Je veux tout voir, je veux tout savoir et je veux tout avoir [pv Johannes :3]

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dalbert ne manquait pas de défauts. Quiconque l'avait côtoyé un tant soit peu n'aurait sans doute pas besoin de se creuser la tête bien longtemps pour en lister une bonne dizaine en moins d'une minute. Mais certains étaient plus flagrants que d'autres, suffisamment flagrants pour qu'Adalbert lui-même n'ait pu faire autrement que de le constater... malheureusement. Car il avait beau avoir confiance de ces défauts-là, ce n'était pas pour autant qu'il faisait quoi que ce soit pour les corriger... et c'était son grand tort. A la place, il mettait un soin tout particulier à entretenir ses trop nombreux défauts. Ce qui était encore un autre défaut en soi. Bref, l'une de ses tares les plus flagrantes était son aptitude un peu trop prononcée à s'éparpiller.

Il n'y pouvait rien, c'était plus fort que lui. Dans sa tête, ça carburait à mille à l'heure, constamment, les pensées se bousculaient, s'additionnaient, sans arrêt, ne lui laissaient pas le moindre répit, quoi qu'elle fasse. C'était pour cela qu'il avait si vite ressenti le besoin d'écrire, parce qu'il n'y avait que de cette manière qu'il parvenait à articuler sa pensée, à organiser ses réflexions. Le soucis, c'est que cela convenait tant qu'il axait au moins ses réflexions sur une seule et unique thématique. Mais même ça, c'était trop pour lui, au bout du compte.

A l'heure actuelle, il avait des priorités sur lesquelles il aurait tout intérêt à se concentrer : il y avait son livre, qu'il n'avait de cesse que de réécrire et de peaufiner. Et il y avait son projet de collaboration avec Eulalie Hicks. C'était définitivement bien assez. Normalement, techniquement. Et pourtant, il ne réussissait qu'à vouloir davantage. Il continuait de s'intéresser de très près au cas des obscurus depuis l'épisode du Nouvel An, et dès qu'il avait une opportunité de peaufiner ses connaissances au sujet de la magie, il ne savait pas passer à côté.

En l'occurrence, il avait réussi à obtenir un rendez-vous avec l'un des plus prestigieux créateurs de baguettes magiques des Etats-Unis, l'occasion d'en apprendre plus sur cet art complexe mêlé de très près à son sujet d'études. Alors bon... il pouvait bien se trouver des excuses en prétendant que puisqu'il étudiait la magie primitive, qui se passait de l'usage de baguettes, il fallait comprendre son antithèse, donc la création de baguettes... mais bon, il mentirait s'il disait qu'il ne se cherchait pas des excuses. Peu importe. Il avait rendez-vous dans l'atelier de Johannes Jonker, et à l'heure dite, armé de son calepin, il alla à la rencontre du fabriquant.

-Bonjour... Adalbert Waffling. Je vous remercie de prendre de votre temps pour moi, dit-il alors en lui tendant la main.

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dalbert avait toujours une certaine appréhension quand il se retrouvait face à une personne qu'il n'avait jamais rencontrée. Faire face à une foule d'informations plus alambiquées les unes que les autres était certes des montagnes à gravir... mais rien d'insurmontable pour lui... par contre il ne savait pas du tout gérer la personnalité d'autrui, il se laissait très vite dépasser quand le comportement de ses interlocuteurs ne correspondait à rien de connu pour lui. Autant dire qu'il espérait vraiment que Johannes soit une personne facile d'accès, et avec laquelle le dialogue ne serait pas trop difficile au bout du compte.

Pour le coup, l'homme lui faisait une très bonne première impression, et c'était tout de même particulièrement rassurant. Il avait toujours du mal à savoir comment s'adresser avec les personnes fermées, alors que lui-même n'était pourtant pas la personne la plus ouverte d'esprit que l'on puisse imaginer. A voir comment la suite se déroulerait, mais pour le moment, il choisissait de se sentir plutôt confiance. La suite lui donnerait tort ou raison, il le découvrirait bien assez vite. Très courtois, il l'invita à entrer (et Adalbert ne se fit pas prier) avant de lui proposer quelque chose à boire.

Certes, le jeune homme n'était pas venu là dans l'intention de boire un verre ou encore d'échanger des civilités avec un inconnu, mais il appréciait l'attention, et pour la peine, il n'avait pas l'intention de la refuser. Il hocha donc la tête.

-Si vous avez du thé, je veux bien.

