I'll make a man out of you. [pv Emmett]

M

atildus mettait un point d'honneur à faire oublier son passage par la case prison, et à l'oublier elle aussi par la même occasion. Depuis qu'elle s'était échappée du pénitentier, elle avait retrouvé toutes ses habitudes, elle avait acquis de nouveaux repères, et elle se sentait particulièrement bien. Elle n'était plus complètement seule, elle avait Jane, bientôt elle aurait Eleanora, et elle était convaincue du fait qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le vieil Henry Shaw lui tomberait dans les bras. Tout se déroulait très exactement selon ses plans... exception faite de son allégeance à Grindelwald, qui avait ajouté à son arc des cordes qu'elle n'avait pas soupçonnés. Mais c'était pour le mieux. Billie, auprès des fidèles de Grindelwald, s'était même trouvée de nouveaux alliés, voire des amis qui pourraient bien lui devenir précieux. Certains qu'elle avait gardés par pur intérêt, d'autres qu'elle avait fini par sincèrement apprécier.

Mina Presley faisait partie de ces personnes. Il faut dire que Matildus se trouvait avec elle de nombreuses similitudes qui n'avaient pu que les reprocher. A la vraie et non négligeable différence que l'une était mère et l'autre non. Et il est vrai que Mina avait fini par se définir en très grande partie par son rôle de mère, justement. Peut-être parce que la relation de Mina avec Emmett était excessivement fusionnelle, va savoir. Ce n'était pas ses affaires. Elle appréciait Mina, et elle considérait qu'en lui mettant un peu de plomb dans la cervelle, Emmett se révélerait être un excellent élément, également.

C'était à la porte des Presley qu'elle était venue frapper, sans autre raison particulière que de passer un peu de temps avec Mina (ce qui n'était pas un comportement très courant pour elle, qui restait une personne particulièrement égocentrique, et ça avait peu de chances de changer dans l'avenir... elle restait sa propre priorité, mais si elle pouvait laisser la place à d'autres personnes dans sa vie). Quand la porte s'ouvrit, ce ne fut pas sur la mère, mais sur le fils.

-Bonjour Emmett, ta mère est là ?

Elle avait l'intuition que non, sans quoi cette dernière se serait sans doute présentée à la porte. Mais dans tous les cas Matildus s'arrangerait pour ne pas avoir fait le déplacement pour rien. Elle aimait s'estimer capable de tirer profit de n'importe quelle situation.


   
   

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ans surprise, la réponse d’Emmett lui apprit ce que la situation laissait d’ores et déjà suggérer. Mina s’était absentée. Mauvais timing, mais ce n’était pas si grave en soi. Si Matildus appréciait toujours la compagnie de Mina et qu’elle avait un certain intérêt pour leurs conversations, ce n’était pas pour autant qu’elle allait négliger la présence du jeune homme. Dans le cas des Presley, quoi qu’il en soit, si l’on voulait espérer connaître et s’entendre avec la mère, il était impossible de négliger le fils, puisque Mina tenait à sa progéniture comme à la prunelle de ses yeux, et ferait de toute évidence toujours passer la chair de sa chair avant quoi que ce soit d’autre et qui que ce soit d’autre.

Alors même si Billie était déçue de l’absence de Mina, elle ne comptait pas s’en aller d’office, cela allait lui donner une occasion de parler plus longuement avec le jeune homme, et il était évident qu’elle n’allait pas s’en priver. A ses yeux, Emmett avait du potentiel, mais il restait un caractère à forger, et elle escomptait bien contribuer à l’endurcir. Pour cela, même une conversation d’apparence anodine pouvait avoir son utilité. Il suffisait de réussir à l’orienter convenablement ensuite.

-Je préfèrerais lui parler en personne, déclara-t-elle d’un ton détendu, bien décidée à prendre ses aises et de ne pas s’en aller de sitôt. Qu’est-ce que tu dirais de nous servir du thé… ou quelque chose de plus fort, si tu as, et de bavarder un peu en attendant le retour de ta mère ? suggéra-t-elle, toujours en toute décontraction.

