Le souvenir, c'est ce qu'il reste de mémoire à l'oubli. (Cherryl)

Le souvenir, c'est ce qu'il reste de mémoire à l'oubli
   

Cherryl avait l’impression de stagner sur son affaire, et cela était loin, vraiment loin de la ravir. Au contraire, elle avait beaucoup mal à supporter cette situation. Pourtant, elle n’avait absolument aucune piste. Enfin si, elle avait des pistes, mais elle manquait de preuves, d’indices qui pourraient la faire continuer sur tel ou tel chemin. Et c’était vraiment des plus frustrants.

La jeune femme s’était toujours battue pour être là où elle était, elle avait toujours mis un point d’honneur à faire taire toutes les mauvaises langues qui la rabaissaient parce qu’elle était une femme, et que sa place était derrière les fourneaux, à cuisiner en attendant le retour de son mari. Déjà, elle n’était pas prête de se marier, elle ne se marierait même jamais, puisque les hommes n’avaient absolument aucun attrait pour elle, et que ses préférences ne seraient probablement jamais reconnues par le gouvernement, ou bien il faudrait un miracle. Mais bon, peu importe. De toute façon, elle était bien trop plongée dans son travail depuis la mort de ses parents que sa vie sentimentale n’était vraiment pas importante pour le moment. Elle avait surtout envie de résoudre l’affaire sur Henry Shaw Jr. Comme elle avait envie de savoir ce qu’il était arrivé à ses parents. Deux affaires totalement distinctes, mais qui lui tenaient toutes les deux à cœur. La première lui permettrait de vraiment se démarquer et montrer qu’elle méritait sa place au sein du bureau, et aiderait aussi une famille à faire son deuil. Et la deuxième, parce que cela la touchait directement. Mais tout ceci ne venait pas d’un manque de volonté de sa part.

Tout cela la frustrait énormément, et pourtant elle refusait de baisser les bras. Tout sauf ça. Cherryl était une combattante, qui fonçait dans le tas en se moquant de l’avis de tout le monde. Mais là, elle avait surtout l’impression de foncer dans le vide. Elle avait plusieurs fois tenté de tout mettre à plat, tout reprendre depuis le début, mais cela ne l’avait pas beaucoup aidée. La seule chose qui l’interpellait, depuis le nouvel an, c’était que quelque chose semblait presque lier les familles Barebone et Shaw. Elle ne croyait pas aux coïncidences, et à chaque fois, les familles s’étaient croisées, ou étaient en lien avant un des incidents. Cela ne pouvait pas juste être le hasard, il y avait forcément quelque chose… mais quoi ? C’était là tout le problème, elle n’arrivait pas du tout à répondre à cette question, et il était possible qu’elle fasse fausse route en plus de cela.

Quoiqu’il en soit, Cherryl avait décidé d’aller marcher un peu, pour réfléchir à tout cela, mais aussi prendre un peu l’air. Rester enfermée dans son appartement ce n’était pas le mieux. Même si elle préférait de loin travailler chez elle qu’au bureau où elle avait toujours un de ses abrutis de collègue pour lui faire une réflexion totalement sexiste et machiste. Ses pas l’avaient menée à Central Park, sans qu’elle ne réfléchisse vraiment à sa destination. Elle était perdue dans ses pensées, et ne faisait pas vraiment attention à tout ce qu’il pouvait se passer autour d’elle. Elle fut néanmoins ramenée à la réalité quand elle fut bousculée.

« Oh excusez moi. »

Cherryl leva les yeux vers la jeune femme qui lui faisait face. Elle ne se souvenait pas d’elle, et elle était loin d’imaginer tout ce qu’elles avaient partagé, tout ce qu’elles avaient vécu. Mais elle avait comme une impression de déjà vu. Elle était incapable de se souvenir où et quand, mais elle avait l’impression de l’avoir déjà croisée. Ce qui ne serait pas étonnant, New York était une grande ville, et on croisant des tas de gens. Mais Cherryl était physionomiste, donc si elle l’avait déjà croisée, elle aurait dû se souvenir de l’occasion. Mais elle était tout de même légèrement troublée sans qu’elle ne puisse l’expliquer. Elle lui sourit quoiqu’il en soit.

