Aller en prison sans passer par la case départ, ou pas. (Billie)

I

l était encore trop tôt, bien évidemment, pour crier victoire, et Billie n'avait aucune envie de mettre la charrue avant les hyppogriffes, mais elle avait vraiment le sentiment d'avoir trouvé la proie idéale en se focalisant sur Henry Shaw Sr. L'homme avait d'autres préoccupations que la recherche d'une conquête féminine, elle avait conscience de cela, mais ça ne la décourageait pas, parce qu'elle estimait que beaucoup de signes restaient parfaitement encourageants en ce qui concernait le patron de presse. Elle comptait bien insister dans tous les cas. Et elle l'aurait à l'usure, elle se l'était promis. Jusqu'ici, aucun des hommes que Billie avait décidé d'avoir dans son collimateur n'avait été capable de lui résister, elle ne voyait pas pourquoi le vieux milliardaire devait faire exception en quoi que ce soit.

Elle avait donc prévu de lui rendre une petite visite "à l'improviste", elle savait bien que les excuses pour venir le voir finiraient par lui manquer, mais au besoin, elle finirait par en trouver à un moment ou à un autre. De toute manière, l'homme finirait par lui manger dans la main, et alors ce serait lui qui chercherait absolument à la retrouver, par tous les moyens, et à passer du temps avec elle. C'était ainsi que les choses s'étaient toujours passées. Et il était bien certain que rien n'y changerait.

Mais alors qu'elle se rapprochait de son point de chute, elle croisa une silhouette familière. Elle n'y prêta pas attention tout de suite, ce fut quand le jeune homme se retourna et lui adressa un regard plus attentif qu'elle comprit ce qui venait de se passer. Billie n'était pas de nature à se cacher. Elle savait qu'elle devait être un peu prudente si elle voulait ne pas finir ses jours derrière les barreaux, elle en avait suffisamment soupé. Mais elle n'avait pas envie de raser les murs non plus, la vie continuait, comme on dit. Alors même si l'homme qu'elle venait de croiser - et qui avait manifestement constaté sa présence - était un Auror du MACUSA qui lui avait mis de sacrés bâtons dans les roues, elle ne comptait pas prendre la fite en courant. Peut-être que ça finirait par arriver, il le faudrait bien puisqu'elle tenait à sa peau, mais pas maintenant, et pas tout de suite.

-Ce n'est pas très poli de dévisager les gens comme ça, dit-elle avec un fin sourire au coin des lèvres en s'adressant à lui.

Billie n'avait pas l'intention de se dégonfler. En fait, puisque le hasard voulait qu'ils se croisent ici et maintenant (si le hasard avait vraiment à voir là-dedans, car il était aussi possible que le jeune homme soit justement en train de la filer dans le but de l'arrêter), elle avait bien l'intention de poursuivre cette discussion.

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atildus était en train de jouer avec le feu, elle le savait bien. Pour autant, elle n'avait pas l'intention de se brûler. Elle pensait avoir de bonnes chances de s'extirper de cette situation : Ethan Bryce était seul, ce n'était pas comme s'il était entouré d'autres de ses collègues, et ils se trouvaient dans une rue entourée de No-majs. Hors de question de transplaner, hors de question d'utiliser leurs baguettes. C'était quelque part un avantage pour elle mais aussi un inconvénient, car elle était soumise aux mêmes règles que lui. Enfin... elle était une criminelle recherchée, transplaner dans une rue passante face à des témoins non magiques serait bien le moindre de ses crimes, mais elle ne voulait pas faire ça ici, pas si près de sa cible, c'était un coup à ce qu'elle grille ses cartes, et il n'en était pas question.

Alors pour le moment, elle allait faire face à la situation avec le culot et l'assurance qui lui étaient caractéristiques, en espérant que cela suffise. Parfois, tout tenait à un dosage mesuré entre chance et culot. Elle l'avait déjà constaté au pénitentier... c'était ce parfait dosage qui l'avait tirée d'affaire, qui leur avait permis, à elle, Jane et Eleanora, de s'évader de la prison où l'Auror devait maintenant rêver de la voir retourner. Mais il pouvait toujours courir. Elle n'avait pas l'intention de lui faire le moindre cadeau. Et visiblement, il n'était pas d'humeur à lui plaisanter ou à lui faire des fleurs. Elle devrait peut-être suivre l'exemple d'Eleanora et commencer à draguer les Aurors qui lui passaient sous le nez pour se tirer tranquillement d'affaire et sauver sa peau. Mais Ethan Bryce n'était pas son genre. Trop jeune. Pas assez riche.

-Plus d'ennuis ? Quel genre exactement ? demanda-t-elle avec le sourire, sans bouger un seul instant de sa place, sans même esquisser le moindre mouvement qui suggèrerait qu'elle décide de le suivre.

