Connaître la déception sans rancune c'est n'exiger que de soi-même. (Violetta)

Globalement, Johannes n’avait pas réellement de raison de se plaindre. Sa boutique marchait bien, il continuait de fabriquait des baguettes qui lui plaisaient quand bien même il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir envie de chercher un peu plus de perfection. Concernant sa boutique, son atelier… l’homme n’avait définitivement aucune raison de se plaindre. Quoi qu’il n’appréciait évidemment pas la concurrence mais… soyons honnête, la concurrence des autres fabricants de baguette le dérangeait moins que celle de Violetta.

Évidemment, Johannes ne pouvait pas être aussi objectif qu’il le devrait sans aucun doute dans cette situation. Même s’il était capable de reconnaître que la jeune femme avait un talent pour les baguettes magiques, il n’avait aucune envie de le reconnaître dans le sens où c’était de lui qu’elle avait tout appris, que sans lui… eh bien, elle ne serait pas capable de fabriquer des baguettes comme elle le faisait. Et elle n’aurait pas… terni cet art. Bon, encore une fois, Johannes n’était clairement pas le mieux placé pour parler comme cela, mais Violetta avait quand même une réputation qui n’avait rien de saine. Bon, ce n’était sans doute pas grand-chose non plus et visiblement ça n’empêchait pas ses ventes, mais elle avait quand même une mauvaise réputation. Ce qui en soit pourrait le réjouir, mais ce n’était pas complètement le cas. De toute façon, tout ce qui concernait Violetta était complexe pour lui, il ne savait pas forcément comment réagir, quoi ressentir. Il lui en voulait, évidemment, mais en même temps si elle lui restait indifférente, il ne lui en voudrait sûrement pas autant et il aurait tourné la page. C’était avec elle qui avait découvert à quel point il était capable d’être rancunier, pas seulement avec elle d’ailleurs, mais ça la concernait quand même tout le temps. Ou presque.

Et s’il était indifférent, il était évident que Johannes ne se trouverait pas présentement devant la boutique de la jeune femme. Il avait fait le voyage jusqu’à La Nouvelle-Orléans, dans cette rue quelque peu mal fréquentait où se trouvait à présent la boutique de Violetta. Au fond, Johannes serait bien incapable d’expliquer pourquoi il se trouvait ici, en dehors du fait que forcément… ça avait un rapport avec toute la rancune qu’il ressentait pour elle, et tout ce qu’il y avait encore d’autre. Il savait bien que ce n’était pas une bonne idée, mais Johannes s’était dit qu’au fond il avait surtout besoin de voir de ses propres yeux la boutique de la jeune femme. Parce qu’il avait l’occasion – une trop grande occasion d’ailleurs – de voir des baguettes de fabricante, alors s’il voulait réellement voir son œuvre il pourrait très bien observer ces baguettes à la volée comme ça. Mais il avait envie de voir son « œuvre » général…

Il entra donc dans la boutique, en sachant parfaitement d’avance que le simple fait de pousser cette porte était déjà une très mauvaise idée. Mais visiblement, il avait déjà eu des mauvaises idées dans le passé.

Johannes aimerait bien affirmer qu’il était parfaitement à l’aise en cet instant précis, alors qu’il se trouvait dans la boutique de Violetta, mais ce n’était pas le cas. Le jeune homme n’en montrait rien, droit dans ses baskets (qu’il ne portait pas, expression française ce genre de chose), ne voulant pas faire se plaisir à son ex fiancée. Il était troublé de se trouver dans la boutique de la jeune femme, parce que c’était évidemment l’évidence même de tout ce qui l’agaçait depuis qu’elle l’avait quitté. Il lui avait tout appris, il lui avait partagé son art, et maintenant elle faisait cavalier seule. Bon, en même temps, c’était bien mieux que d’être avec lui alors qu’ils étaient visiblement, absolument, définitivement, pas compatibles, mais quand même. C’était particulièrement frustrant, surtout quand on voyait les personnes qui lui faisait confiance pour leur baguette, plutôt que de lui faire confiance à lui. Mais bon… ça c’était parce qu’il était particulièrement rancunier.

Violetta l’accueillit en lui signifiant simplement qu’il avait mis du temps avant de venir le voir. Est-ce qu’elle l’attendait vraiment ? Jusqu’à maintenant, Johannes n’avait pas vraiment été sûr de se rendre dans la boutique de Violetta, parce qu’on ne pouvait pas spécialement dire qu’il appréciait de tourner plus encore le couteau dans la plaie, même s’il avait été finalement incapable de retenir sa curiosité. Elle était si sûre que cela qu’il allait venir ? Peut-être. Sans doute même, parce qu’elle avait surement l’affront de penser qu’il ne pouvait pas faire autrement, qu’elle ne valait évidemment la peine. Ce qui était peut-être le cas, mais Johannes ne l’avouerait jamais.

