L'après non-mort (et tout ce qui vient avec) | Percival

L

ally faisant les cent pas devant la porte. Depuis plusieurs minutes. S'arrêtait, pour s'en approcher, tendre la main... et pour repartir en arrière, son long manteau flottant derrière elle alors qu'elle reprenait ses pas, pensive, pour ne pas dire hésitante, pour ne pas dire profondément perturbée, l'esprit empli de millier d'hypothèses irrésolues, de problèmes insolubles, de comment, pourquoi, quand, qui, de j'espère...
Elle n'avait pourtant pas hésité, lorsqu'elle avait entendu la nouvelle, il y avait à peine vingt minutes (il lui avait fallu moins de temps pour transplaner que pour se décider à toquer à la porte...), avait impulsivement suivit son instinct pour se précipiter vérifier. Percival Graves était en vie.
Nouvelle qui l'avait tant prise de court que la sorcière se mettait à imiter cette agaçante manie d'Albus, de faire les cent pas.

« En vie... Est-ce qu'il l'est, vraiment ? Il aurait du le tuer. Effacer ses traces. La métamorphose ne nécessite pas l'original... Pas besoin d'échantillon. Pas besoin de dangereux otage. C'était un gros risque. Mais ce n'était pas une de ses craintes, sinon il n'aurait pas choisi de personnifier quelqu'un d'aussi haut placer. Ou alors- » Parler toute seule, par contre, correspondait bien plus aux habitudes réflectives d'Eulalie, qui marmonne encore pour elle même questions et réponses, phrases sans queue ni tête pour qui l'entendrait...
...Elle s'était à nouveau approchée et, cette fois, s'apprêtait vraiment à agir. Mais avant que ses phalanges ne touchent le bois, la porte s'ouvre devant elle. Révélant un homme qu'elle ne pensait plus jamais revoir. Sauf sur des photos. Ou la rubrique nécrologique.
Elle ne se laisse pas le temps à perdre à nouveau à se noyer dans la confusion de ses sentiments. Sa main continue sur sa lancée, et elle touche sans pudeur une joue on ne peut plus tangible.
Sortant vivement sa baguette de son autre main, sans prononcer un mot Lally -sans soucier d'à quel point elle pouvait sembler abrupte- enchaîne les sorts informulés successifs, voile d'or doux puis de vert mousse et enfin vague bleue qui enrobent le sorcier sans rien provoquer de redouté.

Pas une métamorphose, pas une illusion, pas un sortilège, pas un fantôme. Alors ça voulait dire...

« C'est vrai. Tu es en vie. » Les épaules d'Eulalie s'affaissent soudain, soulagement qui se reflète dans tout son corps. Le bras tenant sa baguette se relâche complètement, et elle pousse un profond soupir. Marlon avait raison, il était bien là en chair et en os, sauf que Lally n'avait pas l'impression qu'il ait disparu longtemps, parce que pour elle, il avait toujours été là jusqu'à récemment, jusqu'à ce que Grindelwald ne fasse éclater la vérité. Et qu'elle le pense mort, et pas forcément enterré, depuis elle ne savait combien de temps.
Elle n'y avait vu que du feu. Un feu traître et dévastateur. Un feudeymon dont il ne restait qu'une poignée de rescapés, mais aucun libre de blessures.

Mais il était en vie.
Cet homme qu'elle n'était pas certaine de connaître. Plus, serait le terme adéquat.

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L

ally n’était pas vraiment réputée pour sa délicatesse ailleurs que dans l’art de la magie, et cela se prouvait encore face à Percival, anciennement prisonnier d’un mage noire, qu’elle traitait aux premiers abords comme un sujet d’expérience, un mystère qu’on tapote du bout de la baguette.
Le pire était qu’elle n’en avait pas vraiment conscience, toute focalisée qu’elle l’était sur son propre dilemme.