Elle était peut-être un peu folle, mais elle n'était certainement pas suicidaire, hors de question pour elle de suivre aveuglément l'Auror, de se laisser entraîner au MACUSA, de se retrouver en prison une fois de plus, dans des conditions qui seraient sans doute plus restrictives et drastiques afin de lui faire payer son évasion. Elle ne voyait pas quels "ennuis" pourraient bien être pires que ceux qui l'attendaient si elle décidait de jouer le jeu de son interlocuteur, donc hors de question. Elle l'avait bien compris, tant qu'ils étaient ici, ils étaient coincés, et c'était pour cette raison qu'il tenait tant à la voir le suivre. Alors il était évident qu'elle ne comptait pas lui apporter satisfaction. Ses chances étaient maigres, mais bien réelles, et elle dépendait de sa présence ici, où l'environnement pululait de ces satanés No-Majs qui, pour cette fois, lui sauvaient bien la mise.

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atildus haussa les épaules, un air innocent toujours fixé au visage. Elle jouait au jeu qu'elle voulait, et ce n'était certainement pas l'Auror qui lui faisait face qui déciderait de ce qu'allait être son mode opératoire. Dans tous les cas, elle ne caressait qu'un seul et unique objectif, c'était de sortir de cet échange indemne. Est-ce qu'elle avait entièrement confiance dans le fait d'y parvenir ? Pas forcément, non, pas complètement du moins, ce serait bien trop dangereux de jouer à ce point avec le feu. Mais elle refusait malgré tout de se laisser déstabiliser. Elle était, pour le moment, libre comme l'air, et elle s'assurerait qu'Ethan Bryce ne mette pas ses menaces à exécution, un point c'est tout.

Elle se contenta d'afficher une esquisse de sourire quand il suggéra qu'il serait capable de faire usage de la force, et qu'elle n'en ressortirait pas gagnante. Il avait raison, bien sûr. Face à un Auror entraîné, la veuve noire ne faisait clairement pas le poids. Elle avait ses propres talents, elle était menteuse, manipulatrice, elle savait séduire et se jouer d'autrui, mais elle n'avait rien d'une duelliste émérite. Elle ne devait ses coups d'éclat qu'à son intellect, certainement pas à sa force brute.

Une habituée des conflits directs et des meurtres à l'aveugle comme Eleanora aurait bien plus de facilité à se défendre qu'elle sur ce terrain-là, mais Billie se rassurait en considérant qu'il ne s'agissait toujours que de menaces creuses, que son interlocuteur aurait bien des difficultés à mettre à exécution. Sinon, comment expliquer qu'il perde ainsi son temps en parlotte sans même dégainer sa baguette ? S'il cherchait à gagner du temps plutôt que de l'attaquer de front sans discuter, c'est parce qu'il savait que les circonstances n'avaient rien d'idéales, et Billie avait la ferme intention d'en jouer. Même si cela pouvait bien lui coûter cher au bout du compte.

-Je ne t'oblige à rien, c'est toi qui parle et qui n'agis pas depuis tout à l'heure, observa-t-elle en essayant d'être le plus détendue possible. En vérité, elle n'était pas aussi à l'aise qu'elle voulait le laisser croire, mais le montrer ? Hors de question. Si la situation s'envenimait, elle était prête à transplaner à tout instant, c'était son plan. Mais tu sais aussi bien que moi que m'attaquer au milieu de tous ces no-majs, avec la situation de crise que tes patrons ont à gérer en ce moment, ça te mettra au mieux dans une position délicate, au pire te fera perdre ton emploi. Elle marqua une légère pause, accompagnée d'un fin sourire. Je ne suis vraiment pas certaine d'en valoir la peine, tu sais.

Ou pas. Billie se tenait tout de même en très grande estime.

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on, en effet, il n’y avait pas réellement de débat quant au fait que Billie devrait bel et bien retourner en prison, même elle voulait bien le reconnaître. Au nom des crimes qu’elle avait commis, il serait tout à fait normal qu’elle écope de la peine qu’elle « méritait », et ce d’autant plus qu’elle n’avait absolument pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin, ce n’était absolument pas dans ses projets, du moins. La veuve noire avait déjà une nouvelle cible en vie, et à présent qu’elle avait prêté allégeance à Gellert Grindelwald, il était assez certaine que tout ceci ne pouvait qu’être un début. Mais si le fait qu’elle mériterait, selon la loi du moins, de retourner à l’ombre, pouvait éventuellement faire débat, le fait qu’elle vaille vraiment la peine que l’homme prenne des risques inconsidérés qui pourraient même lui faire perdre son poste alors qu’elle n’était jamais qu’une « petite frappe », c’était autre chose. Encore, s’il était connu du MACUSA qu’elle avait rejoint les rangs de Grindelwald… mais elle ne pensait pas que ce soit le cas.

