Aucun amour n'est plus beau, plus grand, plus sincère que celui d'une soeur | Queenie & Tina

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ueenie n'avait jamais, auparavant, connu de véritable chagrin d'amour. Oh, elle avait eu des relations avant Jacob, et connu des ruptures qui n'avaient pas forcément été simples, mais elle n'avait jamais souffert à ce point. Là, c'était... à peine soutenable. Elle avait le sentiment qu'on lui avait arraché le coeur d'un geste brutal, et que maintenant, elle ne ressentirait plus jamais rien. Rien si ce n'est une douleur intense.

Elle ne mangeait plus, elle ne dormait plus, elle se trouvait des excuses pour ne pas aller travailler... bref, elle était à ramasser à la petite cuillère, et elle ne faisait aucun effort pour sortir la tête de l'eau. Elle avait passé la journée dans sa chambre, sans envisager une seule seconde d'en sortir. Au fond, c'était sans doute mieux pour tout le monde qu'elle s'assigne entre ces quatre murs, sans prendre la peine de sortir. Dans le cas contraire, la jeune femme cèderait certainement à la tentation de transplaner directement devant la porte de Jacob dans l'espoir de lui raviver la mémoire. Définitivement, ce n'était pas l'envie qui lui manquait.

Depuis combien de temps avait-elle les yeux fixés au plafond, le regard vague, assaillie de pensées toutes plus dépressives les unes que les autres ? Elle serait bien incapable de le dire, le fait est qu'elle serait sans doute restée ainsi de nombreuses heures encore si Tina n'était pas venue la sortir de sa torpeur. Queenie hésita à ne pas répondre du tout quand sa soeur lui demanda si elle pouvait venir dans sa chambre.

Ce ne serait pas juste. Tina n'était après tout pas responsable de la situation. Tout ce qu'elle avait fait, c'était la mettre en garde contre ce dont elle accusait à présent le douloureux revers. Oui, si elle n'avait pas cédé à ses sentiments pour Jacob, peut-être qu'elle souffrirait moins, aujourd'hui... D'un autre côté, elle ne voulait regretter aucun des moments qu'elle avait pu passer avec le jeune homme, surtout si ce devaient être les seuls qu'elle aurait jamais avec celui qu'elle s'évertuait pourtant à considérer comme l'homme de sa vie.

-Entre, répondit-elle simplement en prenant la peine de se rasseoir sur son lit tout en essuyant ses yeux d'un revers de manche. Tu peux le dire, tu sais. Que tu m'avais prévenue...

Non, elle ne lisait rien de tel dans les pensées de sa soeur, mais elle savait que c'était le cas. Elle l'avait effectivement prévenue, et elle n'avait pas voulu écouter.

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ina n'avait aucun besoin de le dire pour que Queenie s'en rende effectivement compte : sa soeur s'inquiétait pour elle... et elle le comprenait. Si la situation devait être inversée, elle aussi se ferait un mouron pas possible pour sa soeur, à la différence près qu'elle s'estimerait incapable de l'aider comme elle le souhaiterait vraiment, qu'elle craindrait de ne pas avoir les épaules pour la soutenir de la bonne manière. Alors que Tina, elle, en était capable. C'est juste que... C'était tôt. Pour l'heure, Queenie n'avait goput à rien, pas même à faire quelque effort que ce soit, même si ce serait pour leur bien à toutes les deux. Ceci dit, quand elle lisait tant d'inquiétude dans l'esprit de Tina, elle ne réussissait évidemment qu'à s'en vouloir.

Tina avait bien assez d'inquiétudes, de choses à gérer, elle n'avait pas besoin que l'on rajoute cela à la liste de ses trop nombreux problèmes... Mais elle n'arrivait... tout simplement pas à relever la tête, pas encore, pas tout de suite. C'était plus fort qu'elle. Tout lui faisait penser à Jacob, absolument n'importe quel détail insignifiant la rappelait à un souvenir commun... Et ça faisait mal, un mal de chien. Malgré tout, elle comprenait bien qu'elle n'avait pas vraiment le droit de se morfondre. Elle n'était pas toute seule. Il y avait Tina... elle n'avait pas le droit de lui faire ça. Mais elle avait vraiment du mal à... continuer. C'était au-delà de ce qu'elle voulait ou ne voulait pas. Elle ne se sentait la force de rien, tout simplement.