Tout cela portait à confusion… Car quand elle le regardait, elle n’avait pas l’impression de retrouver un ami perdu depuis longtemps… Ni même un revenant. Elle s’était plus ou moins persuadée qu’il était mort, que Grindelwald n’aurait pas eu d’intérêt à le garder en vie. Mais elle n’était pas entièrement sûre, sans preuves. Rien n’était impossible, après tout, c’était son moto.
Percival Graves n’était pas impossible. Son existence ne l’était pas. Sa présence, face à elle, imposante malgré les signes physiques de son emprisonnement.
Ce n’était pas facile, de dissocier cette image de celle qu’elle avait eu du « faux » Grave. Ce n’était pas facile, du tout, puisqu’elle n’avait pas assisté à la révélation de l’identité de Grindelwald pendant la fameuse bataille meurtrière. Ca, plus la mort d’Ambroise, avaient un peu noyés les émotions de la sorcière.

« Le constater de mes propres yeux et sorts. » Elle répond après une certaine hésitation, rangeant sa baguette distraitement, sans pouvoir détacher Percival –le vrai- de son regard. « Même s'ils sont loin d'être aussi dignes de confiance que je ne le pensais. » Ses yeux, surtout, puisqu'elle n'avait jamais utilisé de sort sur Percival -ce n'était pas Percival, se force-t-elle à se reprendre mentalement, c’était  un usurpateur. Pourquoi l'aurait-elle fait ? Elle n'avait aucune raison de douter de lui. Alors c'était surtout ses yeux, et son jugement, qui avaient failli.

Non… C'était elle, tout simplement. Elle, Lally Hicks, qui avait failli.

Elle avait vaguement entendu que certain blâmaient la présidente, de ne rien avoir vu venir, de ne pas avoir pu suspecter son bras droit. Mais Seraphina Pickery n'était pas plus à blâmer qu'Eulalie. Qu'importait la réponse que Percival -le vrai, qu'elle se répète encore, inlassablement- à la question que Lally brûlait de lui poser, elle resterait en tort.
Mais de cette réponse pouvait dépendre à quel point elle l'était.

Elle le garde dans son champ de vision, et ne pose pas la question que Percival allait sûrement entendre jusqu’à overdose. Pas de « Comment vas-tu ? » avec Lally, car elle ne pensait pas que qui que ce soit puisse bien aller après s’être fait voler son visage, sa vie et sa liberté, qu’importe la force de ladite personne. Elle n’était pas une spécialiste de la psychologie, loin s’en fallait, mais dans tous les cas, elle aurait détesté cette question, qu’elle avait elle-même dû subir depuis l’enterrement.

Elle le fixe juste, avec une lueur hésitante dans le regard. Lally Hicks n’est plus une enfant depuis longtemps, mais elle ne sait pas comment aborder le sujet avec Percival –le vrai.

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P

endant un moment, Eulalie ne sait pas si Perceval va la laisser rentrer chez lui (et à cette pensée soudaine, foudroyante, comment pouvait-il réussir à vivre ici sachant que ce qui aurait dû être son appartement, son abri, avait été violé par un mage ; qu’il n’y avait pas de sécurité, pas de possession… Et c’est une question étrange, pour elle, qui avait passé des années sur la route, sans foyer fixe, sans jamais trouver ce sentiment qui donnait envie aux sorciers de se poser quelque part…)

Lally avait cette habitude -qu'elle ne considérait pas comme mauvaise, bien au contraire, mais qui pouvait l'être dans certaines circonstances- de se poser des questions... d'innombrables questions. Sa curiosité était aussi vaste que les océans, son insatiabilité tout autant. Elle pouvait hésiter pendant des semaines avant d'acheter un article parce qu'il lui fallait poser le pour, le contre, enquêter et, seulement une fois quasi certaine, acheter. Elle ne laissait rien au hasard, partait toujours préparée... Pas qu'elle craigne les surprises ou les catastrophes (qui faisaient partis de son quotidien, dans son ancien travail) mais elle voulait avoir toutes les cartes en main dans le cas où les choses tournaient mal... Ce qui arrivait la plupart du temps. Il ne fallait pas se leurrer, ça venait avec le métier (et, maintenant, avec l’époque dans laquelle ils vivaient).

