Le Jeu du Chat et de la Souris [pv. Langdon Shaw]

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angdon filait un mauvais coton. Quiconque le connaissait et avait eu l'occasion de le voir dernièrement ne pouvait en douter... et quiconque ne le connaissaitpas pouvait rapidement s'en rendre compte tant ses traits étaient fatiguées, son visage pâle et cerné, sa démarche fatiguée, et de manière générale, il était assez évident qu'il se négligeait. Tenue mal repassée, barbe pas entretenue pour un sou... d'aucuns ne manqueraient pas de le qualifier pour ce qu'il avait un peu tendance à être, dernièrement, un déchet... D'aucuns se montraient indulgents envers lui.

C'est vrai, il se négligeait, était rarement de bonne humeur, d'autres le qualifieraient même d'un rien... obsessionnel et paranoïaque depuis la mort de son frère, mais après tout, c'était peut-être normal, d'autant que le départ de Henry avait été brutal, violent... et s'était déroulé sous ses yeux, on n'en ressortait pas indemne. Langdon, pour sa part, se fichait bien de ce qui pouvait se dire de lui. Il avait tenté de prendre sur lui, ne serait-ce que pour soutenir son père, mais sitôt qu'il avait compris que ce dernier n'accepterait jamais ce qu'il avait à lui dire, il ne s'en était plus donné la peine... Il n'avait plus qu'une idée à l'esprit : prouver qu'il avait mis le doigt sur la vérité, que les fidèles de Salem n'étaient pas seulement une bande d'illuminés, convaincre tout un chacun de ce qu'il tenait pour une certitude, à savoir que son frère avait été la cible d'un ou plusieurs sorciers. D'autant que depuis la soirée du Nouvel An, il y avait ses rêves, ce sentiment d'effleurer du bout de doigts une vérité plus précise encore... mais qui lui échappait à chaque fois qu'il tentait de la saisir. Frustration.

Obnubilé par ce qu'il considérait devoir être ses infinies priorités, il en oubliait complètement ce qui devrait pourtant être la base, à savoir de prendre soin de lui, pas seulement en apparence, ça, c'était encore accessoire, mais il négligeait sa propre santé. Il ne mangeait pas ou à peine, il ne dormait pas ou à peine... Et donc, forcément, il devait en accuser les conséquences à un moment ou à un autre. En l'occurrence, son corps se rappela à son bon souvenir alors qu'il marchait dans les rues du Bronx. Pas sans raison, il interrogeait au hasard quiconque serait susceptible de combler le vide, de se rallier à la cause des fidèles de Salem. Le résultat était mitigé, et lui, lui... il se sentait épuisé, à bout...

Pour se ressaisir, se remettre les idées en place, il s'appuya au mur le plus proche, jeta un regard autour de lui. Alors, il le vit, un homme... différent... Tout le monde le savait, il voyait des sorciers partout, mais en même temps... Reprenant ce qu'il pouvait de contenance, il s'approchait de lui.

-Excusez-moi, l'aborda-t-il. Je peux vous parler quelques instants ?

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Bon, voilà, Langdon avait abordé son mystérieux interlocuteur. Et maintenant ? Maintenant, le jeune homme n’en savait absolument rien, pour tout dire. Ces derniers temps, il avait un peu trop tendance à agir sans réfléchir au préalable. Il savait parfaitement que c’était un tort et que ça n’aidait personne, ni sa crédibilité, ni les fidèles de Salem, ni lui-même. C’était juste… plus fort que lui, parce qu’il ne supportait plus qu’il ne se passe rien. Il avait besoin de comprendre, il avait besoin de clés qui lui permettent d’appréhender convenablement une situation qui lui échappait sans cesse. Mais ce n’était évidemment pas en agissant au relatif instinct que l’on obtenait gain de cause. Cela pouvait arriver, bien sûr, sur un coup de chance, mais la plupart du temps, il ne fallait tout simplement pas y compter.