« Ce n’est rien, ça peut arriver. Avec la masse de gens, les routes en deviennent trop petites. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais… votre visage m’est comme familier. On s’est déjà croisées ? »

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Le souvenir, c'est ce qu'il reste de mémoire à l'oubli
   

Cherryl ne savait pas vraiment d’où lui venait cette impression de déjà-vu, vis-à-vis de la jeune femme, mais bon, cela pouvait arriver. Peut-être qu’elle l’avait déjà croisé, même une demi-seconde, et que son esprit avait enregistré son image. Il fallait dire aussi, qu’elle la trouvait vraiment mignonne. C’était tout à fait le genre de femme qui plaisait à Cherryl, du moins physiquement, parce que la personnalité pouvait absolument tout gâcher. Mais bon, dans tous les cas, ça ne réglait pas vraiment le fait qu’elle avait l’impression de l’avoir déjà vue. Elle ne devrait cependant pas trop s’attarder là-dessus, c’était juste une impression, rien de très important. Ce genre de choses arrivaient très souvent, que ce soit par rapport à des gens, ou par rapport à des situations. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait à Cherryl, mais c’était la première fois que c’était aussi fort. Peut-être que la jeune femme allait pouvoir l’éclairer, et qu’elles s’étaient déjà vues au final.

La jeune femme ne pouvait s’imaginer qu’elle la connaissait en vérité parfaitement bien, qu’elles avaient eu une histoire et que tout s’était terminé dans des conditions dramatiques. Pour elle, elle était juste en face d’une inconnue, qui lui était familière certes, mais les choses s’arrêtaient là. Elle était incapable de se souvenir de son nom. Tout ce qui rattachait à Jane avait été effacé de sa mémoire, où alors, tout était enfermé à double tour quelque part par un verrou qu’il n’était pas possible de défaire comme cela. Dans tous les cas, elle n’avait pas besoin de chercher très longtemps pour se rendre compte qu’elle n’avait aucune idée d’où elle aurait déjà pu voir cette jeune femme. On croisait tellement de visages différents dans une vie… même si Cherryl n’en était pas encore à la moitié de la sienne. Du moins, elle l’espérait.

« Je ne crois pas. »

Bon, au moins, c’était clair. Cherryl devait probablement avoir rêvé, il ne fallait pas qu’elle fasse trop attention aux impressions qu’elle pouvait avoir. C’était tout de même dommage, dans le fond, elle aurait aimé qu’elles se soient déjà croisées. Elle ne savait pas trop pourquoi, juste comme ça. Mais ce n’était pas le cas, tant pis.

« Je dois avoir un visage commun. Et je me serais rappelé d’un visage comme le vôtre, ce n’est pas un visage qu’on oublie facilement. »

Cherryl eut un air un peu surpris, durant quelques secondes, puis elle lui adressa un sourire. Elle ne s’attendait pas à quelque chose comme cela, et elle ne savait pas s’il y avait quelque chose de sous-entendu ou non. Dans sa vie, Cherryl n’avait pas eu l’occasion d’être abordée par beaucoup de femmes, c’était toujours compliqué. Etant donné que c’était très mal vu, et qu’on ne savait pas à l’avance de quel bord était la personne, il n’était pas simple d’essayer de discuter avec quelqu’un. Mais elle ne savait pas vraiment où la jeune femme voulait en venir, mais elle préféra prendre ça à la légère.

« Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Mais en tout cas, je trouve que vous êtes loin d’avoir un visage commun, et c’est un compliment. »

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Cherryl sentait un sentiment étrange, depuis qu’elle était face à cette jeune femme. Elle ne comprenait pas vraiment d’où cela venait, mais ce qu’elle savait, c’est que ce n’était pas désagréable. Elle ne savait pas du tout qui elle était, ou plutôt elle ne s’en souvenait pas, mais elle se sentait assez à l’aise, et elle trouvait que les choses étaient tout de même assez fluides entre elles, ce qui était un peu déstabilisant. Cherryl n’était pas quelqu’un de totalement asocial, mais elle n’était pas vraiment du genre à taper la discute à tous ceux qu’elle croisait, et encore moins de manière aussi enjouée, mais cette jeune femme savait la captiver, de toute évidence.