Oui, elle prenait ses aises. Ce n’est pas que Billie ne connaissait pas les codes de la bienséance et de la politesse, au contraire, elle en avait la parfaite maîtrise dans les occasions qui exigeaient qu’elle les respecte. Mais le reste du temps, et surtout dans ce genre d’occasions, la bienséance pouvait bien être mise de côté, il y avait plus intéressant à faire et obtenir en décidant de faire preuve d’un rien de culot. Surtout qu’elle faisait face à un interlocuteur qui – en tout cas le pensait-elle – n’oserait pas la mettre dehors (encore qu’elle ne le lui reprocherait pas s’il décidait de le faire, ce serait une appréciable preuve de caractère, en réalité). Oui, elle n’avait pas la moindre idée de ce que Mina était allée faire ni de quand elle allait revenir exactement, mais ça n’avait pas grande importance. Elle avait tout son temps quoi qu’il en soit.



   
   

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B

illie était à peu près certaine que sa présence déplaisait à Emmett, même si ce dernier jouait les parfaits hôtes. Elle appuyait cette conviction sur pas grand-chose, mais elle pouvait se mettre à sa place. Elle non plus n'apprécierait pas qu'une personne qu'elle connaissait à peine et avec laquelle elle n'avait pas franchement d'atomes crochus s'impose chez elle. Mais si ça devait lui arriver, elle n'aurait aucun scrupule à mettre ladite personne à la porte.

C'était ce qui faisait plus ou moins la différence. Elle se laissa servir le thé (tant pis pour le plus fort, elle se rattraperait quand elle rentrerait chez elle), et Emmett joua le jeu jusqu'au bout en lui demandant si elle voulait manger quelque chose avec ça. Elle hésita à pousser le vice jusque-là, tant qu'à faire, mais c'était assez comme ça, autant passer plus directement aux choses sérieuses.

-Non, ça ira, ne t'en fais pas, merci beaucoup, dit-elle alors simplement en s'emparant de sa tasse de thé, sur laquelle elle souffla avec précaution afin de dissiper un peu la chaleur. Alors, dis-moi, Emmett, qu'est-ce que tu racontes de beau ?

La question était large, et c'était à dessein, cela pouvait certes laisser une éventuelle échappatoire au jeune homme, mais cela avait surtout pour but d'inviter le garçon à lui parler, peu importe de quoi et de quelle manière. Il serait ensuite plus simple d'orienter le dialogue de la façon qui l'intéressait. Bien sûr, il y avait des sujets de discussion qu'elle brûlait d'aborder avec lui, mais elle ne pensait pas qu'en brusquant le fils de Mina, elle obtiendrait quoi que ce soit de sa part.

Elle ne pouvait pas prétendre vraiment le connaître. Ce qu'elle savait de lui, c'était son amie qui le lui avait appris, mais c'était justement ces informations-là qui lui donnaient envie de creuser encore davantage. Peu importe la manière donc Emmett choisirait de lui répondre, Billie saurait se montrer patiente pour l'occasion. Elle estimait posséder un don certain quand il était question de délier les langues, et c'était un don qu'elle appréciait d'exploiter quand elle le pouvait. En l'occurrence, elle estimait que ce pourrait bien être une très bonne occasion, et elle comptait bien en profiter.

   
   

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erlin ! Ce gamin ne lui facilitait décidément pas la tâche. Ce n'était pas une surprise, elle pensait avoir cerné le caractère d'Emmett, faute de l'avoir cerné complètement lui, et elle devinait donc que si elle voulait vraiment entretenir une conversation digne de ce nom avec lui, elle allait devoir lui tirer les vers du nez. Est-ce que ça la dérangeait ? Non, pas vraiment, parce qu'il en fallait plus pour décourager Billie. Elle avait bien l'intention de faire découvrir à Emmett une capacité à parler de lui qu'il ne soupçonnait pas.

-Tu peux l'être, répondit tout de même la jeune femme avec un fin sourire. C'est effectivement navrant d'avoir une si mince estime de soi-même que tu puisses t'imaginer ne rien avoir à dire de passionnant. Elle planta son regard dans le sien. Je suis convaincue que tu as plus de choses à raconter que ce que tu peux bien affirmer.

