Au bûcher [pv Isobel <3]

O

n ne le répétera jamais assez, mais Langdon aurait sans doute plus rapidement fait de venir vivre directement au sein de l'église où résidaient les Fidèles de Salem que de conserver son modeste appartement, où il ne se trouvait presque jamais, mais c'était ainsi, il avait de bonnes raisons d'être là, et alors que les événements s'étaient précipités, fragilisant plus que jamais la famille Barebone, Langdon ne se voyait pas où que ce soit d'autre dans tous les cas. Le jeune homme était encore bouleversé par la soirée du Nouvel An... Elle laissait en lui un sentiment... particulier, qu'il n'expliquait pas tout à fait. Il avait de cette soirée quelques flashs, le souvenir d'une grande agitation publique, le sentiment que la vérité se faisait jour, mais le tout condensé dans un brouillard si épais qu'il se demandait s'il n'avait pas tout simplement rêvé tout cela... impossible pour lui de le savoir.

Tout ce qu'il savait, c'est qu'il s'était réveillé le lendemain matin avec une impression un peu amère en travers de la gorge, et quand il s'était rendu à l'église, il avait réalisé qu'elle avait été en partie détruite... il était presque miraculeux que l'endroit ne se soit pas simplement effondré. Les lieux étaient insalubres, et surtout, Mary Lou n'était pas là... Chastity lui avait appris que la pauvre femme avait été conduite directement à l'hôpital. Ni elle, ni Modesty, n'avaient assisté à l'effondrement de l'église, elles ne savaient pas ce qui s'était passé... Mais Langdon, à qui il n'en fallait pas davantage, pensait se faire une très bonne idée de ce dont il était question, en l'occurrence.

Et Mrs Barebone lui confirma ses soupçons sitôt qu'il eut l'occasion de la revoir, lui affirmant être convaincue que des sorciers étaient derrière tout cela, même si ses souvenirs étaient également confus... au final comme ceux des convives qui étaient incapables de décrire exactement ce qui s'était passé le soir où son frère était mort. Maintenant, ils accusaient les conséquences : Credence avait disparu, l'église était vétuste... et les sorciers en avaient définitivement après eux... Ce qui était quelque part une bonne chose. Cela prouvait bien qu'ils étaient considérés comme une véritable menace, non ?

Oui, Langdon estimait avoir les meilleures raisons du monde de se trouver ici et nulle part ailleurs et comptait bien être présent, plus que jamais, pour les fidèles de Salem. Cependant, quand il passa le pas de la porte, ce ne fut pas sur Mary Lou qu'il tomba mais, à sa grande surprise, sur une jeune femme qu'il connaissait certes, mais qu'il assimilait à un contexte bien, bien différent.

-Isobel ? Qu'est-ce que tu viens faire ici ?

Isobel était la secrétaire de son père, donc autant dire qu'il ne voyait pas du tout ce qu'elle venait faire ici. Mais quoi qu'il en soit, elle était bel et bien là.

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C'

était vraiment singulier - pour ne pas dire inconcevable, que de croiser Isobel ici. Il n'y pouvait rien, le jeune homme ne pouvait pas s'empêcher de trouver cela étrange. Il faut dire que, à ses yeux, Isobel et les Barebone appartenaient à des mondes très différents. Isobel appartenait au monde pétri de fausses certitudes dont son père relayait les événements récents à travers les différents organismes de presse qu'il dirigeait, et Mrs Barebone et ses enfants adoptifs (enfin, ses filles, vu que Credence était aux abonnés absents et qu'il fallait soupçonner qu'il ne reviendrait plus jamais) appartenaient au monde des éveillés, de ceux qui avaient réussi à gratter sous la surface et à acquérir une meilleure compréhension de l'existence.

Quelque part, Langdon voulait que ces deux mondes se côtoient, il le voulait d'autant plus que cela finirait qu'il serait enfin pris au sérieux, que la population serait prête à accepter l'existence des sorciers... Pourtant, il ne pouvait pas réussir à se réjouir de voir Isobel ici. Cela aurait été différent, ça ne faisait absolument aucun doute, s'il s'était agi de son père. Mais ce dernier, il le savait, restait campé sur ses positions, et il n'osait pas même entretenir le fin espoir que la secrétaire de Henry Shaw ait pu faire le déplacement jusqu'ici à la demande de ce dernier.

