avait suffi d'un mot seulement pour que Milla sente son coeur se briser en mille morceaux, chaque éclat s'appliquant à lui transpercer très sûrement le coeur. Holloway. Juste ça. Il l'avait appelée Holloway. Ce qui pouvait n'avoir l'air de rien comme ça, mais voulait dire tant de choses, en réalité. Au moment de leur rencontre et les temps qui avaient suivi, c'était effectivement ainsi qu'Ethan l'avait appelée. Mais leur relation avait évolué, progressivement, jusqu'à ce que ce Holloway devienne une insulte. Pour Ethan, elle était devenue Milla, et ça avait été, pour tout dire, une de ses fiertés. Elle s'était senti spéciale, unique, parce qu'Ethan Bryce l'appelait par son prénom, juste ça... Mais Ethan foulait cela au pied avec un aplomb qui lui donnait des frissons. L'appeler par son nom, c'était une insulte, la traiter en étrangère, c'était un affront.

Milla se sentait partagée entre une colère sourde et une douleur brutale. Elle ne pensait définitivement pas avoir mérité qu'il la traite de la sorte. Certes, elle n'y était pas allée avec le dos de la cuillère, elle pouvait le reconnaître, tout comme elle pouvait, au fond, comprendre l'embarras d'Ethan, pris entre deux feux. Mais elle avait espéré... que mis face au fait accompli, il agirait, il ferait son choix, il se déciderait.

Mais justement, est-ce qu'il ne s'était pas décidé ? Si, complètement, au fond. Il avait fait son choix, et si Milla s'était convaincue qu'elle ne pouvait qu'être le seul choix valable pour Ethan, parce qu'elle avait ressenti entre eux cette puissante connexion qui ne pouvait tout simplement pas être démentie... Mais tout ça, c'était du vent. Elle qui se faisait des grands films, des scénarios romantiques à n'en plus finir, était tout simplement prise au piège d'un amour qu'il n'éprouvait sans doute pas aussi profondément qu'elle. Bien sûr, ce n'était pas facile de renoncer à tout ce qu'on avait, à tout ce qu'on avait construit, mais il devait y renoncer pour elle. Ce qui devrait faire toute la différence, normalement, non ? C'était ce qu'elle avait voulu croire, mais à présent, elle n'en savait trop rien, à la vérité.

-C'est vrai, j'ai un don pour t'échapper, Ethan, dit-elle en prenant grand soin de mettre l'accent sur son prénom de son côté, c'est même un vrai talent. Elle marqua une pause. Elizabeth n'existait pas du tout pour elle en cet instant. Il n'y avait qu'Ethan et elle, et le comportement de l'Auror, qui bien que blessant ne regardait plus qu'elle, semblait le confirmer d'autant plus. Regarde-moi bien, c'est la dernière occasion que tu auras de me capturer. Si je m'en vais maintenant, tu ne m'arrêteras plus jamais.

Et elle ne cherchait pas du tout à être subtile.

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illa n'adressait plus la moindre forme d'attention à Ethan, elle n'était plus focalisée que sur Ethan, et elle se fichait bien que l'insistance avec laquelle elle fixait son amant puisse attiser la curiosité et le doute d'Elizabeth. Au contraire, même, c'était très précisément ce qu'elle recherchait, en vérité. Elle voulait que la fiancée d'Ethan n'ait pas le moindre doute quant à ce qui se tramait entre eux. Si elle devait être rejetée par l'homme qu'elle aimait, elle ne voulait pas que ce dernier s'en tire à si bon compte. Bien sûr, c'était bas, c'était immature, mais elle s'en moquait. Elle ne raisonnait pas de façon pondéré, en cet instant : elle avait le coeur brisé, et elle tenait à le faire savoir à Ethan, c'était aussi simple que cela. Si elle ne pouvait pas l'avoir, alors personne ne l'aurait, si elle devait être malheureuse, alors Ethan aussi, et Elizabeth également, par la même occasion. Certes, cette dernière n'avait rien demandé à personne, elle ne méritait sans doute pas d'être considérée ainsi, mais Milla serait bien la dernière à compatir à son sort. Elle n'en avait absolument rien à faire. Tout ce qui comptait pour elle, c'était de faire du mal comme elle-même souffrait, rendre coup pour coup.

Ethan aurait encore eu une occasion, une seule, de la reconquérir. C'était ici, c'était maintenant, qu'il devait prendre son courage à deux mains et la choisir. Ce n'était pas juste ni très sain que de le mettre devant le fait accompli de cette manière, mais elle estimait que c'était peut-être la seule manière de faire. Si Ethan avait des alternatives ou une échappatoire, il était évident qu'il allait prendre la poudre d'escampette. Là, la situation était au moins très claire : il devait faire un choix, ici et maintenant, c'était aussi simple que cela. Et un choix, il en fit bel et bien un. Pas celui qu'elle voulait. Mais un choix réel.

-Très bien.

Elle prit une grande inspiration. Elle voulait rester le plus digne possible. La vérité, c'était que son coeur avait éclaté en mille morceaux. Elle se sentait atrocement malheureuse, humiliée, brisée. Et Ethan, qu'elle aimait encore si profondément pourtant, l'éconduisait sans l'ombre de la moindre délicatesse, comme si elle n'était jamais qu'une moins que rien, comme si elle ne valait rien, rien du tout. Non seulement il faisait son choix, mais au passage, il piétinait ses sentiments sans aucune retenue. Autant le dire, ce n'était pas, mais alors vraiment pas un sentiment agréable, c'était une des pires émotions qu'elle ait jamais ressenti, même. Elle daigna enfin tourner son regard vers Elizabeth.

-Bon courage, avec lui. Tu vas en avoir besoin. Mais si j'étais toi, je n'en attendrais pas trop de sa part.

Et ces mots prononcés, elle tourna les talons et quitta la scène.

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