Harmony Rhys

-Cavalier en H3

La pièce bougeait d’elle même sur l’échiquier, quelques secondes après que la douce voix d’Harmony avait annoncé sa position. Le courageux cavalier descendit de sa monture et de son épée, plantait le fou du roi ennemi, qui tombait en morceau à ses pieds. De sa grâce naturelle, il remontait sur son étalon, attendant la suite des événements.

-Tu es vraiment sans aucune pitié, Harmony.

La jeune femme levait son regard sur son interlocuteur, laissant un léger sourire se dessiner sur ses fines lèvres, alors que l’un de ses sourcils parfaitement dessiné se levait dans un signe de surprise.

-Moi … ? Sans pitié ? Allons …

Elle se mordillait la lèvre, jouant sur son air provocatrice qui ne la quittait que très rarement, tout en dévorant du regard son adversaire.

-C’est bien mal me connaître.
-Je vous connais mieux que quiconque ma chère.

Harmony lâchait un léger ricanement. Frank avait raison… Elle ne connaissait personne sur cette terre qui la comprenait autant que lui. Mise à part peut-être Elle. Voilà longtemps qu’ils se connaissaient, lui et elle. Frank McKenzie, un ami de la famille Rhys et parrain d’Harmony. Depuis toujours, il avait veillé sur elle, sur son présent mais surtout son avenir. Souvent, dans l’ombre, car la brunette avait bien trop fierté pour accepter facilement qu’on se préoccupe d’elle. Toutefois, Harmony avait conscience de tout ce dont son parrain avait fait pour elle, depuis son enfance...

-Cela me fait plaisir de te revoir, après toutes ces années. Bien que je n’aurais jamais pensé te voir ici, à New-York. Tu semblais si attachée à ton Angleterre natale et à tes parents … Tu n’imagines pas à quel point tu ressembles à ta mère … Plus tu prends de l’âge, plus je vois en toi, sa beauté, sa grâce et son ambition. Mais aussi sa fragilité et sa sensibilité.

-Ne me compare pas à ma mère. Je ne suis ni fragile, ni sensible. Ne délabre pas tant d’idioties.

Les traits de la mâchoire d’Harmony s’était renforcés, signe évident d’un énervement. D’autant plus que son regard, pourtant aussi vert que les émeraudes les plus purs, renvoyait une colère évidente vers son interlocuteur. Elle ne supportait qu’on mette une personne à son égal ou même qu’on ne la compare à elle, pas même sa propre mère. La jeune femme repensait à cette dernière, à son père, à qui, elle n’avait plus envoyé de lettres depuis bien trop longtemps. Deux mois ? Peut-être plus …? Elle en avait perdu le compte. Elle ignorait la raison réelle de cette oubli et préférait se cacher derrière un manque de temps pour se rassurer. Pourtant, autrefois, Harmony avait toujours été proche de ses deux parents. Fille unique, elle avait été choyée au possible depuis sa tendre enfance. Pour sa mère, elle était la prunelle de ses yeux, pour son père, elle était la sorcière la plus douée de sa génération était vouée à de grandes choses … Elle avait reçu une éducation purement sorcière, bien évidemment et jamais, elle n’avait fréquenté de Moldus, de prêt ou de loin. C’était tout juste si elle tolérait les sang-mêlés d’ailleurs. Les idées de la famille Rhys étaient et sont toujours plutôt assez extrémistes, considérant les sorciers comme supérieurs aux Moldus et ne tolérant pas le fait de devoir se cacher d’eux… Des idées qui rejoignaient secrètement celles d’un certain mage qui faisait beaucoup parler de lui ces derniers temps …

-Que fais-tu dans la ville qui ne dort jamais ?

-Après l’incident qui s’est produit à Poudlard … J’ai eu besoin de … changer d’air.

Harmony avait passé toute sa scolarité à la prestigieuse école de Poudlard, la meilleure école de magie selon les Anglais …. Elle avait fait du château son terrain de jeu, de chasse et avait pour ambition de grimper les échelons, afin d’écraser quiconque osant se mettre sur sa route. Serpentard fut sa maison, sans réellement grande surprise au vu de son caractère, bien que la plupart des membres de sa famille avait été auparavant envoyé à Serdaigle. Harmony fut la première à faire partie des Serpents d’Argent et cela ne lui avait pas déplu, bien au contraire, cela était même pour elle une fierté. Très tôt, elle démontra un don inné pour l’art des potions. Un don, qui devint rapidement une passion qu’elle se plaisait à nourrir à coups de bouquins qu’elle n’hésitait pas à corriger afin de s’approprier des élixirs, conçus par ses prédécesseurs. Etonnant ses professeurs, l’avenir d’Harmony était totalement tracé, elle devait devenir une Maîtresse des Potions. Mais hors de question pour elle de partir sur la voie de l’enseignement, qui selon elle la briderait dans son art.