-J'ignorais que vous vous connaissiez, observa Langdon.

Et c'était la vérité. Et ce constat ne lui plaisait par ailleurs pas du tout. Pas que Mrs Barebone soit tenu de lui faire un rapport détaillé de toutes ses fréquentations et de tous ses agissements, loin de là, mais en règle générale, Langdon passait tant de temps aux côtés des fidèles de Salem que les informations du genre avaient peu de chances de lui échapper. Forcément, le jeune homme ne pouvait s'empêcher de constater que la venue d'Isobel ici coïncidait peut-être un peu trop avec les récents événements. D'accord, la jeune femme disait elle-même que c'était lié, mais disons... c'était quelque chose que Langdon ressentait. Il avait le sentiment qu'il y avait chez son interlocutrice quelque chose de... différent.

Et en cet instant, il se demandait si l'appréhension qu'il avait presque toujours eu d'elle ne serait pas lié, de près ou de loin, à une intuition tenace. Et si Isobel avait un rapport avec ce qui était arrivé aux Barebone et revenait maintenant sur les lieux de son méfait comme l'on dit que les criminels reviennent toujours sur les lieux de leur forfait ? C'était complètement capillotracté, comme hypothèse. Il était plus probable, en vérité, que son père ait envoyé Isobel ici pour le surveiller. Que ce soit un cas ou l'autre, cela déplaisait profondément à Langdon (et il devenait de plus en plus certain qu'il devait à tout pris faire quelque chose pour contrôler sa paranoïa, mais il ne fallait pas trop lui en demander non plus).

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I

sobel apprit à Langdon qu'elle avait eu connaissance de l'existence de Mary Lou Barebone par son intermédiaire. Maintenant qu'elle le disait, ça semblait effectivement évident. Il faut dire que toutes les personnes qui faisaient partie de son entourage, de près ou de loin, ne pouvaient que connaître sa fascination pour la "bonne parole" édictée par les fidèles de Salem. Qui plus est, il avait conduit la famille Barebone directement dans les bureaux de son père, Isobel avait eu tout le loisir de faire sa connaissance à ce moment-là.

Mais même en tenant compte de cela, il ne s'était pas imaginé qu'elle puisse réellement s'intéresser à ce qu'exposaient pourtant à juste titre les personnes dont il avait rejoint la cause. Et même maintenant encore, il restait sur sa réserve. Il ne pouvait s'empêcher de se demander si son père ne l'avait pas mandatée pour venir mettre son grain de sel là-dedans, ou si elle-même n'avait pas quelque intention suspecte... Il y avait quelque chose, chez elle, qui le laissait défiant. D'un autre côté, il se défiait de tout le monde à l'heure actuelle. De tout le monde sauf des Barebone, et c'était certainement sa plus grande erreur.

En tout cas, elle semblait s'intéresser très directement à la cause. Est-ce que c'était une bonne ou une mauvaise chose, il aurait peine à le dire pour le moment, d'un autre côté, il pouvait bien reconnaître que plus de personnes se retrouvaient sensibilisés à ce que les fidèles de Salem avaient à dire, mieux c'était. Sur le principe. Mais elle ne lui en disait pas assez pour le moment pour qu'il sache réellement qu'en penser à l'heure actuelle. Et il comptait bien en apprendre plus. Mary Lou n'était pas là pour l'heure, ça lui laissait dans tous les cas tous le loisir d'en apprendre davantage sur ce qu'étaient ses motivations, sur la légitimité de ces dernières.

-A quel sujet ? demanda-t-il aussitôt et sans prendre de détour.

Peut-être ne voudrait-elle pas répondre à une question à ce point frontale, mais peu importe, il tenterait le coup. Si ses intentions étaient pures, si elle n'avait rien à cacher, ça ne la dérangerait pas de répondre d'office à ses questions de toute façon non ? Peut-être... En tout cas, la question de Langdon était posée, et il n'y reviendrait pas. Il y avait longtemps qu'il avait oublié ce que c'était de faire preuve de finesse et de délicatesse... en fait, il était assez probable qu'il n'en ait jamais rien su, mais les récents événements n'avaient pas du tout arrangé son cas malgré tout, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle avait voulu s'entretenir avec Mary Lou, c'était suffisamment intrigant pour qu'il réclame des précisions, peu importe qu'elles soient satisfaites ou non.

