Eleanora Shanks [Fini]

Mes parents sont cons. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? C'est comme ça, c'est la vérité. Mes parents sont cons. Qu'ils se sont aimés, je peux l'entendre, mais qu'ils m'aient mis au monde, c'était d'une connerie sans nom... Bon, je regrette pas d'être née en soi, hein. Mais je n'irais pas raconter leur histoire comme celle d'un amour profond et tragique à la Roméo et Juliette ou autre. Ma mère était une sorcière, mon père un moldu. Ces cons n'avaient rien à foutre ensemble de base, selon nos très chères et anciennes lois, mais ils ont décidé que leur amour en valait la peine... Des cons, je vous dis. Bref, ils se sont aimés en toute clandestinité, et je suis née, dans cette même clandestinité. Au début, ils se sont dits qu'ils arriveraient à faire avec, ils m'ont donné un prénom, mais je n'avais pas de papiers d'identité, pas le droit d'exister. On m'a planquée toute mon enfance. Mon père est devenu dingue à cause de ça. Je pense qu'il m'a immédiatement détestée. Parce que c'était simple et bien joli de jouer les jolis coeurs avec une sorcière tant qu'il y avait pas de marmot illégal à se coltiner... Ensuite, c'est devenu plus compliqué. Il en a eu marre, il s'est barré... J'ai plus jamais eu de nouvelles de lui. Honnêtement, je m'en porte pas plus mal. Je pense que, dès la naissance, je l'ai pas aimé non plus. Lui et tous les lâches de son espèce...

Ma mère s'est fait choper quelques mois après ça. En même temps, je sais pas ce qu'elle comptait faire de moi, sinon. Me planquer sous le tapis jusqu'à la fin de mes jours ? De ses jours, plutôt... Bref, elle s'est fait coincer. Elle a été conduite en prison (c'est un truc de famille, ça). Et moi, à partir de là... ça a été du grand n'importe quoi. J'étais pas une gamine facile, ça je l'admets, mais vous admettrez aussi que la vie m'a pas des masses aidée dans ce sens. Je suis passée de foyer en foyer, jusqu'à mes onze ans où on a enfin pu me refourguer à Ilvermorny, en internat... l'idéal pour ne pas trop se prendre la tête avec moi. J'ai été répartie dans la maison Womatou. Celle des guerriers, qu'ils disent. C'est un truc qui me déplaît pas.

J'étais une élève épouvantable. Je séchais à peu près tous les cours possibles et imaginables, j'étais indisciplinée, j'en foutais pas une... j'ai pris une succession quasiment ininterrompue de blâmes tout au long de ma scolarité, et c'est presque un miracle que je l'ai finie sans me faire virer. Je crois que, globalement, on a eu pitié de moi. C'est con, je le mérite franchement pas ça, mais tant mieux. Faut dire que j'ai très vite développé une technique bien à moi : je sais que j'ai une petite gueule d'ange, alors j'en joue. Un loup déguisé en agneau. C'est de là que vient mon surnom : Crazy Lamb. Et je l'ai pas volé.

Sortie d'Ilvermorny, j'avais aucune idée de ce que j'allais faire de ma vie. Alors j'ai décidé de vivre comme je le voulais, au jour le jour, sans me soucier de rien ni de personne. J'ai intégré le milieu de la Pègre new-yorkaise. D'abord, je me contentais de petits jobs ingrats. De fil en aiguille, je suis devenue tueuse à gage. Et pas mauvaise, selon moi. Je tue. Sans distinction. Mais c'est souvent des No-Majs, c'est vrai. Je pense que je suis plutôt douée... ça m'a pas empêchée de me faire coffrer.

J'ai été enfermée au pénitencier pour sorcières de New York. J'y suis restée quatre ans, quatre années absolument infernales... Je crois que j'ai toujours été dingue, mais ça a pas aidé, c'est sûr. Ce qui me faisait tenir, c'est que je savais que j'échapperai à la perpétuité à laquelle on m'avait condamnée. Parce que je me casserai d'ici. Et en effet. C'est sûr, ça a pris du temps, mais grâce à des complices à l'extérieur, j'ai réussi à me tirer. Maintenant, je suis libre comme l'air. Ma tête est mise à prix, certes, mais je trouve ça plutôt... cool. Le polynectar est devenu mon meilleur ami... De toute façon, vivre en marge, ça a toujours fait partie de ma vie, alors ça change pas grand-chose. Et ces derniers temps, avec le retour de Grindelwald et l'hécatombe des Aurors du MACUSA, on a autre chose à faire que de me coller au train. L'un dans l'autre, ça m'arrange bien.

J'ai pas un caractère facile, ça tout le monde pourra vous le dire. Je suis du genre borné, et à surtout pas me laisser marcher sur les pieds. Quand j'ai quelque chose à l'esprit, je le dis, je le fais, je déteste l'inactivité : les feignasses qui se tournent les pouces, les pseudo-intellos qui passent leur temps à bavasser et glandent jamais rien, ça m'emmerde royalement. Moi, je suis franche du collier. Je mens quand il le faut, parce qu'on doit tous passer par là, mais j'hésite pas à ouvrir ma gueule quand un truc me dérange, et j'adore me faire remarquer, je l'avoue.

Pourtant, on pourra penser tout autre chose de moi pour peu qu'on me rencontre dans un contexte où je cherche à être dans vos petits papiers. Je sais faire les yeux doux à ceux que je cherche à amadouer, je sais me faire passer pour une petite chose fragile et influençable. Le jour de mon procès, par exemple, ce que j'en ai chialé, des larmes de crocodile, je suis sûre que c'est ce qui m'a évité l'aller direct pour la potion de mort. Je suis une bonne comédienne, c'est indispensable, dans mon milieu.

J'ai pas froid aux yeux, c'est le moins qu'on puisse dire... J'ai pas beaucoup de scrupules, et j'ai aucun mal à me montrer cruelle, voire impitoyable. La vie m'a pas fait spécialement de cadeaux, alors je m'amuse pas à en faire aux autres. Je sais garder mon sang froid dans les situations critiques, et même s'il peut m'arriver de perdre mes moyens, c'est quand même très rare. En règle générale, je m'accomode de tout.

Ce qui ne veut pas dire que rien n'est susceptible de me toucher. J'ai une putain de sensibilité, comme tout un chacun. Mais j'ai appris, de longue date, à ravaler mes émotions et à ne les montrer à personne, surtout. Je crois que ça vaut mieux pour tout le monde.