En tout cas, les choses étaient assez naturelles. Cela ne lui arrivait pas souvent. En général, il fallait tout de même un certain temps, avant qu’elle ne soit en confiance avec quelqu’un. Elle était du genre méfiant, pas forcément parce qu’elle voyait en chacun un potentiel danger, mais parce qu’elle n’aimait pas trop se dévoiler aux inconnus. Peut-être parce qu’elle devait sans cesse cacher certaines choses, alors elle faisait une sorte de blocage, mais c’était comme ça. Mais avec cette jeune femme, c’était totalement différent.

Et puis, elle devait admettre que cette femme semblait avoir du répondant, en plus d’être particulièrement mignonne à regarder, alors cela plaisait beaucoup à Cherryl, et cela rajoutait au fait qu’elle appréciait sa présence et échanger quelques mots avec elle. Elle ne connaissait même pas son nom, mais ce n’était pas très important. Elle n’avait pas besoin de le connaître pour apprécier cet échange peu singulier.

« J’aime bien les compliments, j’avoue. Ça vous arrive souvent de faire des compliments comme ça ? »

Cherryl soutint son regard, y cherchant presque inconsciemment des réponses à tout ce qu’elle se demandait, depuis qu’elle avait rencontré cette jeune femme. Elle sourit légèrement, amusée par sa question, et sentant la taquinerie dans sa voix. Est-ce quelle faisait souvent des compliments comme ça ? Non, pas avec des inconnus en tout cas, alors il est vrai que cette belle inconnue pouvait savourer sa chance.

« Absolument pas. Il faut croire que c’est votre jour de chance. »

La jeune femme se mordilla légèrement la lèvre inférieure, tout en réfléchissant. Elle ne savait pas du tout si c’était une bonne idée, et elle s’avançait peut-être un peu trop, mais cette jeune femme l’intriguait, et elle avait envie d’en savoir un peu plus chez elle, convaincue qu’il y avait beaucoup à creuser. Elle tendit doucement la main, pour que son interlocutrice la serre.

« Je m’appelle Cherryl. Et je me demandais si vous accepteriez de prendre un café, un verre ou… quoique ce soit d’autre avec moi. »

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Cherryl ne devrait peut-être pas inviter Jane comme ça, ça pouvait être risqué. Elle ne connaissait rien de l’orientation sexuelle de la jeune femme, même si elle n’avait aucune arrière-pensée en l’invitant, mais les gens pouvaient réagir étrangement parfois. Elle avait juste… envie que leur échange se prolonge, sans vraiment savoir pourquoi, c’était quelque chose qu’elle ressentait. Elle ne voulait pas laisser Jane partir comme ça, et elle voulait passer le plus de temps possible avec elle. Pour faire connaissance, parce qu’elle se sentait bien en sa présence. Rien de plus.

Elle sentit quelque chose d’étrange, comme un léger coup de jus quand Jane serra sa main, mais elle n’identifia pas ce sentiment pour autant. Toute cette rencontre lui paraissait étrange, parce que ce sentiment de connaître cette femme sans n’en avoir absolument aucun souvenir persistait. Mais peu importe, elle espérait qu’elle allait accepter son invitation, et qu’elle n’y verrait rien d’étrange. Cherryl n’avait pas l’habitude de ce genre de choses, de proposer à de parfaits inconnus de prendre un café avec elle, mais là, la situation était un peu particulière, elle avait le sentiment que c’est ce qu’elle devait faire.

