Confortablement installé à une table du Blind Pig, Aliocha venait de conclure une affaire, le sourire aux lèvres. Chaque jour qui passait faisait fleurir des gallions sur ses divers comptes en banque, officiels ou non. L'avantage, c'était qu'il n'était pas sur un seul marché et qu'il pouvait se faire du fric avec beaucoup de choses. Jamais il ne ressentait de regret ni même de remord à effectuer ses transactions.
Ce soir, il assurait son rôle de trafiquant de créatures magiques. Un riche britannique venait de lui acheter un croup. Ce dernier avait passé un examen au Département de contrôle et de régulation des créatures magiques afin de prouver qu'il était capable de contrôler l'animal dans une zone habitée par des moldus, mais avait échoué. Le plus simple avait donc été de passer par le marché noir, et le nom du russe était souvent cité comme valeur sure. Cette transaction lui avait rapportée une très jolie somme.
Cependant, ce n'était pas la seule affaire qu'il espérait conclure ce soir. Un autre transfert, plus périlleux, devait être effectué dans la semaine. Pour cette mission, il avait décidé de collaborer avec Milla. Aliocha faisait très rarement affaire avec des femmes mais cette dernière faisait du bon boulot, il devait bien l'admettre.
Aliocha avait donné rendez-vous à la jeune femme dans ce bar clandestin pour discuter et être tranquille. Les Aurors évitaient de se rendre dans ce genre d'endroit (quoi qu'il en avait déjà vu traîner ici quelques fois) et les deux sorciers ne risquaient pas grand-chose. Des membres du MACUSA travaillaient de toute manière pour lui. Corrompre ces individus n'avait pas été la chose la plus difficile à faire. Il suffisait tout simplement d'agiter quelques pièces et le tour était joué.
Enfin, il aperçut Milla à l'entrée du bar. Elijah, le fidèle bras droit d'Aliocha, alla à la rencontre de la jeune femme pour lui indiquer où se trouvait le russe.
- Bonsoir, Milla. dit-il lorsqu'elle prit place à sa table, face à lui. J'ai un boulot pour toi. Bien payé.
Donner des informations au compte-goutte était une méthode parmi tant d’autres pour se faire écouter.
es affaires marchaient plutôt bien pour Milla, ces derniers temps, il faut dire que l’évasion des créatures de Scamander avaient gonflé l’intérêt du péquin moyen pour les créatures fantastiques, intérêt qu’avait déjà accru les arrêtés du gouvernement magique américain, résolu à empêcher l’élevage ou la détention d’animaux fantastiques aux Etats-Unis. Elle avait par conséquent de qoi faire, et les enchères sur son occamy atteignait des seuils inespérés. La vente se conclurait sans doute rapidement, et elle serait clairement refaite. Mais ce n’était pas pour autant qu’elle avait l’intention de se reposer sur ses lauriers. Si les affaires dans lesquelles elle s’investissait n’avaient rien de recommandables, elle s’y consacrait avec un sérieux de femme d’affaires et elle ne passait jamais à côté d’une occasion ou l’autre d’étendre son petit business.
Quitte à traiter avec des individus qu’elle ne pouvait pas voir en peinture. Et dans le milieu où elle gravitait, ce n’étaient pas des cas isolés. Elle avait forcément affaire à des ordures de la pire espère. Certaines l’amusaient, certaines l’irritaient. Il y avait ceux dont elle ne supportait tout simplement pas les méthodes, à l’instar d’Eric Sangster, et il y avait ceux qui faisaient preuve d’un insupportable machisme (à noter qu’Eric pouvait aussi être assimilé à cette dernière catégorie). Logique, ce monde était phallocrate. Et si le milieu de la pègre laissait sa chance à quelques actrices féminines à son image, ce restait malgré tout un milieu largement dominé par les hommes. Et c’était assez insupportable. En règle générale, ceux qui se situaient au-dessus d’elle étaient des hommes, et elle avait le sentiment que le mépris auquel elle avait le droit de leur part n’aurait pas été le même si elle avait été un homme.
