Rayon de soleil | Queenie

Q

ueenie était lasse, partagée entre tant d'émotions contradictoires qu'elle avait le sentiment qu'elle allait finir par exploser, purement et simplement. Elle se sentait triste, profondément triste, et ce sentiment qui initiait tous les autres était le plus difficile à supporter. On avait beau dire, la plaie ne se refermait pas. Elle pensait à Jacob, constamment, il n'y avait presque aucun moment où il n'occupait pas ne serait-ce qu'un fragment de son esprit. C'était en elle. Plus fort qu'elle. Elle n'y pouvait rien. Et pourtant, tous, ils voulaient qu'elle oublie, qu'elle tourne la page. Pour son propre bien, c'est vrai, mais qu'en savaient-ils, tous, de ce qui était susceptible de la rendre heureuse ou malheureuse ?

C'est là que la foule d'autres sentiments entrait en ligne de compte. Au-delà de la tristesse, il y avait de la colère, de la colère envers un système injuste qui la privait de la plus belle histoire qu'elle ait jamais vécu, de la colère envers tous ceux qui l'exhortaient sans cesse à redevenir elle-même, comme si elle pouvait encore être elle-même sans Jacob. Et il y avait une certaine forme de honte, aussi, car plus on lui rappelait qu'elle n'était plus exactement la jeune femme douce et rayonnante qu'elle avait toujours été auparavant (négligeant la sensibilité dont elle avait également toujours fait preuve), plus elle s'en voulait de ne pas être capable de répondre aux attentes de ceux qui s'angoissaient pour elle. Elle ne pouvait pas aller bien c'est tout. Parce que pour aller bien, elle avait besoin de Jacob, tout simplement.

Engoncée dans son manteau d'hiver, elle avait décidé de prendre un peu l'air. Cela faisait plusieurs jours qu'elle n'avait pas remis les pieds au MACUSA, s'inventant une maladie à rallonge pour sa propre tranquillité. Elle passait le plus clair de son temps enfermé chez elle, mais elle supportait de plus en plus mal d'éprouver l'inquiétude constante de Tina, qui, impuissante, n'avait plus la patience de compatir.

Elle avait choisi de se rendre à Central Park. Un peu de verdure ne pourrait sans doute pas lui faire de mal. Elle marchait déjà depuis une petite demi-heure, ignorant les chemins les plus passants pour ne pas avoir à supporter les pensées du tout-venant, qui lui paraissaient bien souvent d'une vacuité absolue. Puis elle le reconnut, plongé dans sa lecture, et un sourire comme elle en faisait tout le temps... avant décora ses lèvres. Lucius. Elle était heureuse de le voir. Il avait été désarmant, dans un premier temps d'être celle que l'on sondait, mais agréable aussi. Lucius était à même d'entièrement comprendre ce qu'elle vivait, ce que ses pouvoirs impliquaient, et même ses déboires sentimentaux.

-Je tente d'aller mieux, choisit-elle de répondre, consciente qu'un mensonge ne saurait convaincre son interlocuteur. Et vous, comment allez-vous ? Je suis heureuse de vous revoir.

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Q

ueenie savait que le bonheur qu'elle avait de revoir Lucius et de pouvoir parler avec Lucius était réciproque. On n'imaginait pas, quand on n'avait pas pour habitude assez malsaine mais difficilement contrôlable de lire dans l'esprit d'autrui, combien on se mettait de barrière mentale. Les autres n'étaient jamais complètement eux-mêmes avec leur entourage. Même avec ceux dont ils étaient le plus proches. Il y avait toujours quelque chose, même si c'était parfois infime, que l'esprit cachait que le coeur exprimait sans que la voix ne le traduise en mots. Avec Lucius, toute barrière était levée. Ce pouvait sembler désarmant, c'était en vérité un grand soulagement, même si cela les obligeait à l'un comme à l'autre de regarder en face la souffrance de l'autre même quand il serait plus rassurant d'en faire abstraction.

Et sa souffrance à elle n'était rien en comparaison de ce que Lucius éprouvait et que Queenie ressentait par son intermédiaire. Elle était terriblement triste d'avoir perdu Jacob, malheureuse de songer au fait qu'il ne se souvenait pas d'elle, mais cela n'avait rien de comparable à ce qu'endurait Lucius. Il avait perdu une femme, il avait perdu une fille. Son passé le hantait, et continuerait sans doute de le hanter quoi qu'il advienne. Et à Queenie, il ne pouvait pas le dissimuler.