Queenie tenta une esquisse de sourire à l'adresse de sa soeur, mais elle doutait quelque peu qu'il soit convaincant. C'est vrai, ce n'était clairement pas son genre de se laisser mourir de faim... Elle avait toujours eu un solide appétit... comme Jacob... Bref.

-Tu as raison, dit-elle doucement. Je vais nous préparer quelque chose à manger. Peut-être que ça lui ferait du bien, de quitter cette chambre, de faire quelque chose qu'elle aimait comme cuisiner. Ou non. Mais au moins, ce serait quelque chose. Je suis désolée, Tina, je ne veux pas que tu t'inquiètes pour moi.

Elle ne le voulait pas, non, mais ça ne changeait rien au fait qu'elle ne se sentait pas mieux pour autant.

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ueenie afficha un (très) léger sourire quand sa soeur vint replacer l'une de ses mèches blondes derrière son oreille. C'était de cela qu'elle avait le plus besoin à l'heure actuelle, sans doute. De gestes simples, quoitidiens, qui étaient là pour lui rappeler qu'elle n'était pas toute seule, et surtout, qu'elle n'avait pas le droit de se lamenter. Oui, elle avait perdu Jacob, mais il lui restait Tina, il n'était pas juste de lui faire endurer sa propre douleur, ses propres doutes... Forcément, il ne suffisait pas d'avoir conscience de cela pour y parvenir... Parce qu'elle ne pouvait pas oublier Jacob d'un claquement de doigt, ni se sentir réellement et définitivement mieux juste parce qu'elle savait que c'était ce qu'il fallait faire.

Ce n'était pas aussi simple. Rien n'était jamais aussi simple. Il fallait qu'elle se resaisisse, oui, et elle avait envie de se ressaisir. Elle le devait à tous, y compris à Jacob, qui avait voulu lui faire promettre d'être heureuse quoi qu'il en soit. Elle voudrait simplement, que ce soit plus immédiat, plus évident... Le pire qu'elle puisse faire à Tina à l'heure actuelle, c'était d'ajouter du soucis à son soucis. Mais elle avait l'impression qu'une part de sa volonté s'était fait la malle. Et maintenant, elle ne pourrait jamais que prétendre. Tina la pensait suffisamment forte, et elle voulait croire qu'elle l'était... Seulement, dans les faits, elle se sentait terriblement faible. Elle n'avait tout simplement la volonté de rien, si ce n'est de rendre sa soeur heureuse. Raison pour laquelle elle hocha la tête, sans réellement penser pourtant qu'elle était réellement capable...

Des deux, c'était Tina, la plus forte... Queenie n'avait jamais douté de cela... Elle avait le caractère, l'ambition, les capacités. Queenie était différente. Et elle n'avait jamais considéré cela comme une tare. Elle avait ses propres envies, ses propres aspirations, et leurs deux caractères se conjuguaient parfaitement. Queenie, n'avait jamais demandé à changer le monde, elle avait voulu... une vie normale. Un mari, des enfants... Mais elle renonçait. Tant pis si c'était une démarche extrême et irréfléchie. Elle ne voulait pas de mari si ce n'était pas Jacob, elle ne voulait pas d'enfants s'ils n'étaient pas de lui. Alors oui, elle pouvait... se ressaisir, pour rassurer Tina. Mais elle ne pouvait pas prétendre tirer une croix sur ce qu'elle avait toujours voulu.

-Je voudrais être aussi forte que toi, se contenta-t-elle de répondre avant de serrer quelques secondes sa soeur dans ses bras.