Enfin bon, parfois, il fallait serrer les dents et faire avec. Ce qu’elle avait décidé de faire en se rendant au rendez-vous que lui avait fixé Aliocha Legassov. Ce type, mysogine au possible, insupportait Milla. Mais elle prendrait sur elle. Il payait bien, et elle n’avait jamais vraiment eu à regretter de faire affaire avec lui. Une fois à l’entrée du Blind Pig, où elle avait ses habitudes (notamment parce qu’elle traitait souvent avec Gnarlak – qui lui aussi avait le don de considérer les autres avec le mépris en règle), l’un des sbires d’Aliocha la conduisit jusqu’à ce dernier. Elle s’installa face à lui et il entra rapidement dans le vif du sujet. Un nouveau boulot, bien payé. Forcément, d’avance, elle n’allait pas refuser. Mais elle ferait tout de même mine de faire la fine bouche.
-Quel genre de boulot ? demanda-t-elle simplement, tout de même assez curieuse de ce dont il pouvait être question.
C’était toujours avec une certaine impatience qu’il gérait les affaires avec Milla. Cette femme ne l’appréciait pas et il ne l’appréciait pas spécialement non plus, même s’il ne ratait jamais une occasion de conclure un marché avec elle. Il faut dire que depuis qu’il faisait appel à ses services, jamais elle n’avait essuyé le moindre échec. Plus vite les affaires étaient conclues, bien mieux il se portait. Cependant, il ne pouvait pas non plus se comporter comme un parfait connard en sa présence s’il espérait voir Milla accepter d'accomplir sa besogne.
La serveuse apporta les boissons qu'il avait pris la peine de commander avant que Milla n'arrive. Deux shots généreusement remplis trônaient devant eux. Aliocha porta le sien à ses lèvres et le vida entièrement, avant de le reposer devant lui. Une fois qu'il était certain d'avoir toute l'attention de la jeune femme, il lui expliqua en quoi consistait le travail qu'il souhaitait lui confier.
- Elijah, le sac.
Son fidèle chien lui tendit immédiatement un sac noir. Aliocha s'en saisit et le poussa délicatement vers la jeune femme.
- Trois œufs de dragon. A livrer à un client sur Manhattan.
Ces œufs appartenaient à une espèce extrêmement rare, ce qui justifiait la belle somme que le client était prêt à lui verser pour se les procurer. Acheminer ces œufs à bon port n'allait pas être chose aisée, c'est pourquoi il préférait qu'une personne comme Milla s'en occupe. La jeune femme risquait d'avoir de sérieux problèmes si jamais elle se faisait arrêter avec ces œufs, donc Aliocha préférait faire courir des risques à cette femme plutôt qu'à l'un de ses hommes. Une seule chose restait à régler : être certain qu'elle accepte de se charger de la transaction. Pour ça, Aliocha savait comment l'appâter.
- 1000 galions te seront livrés en deux fois. D’abord 350 pour l’obtention du contrat et le reste une fois le transfert terminé.
C’était une affaire en or, même si cette somme était moindre comparé au paquet de frics que lui rapporteraient ces œufs une fois livrés. Malgré tout, Aliocha était persuadé qu’elle ne pourrait pas passer à côté d’une telle somme. Oh, il avait entendu les rumeurs concernant l’occamy que la jeune femme avait réussi à dénicher et qui valait beaucoup. Ce n’était pas un problème. Il déposa à côté de lui une bourse contenant le prix qu'il lui avait indiqué et qu'elle pouvait avoir maintenant. Elle avait juste à accepter le boulot.
on déposa face à eux deux shots d’alcool. Milla considéra son verre un instant avant de le porter à ses lèvres. A moins qu’Aliocha soit sacrément mal luné, il n’y avait que peu de raisons pour qu’il ait empoisonné son verre, et elle ne disait jamais non à de la boissons gratuite, alors après s’être tout de même assuré qu’aucun dépôt suspect ne s’était collé à la paroi de son verre en le remuant, elle but à son tour cul-sec. Ça décapait, on n’avait pas lésiné sur les degrés, mais Milla avait l’habitude. Quand elle reposa son verre, Aliocha demandait à son homme de main de lui apporter un sac au contenu pour le moment mystérieux.