-Je comprends. Et c’est donc ici que tu as trouvé refuge. Intéressant …

Frank souriait, Harmony pouvait y voir une certaine fierté dans le regard ténébreux de son protecteur. Il annonçait une nouvelle position pour l’une de ses pièces qui achevait un des pions noires de la sorcière.

-J’ai moi-même pris l’exil à New-York durant mes jeunes années. C’est étonnant que tu aies eu le même … procédé que le mien pour tenter de te ressourcer.

Harmony ne rajouta rien, alors qu’elle jouait son tour, vengeant son pion tombé au combat un peu plus tôt, en prenant un des blancs.

-Harmony … Qu’en est-il de Elle ?

La sorcière se terre dans un mutisme, qui pourtant veut en dire long pour son interlocuteur, qui fronce un peu les sourcils. Elle …Arrivée lors de sa cinquième année à Poudlard, venue des terres du nord, Elle, avec son accent si particulier, ses cheveux blonds, qui continuait à hanter son esprit, à le torturer et à l’apaiser. Harmony la détestait, tout autant qu’elle l’aimait, bien que jamais elle ne l’avouerait. Cette part d’elle, elle ne la montrait a personne, tout comme le fait, qu’elle ne sentait plus entière, depuis qu’Elle avait quitté sa vie. Comme si elle n’était que l’ombre d’elle même, qu’une part d’elle avait été violemment arrachée.

-Ne serait-ce pas temps de tourner la page,Harmony … ?
-Silence, tu n’as plus de leçon à me donner …

L’homme lâchait un soupire, avant de se concentrer sur son jeu. Tourner la page… Oui peut-être devait-elle le faire. Peut-être qu’il était effectivement temps de le faire. Mais était-ce seulement possible ? Harmony cachait en elle une souffrance indescriptible, qu’elle n’osait montrer, de peur de paraître faible.

-Pion en H4.

Le petit pion s’avançait, pour braver le courage du cavalier qui se tenait juste devant lui.

-N’oublie pas que tu me dois du respect jeune fille. Rappelle-toi qui t’a aidé après ton renvoi de Poudlard. Tout ce que tu possèdes aujourd’hui, c’est grâce à moi, ma chère.

Harmony déviait cette fois son regard. Il avait raison, elle ne pouvait nier ce fait évident. Lorsqu’Harmony, dans sa volonté de surpasser tout le monde avait concocté une potion destiné à rendre aveugle quiconque la boirait. Elle était bien entendu destiné à un élève. Taylor Travis. Il avait osé la regarder, il avait osé l’approcher, il avait osé l’aborder. Harmony avait donc décidé qu’il ne verrait plus rien de toute sa misérable vie. Des semaines durant, elle préparait en cachette une potion, aidée par Elle, qui l’aida à réunir les ingrédients nécessaire, parfois au détriment du règlement scolaire. Tout était orchestré, le breuvage devait être un cadeau d’Elle pour Travis. Mais avant que ce sang-de-bourbe ne puisse le boire, un professeur intervient, empêchant l’irréparable. Pour ce geste et pour les nombreuses infractions au règlement, Harmony fut virée de Poudlard avant de pouvoir finir sa dernière année. C’est Frank, qui l’a pris sous son aile et terminait à sa manière sa formation. Harmony était spécialisée dans les potions ayant des effets guérisseurs, des antidotes. Mais pour pouvoir combattre le mal, il faut connaître le mal en question, ainsi, elle approfondit également ses connaissances en poisons et autres dérives, de manière plus officieuse.

-Dis moi que tu n’as pas repris contact avec elle après ton départ …?

Harmony secouait la tête de façon négative, sans oser prononcer la moindre parole. Après son renvoi de Poudlard, la sorcière avait passé quelques années chez son parrain, dans sa maison perdue au fin fond des campagnes Ecossaise. Durant ce premier exil, elle avait dû rompre tout lien avec Elle, sous ordre de McKenzie. Harmony en profita pour totalement s’isoler et se consacrer uniquement à son apprentissage de la maîtrise des potions. Cinq années durant, Harmony avait totalement disparue de la circulation, même pour ses très chers parents.