Elle savait que lui aussi cherchait à aller mieux. Mais entre vouloir aller de l'avant, il y avait un monde, un océan à franchir. Et l'un comme l'autre, ils étaient encore loin du compte. Au moins, en présence l'un de l'autre, n'avaient-ils pas besoin de prétendre avoir fait leur deuil, elle d'une relation qu'elle n'acceptait pas de savoir éteinte, lui d'une vie de famille qui avait été douce et harmonieuse.

-En effet, répondit doucement Queenie en prenant place à côté de Lucius. Elles vous manquent tellement... Elle baissa le regard. C'est si difficile d'aller mieux quand on a déjà connu le vrai bonheur... et qu'on sait qu'on ne connaîtra plus jamais quoi que ce soit qui y ressemble autant... Et là, elle allait les déprimer bien comme il faut tous les deux si elle continuait sur cette voie. Il était sans doute préférable qu'elle cherche à tirer le meilleur de lui, comme il pouvait tirer le meilleur d'elle-même. Tout se passe bien à Ilvermorny ? L'époque où j'étais encore élève me manque un peu.

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I

l était certain qu'à ce jour, dans les circonstances actuelles, l'on ne pouvait affirmer que tout allait plutôt bien qu'en nuançant son propos. Peu importe combien l'on avait été impliqué dans les événements du Nouvel An, ceci avaient forcément laissé une trace indélébile dans l'esprit de chacun. Il y avait eu trop de victimes, trop de dégâts humains et matériels pour qu'ils aient laissé qui que ce soit insensible. Sans compter bien sûr le retour de Grindelwald, qui aurait le don d'inquiéter n'importe qui d'un tant soit peu sain d'esprit (y compris Queenie pour l'heure, qui avait tout de même l'impression que sa sanité d'esprit se faisait doucement la malle, lentement mais sûrement, à chaque jour qu'elle passait loin de l'homme qu'elle aimait).

Aussi, dire que les choses allaient au mieux au regard des circonstances, c'était déjà une bonne chose, puisque les circonstances, elles, ne pourraient être effacées ou oubliées d'un claquement de doigts. Les élèves étaient agités par la nouvelle, forcément, mais Queenie, connaissant le caractère de Lucius, était convaincue qu'il savait de quelle façon s'y prendre afin de les recentrer et de les aider à se focaliser au mieux sur leurs études. Tous ces jeunes esprits ne méritaient pas d'être accablés par des considérations que la legilimens elle-même ne se sentait pas capable d'assumer alors qu'elle était devenue adulte depuis un moment déjà.

-Je n'étais pas très studieuse, et plutôt bavarde, se remémora-t-elle dans un sourire en songeant à ses années passées à Ilvermorny. Le temps qu'elle avait passé là-bas avait été dans l'ensemble heureux, et s'y repenchait avec douceur et nostalgie lui faisait plus de bien que de s'appesantir sur sa situation actuelle, qu'elle estimait dans tous les cas immuable. Je passais plus de temps à parler à mes amis qu'à potasser mes cours. Ilvermorny a été une deuxième maison. Quand on a perdu nos parents, Tina et moi, c'est devenu l'endroit le plus rassurant du monde. Et sans Ilvermorny, et sans Tina surtout, Queenie ne savait pas comment elle se serait remise de ce drame qui l'avait tant bouleversée. C'est drôle, je n'arrive pas du tout à vous imaginer en élève turbulent, remarqua la jeune femme dans un sourire.

Ce qui était vrai, le Lucius qu'elle connaissait était un homme sérieux et rangé. Qu'avait-il bien pu se passer ?