Milla s’empara du sac noir, l’entrouvrit avec précaution (au vu des trafics qui étaient sa spécialité, il y avait de bonnes chances que le contenu de n’importe quel sac lui saute au visage si elle n’y prenait pas un tant soit peu garde). Trois œufs de dragon, en effet. Elle soupesa le sac avec précaution. Autant dire que chacun d’eux valait déjà une petite fortune à l’unité… La mission était simple, apporter les œufs à qui de droit, de préférence en un morceau. C’était le genre de besogne dont Milla s’acquittait régulièrement, rien qui ne sache l’inquiéter. Bien sûr, il y avait toujours le risque de se faire pincer, mais jusqu’ici, elle s’en était toujours tirée blanche comme neige. Peut-être que ce constat lui avait communiqué une trop grande confiance, fait, mais elle était bien décidée à poursuivre sur cette lignée en tout cas.
Et puis, pour mille gallions, elle ne risquait pas de refuser. Même si les enchères en cours sur son occamy lui promettaient déjà une somme plus que rondelettes, elle ne refusait jamais un contrat à trois chiffres quand il était à sa portée, peu importe son degré de dangerosité. Vénale, oui, elle l’était clairement, mais elle ne comptait pas s’en excuser. Il faut bien vivre, après tout. Et elle avait déjà une très bonne idée de ce qu’elle ferait d’une somme aussi colossale.
-C’est toujours un plaisir de faire affaire avec toi.
Elle le pensait rarement, mais elle n'allait pas cracher dans la soupe, ce serait malhonnête. Elle ne cilla ni n’hésita quand il s’agit de s’emparer de la bourse qui contenait les gallions d’acompte. Elle se permit de compter la somme en question, et après s’être assurée que le compte y était, elle rangea précautionneusement la bourse dans la poche intérieure de sa veste.
-Il ressemble à quoi, ton client ? Je le retrouve à quelle heure et à quel endroit ?
Il scruta la jeune femme avec des yeux étonnés lorsqu’elle inspecta sa boisson. Un geste plutôt astucieux de sa part, même s’il n’avait rien mis dans son verre. Aliocha laissait l’empoisonnement aux femmes. S'il avait eu l'intention d'éliminer Milla, il l'aurait fait depuis longtemps, et d'une manière bien moins douce. Non, ce serait contre-productif de tuer la personne qu’il venait d’engager pour accomplir sa besogne.
Une fois leurs verres terminés, il recommanda la même chose, tout en observant la jeune femme ouvrir le sac avec une certaine précaution, comme si elle s’attendait à un piège. Un sourire s'élargit sur les lèvres du russe, amusé par les réactions de la trafiquante de créatures magiques. Ce soir, elle ne risquait pas grand-chose, même en étant à la table d’un homme connu pour ses actes d’une extrême cruauté. Après tout, Aliocha avait beau être la pire ordure possible, il évitait de trahir ses clients et les personnes qu’il engageait. La plupart du temps.
Milla prit la bourse et se permit d'en compter soigneusement le contenu. Décidément, elle se montrait bien méfiante, mais c'était une attitude normale. Lorsqu'on côtoie un milieu aussi dangereux que celui de la pègre, il faut s'attendre à tout. Tout le monde n'est pas toujours réglo et les trahisons ne sont pas rares. Aliocha n'échappe pas non plus à quelques coups bas. Les missions qu'il confie peuvent parfois se retourner contre la personne qui s'est engagée à les exécuter. De plus, s'il ne s'agissait pas de l'une de ses transactions, il aurait bien aimé voir la jeune femme se faire attraper. Cependant, elle était habile et jamais encore un Auror ne lui avait mis la main dessus. Elle se débrouillait toujours pour passer entre les mailles du filet de la justice. A l'heure actuelle, elle lui était de toute manière bien plus utile en liberté que derrière les barreaux.