« Je suis un homme occupé. » Se contenta-t-il de répondre, en haussant des épaules, comme si ce début de conversation n’était rien du tout. Alors que c’était déjà particulièrement difficile à endurer. L’avoir sous les yeux n’aidait clairement Johannes, qui se disait qu’il aurait quand même mieux fait de se contenter de rester dans sa boutique et de ne pas faire un aussi long chemin. Même si en un sens, il fallait quand même qu’il voit de ses propres yeux ce qu’elle devenait. Même si ce n’était clairement pas ce qu’il y avait de plus agréable. « Je m’attendait à un endroit plus lugubre. » Reprit-il, en tournant son regard un peu autour de lui pour observer la boutique. Elle était… convenable. Bon, clairement, Violetta s’en sortait bien, mais il était évident que Johannes n’avait pas l’intention de l’avouer. « Tu n’as pas une si bonne réputation que ça. »

Ce qui ne semblait pas la déranger, ce qui ne semblait surtout pas déranger ses affaires. Non parce que malgré sa réputation – qu’il ne pouvait pas nier apprécier, et il n’avait absolument rien fait (au contraire) pour la démentir –, la présidente du MACUSA en personne avait pris sa baguette auprès de cette jeune femme. Autant dire que ça n’empêchait pas vraiment ses affaires de marcher, ce qui avait le don d’agacer profondément le sorcier. Mais tout ce qui touchait à Violetta l’agaçait en même temps.

Johannes leva les yeux au ciel en entendant la jeune femme sous ses yeux le remercier de lui apprendre que sa réputation n’était pas si bonne que ça, précisant qu’elle l’ignorait. Évidemment, elle était pleinement ironique et cette ironie avait le don de l’agacer. Il était agacé par le sourire qu’il voyait sur ses lèvres, agacé et troublé en même temps. Il y avait tellement de chose qu’il avait toujours adoré chez elle à une époque et qu’il ne pouvait plus supporter aujourd’hui. Mais ça c’était parce que dans le fond, tout lui manquait chez elle, même s’il serait bien incapable de l’avouer et encore moins à l’intéressée première. Violetta précisa qu’une réputation bonne ou mauvaise était une réputation tout court, ce qui était une bonne chose, bien mieux que ne pas avoir de réputation. En un sens, Johannes devait bien avouer qu’il était d’accord avec ce que son ex fiancée affirmait, malheureusement. Dans tous les cas, le jeune homme se disait simplement qu’elle n’avait pas non plus d’autres choix que d’accepter sa réputation, sinon elle ne s’en sortirait pas. Et en même temps, il n’avait aucune envie qu’elle s’en sorte.

Johannes ne prit pas la peine de répondre, il n’y avait de toute façon rien à dire de plus à ce sujet. La jeune femme pouvait bien penser ce qu’elle voulait, dans tous les cas le sorcier était agacé qu’elle ouvre sa boutique personnelle, après qu’il lui ait tout appris. Qu’elle ose le faire. Parce que… ça ne se faisait pas et qu’elle devrait juste arrêter de vivre parce qu’elle ne vivait pas à ses côtés. Mais ça évidemment, il ne dirait rien du tout. Par contre, sans surprise, elle lui demanda ce qu’il faisait ici, pourquoi il était venu. Il ne savait même pas lui-même pourquoi il avait finalement décidé de venir ici et de passer le pas de la porte.

« Je voulais simplement voir ce que ça donnait, ta boutique. » Dit-il en levant les épaules. Il avait envie de se montrer le plus détaché possible, mais en même temps c’était un exercice qui était quand même sacrément difficile. Le sorcier ne se retint pas de continuer à observer les lieux, faisant un pas de côté, regardant autour de lui, sans aucun ménagement. Il la jugeait, forcément qu’il la jugeait. Et par la force des choses, il ne put s’empêcher d’ajouter une petite remarque. « Je voulais voir si tu avais décidé de tout me voler. »

Parce qu’il considérait vraiment qu’elle l’avait volé. Bon, il lui avait appris tout ce qu’il savait et elle avait été doué. Il avait cru qu’ils travailleraient de pair toute leur vie, parce qu’ils seraient maris et femmes et ce genre de belles conneries qu’il n’arrivait toujours pas à digérer. Et ça depuis tout ce temps, ça commençait à remonter, mais il n’arrivait vraiment pas à digérer ce qui s’était passé. Parce qu’il était incapable de tourner la page en fait et c’était encore plus flagrant alors qu’il l’avait de nouveau sous les yeux.