Puis elle se redressa et se dirigea jusqu'à la cuisine. En effet, Tina pouvait très bien se charger de leur acheter quelque chose, mais à vrai dire, cuisiner n'avait rien d'une corvée, bien au contraire. Elle se saisit de sa baguette pour ouvrir un à un les placards.

- Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?

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ina avait beau dire, Queenie continuerait de penser ce qu'elle disait, à savoir que sa soeur était la plus forte des deux. En vérité, elles avaient toutes deux leurs forces, et loin d'être similaires, elles étaient complémentaires. Et c'était une des raisons qui faisaient qu'elles avaient tant besoin l'une de l'autre. La force de l'une paliait aux faiblesses de l'autre. Queenie esquissa un fin sourire quand Tina affirma que si elle était forte, c'était grâce à elle. Cette réponse lui faisait du bien, et en même temps, elle se sentait coupable, elle ne tenait pas bien son rôle, dernièrement... elle n'y arrivait tout bonnement pas. C'est que, dans ces circonstances, Queenie avait tendance à se sentir comme un concentré de faiblesses, et rien d'autre. Mais elle devait aux moins faire illusion, tenter tout du moins, parce qu'elle devait bien cela à sa soeur, surtout dans ces circonstances. Dans un premier temps, elle ne pourrait que prétendre, évidemment, car la douleur était trop grande pour être ignorée. Mais avec le temps, ça irait mieux, sans doute... ou non. Elle n'en savait absolument rien... elle n'avait aucun moyen de le savoir. Elle ferait de son mieux, pas après pas, quitter sa chambre et leur préparer de quoi manger, c'était déjà un progrès, au fond.

Sans grande conviction, Queenie tira des placards quelques ingrédients et choisit ce qu'elle leur concocterait pas tant poussée par une quelconque envie qu'inspirée rapidement par ce qui lui tombait sous la main. Elle adorait cuisiner, pourtant, et prenait toujours soin de préparer ses menus à l'avance. Là... de toute manière, elle n'avait pas faim, mais il fallait bien manger, et partager un repas avec Tina était sans doute une bonne chose à faire. Elles avaient besoin de parler, quoi qu'il en soit, même si Queenie prendrait un soin tout particulier à ne surtout pas prononcer le nom de Jacob... ça valait mieux. Et ce n'est pas comme s'il y avait grand-chose de plus à dire que ce qui avait déjà été dit sur la question de toute façon.

-Tu as des nouvelles de Newt ?

Parler de Newt, c'était forcément s'aventurer sur un terrain glissant, mais en même temps, ce n'était pas en occultant complètement le souvenir des dernières semaines (ce que Jacob avait fait contre son gré) qu'elles progresseraient, et Queenie se souciait sincèrement du magizoologiste. Et se doutait que Tina plus encore.

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uisque certains sujets de conversation seraient à proscrire pour ce qui promettait d’être longtemps, le plus simple semblait, et définitivement, de se focaliser sur ceux qui ne comprenaient aucun risque. L’ennui, c’est que peu importe le sujet que Queenie pourrait bien décider d’aborder, et parce qu’elle n’avait pas son pareil pour procéder à des associations d’idées plus ou moins cohérentes (souvent moins que plus d’ailleurs), il était très probable que peu importe ce qu’elle choisirait de dire et comment elle déciderait de le dire, tout aurait tendance à la renvoyer à Jacob, à son absence et au fait qu’il lui manquait terriblement.

Malgré tout, même si elle ne pourrait s’empêcher d’y penser, elle comptait bien faire tout son possible pour ne pas le laisser transparaître… ou en tout cas faire au mieux pour que rien ne transparaisse. En ce sens, elle se félicitait clairement d’être celle des deux sœurs qui était capable de lire dans l’esprit d’autrui. Elle n’aurait pas aimé que Tina puisse lire dans ses pensées. Ce n’est pas qu’elle avait quoi que ce soit à cacher à son aînée non plus, mais elle n’avait pas envie de l’inquiéter encore davantage, de lui faire du mal alors qu’elle sentait bien déjà qu’elle se faisait du mouron.