Tout Américain qu'il était, Adalbert avait toujours eu un goût particulier pour le thé. Il faut dire que le café avait tendance à l'énerver un peu trop facilement, ce n'était pas du tout bon pour lui. Il n'avait ceci dit ni soif ni vraiment envie de prendre le thé, mais il avait déjà remarqué qu'il avait plus de facilité à garder contenance avec une tasse de thé fumante à la main. Disons que cela lui permettait de combler les vides en sirotant sa boisson ou en baissant les yeux sur sa tasse. Ceci dit, le sujet qui l'amenait le passionnait tant qu'il doutait fort que cela arrive.

-J'espère que je ne vous dérange pas dans votre travail. Je prendrais le moins de votre temps possible, promit-il avec un léger sourire.

Mais sans forcément le penser. A vrai dire, Adalbert comptait bien prendre tout le temps dont il avait besoin pour obtenir toutes les informations qu'il souhaitait, quitte à entamer très largement la patience de son interlocuteur. C'est que si le théoricien de la magie n'était pas forcément la personne la plus bavarde en temps normal, sur ses sujets de prédilection, il était intarissable, et c'était quelque chose qui avait de quoi user absolument n'importe qui.

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dalbert afficha un sourire satisfait quand son interlocuteur lui assura qu'il avait tout son temps. Dans le cas contraire, le théoricien de la magie en aurait certainement accaparé bien plus que nécessaire, mais il préférait tout de même que son interlocuteur soit entièrement disposé à une conversation qui promettait d'être longue. Adalbert, lancé sur un sujet, était inarrêtable, ce même quand c'était quelqu'un d'autre qu'il venait entendre. Adalbert était donc ravi. Si son interlocuteur acceptait de bonne grâce de répondre à ses questions, leur échange promettait d'être d'autant plus passionnant.

Adalbert ne savait de Johannes Jonker que ce qu'il avait entendu à son sujet, mais il sentait qu'ils allaient bien s'entendre, tous les deux. Il avait une bonne intuition, en tout cas... et ce n'était pourtant pas quelque chose de gagné d'avance, quand on savait que beaucoup de personnes ne supportaient pas son caractère. Sans avoir particulièrement des ennemis non plus, il n'avait pas beaucoup d'amis, et ce n'était clairement pas pour rien, vraiment. Qui sait ce que Johannes finirait par penser de lui, mais Adalbert était au moins dans les meilleures dispositions.

-Nous avons ça en commun, affirma Adalbert dans un fin sourire quand Johannes Jonker affirma qu'il devenait intarissable quand il était question de son travail. Et j'ai autant de temps que vous accepterez de m'en consacrer.

C'était bien la preuve qu'ils se ressemblaient. N'importe qui connaissant Adalbert Waffling savait combien il était difficile de le mettre en pause quand il était sur sa lancée. Ce n'était pas pour rien si ses livres faisaient des centaines et des centaines de pages (et que ses éditeurs avaient du mal à trancher dans le vif sans accuser de vives réactions de la part du principal concerné). Alors ça l'arrangeait bien si Johannes Jonker était aussi bavard que lui, et tout aussi passionné. Il ne rechignerait par conséquent pas à lui adresser tous les détails qu'Adalbert avait besoin de connaître. Car Adalbert avait en effet une vision globale de la situation.

-Commençons, alors, dit-il, n'ayant plus réellement envie d'attendre. S'ils étaient tous les deux d'accord sur le fait qu'ils prendraient plaisir à entrer dans le vif du sujet, autant ne pas attendre, tant qu'à faire. Si vous me parliez de votre mode opératoire, pour commencer. Comment vous sélectionnez les éléments qui composent vos baguettes, comment vous assurez-vous de leur efficacité ?

C'était une question très vaste, mais ce n'était pas pour rien si Adalbert la formulait ainsi. Il tenait à ce que Johannes ait le champ libre, celui d'explorer plus précisément les domaines qui l'intéressaient le plus. A partir de cela, Adalbert orienterait davantage ses questions, jusqu'à ce que la conversation se mue en dialogue et en échange d'idées. C'était précisément ce que voulait

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dalbert prenait note, il prenait note de tout, sans doute trop frénétiquement, y compris de détails dont il ne ferait sans doute effectivement rien, parce qu'il avait le sentiment que s'il laissait échapper ne serait-ce qu'une légère bribe d'information, alors il serait passé à côté de quelque chose de crucial, d'essentiel. L'expérience, à ce titre, lui avait souvent donné raison, d'ailleurs. Le théoricien de la magie avait plus d'une fois réussi à résoudre un problème qui le tourmentait de longue date en revenant sur un seul et unique détail qui tout à coup prenait tout son sens et façonnait l'entièreté de sa réflexion. Cette fois ne ferait donc pas exception, d'autant plus qu'il s'attaquait à un sujet exceptionnel, unique, et qui exigeait toute son attention, toute sa considération. Il ne voulait surtout pas passer à côté de quoi que ce soit, et il appréciait le fait que le fabricant de baguettes soit si prompt à répondre à ses attentes. Il était de bonne constitution, et c'était parfait ainsi. Adalbert devinait qu'il pourrait le harceler de questions (et c'était ce qui arriverait forcément) sans que cela ne devienne en rien problématique.