Tout le monde avait des choses à raconter, en réalité. Ce pouvait être passionnant ou ne pas l'être, ce n'était pas la question, en réalité. Dans tous les cas, Matildus saurait récolter la moindre information au sujet de son interlocuteur. Même quelques mots prononcés d'un ton banal pouvaient avoir leur importance, et Billie était bien décidé à rapporter le moindre de ses détails à Mina la prochaine fois qu'elle la verrait. En espérant avoir pu y aller elle-même de ses propres commentaires, si ces derniers pouvaient se révéler un tant soit peu éloquents.

-Fais un petit effort. Tu dois bien avoir des amis ? Tu fais bien quelque chose de tes journées, pas vrai ? Peut-être même que tu as une petite amie ? Tu as forcément des choses à dire.

Et elle lui conseillerait bien de passer aux aveux, parce que si Billie devait lui montrer l'exemple en s'étendant sur sa propre vie, le jeune homme regretterait très certainement d'avoir à l'écouter bavasser sur sa propre existence. Parce que Matildus non plus, en réalité, n'avait rien de si fascinant à dire sur elle-même, mais ça ne l'empêchait pas de parler sans s'arrêter si elle le décidait. C'était une affaire d'estime de soi. Quand on se trouvait intéressant, il était évidemment plus simple de faire son intéressant. C'était évidemment plus difficile quand on pourtait sur soi-même un regard beaucoup trop critique.


   
   

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e résumé qu'Emmett faisait de sa propre vie était positivement déprimant aux yeux de Billie. Vraiment, elle n'aimerait pas être à sa place. Pas tant parce que sa vie était peut-être ce qu'il en disait que parce que c'était ainsi qu'il choisissait de la résumer. L'ancienne prisonnière estimait que n'importe qui pouvait avoir une vie digne d'intérêt, il suffisait de se donner les moyens pour cela. Et elle avait le sentiment que c'était ce qui manquait à son jeune interlocuteur, cette force de volonté. Elle n'était pas étonnée que Mina compte sur elle pour l'aider à lui forger le caractère. Elle estimait elle aussi que ce ne serait pas forcément du luxe. Bien sûr, le jeune homme pouvait tout à fait être heureux de sa situation, mais ce n'était pas ses affaires. Et surtout, elle n'avait vraiment pas l'impression que ce soit le cas quoi qu'il en soit.

Il n'avait plus d'amis depuis Ilvermorny, mais comment faisait-il ? Avait-il vécu dans une grotte, en ermite depuis la fin de sa scolarité ? C'était l'impression qu'il lui donnait en tout cas. Même Billie, qui avait passé plusieurs années à l'ombre, sa vie entre parenthèses, avait réussi à s'en faire des amis... Et des vrais, en plus (car la majeure partie du temps, elle ne prétendait qu'être l'amie des gens mais n'en avait globalement rien faire, à quelques exceptions près - dont la mère d'Emmett faisait évidemment partie). Il allait falloir le sortir plus, ce petit.

Pour le reste, il ne faisait pas grand-chose de ses journées. Qu'à cela ne tienne ! S'il fallait l'occuper et le sociabiliser, Billie se portait volontaire sans aucun problème. Certes, au service de leur maître commun, Emmett aurait forcément des responsabilités prioritaires, mais ça n'interdisait pas de vivre en contrepartie non plus. Pas dans le monde de Matildus Heizenbert en tout cas. Et pour ce qui était de sa petite amie.

-Oui, ta mère m'en a touché deux mots, de cette... Darlene, c'est ça ? Crois-moi, tu peux largement mieux faire. Billie n'était pas forcément la mieux placée pour réprimander quelqu'un qui sortait avec un no-maj, mais elle, quand elle le faisait, elle vérifiait leur compte en banque pour commencer, ce n'était pas la même chose. Tu sais quoi, je crois qu'il va falloir te sortir un peu. Tu fais quelque chose ce soir ?

   
   

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a réaction d'Emmett semblait à Billie typique de la manière dont le jeune homme agissait au quotidien. Peut-être qu'il ne s'agissait que d'une impression et qu'il se comportait ainsi uniquement parce qu'il se retrouvait face à elle, elle qui ne lui inspirait pas grand-chose sinon une indifférence crasse (ce qui en soi serait logique, après tout, il n'y avait aucune vraie raison pour que le jeune homme s'intéresse ainsi à celle qui à ses yeux devait surtout être une amie de sa mère). Mais elle se disait qu'il était bien possible aussi que ce soit de cette manière que le jeune homme ait décidé d'appréhender sa vie et la grande majorité de ses interactions sociales, dans l'impuissance et l'impassibilité, comme s'il devait ne définitivement plus rien attendre de ce qui l'entourait et de ce qui constituait son existence.