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C

oncernant la magie. Bon, d'accord. C'était mieux que rien, comme réponse, mais le jeune homme avait tout de même un certain mal à s'en satisfaire. Et pour cause, n'importe qui décidant de s'approcher de Mrs Barebone en invoquant le fait qu'elle était le chef de file des fidèles de Salem (et d'ailleurs, elle y consacrait tant son existence que Langdon doutait qu'elle soit véritablement autre chose, pour le meilleur et pour le pire en somme) voulait forcément parler de la magie. Enfin... Pour lui, le terme de "magie" était assez inadéquat, parce qu'il était trop vague, il donnerait presque à ses individus des vertus positives alors qu'ils ne faisaient que répandre le mal et la souffrance autour d'eux.

Pour lui, le terme de sorcellerie était bien plus approprié, et c'était clairement une chose de laquelle il ne démordrait pas.. en attendant, elle exprimait donc une curiosité qu'elle aurait voulu assouvir en venant trouver Mrs Barebone. Ca se tenait par certains aspects... mais Langdon avait du mal à le croire. Il n'arrivait pas à s'ôter de la tête l'idée que la jeune femme soit simplement là à la demande de son père, pour mettre son nez dans les affaires des Barebone, qui n'avaient clairement pas besoin de détracteurs influence alors que l'heure était si grave... pour tout le monde. N'en déplaise à toutes ces personnes obtues qui refusaient catégoriquement d'admettre que le mal en approche pourrait bien répandre un cataclysme inarrêtable si personne ne faisait rien.

-Et alors ? demanda-t-il en croisant les bras, toujours sur la défensive, presque malgré lui. Vous avez appris quoi ? ça vous a éclairée ?

Même si elle était venue là par pure curiosité, la question se posait pour lui. Est-ce qu'elle croyait vraiment dans le discours de Mary Lou ou jouait-elle un double jeu ? (Il s'avérait qu'elle s'y connaissait en double jeu, mais pas dans le sens qu'il était capable pour sa part d'imaginer... et pour cause, qui irait s'imaginer... ça ?) Si, vraiment, elle était venue s'adresser à Mary Lou dans le seul but d'en apprendre plus et de démêler le vrai du feu, peut-être devrait-il envisager de baisser sa garde (même s'il était difficile pour lui de savoir dans quelle mesure il pouvait se permettre de faire confiance à celle qui restait avant tout et surtout une émissaire de son père). Si elle était convaincue par les affirmations (justes, au passage) des fidèles de Salem, peut-être qu'elle parviendrait à réussir là où lui-même avait échoué ? Peut-être parviendrait-elle à convaincre son père ? Non... ce serait trop beau. Henry Shaw était bien trop borné pour ça, il était quasiment impossible d'envisager que, vraiment, il lui suffirait de deux sons de cloches identiques pour abattre sa fichue fierté et voir la vérité en face. A croire qu'il devait connaître le même sort que son frère pour ouvrir enfin les yeux.

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angdon restait défiant mais se découvrait tout de même intrigué par les circonstances. Il avait envie, besoin de savoir, de comprendre... peu importe ce qui avait motivé la venue d'Isobel, ce n'était pas anodin, ça voulait forcément dire quelque chose pour lui. Ce pouvait être en bien, en mal... mais c'était le cas quoi qu'il en soit. Et il avait besoin de comprendre. Isobel se jouait-elle de lui et agissait-elle au service de son père ? Ou son propos était-il sincère ce qui, dans ce cas, soulevait un grand nombre d'autres questions dont le jeune homme souhaitait à présent connaître les réponses. Il allait falloir qu'il fasse la part des choses, qu'il parvienne à distinguer le vrai du faux, mais en attendant, il était évident que les propos que tenait Isobel suscitaient sa curiosité et réveillaient son attention.

Si elle fut relativement vague pour commencer (et demeura relativement lacunaire ensuite), le jeune homme retenait tout de même une information qui était des plus capitales. La jeune femme pensait avoir croisé la route de sorciers. Langdon avait du mal à ne pas se montrer cynique à ce sujet, pour tout dire, car en vérité, il estimait que c'était là le noeud du problème... Et d'ailleurs, il ne put s'empêcher de lâcher une légère réflexion à ce sujet, même si ce n'était pas forcément le plus approprié et que cela dissuaderait peut-être son interlocutrice de lui en dire davantage ensuite.