Là, en l’occurrence, il ne savait juste, pas quoi dire, si ce n’est : vous m’avez l’air étrange, démasquez-vous. Et même si l’homme se « démasquait » ? Franchement, à ce stade de stress et de fatigue, il ne répondait de plus aucun de ses actes ni d’aucun de ses propos. L’homme avait l’air sympathique et avenant, mais Langdon avait appris depuis bien longtemps à ne pas juger un livre à sa couverture, alors elle n’admettrait pas savoir précisément à qui il avait affaire et s’il devait se méfier ou non de cet homme. Pour le principe, il avait tout de même plus de chances de choisir la voie de la défiance, c’était dans ses habitudes. Il restait là, parfaitement décontenancé, et ça aurait sûrement pu durer longtemps si son interlocuteur ne lui avait pas demandé, avec un accent soutenu que l’étudiant en journalisme estima être un accent britannique, s’il avait perdu son chemin.

-Non, répondit-il abruptement. Enfin, je ne crois pas…

Langdon avait toujours vécu à New York, il connaissait les rues de cette ville comme sa poche et serait bien incapable de s’y perdre, c’était certain, n’empêche qu’il s’était senti un peu pris au dépourvu par la question. S’il n’était pas perdu géographiquement, il était à peu près certain qu’il l’était d’une autre manière. Et même lui était bien obligé de l’admettre.

-Ma question va vous sembler étrange mais… Enfin, est-ce que vous étiez à New York le soir du Nouvel An ?

Bien Langdon, voilà une question pas du tout suspecte à poser à un homme que tu viens juste de rencontrer ! Mais au moins, ça donnait le ton, il ne perdait pas de temps. Est-ce que ce n’était pas mieux, dans le fond. Il décidait que oui, pour sa part.

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angdon ne savait pas réellement que penser de la réponse de son interlocuteur. S'il lui avait donné une date au hasard, il aurait compris que son interlocuteur ne soit pas complètement certain de ce qu'il faisait à ce moment-là, mais tout de même, à une date aussi charnière, on sait à quoi l'on occupe son temps, non ? Il était à New York pour affaires, c'était tout ce qu'il apprenait de cette conversation, et ce n'était pas assez. D'autant que rien ne garantissait qu'il lui dise la vérité.

Aussi, Langdon s'interrogeait, et plusieurs options lui venaient à l'esprit : soit il était juste sacrément tête en l'air et se moquait royalement de la nouvelle année, soit il n'avait pas de souvenirs de ce moment parce que son esprit aurait été manipulé comme il soupçonnait que ce soit le cas pour tout le monde (lui compris), soit il avait quelque chose à voir dans tout ça et jouait donc les évasifs parce que c'était plus facile de la sorte. Dans tous les cas, il lui restait quelque chose à démêler dans cette situation, quelque chose qui lui échappait. Encore fallait-il qu'il sache comment s'y prendre, mais ça ce n'était pas gagné du tout. Quand son interlocuteur lui demanda s'il faisait le même sondage avec tous les passants. C'était plus simple de dire les choses comme ça...

-Plus ou moins...

Comment expliquer son initiative ? Il n'avait jamais été très doué pour ce qui était de faire preuve de subtilité, et il était encore moins doué pour mentir (comme dirait son père, il était même nul à ça...). En même temps, il ne pouvait pas se permettre d'être trop direct non plus. Sinon, soit il serait pris pour un fou comme c'était trop souvent le cas, soit son mystérieux interlocuteur choisirait de prendre la fuite, ou de s'en prendre à lui, dans le pire des cas.

-En fait je n'ai qu'un... vague souvenir de ce qui s'est passé ce soir-là. Et j'ignore pourquoi. Comme s'il s'était passé quelque chose d'important et qu... Il marqua une pause. C'était n'importe quoi, et clairement la pire manière possible d'aborder le sujet possible. Langdon devrait fermer la bouche quand il était trop fatigué, ou définitivement. Mais c'était trop tard pour ça. Je me demande juste si je suis le seul.