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ueenie était amusée d'entendre Lucius lui parler de son lui adolescent tant il semblait différent de celui qu'il était maintenant. Certes, il y a des choses qui ne changent pas et qui, aux yeux de la jeune femme, ne changent jamais, mais elle comprenait sans mal que les nombreuses expériences et épreuves que son ami avait traversées l'avaient poussé à devenir un autre. Ce qui n'était sans doute pas une mauvaise chose, quelque part, quand bien même ne pas être bien respectueux du règlement était aux yeux de la jeune femme une moindre tare. Dernièrement, elle était plus que jamais tentée d'agir à l'encontre des règles et des codes que dictaient la société et donc, en haut lieu, le MACUSA, pour qui elle travaillait pourtant. Elle avait bien envie de lui demander plus de détails, de ceux qu'elle ne trouvait pas dans les pensées de son interlocuteur, mais ce dernier reprit rapidement la parole pour lui demander des nouvelles de sa soeur.

S'en souciait-il vraiment ? Elle n'en savait trop rien. Elle savait seulement que Tina ne nourrissait pas une grande affection pour son interlocuteur, mais cela ne voulait pas forcément dire que sa question n'était pas sincère ou légitime. Dans tous les cas, elle ne voyait aucun mal à lui répondre. D'autant que ce n'était pas révéler un secret d'état que de parler de Tina. Ou du moins, ça ne l'était plus, pour le plus grand plaisir de Queenie, qui avait beaucoup souffert de voir sa soeur, la personne la plus droite et sérieuse qu'elle connaissait, être traitée en criminelle.

-Elle va bien... Dans la mesure où il est possible d'aller bien en ce moment. Elle a réintégré le bureau des Aurors, et forcément, vu les conditions actuelles... elle a du pain sur la planche. Mais en même temps, Tina s'était toujours donnée corps et âme à son travail, même quand ses responsabilités étaient amoindries, même quand elle avait été rétrogradée. Elle s'inquiète beaucoup pour moi, dernièrement. Et je n'arrive pas à la rassurer.

Ce qui faisait que la situation était très souvent tendue entre elles dernièrement. C'était comme si elles ne se comprenaient plus. Tina continuait de considérer sa relation avec Jacob comme une passade qui n'en avait pas valu la peine et se sentait impuissante face à la détresse de sa soeur. Sans compter qu'elle en venait même à s'imaginer qu'elle accordait moins d'importance à leur relation fraternelle qu'à sa romance, alors qu'à ses yeux, les deux n'avaient absolument rien à voir. Queenie avait le sentiment d'être une mauvaise soeur, elle devinait que Tina aussi. Et entre elles, le fossé se creusait;

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ueenie hocha vivement la tête quand Lucius observa que le fait que Tina ait pu retrouver son poste d'Auror au sein du MACUSA était une excellente chose, d'autant plus que ce poste lui avait été retiré injustement. Queenie était du même avis. Sa soeur était faite pour être Auror, elle avait toujours été diablement efficace dans cette fonction et d'une intégrité professionnelle à toute épreuve (ça, elle en savait quelque chose aussi). Elle avait commis une bavure, une seule, et qui était parfaitement compréhensible, en réalité, et c'était l'entièreté de sa carrière qui avait été remise en question. Cette injustice-là, au moins, avait été réparée. Malheureusement, il y en avait bien d'autres qui étaient loin de l'être encore.

Lucius fit un excellent résumé de la situation des deux soeurs quand il constata que si Tina l'aimait énormément, elle ne comprenait pas ses sentiments pour Jacob. C'était vrai. Pas uniquement parce qu'il était un no-maj, mais parce que leurs sentiments étaient nés au premier regard, et une telle évidence ne pouvait sembler que superficielle à Tina qui estimait que Jacob tout comme elle auraient dû lutter contre leur attirance respective plutôt que de s'engager dans une histoire condamnée d'avance. Oui, difficile, impossible même, de faire accepter sa relation à beaucoup, et au gouvernement américain pour commencer. Et maintenant, il n'y avait même plus de relations à expliquer.

Lucius se confia un peu plus sur sa propre histoire. Queenie en savait déjà beaucoup, parce qu'il lui en avait révélé certains aspects d'une part, et parce qu'elle en avait déniché d'autres dans son esprit d'autre part, elle fut tout de même profondément touchée par le récit qu'il lui faisait : sa rencontre avec cette No-Maj qu'il avait tant aimée puis perdue, le regard que son entourage posait sur cette relation, ses peurs, le bonheur qu'il avait réussi à acquérir en faisant face à cette peur. C'était beau... Cette histoire avait une fin tragique, mais dans son développement, Queenie aurait voulu avoir le courage de Lucius, lui qui avait vécu son amour jusqu'au bout, avait même eu un enfant.