-Comme nous tous.

Voilà, c'était sorti tout seul, mais en même temps, oui, c'était ce qu'il pensait. Le problème des sorciers, ce n'était pas seulement qu'ils existaient, c'est qu'ils pullulaient et qu'on les laissait se fondre dans la masse sans rien faire. Ce n'était pas pour rien si les actions menées par les Barebone avaient autant d'importance à ses yeux. C'est qu'il ne s'agissait pas seulement de cas isolés, c'était une menace bien réelle et concrète. Oui, ils avaient tous croisé la route de sorciers, déjà... Et Langdon, pour sa part, était le mieux placé pour le savoir depuis le décès de son frère. C'était le plus frustrant dans l'affaire. Son père, par exemple, avait été concrètement confronté à la sorcellerie, Langdon le savait puisqu'il était là, et pourtant il restait le plus obstiné à prétendre que la magie n'existait pas. Absurde.

-Qu'est-ce qui vous fait penser ça ? demanda-t-il tout de même - en espérant qu'elle accepterait de lui répondre.

Si elle ne se jouait pas de lui et avait bel et bien eu ce déclic, ce quelque chose qui lui avait fait admettre que la sorcellerie existait bel et bien (parce qu'ils devaient tous en passer par là, manifestement), alors c'était d'une importance capitale, et il avait envie de comprendre ce que c'était. Et surtout, qu'Isobel cesse d'employer le conditionnel pour enfin admettre la vérité concrète de ce qu'elle avait vécu.

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angdon devait bien admettre qu'il ne ménageait clairement pas Isobel, mais en même temps, pourquoi le ferait-il ? Il ne voyait aucune raison de la ménager. Il avait bien compris que ça ne faisait du bien à personne. A lui-même, d'ailleurs, ça n'en faisait absolument aucun, alors autant qu'il applique aux autres les mêmes résolutions qu'il s'adressait à lui-même, pas vrai ? Le jeune homme s'autorisa tout de même à écouter ce que son interlocutrice avait à lui dire. Forcément, son opinion était biaisée par le lien qu'il ne savait que faire entre la jeune femme et son père, mais malgré tout, si elle avait été en contact avec des sorciers, il ne pouvait pas faire la fine bouche ni la sourde oreille.

Cela faisait une éternité qu'il attendait que l'on cautionne enfin son discours, qu'on donne du crédit à sa parole. Si une personne proche de son père était capable de reconnaître l'existence de la sorcellerie, alors peut-être feraient-ils un grand pas en avant ? A moins que tout ceci ne soit jamais que manigances, bien évidemment. Ce qui n'était pas forcément à exclure, même si dans son attitude, Isobel paraissait sincère, de même que sincèrement soucieuse de s'exprimer au sujet de ce qui la taraudait. Alors la moindre des choses c'était de l'écouter, d'entendre ce qu'elle avait à dire. Qui sait, ce ne serait peut-être pas si absurde que cela. Et si elle avait vraiment rencontré des sorciers, si elle avait des preuves tangibles à fournir, cela pourrait être d'une aide précieuse aux fidèles de Salem. Même si le fait que Mary Lou n'ait pas pu lui apporter toutes les réponses qu'elle voulait n'était pas un constat encourageant, mais ça ne voulait rien dire non plus.

Donc, elle avait des problèmes dans sa vie (là encore, Langdon avait envie de répondre "comme tout le monde", mais il allait se retenir, cette fois). Elle avait observé des choses étranges, elle avait des sortes d'absences... Langdon restait sceptique, tout en s'en voulant un peu de réagir comme ceux qui se montraient justement sceptiques à son adresse. Avoir des absences ça ne voulait pas forcément dire qu'on était victime d'un sortilège. Même à lui ça lui arrivait en ce moment, mais il mettait plutôt cela sur le compte de son extrême fatigue, parce qu'il ne dormait définitivement pas assez, et qu'il était constamment épuisé. Malgré tout, il avait tout de même le sentiment... qu'elle ne lui disait pas tout. Qu'il y avait quelque chose d'autre derrière le mot "absence". Et ça, il avait besoin de le comprendre.