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angdon prenait sur lui pour ne pas sauter directement à la gorge de son interlocuteur sous prétexte qu'il mettait sa situation et ses interrogations sur le compte de l'alcool. Cela lui faisait beaucoup trop penser à la conversation qu'il avait eue avec son père, au cours de laquelle ce dernier avait suggéré qu'il avait été sous l'emprise de stupéfiants le soir où son frère était mort. Non, l'homme était parfaitement sobre, et s'il filait un mauvais coton, jamais il n'avait envisagé de se réfugier dans l'alcool ou la drogue, déjà qu'on lui reprochait son manque de lucidité, il n'avait certainement pas envie d'en rajouter une couche en leur donnant matière à remettre en question son attitude et son propos. Alors oui, il était convaincu qu'il était à cent pour cent sobre cette nuit-là... Et quelque chose s'était passé.

Ce n'était pas comme le soir où Henry avait été assassiné, où il avait seulement fui juste à temps. Il avait l'esprit embrumé, était incapable de bien se souvenir, mais une fois encore, personne dans son entourage ne semblait à ce point perturbé. Loin de se douter qu'il devait cette chance au fait que les événements qui avaient eu lieu cette nuit-là étaient à ses yeux relativement heureux, il était en quête de réponse... mais il aurait dû se douter qu'il n'aurait droit qu'à ce genre de réaction, de suggestion, en réponse.

Quand l'homme suggéra qu'il demande à ses amis ce qu'il en était, Langdon se disait qu'il devait définitivement passer pour un idiot ou un cinglé. Evidemment que c'était la première chose qu'il avait faite, et personne n'avait su convenablement lui répondre. Le fait qu'il n'ait presque plus d'amis n'aidait pas, ceci dit. Et pour ceux qui restaient... on ne pouvait pas dire qu'ils l'avaient conforté dans l'idée qu'il avait bu un coup de trop au point de ne même pas se souvenir qu'il avait bu.

-Etant donné que l'une d'elle en est sortie gravement blessé et qu'un autre a disparu sans aucune idée de ce qui s'est passé, ils auraient eu du mal à me répondre. Oui, les fidèles de Salem étaient presque ses seuls amis à ce stade, c'était ainsi. Et pour votre gouverne, je ne bois jamais.
   

   

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angdon n'était définitivement pas certain que "intéressant" était l'adjectif qui qualifiait le mieux pour qualifier sa situation, même si, quelque part, c'était certainement en ces termes qu'il n'aurait pas manqué de la concevoir si tout n'avait pas pris une tournure aussi... délicate, si les événements qu'il constatait autrefois avec intérêt et stupeur n'avaient pas pris une tournure très personnelle. Il n'irait pas jusqu'à dire que le sort s'acharnait sur lui non plus, mais il y avait de quoi se poser des questions tout de même... Dans tous les cas, ça avait au moins eu le mérite de susciter l'attention de son interlocuteur, même si rien ne lui garantissait réellement que c'était la situation qu'il estimait intéressante et non pas le cas clinique qu'il le supposait peut-être être.

-Langdon Shaw, daigna-t-il se présenter.

Il savait que donner sa véritable identité à tout va n'était pas forcément la plus intelligente des manoeuvres, ceci dit le jeune homme estimait que mettre son nom en avait pouvait lui servir en cet instant. Pas parce qu'il estimait que son nom possédait une valeur particulière (même si à bien y réfléchir on pouvait la chiffrer au regard de la fortune accumulée par son père, et dont il hériterait peut-être s'il cessait de s'éparpiller comme il le faisait - donc en fait c'était peu probable), mais parce que son interlocuteur ferait peut-être le parallèle avec son frère. Après tout, la mort du sénateur Shaw avait fait la une des journaux, cela pouvait au moins lui mettre la puce à l'oreille.

-Les personnes que je viens d'évoquer n'étaient pas avec moi non plus, répondit l'étudiant en journalisme avec un peu plus d'aplomb que tout à l'heure. C'était toujours plus simple pour lui de regagner un minimum de confiance quand celle-ci devait lui servir à défendre ses intérêts. Je ne parle pas d'un phénomène isolé, mais de quelque chose qui aurait touché une grande partie de la population. D'ailleurs, vous n'avez pas vraiment répondit à ma question tout à l'heure, monsieur... ?

C'était peut-être totalement le fruit de son imagination, mais il avait l'impression que son interlocuteur lui laissait sous-entendre que ses soupçons n'étaient pas infondés, et il avait définitivement besoin de savoir à qui il avait affaire exactement.
   