-Je crois que c'est trop tard pour ça, répondit la jeune femme dans un sourire un peu triste. Ne pas laisser les autres décider de son bonheur... elle aurait dû le faire au moment où Jacob avait accepter de se laisser oublietter. Mais elle avait laissé faire. A contrecoeur, certes, mais elle avait laissé faire. Il ne sait même plus que j'existe...

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ire l'esprit d'autrui ne vous mettait pas à l'abri d'informations qui vous auraient éventuellement échappé, Queenie était bien placée pour le savoir. C'était un pouvoir extrêmement puissant, et par certains aspects ce qu'il y a de plus handicapant, et si elle vivait très bien avec la plupart du temps, il y avait tout de même quelques fois où elle voudrait être capable de se couper totalement des pensées d'autrui plutôt que de les capter de manière quasiment constante, presque malgré elle. Mais on ne saisissait jamais qu'une pensée faite sur l'instant, pas une vérité générale. Pour cela, la conversation restait parfaitement nécessaire, et la situation présente le prouvait sans aucun conteste.

Car, en effet, si Queenie avait cru que son interlocuteur avait saisi l'ampleur de sa situation, il n'en était rien. Et c'était normal, quand elle pensait à un Jacob, elle pensait à celui qu'elle avait quitté, quand il se rappelait encore d'elle, quand il était capable de l'aimer autant qu'elle, quand elle appartenait à sa vie, quand elle n'en avait pas été effacée. Lucius n'avait donc pas deviné quel coup du sort avait déjà frappé le couple qui, par conséquent, n'en était plus un... et n'en serait peut-être plus jamais un au demeurant, Queenie en avait bien peur.

Lucius déposa une main affectueuse sur son épaule, et ce simple geste lui fit le plus grand bien. Elle n'osait pas vraiment réclamer du réconfort à son entourage, même si elle le faisait parfois malgré elle. Elle ne voulait pas devenir un poids pour ceux qui attendaient d'elle qu'elle redevienne le rayon de soleil qu'elle avait pour habitude d'être dans la vie de chacun... mais c'était dur... et Lucius l'autorisait à ne pas feindre, à afficher sa détresse ainsi qu'elle la ressentait véritablement... Et même si ça ne résolvait rien, ça avait au moins le mérite de la consoler au moins un tout petit peu.

-Il n'y a pas grand-chose à dire, je crois, dit-elle alors doucement. Mais malgré tout, peut-être parce qu'elle était bavarde de nature et que les mots venaient tout seuls, elle poursuivit malgré tout. Je me demande sans cesse si... si une part de lui, même inconsciente, a gardé quoi que ce soit qui vienne de moi, s'il lui arrive de penser à moi même sans comprendre qu'il s'agit de moi. Je sais, c'est ridicule, mais...

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A

u fond, les paroles de Lucius rassuraient quelque peu Queenie, même si elles entretenaient sans doute un fantasme qu'elle ferait mieux d'enterrer. Surtout qu'elle sentait bien qu'il ne prononçait pas ces mots à la légère ou dans le seul but de la rassurer et de la caresser dans le sens du poil, il le pensait vraiment. Et c'était agréable... Même s'ils avaient peut-être tort tous les deux, il était agréable de se dire qu'une personne au moins réussissait à comprendre cette conviction qu'elle avait, celle d'être reconnue si elle devait le revoir... En même temps, est-ce qu'ils ne s'étaient pas reconnus avant même de se connaître, tous les deux ?

Il leur avait suffi d'un regard pour tomber amoureux l'un de l'autre, un véritable coup de foudre. Le reste, ça n'avait jamais été que la confirmation de ce qu'ils avaient ressenti directement, instinctivement. Elle songeait qu'il n'aurait sans doute plus aucun souvenir des épreuves communes qu'ils avaient traversées, des paroles qu'ils avaient prononcées, des baisers qu'ils avaient échangés... C'était déjà douloureux... Mais en revanche, ce sentiment instinctif, évident, manifeste. Cette certitude totale du premier regard. Elle était convaincue qu'ils seraient capable de le revivre. Simplement en se voyant. Mais encore fallait-il qu'elle revienne vers lui... avec les conséquences que ça impliquerait.