-Qu'est-ce que vous entendez par "absences" ? l'interrogea-t-il, laissant parler sa curiosité sans réellement savoir où ceci allait les mener et qu'attendre plus précisément de sa réponse. Il avait simplement besoin de savoir.

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angdon accueillit les informations que lui donnait son interlocutrice avec un mélange de surprise et de défiance. Ce que son interlocutrice lui disait n'avait rien pour le rassurer. Langdon avait tendance à penser que si son interlocutrice n'avait fait que rencontrer des sorciers, le résultat ne serait pas celui qu'elle lui décrivait... Sa situation ressemblait à s'y méprendre à de la possession. Est-ce que les sorciers étaient capables de cela ? Aux yeux du jeune homme, oui, il ne pensait pas qu'il y ait grand-chose dont ces gens ne soient pas capables... Et donc, il se retrouvait peut-être en présence d'une véritable bombe à retardement, voir en présence d'un sorcier qui aurait pris possession du corps d'Isobel... à moins que la jeune femme ne soit une sorcière et tente de les mener en bateau ? Une chose était certaine, pour le jeune homme, la défiance était de mise, et il comptait très clairement mettre des distances de sécurité entre lui et elle tant qu'il n'en saurait pas plus à son sujet. Il allait falloir qu'il ait une conversation avec Mary Lou la concernant.

Il ne savait pas quoi dire, il ne savait pas comment réagir à toutes ces informations. Il avait besoin d'y repenser à tête reposée. Pour le moment, il était incapable d'en tirer les déductions qui s'imposent. La seule chose qu'il avait clairement en tête, pour le moment, c'était que la situation prêtait à inquiétude et interrogations. Et ça ne pourrait pas simplement se passer comme cela, c'était tout bonnement impossible. Même s'il ne savait que dire... au fond, c'était sans importance, car la jeune femme avait d'ores et déjà repris la parole, pour lui parler de son père. Comme à chaque fois que l'on évoquait Henry Shaw Sr. avec lui, il sentit un frisson glacé le parcourir. C'était devenu un sujet délicat, épineux, pour lui.

-Si j'allais voir mon père pour lui répéter ce que vous venez de me dire, il ne me croira de toute façon pas, répondit Langdon.

Pour autant, la question se posait. Ne devrait-il pas parler à son père de tout ça, justement ? Peut-être bien que oui, en réalité, car si Isobel était possédée ou, pire encore, était une sorcière, cette femme que son père voyait tous les jours risquait fort de nuire à son père et de lui faire du mal. Leur situation était conflictuelle, oui, mais Langdon n'avait définitivement pas envie que le moindre mal arrive à son père, surtout pas. Langdon ne savait pas sur quel pied danser, en l'occcurrence, mais il savait qu'il se sentirait rassurer si cette femme pouvait rester à l'écart de son père.

-Mais vous devriez envisager de démissionner. Si vous risquez d'être un danger pour votre entourage, alors j'estime que ce serait la moindre des choses, ajouta-t-il alors.

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uand Isobel affirmait qu'elle ne ferait jamais de mal à son père, Langdon sentait bien qu'elle en était convaincue, mais cela ne suffisait pas pour autant à le convaincre lui. Loin de là, même. Pas après ce qu'elle lui avait appris. Il voulait bien reconnaître qu'il était important pour son père de pouvoir compter sur les points de repère qu'il lui restait. Il avait déjà perdu ses deux fils, il n'avait pas tant d'amis que cela, il devait pouvoir s'entourer de personnes de confiance... mais Isobel était-elle encore une personne de confiance ? A l'évidence non. Le simple fait qu'elle se trouve ici en cet instant prouvait bien qu'elle était capable de faire des cachoteries à son interlocuteur, ce n'était pas forcément ce qu'on appellerait faire montre de respect ou encore être digne de confiance.

