Jelani Massamba (Fini)

Je suis la dernière née de la famille Massamba, et j'ai grandi dans le village de Ngoulonkila, au sud du Congo, auprès de ma mère, mon frère et mes trois soeurs. Mon père a toujours été absent du tableau familial. De lui, je n'ai qu'un vague souvenir, largement biaisé par toutes les insanités que ma mère n'a eu de cesse de proférer à son sujet. Je crois que mon caractère, qui s'est affirmé très tôt, libre et frondeur, lui faisait penser à celui de mon père, cela n'a sans doute rien arrangé à la haine qu'elle éprouve à mon sujet, même si ça n'a pas été l'élément déclencheur. Mon père n'a jamais été très présent, mais un jour, il a tout simplement disparu de la circulation. J'avais cinq ans. J'ignore encore à ce jour pour quelles raisons il est parti sans se retourner, sans jamais revenir. Je devine simplement que ni moi ni le reste de la famille n'ont vraiment dû lui manquer. En revanche, à nous, il nous a manqué, beaucoup. Et nous avons ressenti douloureusement son absence depuis lors.

A partir de mes sept ans, ma vie a prit un tournant éprouvant, qui devait changer radicalement le cours de mon existence. Par certains aspects, je ne regrette pas entièrement cette période de ma vie, elle a fait de moi qui je suis. Par d'autres, j'aurais vraiment voulu que les choses se passent autrement... Mais on ne refait pas le passé. On doit apprendre à s'en nourrir, à se construire à partir de lui. C'est à mes sept ans que mes pouvoirs se sont déclarés. Seule sorcière au milieu de Moldus, ma famille n'a pas compris ce que j'étais. J'ai tout entendu : que je serais possédée par le démon, que j'aurais été maudite, que je serais la fille d'une entité maléfique (mon père donc)... Je n'étais pas normale, j'étais dangereuse, voilà ce qu'on devait retenir me concernant. Ma mère a tout tenté pour me rendre à la "normale" : rebouteurs, guérisseurs, chamanes... j'ai eu droit à toutes les variantes. Mais personne, évidemment, ne sut guérir de mon mal. Entre les mains de ces hommes (toujours des hommes), j'ai été abusée... psychologiquement, physiquement. Violentée... Le souvenir de tous ces moments me restera gravé en mémoire pour toujours. Il m'arrive encore d'en faire des cauchemars, et c'est bel et bien un cauchemar vivant, que j'ai vécu jusqu'à mes onze ans.

En apprenant mon admission à Uagadou, j'apprenais par la même être une sorcière. Je n'étais plus un monstre ou une anomalie, j'étais un être humain à part entière... C'est au sein de l'école de sorcellerie que j'ai vraiment pu me reconstruire. J'ai quitté ma famille à regrets. Pas ma mère, certes, à qui j'en veux toujours terriblement. Mais mes soeurs et mon frère, c'est certain. Pourtant, j'étais trop impatiente de commencer une nouvelle vie. Je les ai laissés derrière moi... Encore aujourd'hui, j'en ai des remords, mais il était hors de question de revenir dans mon village.

Ma scolarité a été un succès à tout point de vue. J'étais une bonne élève. Avide d'en apprendre toujours plus, je ne ménageais pas mes efforts. Socialement aussi, j'ai créé là des amitiés profondes et pérennes, qui m'ont façonné, et réappris à faire confiance aux autres, même si j'ai eu besoin de plus de temps pour faire confiance aux hommes et m'autoriser à aimer ou être séduite.

Je n'ai pas mis longtemps, à la fin de mes études, à trouver ma vocation, celle qui le demeure à ce jour : je suis devenue archéomage, un métier dans lequel je m'épanouis totalement, me donne l'occasion de voyager, d'explorer, d'assouvir ma curiosité naturelle. J'ai voyagé aux quatre coins du monde, j'ai fait des rencontres inoubliables, notamment celle d'Elphias... à laquelle je ne sais m'empêcher de penser encore en dépit des circonstances.

En dehors de mes activités d'archéomage, je suis dévouée à toutes les causes qui me tiennent à coeur, côté moldu comme côté sorcier. Mes combats réguliers pour la justice ont, je pense, contribué à mon intégration au sein de l'ordre, où je compte m'investir à cent pour cent. Sans savoir encore ce qui m'attend.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que j'ai un fort caractère. Je n'ai pas eu le choix. Très jeune, il a fallu que je m'affirme, que je me blinde, c'était une question de survie. D'une enfance éprouvée, j'ai hérité d'une grande témérité et de beaucoup de courage. Je n'hésite pas à voir le danger en face et à m'opposer à ceux qui mettent à mal ma vision de la justice. Et cette vision de la justice très prononcée est une chose qu'on me reproche parfois. Elle me pousse à l'ouvrir quand tout le monde voudrait que je me taise, à lever le poing quand il faudrait que je me tienne tranquille. Quand je pense quelque chose, je le dis, quitte à en accuser les conséquences.

Je suis une idéaliste. Si je suis une grande gueule, c'est parce que je pense qu'en parlant, en agissant frontalement, on peut changer le monde. Je ne le vois pas fini ou figé, j'y vois une myriade de possibilités. Quand on part de très bas, on ne peut que remonter, pas vrai ? Fière et bornée, il m'arrive bien trop souvent de n'en faire qu'à ma tête, de foncer tête baissée. Je n'aime pas qu'on me donne tort et j'ai tendance à refuser le dialogue.

Il m'arrive d'avoir une vision beaucoup trop manichéenne des choses. Je suis de nature à considérer que certaines personnes sont fondamentalement bonnes et d'autres fondamentalement mauvaises. Je crois que les hommes peuvent changer, en revanche, j'admets difficilement les nuances de gris. C'est l'une des choses sur lesquelles, néanmoins, je sais que je dois travailler du mieux possible, même si ce n'est pas toujours l'évidence la plus pure.

Curieuse de nature, électron libre, j'aime voyager, découvrir, explorer, autant dire que le métier d'archéomage était fait pour moi. J'ai un plutôt bonne esprit d'analyse et de déduction. Le problème, c'est qu'il m'arrive parfois de me tromper, et quand c'est le cas, j'ai bien du mal à me remettre en question.