Les hommes comme lui étaient utiles quand il était question de s'en servir à sa guise et de se remplir les poches, mais en l'occurrence, ce n'était pas là ce que ni elle, ni Mina n'attendaient de lui. Elles voulaient lui forger le caractère, le façonner à l'image de sa mère, et pour ce faire, il n'allait pas seulement falloir en passer par des conversations à rallonge qui n'auraient peut-être aucun impact sur lui, il allait falloir passer à quelque chose de plus sûr et de plus concret, de toute évidence. Et en l'occurrence, quoi de plus sûr et de plus concret qu'une sortie digne de celles que Matildus aimait le plus.

-Eh bien, maintenant tu fais quelque chose, décréta Billie, bien décidée à ne pas laisser le choix à son jeune interlocuteur, et bien indifférente à l'idée que cette perspective puisse le blaser ou l'agaçait. Ce soir, on sort. Je connais l'endroit idéal pour faire de nouvelles rencontres. J'avais l'intention d'y faire un saut, j'ai quelques personnes à rencontrer, et tu vas venir avec moi.

Que ce programme l'enchante ou non, elle était bien décidée à le traîner par la force s'il devait lui imposer la moindre résistance. Il était hors de question de le laisser lambiner comme ça... Oh que non, il y avait plus intéressant et plus important à faire de lui, et si elle réussissait à bien se débrouiller, sa nouvelle vie pourrait bien commencer dès ce soir. C'était en tout cas l'ambition de Billie, et elle n'en changerait pas.

   
   

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illie s'était douté du fait que son jeune interlocuteur chercherait (mollement) à se défendre de toute perspective de sortie en sa compagnie, mais bien évidemment, ce n'était pas ce qui allait l'arrêter. Mina comptait sur elle pour encourager le jeune homme à sortir de sa coquille, à devenir un homme et un fidèle de Grindelwald digne de ce nom, alors le mieux, c'était encore de le sortir et de le bouger un peu.

Enfin, elle allait y aller progressivement, quand même, parce que sinon, elle allait le refermer comme une huître, et c'était pas le but de la manoeuvre non plus, mais il devait bien être possible d'y aller graduellement. Personne n'était inchangeable, et tout le monde avait plus d'une facette à sa personnalité. Matildus voulait simplement faire ressortir chez Emmet une part plus... volontaire, disons, et elle ne renonçait pas à l'idée d'y parvenir, même si sa réponse était là pour lui rappeler que c'était loin d'être une affaire gagnée encore.

-Tu n'avais pas besoin de me le dire, j'étais déjà au courant de ça, répondit simplement Billie dans un haussement d'épaules quand Emmett lui fit remarquer qu'il n'était pas la meilleure compagnie que l'on puisse trouver.

Sans blague. De toute évidence, si Billie n'était pas aussi proche de Milla, elle ne se soucierait pas un seul instant d'Emmett et tous les deux n'auraient jamais échangé le moindre mot (ce que le jeune homme aurait sans doute préféré, soit dit en passant, mais Billie estimait que ce n'était pas son problème, en vérité). Elle ne lui proposait pas de sortir avec l'optique qu'elle passerait le meilleur moment du monde avec la personne qu'elle appréciait le plus sur cette terre. Elle sortait juste ce gamin qui devait lui montrer ce qu'elle avait dans le ventre, avec l'espoir de conclure, peut-être, au terme de cette soirée, qu'il pouvait éventuellement y avoir pire compagnie que lui, tout compte fait.

-Bon, allez, grouille-toi, on va pas rester plantés là cent ans, lui suggéra-t-elle en lui tendant le bras dans le but qu'il l'attrape afin qu'ils puissent transplaner là où elle avait l'intention de le conduire.

Il faudrait peut-être qu'elle lui suggère de se changer, au passage, mais elle n'avait pas envie de donner à Emmett une excuse pour disparaître de son champ de vision.
   
   

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