« Avec grand plaisir. Et je m’appelle Jane. Je vous suis où vous souhaitez aller. »

Cherryl lui adressa un sourire ravi. Elle s’appelait donc Jane… elle trouvait que cela lui allait bien. Elle lui aurait donné n’importe quel autre prénom, elle aurait trouvé cela étrange, et que ça ne lui allait pas. Mais Jane, c’était très bien. Elle acceptait son invitation, et c’était tout ce qu’elle voulait retenir. Elle prit donc la liberté de la conduire dans un café qu’elle aimait bien, où elle venait souvent pour travailler, quand elle avait besoin de calme. Il était peu fréquenté, et elle avait sa table recluse, presque cachée où elle n’était jamais dérangée, et où elle s’installa avec Jane.

« J’aime bien venir ici, au moins je suis au calme et le café est plutôt bon. Alors Jane, je propose qu’on se tutoie, enfin sauf si tu y vois un inconvénient. Tu sais… je n’ai pas l’habitude d’inviter des gens que je connais pas comme ça, j’ai pas non plus envie de te faire flipper mais, je saurai pas l’expliquer, pour toi, j’ai trouvé ça naturel. Et j’ai toujours cette impression que je te connais, peut-être dans une autre vie qui sait. »

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Cherryl n’avait pas envie que Jane prenne peur, ou qu’elle la trouve bizarre. Honnêtement, Cherryl se trouvait bizarre. Elle ne savait pas trop pourquoi elle agissait ainsi, ça ne lui ressemblait pas. Pourtant, elle ne pouvait s’en empêcher, comme si une force la poussait à passer du temps avec Jane. Cherryl n’était pas aussi rentre dedans en temps normal, même si elle invitait Jane en tout bien tout honneur évidemment. Elle ne la connaissait pas, malgré ce sentiment persistant de déjà-vu, mais il est vrai qu’elle la trouvait très… attirante. Mais bon, elle ne connaissait pas les préférences de Jane, et il valait mieux qu’elle se calme, et se reprenne, parce qu’elle allait finir par faire n’importe quoi.

En tout cas, elle avait accepté de prendre un café, et Cherryl estimait que c’était une bonne façon d’apprendre à se connaître. Elle ne savait rien de cette jeune femme, si ce n’est qu’elle s’appelait Jane, alors elle estimait que ce serait pas mal, d’apprendre plus de choses sur elle. C’était peut-être une déformation professionnelle, mais Cherryl appréciait en savoir plus sur les autres, même des petits détails. Même si pour le moment, elle ne lui avait encore posé aucune question. Mais bon, chaque chose en son temps. Cela ne servirait à rien de tout précipiter, Cherryl se trouvait déjà assez rapide comme ça. Mais c’est cette sensation persistante de déjà connaître cette jeune femme qui la troublait, même si aucun souvenir ne lui revenait en mémoire.

« Ça ne me fait pas du tout flipper. Je… je comprends parfaitement en vérité j’ai… exactement le même sentiment. Peut-être… peut-être que c’est ça, qu’on s’est connu dans une autre vie. Ou… eh bien, peut-être que c’était le… destin ? Tu vas peut-être trouver ça dingue, mais moi je crois au destin. Et je me dis qu’on devait… être destinée à se rencontrer. »

Jane n’était pas apeurée par son comportement, et c’était tant mieux. Elle disait même avoir le même sentiment. Cherryl ne croyait pas vraiment à la théorie de la réincarnation, et pas vraiment au destin non plus. Elle était quelqu’un de terre à terre, et avec un esprit cartésien. Alors tout ce qui allait un peu trop sur le terrain du spirituel… ce n’était pas pour elle. Mais elle n’allait cependant pas empêcher les autres de croire à ce qu’ils voulaient. Et puis, c’était peut-être elle qui avait tort, en finalité. Même si pour le coup, cette situation n’avait rien à voir avec le destin. Elle afficha un léger sourire, presque amusé.

« Le destin hm ? » Elle haussa doucement les épaules. « Je ne sais pas, je ne crois pas vraiment à tout ça, je ne suis pas très adepte de toutes ces théories mais… pourquoi pas. Qui sait, tu sauras peut-être me faire changer d’avis. »

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