   

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angdon, en prononçant son nom, n'avait aucunement cherché à impressionner son interlocuteur. C'était une habitude qu'il avait pu avoir il y a longtemps, mais ça, c'était avant que ses liens avec son père ne se distandent. De manière générale, il préférait même qu'on ne fasse pas le lien entre lui et son père. Parce qu'il était la honte de sa famille, celui qui ne réussissait rien, celui qui n'avait jamais été digne du nom qu'il portait. Non, s'il avait voulu que l'on puisse deviner le lien entre lui et son frère, c'était surtout parce que le jeune homme était convaincu que la mort de ce dernier était correllée avec tout ce qui avait le don de susciter son inquiétude et ses interrogations...

Mais visiblement, cette information ne devait lui donner que l'air d'un fanfarron, et sans grande considération, son interlocuteur se contenta de lui demander s'il était bel et bien lié à Henry Shaw, sans envisager de lui présenter ses condoléances. Au fond, tant mieux, l'étudiant en journalisme en avait assez que d'entendre les condoléances des uns et des autres, venues de personnes qu'il n'avait jamais rencontrées, et qui se foutait sans doute comme de l'an 1840 de ses angoisses et de sa douleur. Il se contenta donc de hocher la tête pour confirmer les dires de son interlocuteur.

L'homme s'appelait Phineas Black, à la tête semble-t-il des entreprises Black Raven, que Langdon ne connaissait que de nom, en soi... Une information qui avait tout de même le mérite d'écarter légèrement la possibilité que l'homme soit un sorcier. Sinon, il ne gérerait pas une entreprise moldue, pas vrai ? A moins que ce ne soit qu'une couverture ? Une fois de plus, la paranoïa de Langdon allait bon train.

Langdon hésita quand son interlocuteur suggéra qu'ils poursuivent cette conversation autour d'un verre, si celle-ci devait s'éterniser. Etait-ce une bonne chose qu'elle s'éternise bel et bien ? Le jeune homme ne saurait l'affirmer, à vrai dire, mais il pouvait bien admettre qu'il se sentait pour l'heure insatisfait des réponses qui avaient été données à ses questions. Alors, après un moment d'hésitation, il hocha finalement la tête. Il avait le sentiment que son interlocuteur en savait plus que ce qu'il disait, alors il voulait en retirer davantage.

-D'accord, accepta-t-il donc finalement. Va pour un verre... Je vous suis.
   

   

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angdon hocha la tête avec un léger haussement d'épaules quand son interlocuteur lui demanda s'il connaissait bien cette partie de la ville. Le fait est qu'il connaissait New York dans sa globalité... pas dans ses moindres détails, bien sûr, il faudrait plus d'une vie pour ça, mais il avait vécu ici toute sa vie, alors forcément, il connaissait pour chaque quartier de New York quelques endroits où il avait ses habitudes, et il y avait en effet un café dans Staten Island où il s'était rendu plusieurs fois et qui n'était qu'à quelques encablures. Sans être un endroit où le jeune homme avait ses habitudes, c'était du moins un lieu qu'il appréciait, notamment parce qu'on pouvait facilement y discuter tranquillement, sans être dérangé par un bruit de fond incessant, ses voisins de table ou les allées et venues incessantes des serveurs.

-Dans ce cas, je connais un endroit, se contenta-t-il donc de répondre menant de fait la marche pour mener son mystérieux interlocuteur jusqu'au café où ils allaient donc poursuivre leur conversation.

Même si leur conversation se poursuivait déjà tandis qu'ils marchaient côte à côte, en réalité. La question que lui posa Phineas le décontenança quelque peu. Certes, Langdon était attaché à la ville qui l'avait vu naître et grandir, mais il n'aurait pas eu l'intuition direct d'associer cet attachement à sa curiosité... il osait penser qu'elle aurait été la même où qu'il se trouve. Mais il était difficile de savoir à quel point son expérience et son passé influaient sur son appréhension d'une situation dont les subtilités, dans tous les cas, lui manquaient beaucoup trop.

