La liberté à tout prix // FT. Billie

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illie aimait par-dessus tout que les situations dans lesquelles elle s'engageait abondent dans son sens. Bon, ça n'avait pas toujours été le cas, sans quoi elle n'aurait pas passé deux années de sa vie à l'ombre (mais elle avait réussi à s'évader, ce qui voulait bien dire qu'elle était capable de prendre son destin en mains, non ?), mais quand elle pouvait avoir une prise réelle sur la situation où elle se trouvait, elle ne se privait pas de le faire.

Chaque aspect de sa vie était contrôlé, calculé, décidé... et elle n'avait aucune intention d'y déroger. Elle avait des plans très précis pour chaque aspect de sa vie, et quand il y avait un grain de sable dans les rouages, elle faisait ce qu'il fallait pour que la machine se remette en route comme si de rien n'était. En l'occurrence, le grain de sable auquel elle pensait avait un nom et un prénom : il s'appelait Eleanora Shanks.

Billie n'était pas du genre à s'attacher, mais elle devait bien le reconnaître, elle s'était prise d'affection pour ses camarades de cellule, et quand elles avaient pris la décision de s'enfuir ensemble, pour elle, c'était à la vie à la mort, elles allaient se sortir de ce merdier ensemble, et poursuivre les mêmes objectifs ensemble.

Elle avait tout prévu, tout planifié, oui, sauf la décision d'Eleanora, qu'elle était toujours incapable de comprendre à l'heure actuelle, avait tout chamboulé. Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi la jeune femme refusait catégoriquement de rejoindre les rangs de Grindelwald. Si quelqu'un devait être capable de comprendre ce qui n'allait pas dans le système en place, c'était bien elle, pourtant, non ? Billie savait tout de sa situation familiale, du fait que son père moldu les avait abandonnés elle et sa mère, du fait que sa mère avait fini en prison parce qu'elle avait eu un enfant avec un no-maj. A partir de là... rien ne devrait la retenir d'abonder dans leur sens. Alors pourquoi non ? Elle était incapable de le comprendre et de mettre le doigt dessus, mais elle entendait bien la ramener à la raison.

Elle avait retrouvé sa trace, s'était faite passer pour un client potentiel afin de la retrouver. Il fallait qu'elles aient une vraie conversation toutes les deux, et cette fois, elle n'accepterait pas d'entendre un refus de sa part.

-Tout juste, mon agneau, dit-elle, en référence à son surnom. Il faut qu'on ait une petite discussion, toutes les deux.

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ui, elle aurait dû s'en douter, en effet. Matildus Heizenbert n'était pas du genre à lâcher l'affaire très rapidement, et en l'occurrence, Eleanora avait eu le temps d'observer son caractère au quotidien, elle savait précisément comment elle fonctionnait, ce qu'étaient ses habitudes, quelle était sa façon de procéder. A partir du moment où elles avaient décidé de quitter la prison ensemble, elles avaient scellé un pacte silencieux. Rien n'avait été dit, rien n'avait été précisé... mais pour elle, c'était évident.

Elle, Eleanora et Jane, c'était à la vie, à la mort, un point c'est tout, et c'était un pacte qu'elle avait rompu en jouant les cavalier seul. Peut-être qu'Eleanora avait eu l'habitude d'agir en solo, mais à partir du moment où elles avaient décidé de se serrer les coudes, d'agir en trio, la notion d'individualité avait cessé d'exister. C'était une pour toutes et toutes pour une. Mais non. Et Billie ne comprenait définitivement pas pourquoi son amie faisait tant de manières, au bout du compte. Elle était la première à pouvoir comprendre les motivations de Grindelwald, et elle avait largement les capacités de faire la différence dans ses rangs. Là, elle devait galérer à trouver des contrats alors qu'au sein de la pègre sorcière, elle avait perdu la confiance des gros bonnets qui avaient confiance en elle jusqu'alors. Elle n'avait pas beaucoup de chances et de possibilités, et elle faisait quand même la difficile.

-Tu le sais très bien, Eleanora, répondit Billie d'un ton posé. Ne me fais pas l'affront d'avoir à te le demander une fois encore.

Elle voulait qu'elle se range, qu'elle accepte de rejoindre les fidèles de Grindelwald. Une fois que ce serait chose faite, elle pourrait parler à la jeune femme de l'appartement qu'elle avait loué pour elles et Jane, et qui lui éviterait de vivoter elle ne savait où dans la rue où sous les ponts new-yorkais. Billie lui proposait une vie en or, et avec les économies qu'elle avait de côté, restes de son dernier héritage, elle pouvait vraiment leur permettre de bénéficier d'un confort hors du commun en dépit de leur condition. Pour ce faire, elle n'avait qu'un mot à dire. Mais apparemment, c'était au-dessus de ses capacités.