Se concentrer sur le fait que Violetta avait pu se servir de lui dans le but de s’améliorer dans l’art, de trouver une vocation, et ensuite l’abandonner à son sort, c’était bien plus facile que de penser au fait qu’il… tenait beaucoup à elle, qu’il souffrait de son absence et qu’ils s’étaient séparés bêtement. Ou pas, mais Johannes n’était pas capable de penser autrement. Il trouvait cela beaucoup plus facile de la détester pour son succès, que d’avouer qu’elle lui manquait terriblement et qu’il avait le sentiment de ne plus être grand-chose sans elle. Sans pour autant parvenir à accepter sa décision de le quitter « simplement » parce qu’elle n’était pas capable d’accepter qu’ils fondent une famille.

C’était plus facile pour lui donc de se concentrer sur cela, même s’il n’avait pas besoin de se forcer, il n’aimait vraiment pas l’idée qu’elle lui fasse concurrence. Il y avait bien d’autres fabricants de baguette, mais… eh bien, il la connaissait et il savait parfaitement ce dont elle était capable. Ce qui lui faisait un peu peur en somme, il n’avait pas envie qu’elle lui prenne tout. Son cœur, son art, son commerce…

Violetta avait malheureusement beaucoup trop de répartie, quelque chose qui l’agaçait parce qu’elle savait justement toucher où ça faisait mal et toucher juste en prime. La jeune femme avait raison, tous les maitres ne reprochaient pas à leurs élèves de réussir. Le souci, c’était que tous les élèves ne volaient pas en même temps le cœur de leur maitre.

« Tu as réussi, c’est un grand mot. » Répliqua-t-il durement. Elle l’agaçait, elle l’énervait, il était en colère contre elle… autant qu’il était horrifié par le fait qu’elle lui manquait tellement. L’avoir sous les yeux ne faisait que lui rappeler à quel point il souffrait encore de leur séparation, alors qu’il aurait mieux fait de tourner la page depuis bien longtemps. Mais Johannes était trop rancunier pour cela, c’était ce qu’il se disait, pour ne pas se dire qu’il était tout simplement encore beaucoup trop amoureux d’elle. « Ce n’est pas parce que Seraphina a eu l’idée de t’acheter une baguette qu’on peut dire que tu as réussi. » C’était faux et remplit de mauvaise foi, mais il se rattachait à ça. Il l’avait aussi mauvaise contre son amie présidente du MACUSA de s’être tourné vers son ex. « Et tes méthodes… tu fais honte à notre profession. »

Il l’incluait dans la profession, mais ce n’était que pour souligner un peu plus le fait qu’elle faisait honte à celle-ci, qu’elle n’utilisait pas du tout des méthodes conventionnées. Elle avait une clientèle qui laissait à désirer, tout simplement. Il n’en était pas tellement étonné au final, parce que ça lui ressemblait bien. Bon, d’accord, ce n’était pas vrai, mais il s’en convainquait comme il le pouvait, afin de lui donner tous les torts, de noircir encore un peu plus son image.

Johannes devrait se satisfaire d’entendre Violetta affirmer et reconnaître qu’elle était médiocre dans ce qu’elle faisait, si ça avait été vraiment le cas. Il était hors de question qu’il le reconnaisse à voix haute, mais effectivement elle était douée dans son domaine et c’était bien ça le pire. En un sens, peut-être que le jeune homme aurait bien aimé qu’elle soit réellement médiocre. Ou pas, parce qu’en même temps c’était lui qui lui avait tout appris, mais ça aurait plus facile qu’elle ne réussisse pas dans ce domaine, qu’elle ne lui fasse pas concurrence. Le sorcier devait bien accepter la concurrence et il le faisait aisément avec les autres fabricants de baguette, mais Violetta n’était évidemment pas juste une « autre » fabricante de baguette.

Elle était talentueuse, c’était évident, elle était douée pour ça, elle état faite pour ça. Et au final, ça ne faisait que donner un amer goût à Johannes. C’était peut-être faire preuve d’une grande immaturité de lui en vouloir pour tout ça, mais il n’avait pas l’intention de s’en empêcher. Il lui en voulait, très clairement, il la haïssait autant qu’il… eh bien, qu’il l’aimait encore. Ça ne pouvait qu’être évident à la manière dont son cœur se serrer rien qu’en posant son regard sur elle. Elle lui manquait atrocement et la voir ne faisait que lui rappeler tout ce qu’il avait perdu dans sa vie. Ça ne faisait que lui faire remarquer à côté de quoi il était passé. Pas par choix, ce n’était pas lui qui avait fait ce choix, il l’avait simplement subit et justement c’était pour cela qu’il lui en voulait autant. Johannes planta son regard dans celui de Violetta quand elle le regarda intensément en lui demandant d’assumer les vraies raisons qui le poussait à la haïr. Il ne jugeait pas avoir décrit de fausses raisons, tout cela était bel et bien vrai. Il n’aimait pas qu’elle salisse le métier qu’il aimait tant et qu’il avait partagé avec elle en ayant des pratiques à ce point limite et en ne se préoccupant pas de la réputation de sa clientèle. Même si certaines personnes des hautes instances lui faisaient confiance… comme Seraphina…