Ceci dit, quitte à choisir un sujet un peu sûr, il n’était pas forcément une bonne chose que d’évoquer Newt. Forcément, penser à Newt lui faisait penser à Jacob. Elle les avait rencontrés en même temps, et elle ne réussissait tout simplement pas à les dissocier dans son esprit. Ceci dit, elle ne se voyait pas éluder le sujet Newt parce qu’il fallait qu’elle évite de parler de Jacob. Elle savait que Tina tenait à lui, et elle savait aussi qu’il tenait à elle. Peut-être même qu’elle le savait mieux que les principaux intéressés de l’affaire. Elle n’avait pas envie qu’ils passent à côté de l’opportunité de se trouver, raison pour laquelle elle sourit très franchement en apprenant que le jeune homme était bel et bien venu trouver sa sœur.

-On devrait l’inviter à dîner, bientôt, tu ne crois pas ? C’est étrange, qu’il ne soit plus là…

Même si ça n’avait duré que quelques semaines, elle s’était habituée à la présence de Newt, à la présence de Jacob. Si ce dernier lui manquait au-delà de toute raison, Newt lui manquait aussi malgré tout, c’était un fait, une certitude, et elle ne pourrait certainement pas prétendre le contraire. Elle n’envisagerait certainement pas de prétendre le contraire.

   




 

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ueenie n'était pas sûre que sa soeur soit totalement emballée par sa suggestion, mais elle décidait de s'en moquer quoi qu'il en soit, puisqu'elle avait dit oui, elle s'arrangerait pour que personne ne se défile et pour qu'ils se retrouvent tous les trois. Elle ne pensait pas qu'il soit une bonne chose de tourner le dos à tout ce qu'ils avaient vécu sous prétexte que Jacob n'était plus là.

D'accord, elle risquait fort de tenir la chandelle, qu'ils s'en rendent compte ou non (ceci dit ce serait justice vu qu'ils l'avaient fait plus d'une fois en présence d'elle et du no-maj), mais ça lui allait très bien. Ce n'était pas parce que sa situation à elle était inextricable que Tina devait s'imaginer que la sienne l'était aussi, et ce n'était pas parce que Queenie était malheureuse que son aînée devait finir par l'être également. Et oui, elle était convaincue que Newt pouvait rendre sa soeur heureuse. Disons juste que ça demanderait... un certain travail en amont.

Dans tous les cas, la jeune femme n'avait pas envie de s'habituer. Certes, elles avaient presque toujours vécu à deux seulement et ça ne les avait certainement pas empêchées d'être heureuses (encore que Queenie s'était souvent demandée si sa soeur ne s'était pas privée de beaucoup de choses à force de privilégier son bonheur avant le sien). Mais... enfin, ce n'était pas pareil, elle n'avait pas juste envie de jeter un voile sombre sur les semaines écoulées et faire comme si tout ça n'avait jamais existé.

-Au contraire... Autant profiter de sa présence maintenant, puisque pour l'instant, il est là...

Elle savait que Tina et elle n'avaient pas la même façon de penser de ce point de vue. Tina devait déplorer, par exemple, que Queenie et Jacob ait vraiment vécu leur histoire le temps qu'ils pouvaient la vivre alors qu'elle était vouée à l'échec et qu'ils le savaient, mais Queenie préférait largement avoir agi ainsi, vivre avec la mélancolie de ce qu'elle avait perdu que dans le regret de ce qu'elle aurait pu vivre, même quelques jours. Et puis, en ce qui concernait Tina et Newt, Queenie n'estimait pas que la distance soit un problème si grave. En tout cas, il n'avait rien d'insurmontable. Au moins, ils resteraient dans les pensées l'un de l'autre. Et si ça se trouve, Newt n'aurait même plus envie de partir, finalement.