Donc, c'était d'abord sur le bois qu'il travaillait, avec une attention toute particulière. Adalbert nota notamment le fait que l'homme semblait y mettre un point d'honneur. Cela signifiait-il que le choix du bois avait une importance crucial. En tout cas, à l'inverse de nombreux de ses comparses fabricants de baguette, loin de se contenter de se focaliser sur des matières précises, il semblait expérimenter sans cesse, dans l'espoir de parachever finalement ce qui serait à ses yeux la baguette parfaite. Dans le tempérament de Johannes, Adalbert se reconnaissait évidemment beaucoup. Et pour cause, il connaissait ce sentiment frénétique constant, ce désir d'aller toujours plus loin, d'obtenir toujours mieux, quitte à s'oublier au passage, en quête d'un idéal qui, par essence, était certainement inaccessible si bien qu'il demeurerait sans doute un éternel insatisfait. C'est un parallèle qu'il s'amiuserait bien à faire entre leurs deux domaines de prédilection, mais pour l'heure, il était bien plus occupé à parler de ce qui l'avait conduit ici.

-Qu'est-ce qui confère son potentiel à une baguette ? C'est l'association du bois et du coeur ? Ou bien le processus de création en lui-même ? La combinaison de l'ensemble ?

En fait, il ne réussissait pas vraiment à analyser ce qui faisait qu'une baguette réussissait à concentrer la puissance magique d'un individu, et était appelée à appartenir à tel ou tel sorcier. C'était l'un de ces mystères qu'il n'était jamais parvenu à sonder et qui l'interpellaient le plus en ce qui concernait les baguettes. S'il avait fait la lumière sur de nombreuses choses au cours de sa carrière, celle-ci demeurait dans l'ombre.

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dalbert écoutait avec la plus grande attention le discours de son interlocuteur. Il suffisait de l'entendre pour comprendre à quel point il était passionné par son métier, et Adalbert en était plus que ravi. De toute évidence, il avait trouvé à qui parler. Quand on était aussi passionné qu'Adalbert ne l'était par son propre domaine d'expertise, il pouvait être assez frustrant de se retrouver en présence de personnes qui l'étaient pour leur part bien moins que vous. Adalbert pouvait difficilement le leur rapprocher, il savait qu'on le trouvait généralement bien plus épuisant qu'intéressant quand il s'épanchait sur ses recherches, mais il lui suffisait de quelques interlocuteurs investis comme l'était manifestement Johannes Jonker pour qu'il ressente cette exaltation qui l'accompagnait dans chacune de ses recherches, aussi bien dans ses trouvailles que dans ses échecs (et les derniers étaient malheureusement souvent plus nombreux que les premiers).

Il notait tout, il ne voulait rien omettre de ce que son interlocuteur lui apprenait, même si cette seule réponse ne suffisait pas à le satisfaire (en même temps, pour qu'Adalbert soit satisfait de quoi que ce soit, il fallait se lever de bonne heure - pas dit que cela soit déjà arrivé un jour, d'ailleurs), loin de là. Il comprenait que la création de baguettes n'était pas quelque chose de seulement mécanique, mais en attendant, c'était sur la mécanique qu'il obtenait le plus de détails, or ce n'était pas cet aspect-là qu'il avait le plus envie de creuser, non, et ce n'était définitivement pas celui qu'il estimait être le plus intéressant. Non, celui qui l'intéressait vraiment, c'était celui que Johannes aborda finalement... avec ce terme qui laissait place à l'incertitude et à une multitude de questionnements en tout genre.

-C'est ça qui m'intéresse, c'est ce que j'essaie de comprendre. Cette âme, d'où vient-elle ? Comment la crée-t-on ?

Cette âme était forcément constitutive de ce qui faisait qu'une baguette était une bonne baguette, alors forcément, Adalbert voulait, devait en savoir plus sur la question, c'était un besoin nature, primordial pour lui, la seule façon pour lui de comprendre de quoi il était question. Cette âme décelait peut-être le secret de l'essence même de la magie. Alors, forcément, ça le questionnait, ça l'intéressait.