-Y songer, je le fais tout le temps, avoua Queenie dans un fin sourire quand Lucius lui suggéra de songer à revoir Jacob.

Elle ne mentait clairement pas à ce sujet, cette envie la taraudait depuis des jours et des jours, mais elle avait peur de sauter le pas. Pas seulement parce qu'elle serait profondément et terriblement déçue s'il devait ne pas la reconnaître du tout. Mais aussi parce qu'elle ne pouvait ignorer les risques que cela représenterait. En brisant la loi une fois de plus, elle les condamnait peut-être à un sort terrible. Elle n'avait pas peur pour elle-même... Elle serait capable de finir en prison sans regret si la contrepartie était de retrouver Jacob. Mais... Lui qui avait déjà été oublietté une fois pourrait bien l'être une deuxième, et ça...

-Mais c'est trop... dangereux.

Elle était capable de prendre les risques, mais c'étaient des risques qu'elle imposerait à Jacob, elle ne pouvait lui offrir d'y consentir alors qu'il ne savait peut-être même plus ce qu'il en était.

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ueenie aimerait pouvoir donner tort à Lucius quand ce dernier affirma qu'il était difficile de déterminer ce qu'il adviendrait d'elle si elle devait ne jamais retrouver Jacob. C'était un constat terrible, mais c'était un fait, malheureusement, elle ne réussissait pas à vivre convenablement sans lui. Elle avait le sentiment de plonger progressivement dans une sorte de folie douce de laquelle personne ne parviendrait à l'extirper si elle s'y retrouvait totalement submergée. Elle avait toujours été fragile, la perte de l'homme qu'elle aimait avait accentué cette fragilité, et elle avait toute les peines du monde à garder la tête haute, à faire face.

La jeune femme ne savait en effet pas ce qu'il adviendrait d'elle si les choses continuaient ainsi. Le temps, peut-être, penserait ses blessures, mais elle, elle avait surtout le sentiment que le temps les ravivait, et que ça faisait tous les jours un peu plus mal, que ça devenait à chaque instant un peu plus insupportable, une douleur chaque fois plus vive, qu'elle ne parvenait tout simplement pas à ignorer, qui l'élançait chaque fois de manière plus insupportable.

Elle sourit quand Lucius observa que la solution pourrait être de fuir en Angleterre avec Jacob. Le pire... c'est qu'elle y avait déjà songé. Encore plus depuis qu'elle connaissait Newt et qu'elle en avait appris plus grâce à lui sur la manière dont les Britanniques géraient leurs relations avec les moldus. Et dire que outre-Atlantique, le mariage entre No-maj et sorcier était autorisé... c'était inconcevable ici... Alors la solution était séduisante, mais elle était impossible. Parce qu'il ne s'agissait pas juste d'elle et de Jacob (si Jacob devait se souvenir effectivement d'elle, ce qui n'avait rien de sûr).

-Je ne peux pas partir. Je ne pourrai jamais laisser Tina.

Et bien sûr, jamais Tina ne cautionnerait une chose pareille. Sa soeur était une priorité absolue pour Queenie. Sentir qu'elle la décevait, parce qu'elle restait obsédée par sa relation avec Jacob, c'était beaucoup trop. Si ils devaient se revoir, Queenie n'était pas certaine que sa soeur le lui pardonnerait. Pas par malveillance mais parce q'elle avait bien trop conscience du danger. Donc non, il n'y avait pas de solution idéale. Tant que Tina serait en Amérique, Queenie resterait en Amérique, elle ne se voyait pas faire autrement.

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ueenie afficha un doux sourire au moment d'entendre Lucius affirmer que Tina avait de la chance de l'avoir. Ces derniers temps, la blonde doutait un peu que la brune soit de cet avis. Pas qu'elle déplorait le fait de l'avoir pour soeur, Queenie avait bien conscience que Tina l'aimait plus que tout, et c'était réciproque, mais... elles étaient très différentes, ce n'était pas nouveau, et cette différence qui menait à un terrain d'incompréhension de plus en plus vaste ne leur rendait service ni à l'une ni à l'autre.

