Chacun sa route, chacun son chemin [pv Johannes :33]

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n sentiment étrange et singulier l'envahit au moment de mettre un premier pas dans la boutique, un mélange diffus de joie, d'appréhension et de nostalgie. C'était un peu comme revenir chez elle tout en sachant qu'elle n'y avait plus sa place, et sans être sûre d'y avoir eu sa place un jour. Elle avait sincèrement aimé travailler avec Johannes Jonker. Elle avait admiré le travail acharné de cet homme qui avait ceci de commun avec elle qu'il vivait sa passion à cent pour cent, au point de sembler négliger tout le reste, et ce besoin de toujours créer, de toujours inventer, de toujours se dépasser. Elle considérait vraiment Johannes comme un mentor, et elle avait pour lui la plus grande des considérations et le plus immense des respects... Ce qui ne l'avait pas empêché de partir pour poursuivre ses propres rêves... La fabrication de baguettes n'était tout simplement faite pour elle, ses rêves et ses ambitions la menaient ailleurs.

Elle était impatiente de revoir Johannes, et en même temps, elle l'appréhendait beaucoup. Et pour cause, elle ne savait pas du tout comment le fabricant de baguettes allait l'accueillir. Certes, ils avaient échangé de temps à autre par courrier, et Perpetua avait tenu à le tenir au courant de tous ses progrès dans sa nouvelle carrière (Johannes était l'un des premiers à qui elle avait envoyé le prototype final de son lunascope, par exemple), mais les lettres sont un mode de communication informel, qui ne valent pas une vrai conversation... quand bien même Perpetua a un faible pour les échanges épistolaires... au moins, par courrier échangé, elle ne risquait pas de faire de mal à ses interlocuteurs... enfin sur le principe.

Elle était impatiente, donc, oui, mais elle avait peur. Elle savait qu'elle avait choisi sans doute trop abruptement de partir, et elle redoutait que Johannes l'ait vécu comme un abandon. Pas parce que la jeune femme imaginait qu'elle était absolument indispensable, loin s'en faut, mais parce qu'elle savait que Johannes avait vécu une situation d'abandon suffisamment importante avant elle pour ne pas vouloir en revivre un autre. Il avait eu une apprentie avant elle, une apprentie qui aurait dû devenir sa femme mais qui avait préféré... voler de ses propres ailes... Bon, au moins, Perpetua, elle, n'avait jamais eu de liaison avec Johannes ni même ne l'aurait envisagé... Et elle n'était pas allée ouvrir un commerce de baguettes douteux par la suite. Bref, la meilleure manière de savoir comment il allait l'accueillir, c'était encore de le vivre. Elle ne pouvait de toute façon pas reculer. Elle avait besoin d'une nouvelle baguette, et elle ne se serait pas vue la demander à qui que ce soit d'autre. Il fallait que la baguette soit une création de Johannes Jonker, un point c'est tout.

-Bonjour Johannes... je suis contente de te revoir.

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J

ohannes lui réserva le meilleur des accueils, et Perpetua s'en sentit tout de même un peu soulagée. La jeune femme était comme ça, nerveuse, même quand elle n'avait rien fait de particulier, même quand il n'y avait aucune raison ni le moindre signe avant-coureur, elle réussissait à s'inquiéter quand même et à craindre d'avoir heurté, d'une façon ou d'une autre, les personnes de son entourage proche ou lointain. C'était comme ça, la jeune femme avait toujours cette peur au ventre, celle de blesser, celle de mal faire, celle qui la pousserait presque à s'excuser de ne serait-ce qu'oser respirer par moments.

Elle savait bien que cela confinait au ridicule, quelque part, mais c'était comme ça. Ceci dit, puisque Johannes paraissait heureux de la revoir et ne lui tenait aucune rancoeur, elle pouvait tout de même se détendre. Il semblait juste ravi de revoir son ancienne employée, et elle, elle avait envie de lui poser des dizaines de questions. Malgré les informations qu'ils s'étaient communiquées par courrier, elle ne pourrait pas prétendre savoir grand-chose de la vie de son ancien patron et formateur depuis son départ de la boutique, et même si elle était là pour une raison très spécifique, elle avait quand même envie aussi d'en profiter pour rattraper autant que possible le temps perdu.