Peut-être le sujet serait-il trop abstrait pour que le fabricant de baguettes lui-même sache y répondre. Après tout, chaque humain disposait d'une âme chose confirmée par l'existence même des détraqueurs, ce n'était pas pour autant qu'on pouvait assimiler cette âme à quoi que ce soit de tangible. Tout demeurait incompréhensible et mystérieux, et il était crucial pour Adalbert d'en apprendre davantage, sans savoir si son interlocuteur serait capable de lui répondre aussi bien qu'il le voudrait.

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était là où ça se corsait, en effet, et c'était bien évidemment pour cette raison que c'était ce point, le plus complexe et le plus inexplicable, qu'Adalbert avait envie de s'épancher. Pour le reste, même s'il était toujours important, voire cruciale, d'avoir l'avis de spécialistes, et une opinion de première main, Adalbert n'était intéressé que par les choses qui n'avaient pas encore su être expliquées, concrètement théorisées, et c'était le cas en ce qui concernait cette part de magie qui savait être insufflée aux baguettes pour leur donner leur pouvoir et même une âme et une personnalité à part entière, puisque les baguettes choisissaient leurs sorciers, puisqu'une baguette était soumise aux caprices de celui qui la possédait autant que le sorcier pouvait être soumis aux caprices de sa baguette, en réalité.

Malheureusement, Johannes n'avait pas de réponse concrète à donner à Adalbert. Pour le théoricien de la magie, c'était une chose frustrante... mais pas surprenante, car si vraiment il était si simple aux fabricants de baguettes d'expliquer de quelle manière ils parvenaient à insuffler une âme aux objets qu'ils créaient, alors les mécanismes derrière de tels secrets seraient connus et reconnus par tous. Même si l'on admettait que c'était peut-être un secret que les fabricants de baguette avaient tout intérêt à ne pas divulguer afin de ne pas souffrir une trop grande concurrence (le métier était incroyablement rare, surtout si l'on faisait exception des charlatans qui prétendaient savoir fabriquer des baguettes mais n'avaient en fait aucun talent en la matière), au fil des années et surtout des siècles, il y aurait forcément eu des fuites.

Et dans le cas de Johannes, il était absolument certain que le jeune homme ne faisait pas preuve de mauvaise foi, il n'essayait pas de lui dissimuler des informations, du moins l'écrivain n'en avait-il pas le sentiment. Il était simplement... soumis à l'incapacité d'exprimer ce qui tenait du registre d'un ressenti... C'était les dérives de son métier, ça... Le vocabulaire manquait bien souvent à des circonstances précises parce que personne auparavant ne s'était évertué à les décrire. C'était son rôle, dans ce contexte, d'inventer un nouveau vocabulaire, de mettre en forme son ressenti de façon accessible... enfin, accessible à certains, car on reprochait souvent à l'écriture de Johannes d'être un peu trop verbeuse voire rébarbative pour les néophytes... Arguments qu'il ne pouvait que contredire en faisant preuve d'une certaine mauvaise foi.

-Est-ce que vous pensez que dans ces circonstances, la création de baguettes ne pourrait être réservée qu'à un petit nombre de sorciers qui auraient cette sorte de... don ? Si cela tient d'une chose que l'on ressent et que l'on ne peut exercer, cela veut-il dire que ce potentiel serait contenu dans quelques rares individus ? Il était vraiment curieux de cela. Est-ce qu'il fallait venir interroger à la source la magie contenue en de rares spécimens ? En matière de magie primitive, c'était évidemment fascinant. Si moi, par exemple, j'essayais de fabriquer une baguette sur votre enseignement, que se passerait-il ?

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L

e discours du fabricant de baguettes pourrait presque passer pour élitiste ou pédant, à y regarder d'une certaine manière. Prétendre que quelques appelés seulement étaient capables d'une telle magie, que d'autres ne seraient jamais ô grand jamais capables de maîtriser, semblait sous-entendre que tous les autres étaient tout simplement "incapables" au sens le plus strict du terme. C'était sans doute quelque chose que l'on pouvait assimiler à l'art de manière générale. Certains étaient capables de maitriser la technique du destin, du jeu d'un instrument, l'écriture... mais c'était ce supplément d'âme qui faisait la différence.

Est-ce que Adalbert adhérait à cette vision des choses ? Pas complètement. Partisan du travail acharné, l'inépuisable théoricien de la magie, qui avait notamment dû exercer sa plume dans l'intention d'attirer un lectorat, pensait qu'on pouvait vraiment exercer ce genre de talent, mais était-ce tout à fait vrai ? Non, et si supplément d'âme existait, cela signifiait que cela devait être immédiatement identifiable, une part de l'identité des individus en question. Même s'il appréciait d'entendre le point de vue de son interlocuteur, qui en savait bien évidemment beaucoup plus que lui-même, il prenait tout de même son opinion avec des pincettes, car à l'évidence, il ne s'agissait évidemment que d'une opinion, et Johannes Jonker n'était pas entièrement certain de son affirmation, chose qu'il lui confirma, en observant qu'il avait eu des apprentis, et que ces derniers étaient bel et bien parvenus à tirer quelque chose de son enseignement.