La sorcière lui demanda des précisions sur le lieu de la transaction et sur l'acheteur. Il allait justement y venir.
- La transaction aura lieu dans quatre jours, du côté d'Upper East Side. Il faudra y être pour 22 heures.
Il lui remit ensuite une feuille de papier déchirée sur laquelle se trouvait l’adresse exacte du transfert et lui donna également une photographie de l’homme qui viendrait récupérer les œufs.
- Aucun retard ne sera toléré.
L’homme qui avait passé commande faisait partie des clients réguliers d’Aliocha, c’est pourquoi il tenait à ce que chaque vente se passe de manière irréprochable.
- Bien. J’imagine qu’il est inutile que je te dise ça mais on ne sait jamais : ne t’avises pas de t’éclipser sans honorer ce contrat.
Ses deux yeux bruns étaient plantés dans ceux de Milla. Depuis qu’ils collaboraient ensemble, jamais elle n’avait fait un seul faux pas mais on n’était jamais à l’abri d’une erreur, surtout avec une femme. La somme que représentait ces trois œufs était colossale, et Milla pourrait envisager de les revendre par elle-même. Elle gagnerait bien plus que 1000 gallions. Il finit par étirer un sourire sur ses lèvres, à la fois narquois et carnassier, avant d’ajouter :
- Mais je ne me fais aucun souci. T’es pas idiote pour une personne du sexe faible alors t’as conscience qu’il serait vain d’essayer de me rouler. Pas vrai ?
lle hocha simplement la tête quand son interlocuteur lui apprit que la transaction aurait lieu dans quatre jours. Même si son emploi du temps était plus chargé qu'on ne saurait le soupçonner, elle saurait se rendre disponible. Au vu de ce qu'elle avait à y gagner, elle aurait grand tort de faire autrement. Elle était vénale, oui, mais elle estimait que n'importe qui l'était. Et que ceux qui ne l'étaient pas étaient des crétins. Elle observa le papier que lui tendit son interlocuteur, puis le glissa précautionneusement dans sa poche après y avoir aposé sa baguette afin de rendre illisible l'écriture qui s'y trouvait. Ce n'était pas forcément nécessaire, mais c'était un réflexe qu'elle avait acquis à force de transactions de ce genre. Ce n'était pas toujours inutile.
Il ajouta qu'aucun retard ne serait toléré. A ses yeux, cette précision n'avait rien de nécessaire. Elle s'en doutait, évidemment. C'était toujours comme ça, et dans tous les cas, Milla était quelqu'un de ponctuel. Elle n'aimait pas qu'on la fasse attendre, alors elle refusait de faire attendre les autres. A moins d'avoir décidé de les emmerder (son esprit de contradiction faisait parfois des merveilles)... Ceci dit, en l'occurrence, même si on lui courrait sur le haricot, elle ferait l'effort. L'argent, toujours l'argent. Et bien sûr, elle ne s'éclipserait pas sans avoir honoré sa part du contrat... Elle pouvait parfois sembler inconsciente, mais elle était loin d'être stupide,en revanche. Et ça n'avait rien à voir avec son sexe soi-disant faible. Décidément, la misogynie de son interlocuteur ne s'arrangeait absolument pas... Mais elle se disait qu'il le faisait exprès, parce qu'il savait pertinemment que c'était une chose qui l'insupportait chez lui.
-Tu n'es pas le dernier des crétins non plus, même si tu n'es jamais qu'un homme. Alors non je n'ai pas l'intention de te rouler. Elle marqua une légère pause. Même si c'est beaucoup d'avertissements pour pas grand-chose, si tu veux mon avis, j'ai déjà géré des cas beaucoup plus compliqué. Y a un truc que je devrais savoir sur ce client ? suggéra-t-elle en regardant Aliocha dans le blanc des yeux.
Elle prenait chacune de ses missions très au sérieux, mais la façon dont Aliocha lui présentait les choses lui donnait le sentiment que cette transaction avait des imbrications plus complexes que ce qui était observables de prime abord.
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Ven 19 Juil - 17:02