-Je crois seulement que la curiosité fait partie de ma nature, répondit-il alors d'un ton légèrement évasif. C'est pour ça que j'aimerais devenir journaliste, j'imagine. Pour ça mais aussi et surtout pour briller aux yeux de son père, même si c'était devenu, ces derniers temps, de l'ordre de l'impossible, et qu'il n'avait sans doute jamais été à ce point mal considéré par son géniteur que ces derniers temps. Mais c'est vrai que je tiens à cette ville, j'y ai vécu toute ma vie. Il se répandait en détails inutiles, c'était plus une manière de combler tout vide éventuel qu'autre chose, en réalité. Le jeune homme s'arrêta dans sa marche quand il parvint à la devanture du café qu'il avait à l'esprit. Nous y sommes.
   

   

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angdon ne fit aucun commentaire quand son interlocuteur observa que le métier de journaliste n'était pas toujours facile. C'était vrai... même si le jeune homme ne pouvait pas exactement en juger d'expérience. Ou plutôt, il ne pouvait en juger qu'à travers l'expérience de ceux de son entourage qui faisaient ce même métier, et en tant qu'étudiant en journalisme (qui avait nettement tendance à négliger ses études ces derniers temps) et fils d'un éminent patron de presse, ce n'est pas ce qui manquait.

C'était un métier compliqué, ingrat quelque part, et sujet à polémiques... mais il n'avait pas spécialement envie de débattre du travail de journaliste avec son interlocuteur. Il cherchait toujours à comprendre à qui il avait affaire, et ce n'était pas encore chose acquise.

Pas plus de commentaire quand son interlocuteur observa que la ville de New York renfermait bien des mystères... c'est certain. Mais Langdon réalisait, à force de recherches, d'obsessions et de bourrage de crâne par les fidèles de Salem, que c'était le monde entier qui ne dévoilait qu'une part très infime de ce qu'il était réellement.

Du mystère, il y en avait dans tout, parce qu'on ne pouvait jamais tout savoir, mais celui que le jeune homme avait le sentiment de toucher du bout des doigts ne ressemblait pas vraiment à tous les autres. Il était plus déroutant, important, dangereux, et plus Langdon s'en approchait, plus il en avait peur... mais plus il le fascinait également. Il voulait trouver une réponse ferme et définitive à ses interrogations... surtout, une preuve des hypothèses qu'il soutenait. Avait-il raison de penser que son entretien avec cet homme pouvait lui en apporter ?

-Vous n'avez pas besoin de m'offrir quoi que ce soit, répondit simplement Langdon avant qu'une serveuse ne vienne - fort à propos - prendre leurs commandes. Langdon commanda un café. Il avait besoin de garder l'esprit clair, et un surplus de caféine ne lui ferait pas de mal, à lui qui oubliait trop souvent de prendre le temps de dormir ou même de se reposer. Et une boisson chaude ne faisait pas de mal non plus par ce temps glacial. Quand vous parlez de mystère, reprit-il comme si leur conversation n'avait pas été interrompue par leur entrée dans le café. A quoi pensez-vous exactement ? demanda-t-il finalement.
   

   

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angdon était facile à percer à jour. On ne pouvait pas dire qu'il manquait de transparence, que ce soit parce qu'il ne pouvait s'empêcher de vouloir convaincre à peu près tout le monde de ce que d'aucuns considèreraient forcément comme des lubies, ou parce que de toute manière, il ne savait pas mentir. Et clairement, le mensonge était une chose qu'il ne supportait absolument pas chez les autres, et qui le rendaient positivement malade. Presque physiquement malade, à ce stade, d'ailleurs. Le mensonge l'avait privé de tout, à commencer par son frère. Il avait besoin d'honnêteté. Et il avait le sentiment que son interlocuteur était à même de faire preuve de cette sincérité qui lui manquait beaucoup trop. Encore qu'il se trompait peut-être évidemment.

En tout cas, s'il n'avait que peu de certitudes pour le moment, il subsistait tout du moins celle-ci : cet homme l'avait bien cerné, car tout ce qu'il disait était effectivement vrai. Langdon en avait trop vu pour prétendre être aveugle, il savait que la situation dissimulait un secret certain, qu'il était grand temps de percer à jour, même si personne ne semblait réellement prêt à l'entendre. Pour ce qui était d'avoir un cerveau, il espérait bien que oui, même si ce n'était pas forcément flagrant aux yeux de tout le monde, et qu'on avait bien plus tendance à le prendre pour un fou que comme une personne éclairée.