Mais, face à Percival, son jeu de cartes était pauvre, ses mains presque vides et ses questions trop lourdes. Face à Percival, elle connaissait la culpabilité.

Lorsqu’il s’écarte, elle n’hésite pas à rentrer, sans se formaliser de sa sécheresse, sans penser grand-chose de son impassibilité, trop préoccupée par ce qui la tourmentait.
L'atmosphère était pesante, comme une chape de plombs tombée sur ses épaules. Oppressante, comme si elle venait de mettre les pieds dans une geôle (ce qui, oui, lui était déjà arrivé, plus d’une fois). L’odeur de renfermé est puissante et, guidée par la lumière tamisée invoquée par Percival, elle avance dans son antre, et peine à croire qu’il était resté là, tout ce temps. Grindelwald était-il à ce point brillant, à ce point tordu, qu’il avait gardé l’homme à qui il avait tout volé à portée de tous… Sans que nul ne le réalise.

Elle fait quelques pas, et se retourne, mal à l’aise à l’idée de l’avoir dans son dos. Mais suffisamment clairvoyante pour savoir qu’il ne supporterait pas d’échanger leurs places.

« Combien de temps t’as-t-il retenu ? Depuis quand ? » C’est dit, un peu, à moitié. Sans tact, sans autres détours. Eulalie sait poser des conjectures et, habituellement, des questions aussi… Mais tout est plus simple lorsque c’est professionnel.

Elle ne pouvait pas nier qui rien de ce qui arrivait avec Percival Graves n’était professionnel.

Et c’était le problème. La raison pour laquelle tout était tellement plus simple, lorsque les affections, amitiés, étaient mises de côté, lorsqu’il n’y en avait que pour la recherche, la magie, le devoir.  

Et combien de temps… Combien de temps, c’était la question. Lally n’avait jamais autant craint une réponse à un problème.

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L

a réponse de Percival... La sorcière pâlit, et est parcourue d'un frisson glacé. Ce n'est pas ce qu'elle pensait. C'était pire. Automatiquement, elle fait ses maths, années d'arithmancie qui font danser les chiffres derrières ses paupières lourdes, la logique pour combattre l'empathie -elle ne sait jamais trop quoi faire avec les émotions... « Dix-sept mois...  » Conversion instinctive qu'elle marmonne d'une voix basse. Dix sept longs mois... Ses poings se serrent, et elle n'arrive pas à contrôler le flot d'insultes qui sort de sa bouche, à l'encontre de ce sale résidu de serpencendre, cet ersatz de doxy, ce... Les insultes pleuvent, colère immense, envers cet individu. Déjà, parce qu'il l'avait manipulée, mais aussi, mais surtout, pour ce qu'il avait fait à Percival.

Elle le regarde, alors, cet homme qu'elle avait cru son ami, puis qu'elle avait cru mort. Qui avait compté jusqu'aux heures l'éloignant de sa liberté. Eulalie avait retourné cette question dans tous les sens, depuis que la véritable identité du mage noir avait été révélée, se demandant qui était qui, avec qui elle avait eu telle ou telle conversation, telle ou telle tasse de thé... Les joues rougies par cet élan de colère passager, elle croise les mains derrière son dos.

« Je suis devenue son amie. » Elle ne sait pas comment lui dire, la joie qu'il soit en vie, la tristesse qu'il ait vécu ce qu'il avait vécu, le soulagement que Grindelwald n'ait pas totalement effacé son existence... Alors elle se contente de faits. « Oui, nous sommes devenus... proches. » Cela la dérange. Profondément. Parce qu'elle avait trouvé l'esprit d'un mage noir sociopathe séduisant. Attirant. Parce qu'elle avait reconnu en lui un esprit au moins en partie semblable. Qu'elle avait aimé leurs conversations, qu'elle n'avait jamais réalisé la facilité avec laquelle il la menait par le bout de la baguette. Parce qu'elle se sentait coupable, envers le réel Percival, avec qui elle était déjà quasiment amie, mais duquel elle avait cru se "rapprocher"... Quand il était absent?