-Au moins, tu n’es pas totalement inconsciente…

-Cesse de parler d’Elle.

Pourtant, Elle, n’avait jamais quitté son esprit, à aucun moment. Même après son départ de Poudlard. Elle, cette personne à qui, on lui avait appris à ne plus prononcer son nom, comme si, le simple fait de dire ce prénom, apporterait une malédiction. Frank n’avait pas simplement achevé l’éducation magique de sa filleule, il l’avait conditionnée, afin de faire oublier cet amour qu’il disait illusoire et faux, qui la détruisait petit à petit.

-Bien … Changeons de sujet. Qu’as-tu fait après ta magnifique fugue ?

-J’ai fais quelques travaux mineurs pour pouvoir gagner quelques gallions. J’ai été engagée dans un pub durant quelques mois, qui m’offrait le gît, le couvert ainsi qu’un salaire, minable, mais un salaire tout de même.

-... Tu n’es pas restée dans ce pub durant trois ans, si ?

-Non.  Je viens de te dire, que je n’y suis restée que quelques mois. J’ai fini par être recrutée à St-Mangouste, en tant qu’assistante. J’étais le bras droit, de l’alchimiste de l’hôpital, cela m’a permis d’approfondir mes connaissances.

-C’était une bonne place … Pourquoi être partie ?

-L’épisode de Poudlard me restait encore dans l’esprit, à St-Mangouste, j’entendais parlé de l’école tous les jours. Je te l’ai dis, j’avais besoin de changer d’air. Totalement.  Je suis donc venue à New-York, pour tenter d’oublier … tout ça.

-Et c’est là que tu as décidé d’ouvrir ta propre boutique… ? Une Apothicaire, vraiment ?

Frank s’approchait d’Harmony, lui attrapant le menton, pour l’obliger à affronter son regard.

-Regarde moi et ose me dire que tu ne vends que des antidotes et elixirs de bienfaisance dans ton magasin !

Et il n’eut aucune réponse, si ce n’est un sourire, teinté d’une légère pointe de sadisme…

-Echec et mat, Frank.

Tu es fière, tu es forte. Du moins, tu fais tout pour que les autres le croit. Tu refuses de faillir devant le regard d’autrui et rares sont ceux qui arrivent à percer ton jardin secret. Secret… Si secret. Si sombre. Tu sembles avoir perdu ta lumière, celle-là même qui égayait ton âme et ton coeur. D’ailleurs, en as-tu encore un ? Bien-sûr que oui, mais tu aspires à ne plus en avoir. C’est d’ailleurs ton but, ta motivation, tu créés en secret une potion qui serait capable de faire taire tes émotions, tes sentiments, tes ressentis. Mais tu échoues, encore et encore. Tu as l’impression d’échouer tout ce que tu entreprends. Ton renvoi de Poudlard te pèse, tu n’y arrives pas à passer outre, malgré l’isolement que t’a offert ton parrain, malgré ton errance à Londres, aux alentours et à ton arrivée d’il y a quelques mois à New-York… Pourquoi n’arrives-tu pas à oublier ? Pourquoi n’arrives-tu pas à l’oublier Elle ? Tu te poses des questions, qu’est ce qu’elle est devenue ? Que fait-elle ? Où vit-elle …? Non. Tu ne dois pas, tu n’as pas le droit. Tu te caches derrière une personnalité provocatrice, jouant de tes charmes, souvent pour oublier tes peines, juste l’espace d’un instant. Manipulatrice, tu l’as toujours été, même avec tes proches. Tu obtiens toujours ce que tu veux, du moins, tu es assez têtue et bornée pour tout faire pour acquérir ce que tu souhaites. Tu ne te décris pas comme une “bonne” personne, pourtant, ceux qui te connaissent, savent que tu l’es et que tu n’es pas aussi horrible que tu voudrais le faire quoi. Tu ne les crois pas. Qui crois-tu encore dans ce vaste monde ? Personne. La confiance est un mot absent de ton vocabulaire. Tu peux faire croire à des gens, que tu leur confierais ta vie, tu peux leur sourire, mais au fond tu sais qu’ils te décevront, d’une manière ou d’une autre, comme tous … Moi je sais tout cela, je te connais, je sais comment tu es. Il serait temps, Harmony que tu prennes conscience de qui tu es vraiment et de cesser de te cacher derrière des faux semblants

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