-Je me fiche du danger, répondit catégoriquement Langdon. Parce que c'était vrai. L'avantage, c'est que quand on perdait doucement tout, y compris sa santé mentale, on ne se souciait plus vraiment d'avoir à perdre quoi que ce soit d'autre. Courir tous les dangers possibles, si cela pouvait lui permettre de faire éclater la vérité au grand jour, ne lui paraissait pas si grave. Il préférait cela, en tout cas, que de rester ignorant et inactif sous le prétexte de rester en sécurité. Dites-moi ce que vous savez.

Peut-être que c'était à nouveau la trop grande paranoïa de Langdon qui était à l'oeuvre, mais le jeune homme ne le pensait vraiment pas. Il était réellement convaincu du faire que son interlocuteur en savait plus, bien plus que ce qu'il n'en disait encore pour le moment. Et quoi qu'il sache, qui qu'il soit, Langdon avait besoin d'en apprendre davantage.
   

   

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a confiance se méritait petit à petit, peut-être, mais Langdon n'estimait pas avoir le temps de gagner cette confiance, justement. Voilà trop longtemps, à ses yeux du moins, que le jeune homme attendait des réponses, des vraies, et qu'on le menait en bateau. Ce n'était pas contre son interlocuteur, c'était... contre le monde entier. Mary Lou Barebone semblait être la seule à réellement le croire et le comprendre, mais son implication auprès des fidèles de Salem ne lui faisait pas que du bien.

Au contraire, cela avait le don de l'isoler plus encore de ceux dont ses opinions l'éloignaient déjà tout naturellement. Alors quand il se sentait proche d'obtenir ne serait-ce qu'un peu plus que le mépris généralisé ou le rejet total des idées dans lesquelles il croyait dur comme fer, il avait du mal à se montrer patient. Ceci dit, il avait bien compris qu'il devait prendre sur lui. Il ne voulait pas passer à côté de l'opportunité de donner peut-être plus de crédit à ses croyances... même s'il se méprenait peut-être totalement sur ce que son interlocuteur avait l'intention de lui dire, en fin de compte.

-Je pense que vous sous-estimez mon imagination, Phineas.

L'homme l'avait appelé par son prénom, alors Langdon faisait de même, plus pour ne pas établir une sorte de rapport de hiérarchie au cours de cette conversation, qui pourrait potentiellement le placer dans l'exacte position où son interlocuteur devait déjà considérer qu'il était, puisqu'il ne l'imaginait pas à même d'encaisser ce qui était la pure vérité. Langdon parlait sincèrement, en ce qui concernait son esprit d'imagination. Pas parce qu'il était aspirant journaliste, et que tout écrivain (les journalistes en étaient tous plus ou moins) possédait cette même imagination - il ne se serait pas engagé dans cette carrière sans son père, donc ça ne comptait pas vraiment. Mais parce qu'il avait vu ce qu'il ne fallait pas voir. Il avait totalement intégré l'existence de la sorcellerie.

Il n'attendait plus d'être convaincu de cette dernière, il voulait simplement des preuves, des preuves suffisantes pour être enfin cru, et que pour des mesures soient enfin prises contre ces individus qui s'imposaient avec d'autant plus de facilité que le non-magique moyen brillait par sa capacité à inventer des excuses à tout quand il était question de se bercer d'illusions.
   

   

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E

n vérité, et contrairement à ce qu'il affirmait, l'imagination de Langdon était sans doute bien plus limitée qu'il ne le voudrait. Certes, il avait tenu à devenir journaliste en partie pour rendre son père fier et pour exister à ses yeux, mais aussi parce qu'il aimait laisser glisser sa plume sur le papier au gré de cette imagination qu'il cherchait à vanter à présent. Mais en ce qui concernait le monde de la magie, même s'il en avait suffisamment pour concevoir et admettre son existence, ce qu'il acceptait d'en penser et d'en admettre se bornait tout de même très largement à ce que Mary Lou Barebone lui avait, de son côté, mis en tête.