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u moins, en effet, Eleanora s'épargnait de lui faire l'affront de faire mine de ne pas voir où elle voulait en venir. Ce n'est pas pour autant que sa réponse - ou son absence de réponse, quelque part - l'arrangeait en quoi que ce soit. Ce serait même tout l'inverse, à vrai dire. Eleanora était sûre de son coup, et tous les arguments destinés à la convaincre ressemblaient avec elle à autant de coups d'épée dans l'eau. Pour autant, Billie avait bien l'intention d'insister. C'était cela ou passer à des mesures plus radicales. Elles étaient dans le même bain, elles étaient dans le même bateau, elle n'avait pas le droit de quitter le navire maintenant et de prétendre que tout allait bien dans le meilleur des mondes, et que ça ne posait effectivement aucun problème.

Billie afficha un sourire mi-affecté mi-exaspéré quand son interlocutrice lui demanda pourquoi elle ne lâchait pas tout simplement l'affaire. Vraiment ? Elle osait lui demander cela ? Elle avait le culot de lui demander cela ? Eh bien, de mieux en mieux. Pour elle, c'était un affront aussi bien général que personnel qu'elle était en train de lui faire. Elle affectait non seulement ses projets mais aussi ses sentiments, qu'elle accordait pourtant et volontairement à un nombre très limité de personnes. Elle n'avait pas le droit de lui faire ça. Et pourtant, elle l'avait faire. Sans l'ombre d'un scrupule, sans ciller. Comme si la prison n'avait été qu'un épisode, une étape, alors que ça avait tout changé. Pour elles trois, ça avait forcément tout changé. Elle n'avait pas le droit de nier cela, de lui retirer ça.

-Dois-je te rappeler que sans moi, sans nous, tu moisirais encore derrière les barreaux ? répliqua Billie avec une extrême froideur tout en toisant son interlocutrice avec suffisance. Elle n'avait pas envie de se faire l'ennemie d'Eleanora, mais si cette dernière ne lui laissait pas le choix, évidemment qu'elle allait sévir, que pourrait-elle faire d'autre ? Tu as une dette d'honneur envers moi, Eleanora. Et je ne vais certainement pas te laisser nous échapper comme si tu étais dans ton bon droit.

Elle avait le devoir de leur rester fidèle, elle avait le devoir de les suivre dans leur décision. Mais la plus indisciplinée du lot n'en faisait qu'à sa tête, comme à son habitude. Ce n'était pas acceptable.

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ien sûr, Billie ne pouvait entièrement donner tort à son ancienne camarade de cellule. Au contraire, même, elle avait dans sa besace plus d'un argument pertinent, que la plantureuse rouquine était bien contrainte d'entendre. Etait-ce pour autant qu'elle comptait y accorder le crédit escompté ? Non, bien sûr que non, même. Il était hors de question que les choses se passent ainsi, même, en réalité, car quand Billie avait quelque chose en tête, elle ne l'avait pas ailleurs, et peu importe la validité des arguments de son amie, elle s'était faite une idée très précise de ce qui se passerait une fois qu'elles seraient sorties de prison, et elle n'avait pas la moindre intention de bouleverser ses plans, pas même pour elle, et ce même si elle était l'une des rares amies sincères, avec Jane, qu'elle se soit jamais faites (et de la part de l'insensible veuve noire, cette affirmation n'avait absolument rien d'un compliment anodin, bien au contraire, c'était même de la plus grande importance... d'où tout ce foin d'ailleurs).

Alors oui, leur évasion était le fruit d'un effort de groupe. Si elles n'avaient pas pu compter les unes sur les autres, il était évident qu'elles ne s'en seraient jamais sorties à si bon compte toutes les trois. L'agneau serait toujours en cage à l'heure qu'il est, mais la dangereuse Billie également. Peu importe, ça n'y faisait rien, ça n'y changeait rien. En l'occurrence, il était pour Matildus évident qu'elle savait mieux que son interlocutrice ce qui était bon pour elle, et elle ne comptait pas oublier de le lui rappeler, en n'importe quelle circonstance.

-Ca change que t'es en train de foutre en l'air tous nos projets à cause de ton putain d'égoïsme, voilà ce que ça change.

Bien sûr, des deux, ce n'était peut-être pas Eleanora la plus égoïste, mais bel et bien Billie, qui refusait de voir son amie voler de ses propres ailes, prendre son indépendance et goûter à sa liberté dans son coin sans ses camarades d'infortune.

-Vraiment, je ne te comprends pas. Si j'avais su quelle déception tu tendais à devenir, je ne me serais pas donné autant de mal pour toi.

C'était frustrant d'accorder son affection à autrui et de réaliser qu'elle lui avait donné trop d'importance. C'était l'arroseur arrosé en quelque sorte. Voilà ce que devaient penser ses victimes.
       