« Très bien. » Dit-il sèchement, sans baisser son regard. Tenir ainsi ses yeux plantés dans celui de son ex fiancé était un exercice vraiment difficile, il avait le sentiment que son cœur allait exploser dans sa poitrine. Mais ce n’était rien encore, le pire allait arriver avec ce qu’il affirma ensuite. « Je te hais parce que tu t’es servi de moi depuis le début. Je t’ai tout donné, entièrement, et que tu m’as tout pris. »

Tout… non pas réellement, son commerce continuait de bien marcher, mais c’était tout. Il n’avait plus aucun rêve d’avenir avec quiconque, il ne pouvait même pas vraiment envisager d’avoir un jour une famille. La faute à lui-même peut-être, il aurait pu refaire sa vie, il aurait dû refaire sa vie… sauf que c’était impossible, parce que dans le genre, Violetta lui avait pris son cœur et elle le tenait encore avec elle. Mais entre l’amour et la haine, la frontière était beaucoup trop mince.

Son ressentiment à l’égard de Violetta aurait pu être différent. Johannes aurait très bien pu se contenter de tourner la page, ignorer la jeune femme, la trouver indifférente, incompétente et passer définitivement à autre chose. Ou il aurait pu la mépriser pour ce qu’elle était, pour ce qu’elle aurait pu être et n’avait pas été ensuite. Il aurait juste pu l’avoir en dégoût, ressentir de la rancœur envers elle… mais ce qu’il exprimait en cet instant précis c’était de la haine. Parce qu’il la haïssait vraiment, du plus profond de son âme. Parce qu’au fond, ses sentiments pour elle étaient encore bien trop présent, et qu’il était tout simplement incapable de l’accepter. Alors que c’était simple à voir, il suffisait de se rendre compte d’à quel point il ne parvenait pas à tourner la page, qu’il ne supportait pas entendre parler d’elle, qu’on complimente son travail, que ses amies se tournent vers elle plutôt que lui. La jalousie qu’il ressentait était paire de la haine qu’il ressentait pour elle, même s’il n’avait aucune envie de complètement se l’avouer. Mais donc, oui, il la haïssait pour tout ce qu’elle lui avait donné et reprit ensuite, pour ce qu’il avait perdu en étant avec elle (du temps, une famille…), mais aussi et surtout de tout ce qu’il avait perdu depuis qu’elle était partie.

Johannes toisa du regard Violetta quand elle s’offusqua qu’il puisse croire qu’elle s’était rapprochée de lui dans le seul but de faire couler son commerce, pour le manipuler et obtenir quelque chose avant de l’abandonner ensuite. Est-ce qu’il pensait vraiment qu’elle était avec lui uniquement par intérêt ? Au fond, sans doute pas, mais c’était plus facile pour lui de se dire que c’était le cas, parce qu’elle passait pour la méchante de l’histoire, et pas juste une femme qui n’avait pas pu trouver un équilibre avec lui. Elle passait pour la manipulatrice de service qui l’avait volé, qui lui avait tout pris avant de le briser, cette manipulatrice qu’il était en droit de détester.

« Et pourquoi pas ? » Répondit-il en croisant les bras à son tour, répondant d’un ton dur en tendant de métriser le timbre de sa voix. Parce que tout cela, se retrouver en compagnie de Violetta, parler de leur histoire (puisque c’était quand même ce qu’ils faisaient), ça avait le don de lui faire revenir des sentiments difficiles. Même si tout cela daté de longtemps maintenant et qu’ils devraient avoir tourner la page (Violetta l’avait fait à coup sûr, pensait Johannes, qui lui se bornait à prétendre l’avoir fait, alors qu’il en était parfaitement incapable), c’était finalement encore bien trop présent. « Ça expliquerait beaucoup de chose, je ne vois pas en quoi ça semble choquant. »

Ça n’expliquerait évidemment rien du tout, mais ça lui donnait juste une légitimité pour qu’il puisse la détester de tout son cœur comme il le faisait. Même si ce n’était pas un exercice des plus facile au final, surtout en se retrouvant devant elle.