-Donc selon vous, ce serait quelque chose d'inné, voire de génétique ? demanda Adalbert en prenant des notes en même temps qu'il parlait.

Il ne pouvait pas s'en empêcher, il devait s'assurer de ne surtout rien oublier, c'était particulièrement important à ses yeux, il ne voulait négliger absolument aucun détail, chacun d'entre eux pouvait se révéler d'une grande importance et il en avait tout à fait conscience.

-J'ignore si c'est une explication tangible, ou bien elle suggère des formes et des intensités magiques d'ordre différent en fonction des individus, ce qui donnerait du grain à moudre à certains, en vérité. Est-ce que vous croyez dans la magie du sang ? demanda très sérieusement Adalbert à son interlocuteur.

Ce n'était pas une question piège. Lui-même admettait l'existence d'une magie du sang, qui semblait selon lui assez difficile à contredire, d'autant qu'elle s'observait dans certains processus magiques, le plus souvent de magie noire d'ailleurs. Mais c'était décider plus précisément de ce qui en constituait l'essence qui pouvait presque ressembler à une question piège, en réalité, et il était curieux, très curieux à ce sujet, c'était là une des choses concernant lesquelles il gardait le plus de questionnements, et il était encore bien loin de tout savoir sur la question.

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dalbert avait un rapport ambyvalent à ces questions sans réponses. Il n'aimait pas les "Je ne sais pas" parce qu'il ne supportait pas lui-même de ne pas tout savoir. Il avait besoin de tout savoir, de tout entendre, de tout comprendre. Il avait besoin de preuves, d'éléments tangibles, il avait besoin de pistes, ou à tout le moins d'éléments de réflexion. Ce n'est pas pour rien s'il était devenu théoricien de la magie, c'était bien pour percer le plus possible de ces mystères fascinants. Malheureusement, ce n'était pas toujours suffisant pour autant, et dans certaines circonstances, ce n'était pas suffisant du tout, en réalité. Oui, il était frustré par les questions sans réponses, mais en même temps, si elles n'existaient pas, il perdrait ce qui était le sens même de sa propre existence. Alors oui, entendre son interlocuteur répondre par des simples "je ne sais pas" était hautement frustrant pour lui, mais il préférait largement cela à des mensonges éhontés malgré tout, et il ne pouvait pas reprocher à son interlocuteur de ne pas avoir la réponse à des questions qu'il ne possède pas lui-même. Chaque élément de réponse avait son lot à apporter, même s'ils pouvaient sembler bien maigres en certaines circonstances.

-J'y crois dans une certaine mesure, mais je veux penser qu'on lui accorde en revanche une importance qui engendre des dérives sectaires et ségregationnistes particulièrement alarmantes, répondit Adalbert sans broncher. Admettre que la magie de sang existe, c'est reconnaître que nous sommes prédestinés d'une certaine manière à certaines aptitudes, ce qui dans le cas de la sorcellerie n'est pas totalement infondé mais invite à un échelonnage de valeur dangereux. Il marqua une pause. Difficile cependant de ne pas admettre que la magie de sang existe quand le sang est un élément notoire et indispensable de beaucoup de rituels de magie noire. Il laissa passer un temps de silence. C'est d'ailleurs pour cette raison que, même si je trouve le sujet fascinant et qu'il mériterait de s'y attarder de bien des manières, j'aurais plutôt tendance à l'éviter - j'ai conscience d'à quel point il est dangereux. En tant que théoricien de la magie, je suis bien obligé de m'intéresser aux formes les plus obscures de la magie, mais je préfère tout de même ne pas m'y attarder de trop près... j'ai conscience d'à quel point elles peuvent être dangereuses.

Oui, il était en train de parler, de beaucoup parler, de trop parler comme c'était bien trop souvent le cas quand cela touchait à son métier. Il savait qu'il fallait qu'il se calme, que ce n'était pas vraiment la question, dans le fond.

-Mais nous nous écartons du sujet... J'imagine que c'était vain de m'attendre à ce que vous puissiez justifier du caractère inné ou non de vos aptitudes, après tout, la question de ce qui fait de nous des sorciers continue de m'intriguer et je suis loin d'avoir la réponse.

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