Toute connaissance avait un prix, Langdon pourrait trouver cette remarque ridicule s'il n'avait pas pu le constater de ses propres yeux. Oui, toute connaissance avait appris, pour prendre pleinement conscience du monde de la magie et surtout du combat qu'il devait mener en amont, il avait fallu qu'il perde son frère... et cette perte, au demeurant, avait eu une nette influence sur bien d'autres connaissances alors acquises : sur lui-même, sur sa famille et sur le monde qui l'entourait. Oui, il avait conscience de cela, mais il était prêt à payer le prix fort dans tous les cas. Mieux valait cela une ignorance qui relevait à l'heure actuelle de la pure torture pour lui.

-Je peux vous promettre de ne rien dire de ce que vous m'apprendrez, répondit Langdon.

Mais est-ce qu'il le pensait vraiment ? Pas complètement, en réalité... Il n'avait pas l'intention de se taire si son silence devait coûter la vie d'autres innocents. En revanche, ça lui était tout à fait égal de mentir si cela pouvait faire avancer la cause qu'il défendait bec et ongles, au mépris même de la raison. Donc oui, il pouvait le promettre, même s'il n'avait pas la moindre idée d'à quoi il s'engageait, en vérité.

-Je ne veux pas mettre de piment dans ma vie, je veux juste comprendre le monde qui m'entoure, c'est très différent.

Sa vie, il aimerait bien qu'elle soit un peu moins pimentée, en vérité. Mais il n'était plus capable de vivre dans l'ignorance et le mensonge. Une part de lui était brisée, et il avait besoin de révélations supplémentaires pour recoller les morceaux. Ou en tout cas, c'était ce qu'il pensait.
   

   

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uelles garanties pourrait-il lui donner ? La question se posait effectivement, et Langdon n'avait pas de réponse à adresser à son interlocuteur. D'une part parce qu'il n'était vraiment pas certain de vouloir tenir parole, d'autre part parce qu'il avait du mal à savoir ce qui pourrait bien convaincre son interlocuteur, surtout s'il était... eh bien... un sorcier. Qu'est-ce que lui, en sa qualité de piètre non-Moldu, serait capable de lui offrir qui sache faire office de garantie ? Il n'en avait pas l'ombre de la moindre idée. Il n'estimait pas posséder grand-chose, ce qui n'aidait évidemment pas.

-Qu'est-ce qui vous satisferait, comme garantie ? demanda-t-il alors, retournant la question afin en partie de savoir ce qu'il devrait éventuellement daigner sacrifier pour prouver sa prétendue bonne foi... Sa parole ne suffirait manifestement pas. C'était logique, cet homme était loin, bien loin d'être un idiot, Langdon le connaissait peu mais c'était malgré tout une chose qu'il avait immédiatement comprise. Sachez, si c'est à eux que vous craignez que je me confie, que je ne veux plus rendre de comptes à Mrs Barebone, vous n'avez aucun souci à vous faire à ce sujet.

Et même s'il pourrait bien mener Phineas en bateau, ce n'était pas le cas du tout. Non, c'était très sincèrement qu'il s'exprimait à ce sujet. Il devait beaucoup aux fidèles de Salem, car c'était grâce à eux qu'il avait découvert l'existence du monde de la sorcellerie, et parce qu'il continuait de croire en leur combat : oui, il fallait que le monde des sorciers soit connu de ceux qui ne l'étaient pas, parce qu'il fallait qu'ils soient mis en garde contre le danger que ces individus représentaient. Mais non, il n'avait plus aucune confiance en Mary Lou Barebone. Cette femme était violente, cette femme était dangereuse, cette femme avait fait du mal à ses enfants, et s'il restait auprès des fidèles de Salem, c'était surtout pour protéger Modesty et Chastity, pas par loyauté envers leur mère adoptive.

-Quant à ce qu'ils m'ont dit, pas plus que ce que vous avez sans doute déjà pu lire dans l'un de leurs flyers.

Il supposait qu'il avait déjà dû se pencher sur la question. Certains sorciers, visiblement, avait les fidèles de Salem dans le collimateur, et il ne serait pas étonné que ce soit également le cas de son interlocuteur.
   

   

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