       
   

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Billie n’était pas née de la dernière pluie, elle savait convaincre les plus réticents, et elle avait aiguisé un pouvoir de persuasion qu’elle estimait inné chez elle au fil de ses rencontres et au gré de ses victimes. Quand elle voulait (ou devait) se mettre quelqu’un dans la poche, elle savait précisément de quelle manière s’y prendre pour obtenir gain de cause. Personne ne lui résistait, elle y veillait, et si elle ne savait obtenir son dû par la séduction, elle s’essayait à d’autres méthodes : l’intimidation, la menace, le chantage… ce n’étaient pas les méthodes qui manquaient, et elle les avait toutes perfectionnées avec le temps. Billie avait espéré ne pas devoir malgré tout les employer avec son interlocutrice. C’est qu’elle l’aimait bien, son petit agneau égaré. Il fallait juste que la miss réussisse à regagner le droit chemin.

Mais Eleanora s’obstinait. Elle s’obstinait au point que c’en devenait presque ridicule. Pourquoi refuser obstinément de rejoindre un camp auquel elle était vouée de toute façon ? C’était sa place, c’était son destin. Qu’elle le veuille ou non, elle n’y échapperait pas. Il ne lui laisserait pas y échapper. Et si donc cette première méthode n’avait pas été efficace avec elle, ce n’était pas bien grave, elle obtiendrait gain de cause autrement. Elle n’aimait pas devoir épuiser son énergie de cette manière, avec quelqu’un qu’elle estimait qui plus est, une personne à laquelle elle tenait vraiment beaucoup.. mais bref, la prendre par les sentiments ne marchait visiblement pas. Elle venait de jouer la carte de la culpabilisation, et ça n’avait pas été un succès. Il allait falloir passer aux suivantes.

-Ce n’est pas comme ça que ça marche, rétorqua-t-elle d’une voix doucereuse. Que tu le veuilles ou non, ta vie est liée à la nôtre, et tu nous rejoindras. Je préfèrerais seulement que ce soit de gré plutôt que de force, mais si tu ne me laisses pas le choix… je saurais prendre les mesures nécessaires.

Il suffirait pour cela de lui trouver un talon d’Achille, peu importe sa nature. Eleanora n’était pas le genre de personne à étaler ses faiblesses sur le tapis, comme elles toutes. Mais tout le monde avait des faiblesses malgré tout. Et elle saurait exploiter celles-ci en temps voulu. Un jour, Eleanora l’en remercierait. Elle ne le réalisait pas encore, mais ce serait le cas. Les choses iraient dans son sens. Il fallait que ce soit le cas, un point c’est tout.

       

       
   

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illie savait qu'Eleanora prendrait ses menaces aux sérieux. Parce qu'elle la connaissait. Elle savait très bien de quoi elle était capable, et comment elle était susceptible de se comporter à l'adresse de ceux qui lui faisaient l'affront de lui mettre des bâtons dans les roues. Cela ne rendait sa réponse que plus décevante encore, car elle lui tournait le dos en toute connaissance de cause. Elle préférait accuser ses foudres plutôt que de se ranger de son côté....

Et c'était, pour Matildus, un constat absurde : Eleanora avait tout à gagner en se joignant aux rangs de Grindelwald, en suivant la même voie qu'elle et Jane. Alors pourquoi s'obstinait-elle dans la direction opposée ? C'était totalement absurde. Billie ne savait pas si Eleanora avait perdu le peu de raison qu'il lui restait après la prison, mais elle commençait à prendre les choses personnellement. Elle n'avait aucune envie de faire d'Eleanora une ennemie, mais si cette dernière ne lui laissait pas le choix, alors oui, elle la considèrerait comme il se devrait, et elle la traiterait comme il se devrait aussi. Pour Eleanora, la destination serait la même dans tous les cas... Le chemin serait juste plus éprouvant si elle continuait sur sa lignée. Et visiblement, c'était le cas. Matildus n'avait même plus les mots pour exprimer la déception que représentait cette situation pour elle.

-Oh, tu le verras assez vite, crois-moi, répondit simplement Matildus, qui n'allait clairement pas apprendre à Eleanora le sort qui l'attendait, de crainte de prendre le risque de les voir contrecarrer. De toute façon, il fallait encore qu'elle y réfléchisse plus avant, en l'occurrence. Car elle avait espéré réussir plus facilement à convaincre son interlocutrice. Elle n'était pas habituée à ce que ses talents de persuasion ne paient absolument pas. Et elle n'aimait pas ça. Je te laisse encore un peu de répit, je ne crois pas que tu prennes l'entière mesure de la situation.

Elle fouilla dans son sac à main et en sortit une carte sur laquelle était inscrite l'adresse de son appartement, celui qu'elle avait dans l'intention de partager avec Jane et Eleanora.

-Quand tu auras l'esprit plus clair, tu pourras me trouver ici.

Mais Matildus n'attendrait pas bien longtemps. Si Eleanora ne venait pas frapper à sa porte dans les jours qui venaient, alors elle aurait manqué sa chance pour de bon.

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