-Je vais bien, ça me fait bizarre d'être ici, avoua-t-elle en espérant que son interlocuteur ne le prendrait pas mal, en espérant qu'il comprendrait que c'était un sentiment positif malgré tout.

Elle ne prétendait pas aller bien. Alors oui, elle n'était pas au meilleur de sa forme, mais elle avait le sentiment de ne jamais l'être, ceci dit, elle préférait très largement l'occulter pour profiter de ses retrouvailles avec cet homme qu'elle estimait très profondément et très sincèrement. Elle n'avait pas envie de se plaindre de son état. Elle avait déjà le sentiment de le faire beaucoup trop souvent, et c'était franchement éprouvant à ses yeux. La jeune femme avait très envi d'en profiter autant que nécessaire. Elle avait très envie de retourner à l'atelier, d'entendre Johannes de lui parler de ses nouvelles méthodes, de ses dernières pratiques, de ses derniers progrès... de tout ce qui pouvait vraiment faire ce qu'il en était.

-J'avais envie de te voir, mais oui, je suis là pour une raison. Elle afficha un grand sourire. J'ai besoin d'une nouvelle baguette, je pense que tu devrais pouvoir faire quelque chose pour moi, non ? dit-elle avec un fin sourire.

Perpetua regretterait son ancienne baguette, mais elle était plutôt impatiente d'en avoir une nouvelle, et surtout de voir ce que Johannes avait à lui proposer. La jeune femme était très heureuse et très impatiente de saisir cette occasion, qui plus est, de passer du temps avec son interlocuteur.

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erpetua afficha un grand sourire à la réponse de Johannes, elle avait bien trop souvent peur d'être de trop, et pour cette raison précise, elle éprouvait très souvent le besoin d'être rassurée. Elle se sentait vraiment soulagée d'entendre Johannes l'accueillir avec autant de bonhommie et d'enthousiasme. c'était comme revenir quelques années en arrière, et elle était contente de pouvoir entretenir encore des rapports aussi cordiaux avec lui en dépit du temps écoulé, elle trouvait cela rassurant à l'échelle de toutes ses autres relations, mais aussi, Johannes était un homme qu'elle estimait sincèrement et dont elle appréciait vraiment beaucoup le travail donc c'était là une chose qu'elle appréciait d'autant plus au bout du compte.

Elle se laissa conduire vers l'arrière-boutique. Là encore, elle sentait d'anciens relents de nostalgie venir à elle. Quel plaisir, vraiment, de se retrouver ici ! Un véritable bonheur, et dont elle ne se lassait clairement : comment le pourrait-elle, d'ailleurs ? Elle garderait toujours un souvenir prégnant du temps qu'elle a passé à ses côtés et de tout ce que ça lui avait appris. Mais en attendant, elle était à présent là en tant que cliente, même si elle se doutait que tous les clients n'avaient pas le privilège d'être conduits dans l'arrière-boutique. Il sortit une baguette de son coffret, et Perpetua ne put clairement s'empêcher d'y jeter un oeil plus attentif, une lueur très intéressée dans le regard.

-Elle est magnifique, observa-t-elle en ne s'intéressant à présent qu'au visuel de la baguette, qu'elle trouvait déjà d'une finesse et d'une élégance sans nom. Quand on s'intéressait au processus de création de baguettes, on apprenait que tout ça se jouait à de fins et subtiles indices, et il était toujours assez plaisant d'y regarder de plus près. Je peux la tenir ?

Perpetua attendit l'autorisation de Johannes et prit la peine de la soupeser. Elle était légère, très légère, elle se sentait directement à l'aise avec, ce qui était déjà, pour commencer, un très bon indice, même si ça ne faisait bien évidemment pas tout non plus.

-J'ai le droit d'en connaître les secrets de fabrication ou c'est absolument confidentiel ?

En soi, elle savait bien sûr que c'était confidentiel, mais Johannes pouvait bien faire une exception pour elle, pas vrai ? Elle l'espérait, en tout cas, parce que même si elle ne voulait pas qu'il entre non plus dans de laborieux détails, tout ceci lui manquait, et aussi, elle avait envie de savoir ce que pouvait être ce quelque chose qui ferait que cette baguette lui conviendrait, et lui conviendrait peut-être mieux qu'à quelqu'un d'autre, si ce n'était qu'elle en était à un stade expérimental et que les expériences étaient bien évidemment le domaine de prédilection de la jeune inventrice.

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