« Je ne sais pas comment te le dire... » A quel point elle était désolée. Profondément désolée. Elle en avait du mal à respirer, se dire que tout ce temps, tout ce temps elle avait été l'outil de Grindelwald, elle avait été l'outil de la souffrance de Percival. Un peu. Lally passe une main sur son visage, et lâche un abrupte et hors sujet : « Voudrais-tu une tasse de café ? »

Bravo, Eulalie, bravo.

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E

lle n'était pas chez elle, mais s'imposait jusqu'à demander une tasse de café... Du Eulalie Hicks tout craché, ça, le total manque de tact et de délicatesse... Et de capacité à dire ce qu'elle pensait vraiment. Mais bon, Percival avait l'air d'accord. Eulalie était tentée de rajouter que de l'alcool aurait été encore mieux accueilli, vu la situation, mais elle se souvient de la dernière fois ou elle s'était laissée allée avec la bouteille et sa bouche reste fermée, lèvres ourlées en une moue trahissant son état. Eulalie est une femme de sciences magiques, et les émotions, elle préfère laisser ça aux autres. C'est aussi une femme d'instinct, et ses instincts l'avait totalement laissée tombée.

Il y avait quelque chose de normal, de boire un café avec un ami... Quelque chose de banal qui brise un peu le surréalisme de cette situation et la recentre... Eulalie prend place, sans tenter de venir en aide au sorcier, elle le suit des yeux, les cligne un peu lorsque la lumière entre dans la pièce auparavant cloîtrée. Elle respire un bon coup l'air frais, qui semble un eu libérer la tension et fragiliser cette atmosphère étouffante. La sorcière suit Percival de ses yeux qui ont encore du mal à croire ce qu'ils voient. Et puis elle l'écoute, sans interruption même si les excuses lui démangent la gorge.

Et plus elle écoute, plus la culpabilité enfle. Il la rassurait, d'une certaine manière, n'est-ce pas ? Et Eulalie à beau essayer elle n'arrive pas à se mettre à la place de cet homme à l'identité volé, pas à faire comme le mage noir en imaginant ce qu'il avait pu vivre, penser ressentir. Elle ne connaît que son côté de l'histoire, et la compassion lui est difficilement exprimable parce que Eulalie à toujours un peu vécu dans son monde, même si le monde, le vrai lui tient à cœur.

Ses mains se referment autour d'une des tasses de café, pas par la hanse, mais bien autour de la tasse. La brûlure diffuse l'ancre. « Tu as tort. » rétorque-t-elle un peu sèchement. Ce n'était pas contre lui évidemment, mais tourner autour du pot n'était pas son fort. « Il était un pâle reflet. Très ressemblant, très convainquant, comme un sortilège d'illusion tangible. Mais il n'était pas toi. » Eulalie à les esprits un peu plus claires soudain, même si ça ne durera pas car il lui était difficile, très difficile de faire la part des choses entre le faux et le vrai, celui qui lui fait face et celui qui hante ses souvenirs. Maintenant, c'est la scientifique qui parle. Elle relâche la tasse et pointe son doigt vers lui. « Personne ne peux te remplacer. Nous nous sommes tous fait avoir, mais toi tu n'es pas lui, et il n'est pas toi, et nous sommes aussi coupables que lui mais toi... Percival Graves, je ne suis pas bien placée pour le dire, mais je pense que malgré tous ses efforts et perversités il est incapable de penser exactement comme toi, le vrai toi. Vous êtes totalement différents. » Voilà, c'est dit, les yeux plissés Eulalie pince les lèvres et baisse les yeux vers son café sombre. Gellert Grindelwald, le fantôme ; ou Percival Graves, le fantôme ? Soudain elle sort de sa poche une feuille de parchemin et une plume et commence à griffonner ce qui ressemble à des équations sur le papier.

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