   




 

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accord, Queenie avait poussé le bouchon trop loin, beaucoup trop loin en amenant leurs parents sur le tapis, alors qu'ils n'avaient évidemment pas grand-chose à voir avec la situation (quand bien même elle estimait que l'analogie était tout de même convenable)... Forcément, si elle continuait de prétendre que c'était uniquement de Tina et Newt qu'elles étaient en train de parler, tout ça était bien évidemment disproportionné... mais il ne s'agissait pas que de cela, et Tina l'avait forcément deviné. Queenie avait juste besoin que Tina la comprenne, qu'elle réussisse à se mettre à sa place, et pour cela, elle ne savait comment faire autrement sinon en faisant référence à des sentiments qui pouvaient réellement lui parler. Mais c'était bas, bien sûr. Et de toute évidence, Tina le prenait mal... c'était compréhensible.

-Je sais..., répondit-elle, qui se sentait légèrement agacée sans trop savoir pourquoi ou par qui. Il était en vérité très probable qu'elle s'agace elle-même, à l'heure actuelle. Elle était à fleur de peau. Elle l'avait toujours été plus ou moins, mais la situation présente accentuait cette part d'elle avec sans doute un peu trop de vigueur. Je voulais juste dire...

Oh, ça ne servait à rien, au fond. Elle ne devrait même pas insister à ce sujet. Oui, elle était convaincue qu'il se passait quelque chose entre Newt et Tina, et qu'ils auraient tort de passer l'un à côté de l'autre, mais si elle insistait autant, c'était parce que si la situation de Tina avait été totalement similaire à celle de Queenie, si ses sentiments pour Newt avaient été aussi évident que ceux que Queenie avait immédiatement, instinctivement, ressentis pour Jacob..., elle réussirait à comprendre ce qu'elle traversait, sans se focaliser sur le fait que ça avait été nécessaire, que leur histoire avait été une erreur, qu'elle s'en remettrait, qu'ils ne s'étaient connus que quelques jours, finalement... elle savait qu'il n'y avait pas de mots à mettre sur ce qu'elle ressentait, de façon de raisonner sa manière d'éprouver...

-Je suis tombée amoureuse. Je l'ai pas voulu. Je l'ai pas prévu...

Bon, elle renonçait pour de bon à l'idée de ne pas parler de Jacob, on dirait bien... tant pis, elle ne réussissait pas à prétendre qu'elle n'y pensait pas, constamment, même quand elle n'en parlait pas. Et de toute façon, Tina n'était pas dupe, elle savait très bien pourquoi elle allait si mal ces derniers temps.

   

 

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ueenie savait très bien ce que sa sœur pensait de la situation. Les pensées de sa sœur lui échappaient rarement, il faut dire, et elles n’étaient pas toujours très agréables. Ceci dit, les mots étaient pire encore. On peut parfois dire des choses qu’on ne pense pas, mais on peut aussi chercher à ménager les sentiments d’autrui en prenant sur soi et en gardant secret le fond de sa pensée. Là, Tina avait décidé de ne plus lui épargner son point de vue. Et ça faisait mal.

Il arrivait assez souvent que les deux sœurs ne soient pas d’accord sur telle ou telle chose. En dépit de leur éducation commune, elles avaient des façons d’appréhender l’existence très différentes, toutes les deux. L’une était terre à terre et pragmatique, l’autre percevait tout à travers le prisme de l’émotionnel. L’un dans l’autre, elles se complétaient bien, et quand elles trouvaient un terrain d’entente toutes les deux, elles y trouvaient chacune un compromis agréable. Tina aidait Queenie à se responsabiliser, à gagner en maturité, et Queenie osait espérer apporter un peu de légèreté à la vie de Tina.

Mais là, cette fois, parce qu’il était question de Jacob, Queenie était tout simplement incapable d’entendre les arguments de sa sœur. Elle voyait où elle voulait en venir, bien sûr, mais elle estimait que Tina ne prenait pas vraiment la mesure de ce qu’elle ressentait. Tina n’était pas du genre à croire au coup de foudre ou aux âmes sœurs, mais Queenie oui. Ça avait été le cas avant que sa route ne croise celle de Jacob, ça l’était encore plus, et personne ne saurait lui faire voir les choses autrement. C’était… plus fort qu’elle, tout simplement. Et là, clairement, comme Tina le disait si bien, elles ne se comprenaient pas. Queenie ne regrettait pas dans tous les cas d’avoir entretenu la flamme jusqu’à ce qu’elle soit contrainte de s’éteindre. Parce que la flamme avait été là dans tous les cas. Au moins, elle s’y était brûlée un peu, le temps qu’elle avait pu… et elle n’était pas malheureuse d’avoir vécu tout cela, elle était seulement malheureuse d’avoir perdu l’être qui lui était cher.