Queenie sentait justement qu'elle n'était pas à la hauteur non pas de ce que sa soeur attendait d'elle mais de qui elle devrait être pour elle : un pilier, un soutien. Souvent, elle regrettait de ne pas savoir tenir ce rôle aussi bien que son aînée le faisait toujours elle-même. Tina était son point d'ancrage, elle était cette valeur sûre qui empêchait la fragile Queenie de dériver et de se perdre. Mais en retour, la cadette avait le sentiment de ne pas savoir lui apporter grand-chose, ou du moins pas assez. Malgré tout, elle voyait bien que Lucius était sincère dans son propos, qu'il considérait vraiment, au regard de ce qu'il savait, que Tina était effectivement chanceuse. Et ces mots étaient rassurants pour Queenie, réussissaient à lui mettre un peu de baume au coeur, un coeur sacrément malmené dernièrement.

-C'est moi qui ai de la chance de l'avoir, répondit tout naturellement Queenie, parce que c'était la plus stricte vérité. Elle a sacrifié beaucoup pour moi. Elle ne le dit jamais et elle s'en plaint encore moins, mais je sais que c'est le cas.

Tina faisait toujours passer Queenie en priorité. Tout ce qu'elle faisait, c'était en grande partie pour garantir à sa soeur d'être en sécurité, d'être heureuse. Elle avait endossé dès le décès de leurs parents le rôle de soeur, de père, de mère, de meilleure amie, de confidente, toutes les casquettes possibles. Mais il y avait un rôle qu'elle ne pouvait pas tenir, c'était le rôle que Jacob tenait auprès d'elle, ce rôle que Queenie espérait qu'un homme tiendrait pour sa soeur également, qui méritait plus que n'importe qui d'autre de connaître l'amour, et un amour heureux si possible (sentiment qu'elle entrevoyait dans sa relation avec Newt, même si Tina semblait incapable de le comprendre elle-même).

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ueenie n'était pas vraiment étonnée d'entendre Lucius articuler en mots ce que ses pensées lui avaient déjà laissé deviner, à savoir que Lucius et Tina n'avaient aucun atome crochu. Queenie n'en était pas forcément surprise. Queenie se doutait qu'une personnalité telle que celle de Lucius ne devait pas franchement encourager la jeune femme à lui faire confiance ou à l'apprécier... Tout comme elle supposait que Tina ne devait justement pas apprécier de constater que Lucius et elle avaient des atomes crochus. Enfin, cela les regardait. Queenie ne voulait pas jouer les intermédiaires entre eux. Ce que Lucius pensait de sa soeur ne changerait rien à ce qu'elle pensait elle-même de Tina, de même que si l'avis de Tina importait à ses yeux, ce n'était pas pour autant qu'elle changerait son regard sur Lucius, à moins d'une excellente raison.

La jeune femme hocha la tête quand son interlocuteur observa que les deux soeurs se complétaient sans doute très bien. C'était en effet le cas, et il n'était pas le premier à le leur faire remarquer. Tina et Queenie étaient comme les deux faces d'une même pièces, elles étaient très différentes et auraient grand peine à exister l'une sans l'autre. Si elles n'étaient pas unies par le lien du sang et une histoire familiale tragique qui les avait rendues indispensables l'une à l'autre, peut-être ne seraient-elles pas si proches à ce jour, mais la question ne se posait pas, et en l'état actuel des choses, il n'y avait rien que Queenie puisse dire ou faire qui ne la ramène pas à sa soeur, à sa peur de la perdre et à la crainte de la décevoir.

-Sans doute, répondit Queenie. Même si elle ne voulait pas imputer à Tina son "sacrifice", ce n'était pas Tina qui lui avait forcé la main au moment de faire ses adieux à Jacob, c'était elle et le No-Maj qui avaient pris sciemment la décision de le laisser perdre la mémoire. Et ne pas revenir vers Jacob, ce n'était pas seulement une chose à laquelle elle se résignait pour sa soeur, mais aussi pour Jacob, car qui sait ce qui pourrait lui arriver si elle devait revenir vers lui et lui apprendre cette vérité qu'il avait oubliée. Vous avez des frères ou des soeurs ? demanda-t-elle alors.

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