Par ailleurs, même si son père avait besoin d'elle, Langdon estimait qu'elle n'était pas indispensable non plus. Des secrétaires, Henry Shaw serait capable de s'en trouver d'autres si nécessaires, et tout aussi compétentes. C'est sûr, il avait autre chose à penser pour le moment, et ce n'était pas le genre de choses qu'il devait avoir envie de gérer en plus du reste, mais s'il en allait de son équilibre et de sa sécurité, alors... Oui, parce que même si on ne le dirait pas, comme ça, Langdon s'inquiétait sincèrement en ce qui concernait son père. Il voulait ce qu'il y avait de mieux pour lui. Et c'était un état d'esprit qui n'avait pas changé ou évolué, malgré le fossé qui s'était creusé entre eux, malgré tous les propos blessants qu'ils avaient pu avoir l'un envers l'autre.

-Comment vous pouvez prétendre ça après ce que vous m'avez dit ? répliqua Langdon, particulièrement sceptique.

D'accord, d'accord, elle avait l'air de tenir honnêtement à son job, et tout aussi honnêtement à son père, mais la bonne volonté de la jeune femme n'y suffisait pas dans ces circonstances, encore moins s'il y avait de la sorcellerie en jeu. Sa famille avait le don de s'attirer tous les sorciers du coin, à l'évidence. Langdon n'avait aucune intention de laisser à son père courir le risque de subir le même sort que celui qui avait scellé le destin de son frère. Il en était même hors de question.

-Vous avez des absences, vous ne contrôlez pas vos gestes et vos paroles dans ces moments-là, c'est bien ce que vous m'avez dit, non ? Alors comment vous pouvez m'affirmer cela et prétendre cinq minutes après avoir le contrôle de la situation ? Il croisa les bras. C'est bien simple, en fait : soit vous êtes irréprochables et vous n'avez rien à faire ici, soit vous êtes dangereuse, et par respect pour mon père, vous devriez cesser de l'approcher.

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-C'

est mon père, bien sûr que je me préoccupe de lui, se défendit Langdon avec agacement, qui n'était jamais aussi catégorique que lorsque son père ne se trouvait pas dans les parages, bien évidemment.

Il aurait pu en rajouter une couche en ajoutant que ce n'était certainement pas lui qui ne se souciait pas de son géniteur, mais son géniteur qui ne s'était jamais soucié de lui, mais il savait pertinemment que son interlocutrice s'en fichait dans tous les cas. Il n'empêche que oui, Langdon se souciait de son père, c'était d'ailleurs parce qu'il se souciait de lui et de ses opinions que leurs rapports étaient à ce point conflictuels... Parce que sentir être une déception constante aux yeux d'une homme que l'on avait toujours voulu rendre fier était une épreuve bien plus douloureuse que d'être mal considéré par une personne pour qui, de toute façon, vous n'aviez pas de considération : mais loin de lui l'envie de s'épancher sur sa relation avec son père ici et maintenant.

-Ne commencez pas à parler de choses que vous ne connaissez pas, n'essayez même pas de prétendre savoir mieux que moi, vous qui n'êtes jamais qu'un écrivaillon qu'il pourra bien décider de remplacer sans scrupule dans la seconde où il n'aura plus besoin de vous. Vous ne lui servez à rien, mais c'est mignon de prétendre que vous n'êtes pas une entité disposable sous le prétexte de m'atteindre.

Sauf que ça marchait, pas vrai ? Oui, clairement, ça marchait. Langdon n'arrivait pas à dissimuler le fait que ces propos le blessaient, et c'est bien parce que la jeune femme se montrait blessante qu'il se permettait de l'être tout autant en retour de son côté. Oui, ça le rendait dingue quand des tierces personnes commençaient à prétendre savoir quoi que ce point de lui et de sa relation avec son père.

-Si vous redoutez que je ne veille pas assez sur mon père, alors rassurez-vous, je vais me rattraper très vite. Il n'est plus question que vous travaillez pour lui, il n'est même plus question que vous l'approchiez. Je ne veux plus jamais entendre parler de vous et encore moins vous savoir dans sa vie.

Oui, Langdon était terriblement virulent, mais il pensait chacun des mots qu'il prononçait : il ne savait pas faire autrement que d'exprimer directement le fond de sa pensée, et sans aucune hésitation : son père risquait de ne pas être du même avis, mais Langdon s'en fichait : il protégeait ses arrières, c'était aussi simple que cela, et tant pis si son père ne l'écoutait pas et s'il devait s'y prendre autrement, Langdon ferait ce qu'il faudrait pour que cette femme n'approche plus jamais son père. Se retrouver à quelques mètres de lui serait déjà beaucoup trop.

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