-Mais le meilleur, pour moi, c’était lui, répliqua-t-elle, bornée. Ce n’est pas parce que j’aurais ignoré l’existence de Jacob que mes sentiments auraient changé, tu sais, rétorqua-t-elle.

Queenie était butée, immature, même. C’était ce qui pouvait faire son charme quand elle était de bonne humeur et cordiale. Et en retour ce qui pouvait la rendre singulièrement agaçante quand elle était triste ou en colère.


   

 

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ueenie et Tina avaient toujours eu des tempéraments différents qui auraient peut-être pu être sujets à discorde, l'une empathique, l'autre rationnelle. Mais en temps normal, leurs caractères se complétaient justement à la perfection, et elles trouvaient toujours un terrain d'entente, parce qu'elles n'oubliaient pas ce qui restait l'essentiel pour elles : elles devaient veiller l'une sur l'autre, tout simplement. Sauf que jusqu'ici, aucun homme n'était intervenu dans l'équation. Queenie avait beau être une grande romantique, c'était bien la première fois qu'elle estimait avoir dans sa vie quelqu'un qui ne comptait certes pas davantage mais tout autant que Tina à ses yeux...

Et oui, du haut de ses vingt-deux ans, Queenie était forcément trop naïve, convaincue d'avoir trouvé l'homme de sa vie en un homme qu'elle n'avait fréquenté que quelques trop courtes semaines, mais justement, comme elle n'avait que vingt-deux ans, elle était incapable de concéder cela à sa soeur. Elle n'était pas toujours aussi candide qu'elle en avait l'air, il lui arrivait même de jouer à l'être, mais elle le restait sur certains points. Queenie était amoureuse de l'amour, et peut-être qu'elle n'avait que transférer son envie, son besoin de vivre une belle et grande histoire dans sa relation avec Jacob... mais elle ne serait jamais capable de l'analyser de son propre chef.

Elle, elle restait persuadée que, contrairement à ce que sa soeur pensait, ses sentiments n'auraient jamais pu être étouffés dans l'oeuf. Elle, tout ce qu'elle retenait de cette discussion, c'est que sa soeur la trouvait égoïste - à raison, sans doute (il n'y a que la vérité qui blesse, après tout). Et ça, ça faisait vraiment mal. C'était la première fois que Queenie avait le sentiment que sa soeur était déçue d'elle, agacée par elle. Les paroles de Tina ne dépassaient pas ses pensées et Queenie était la mieux placée pour le savoir : ses paroles étaient ses pensées. Ce n'était jamais arrivé avant, ou en tout cas pas comme ça. Perdre le respect de la personne que l'on respecte le plus au monde n'a jamais rien de simple. Et il n'en fallait pas plus à Queenie, à fleur de peau et beaucoup trop têtue pour reprendre ses esprits et se calmer, pour réagir trop hâtivement.

-Ne me parle pas de ce que Jacob voudrait ou pas. De toute façon, je suis trop égoïste pour me soucier de ce qu'il penserait, pas vrai ? rétorqua-t-elle. En vérité, oui, Jacob ne voudrait pas qu'elle soit malheureuse, il avait voulu lui faire promettre de ne pas l'être. Mais elle n'avait pas de contrôle sur ses émotions, elle n'en avait jamais eu. Il n'y avait pas d'interrupteur magique qui l'empêcherait tout à coup d'être triste. Elle prit une grande inspiration, ferma les yeux un court instant. Elle tourna les talons le temps de récupérer son manteau. J'ai besoin de prendre l'air...
   

 

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