C’était assez flatteur de se dire qu’elle en valait la peine, Matildus devait bien le reconnaître, et c’était une pensée qui ne lui déplaisait pas, comme elle aimait tomber de temps à autre sur un avis de recherche à son effigie, elle en retirait un sentiment de fierté certainement mal placé mais qu’elle estimait légitime, et qu’elle ne contrôlait pas dans tous les cas. Mais quand bien même la pensée d’être ainsi considérée comme une criminelle suffisamment vicieuse et dangereuse pour que sa tête soit mise à prix, et un prix tout à fait honorable au passage n’était pas déplaisante, elle savait aussi rester à sa place. Elle savait bien qu’elle n’était pas la cible numéro un, même si ça ne lui déplairait pas.

Bon, l’Auror semblait tout de même décidé, puisqu’il venait de sortir sa baguette de sa poche. Matildus se doutait qu’il prenait déjà des risques vis-à-vis de sa hiérarchie en agissant de la sorte… Est-ce qu’il serait capable d’aller plus loin encore, c’était ce qu’il avait l’air de vouloir lui faire croire… mais fallait-il prendre ses propos pour argent comptant ? C’est une autre affaire. Billie gardait l’air le plus détendu possible, la vérité, c’est qu’elle n’en menait pas spécialement large tout de même. Elle voudrait avoir l’assurance que tout ceci n’allait pas lui retomber dessus, malheureusement, elle n’avait aucune garantie… C’était peut-être le moment de fuir, non ? Oui, sans doute, mais la part de curiosité malsaine en elle voulait tester son interlocuteur. Est-ce qu’il bluffait ? Est-ce qu’il était sérieux ? Elle avait bien envie d’en avoir le cœur net, pour tout dire.

-Non, je ne t’accompagnerai pas, répondit Billie avec assurance. C’était une chose certaine. Si tu me veux, il va falloir m’attraper, ajouta-t-elle.

Elle ne bougeait pas, elle attendait de savoir quel serait son prochain mouvement. Et elle, en attendant, se préparait tout de même à transplaner à tout instant. Ça n’allait peut-être qu’être une affaire de quelques secondes, elle avait intérêt à se montrer vigilante. Elle ne l’était déjà pas suffisamment.

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était l'instant de vérité, et elle le savait très bien. Soit l'Auror allait faire le choix de l'attaquer, en dépit des risques que cela impliquait, soit il n'allait pas agir, et elle aurait l'assurance d'être sauve, du moins pour cette fois, jusqu'à ce que les circonstances autorisent son adversaire à lui mettre la main dessus. Occasion que l'ancienne prisonnière n'avait pas la moindre intention de donner à son interlocuteur, loin s'en faut. Elle eut très vite sa réponse. Ethan parlait beaucoup, mais Billie savait à présent que ses paroles étaient creuses : Ethan ne pouvait rien contre elle, et elle se délectait d'en avoir conscience. Pour la peine, ses propos, qu'elle aurait peut-être pu trouver menaçants en d'autres circonstances, avaient pour elle l'allure d'une blague ce qu'il y a de plus amusante. Et elle ne se sentait pas le moins du monde attaquée par ses propos. Et pour cause, elle les trouvait, en réalité, plus flatteurs qu'autre chose, même si elle savait pertinemment que ce n'était pas là l'intention de l'Auror.

Bien sûr, l'idée de devoir toujours regarder derrière elle, la perspective d'être traquée constamment, n'était pas entièrement plaisante, et pourrait même contrarier nombre de ses projets, mais en même temps, cela lui donnait le sentiment d'être importante, de mériter que le MACUSA déploie toutes les mesures nécessaires pour la remettre derrière les barreaux. Elle savait objectivement ne pas être la plus grande criminelle que la terre ait jamais porté, mais si elle pouvait garder cette réputation sulfureuse et dangereuse, alors il n'y avait qu'une chose à faire selon elle, et c'était s'en délecter de bout en bout.

-Tu n'imagines même pas à quel point tu me flattes. La pire chose qui pourrait m'arriver serait que l'on m'oublie, justement. Grâce à toi, je sais que ça n'arrivera pas, tu ne pouvais pas me rendre plus heureuse.

Puisqu'elle se savait normalement hors de danger, elle ne devrait pas prendre le risque, par-dessus le marché, de le provoquer, mais c'était plus fort qu'elle, elle avait envie d'enfoncer le clou, encore et encore, et de voir jusqu'où ça la mènerait. Cela ne servait pas à grand-chose, mais ça avait le mérite de la divertir, et tout ce qui était divertissant pour elle méritait qu'elle y prête toute l'attention nécessaire.

-Et maintenant, tu comptes continuer avec tes menaces creuses ou tu vas juste admettre que tu ne peux rien contre moi et passer ta route ?

Elle aimait beaucoup ce combat silencieux, qui ne se servait que de mots faute de passage à l'acte, mais manifestement, ils allaient devoir en rester là, alors autant l'admettre. Et si quelqu'un devait l'admettre, il fallait évidemment que ce soit elle.

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Auror acceptait d'admettre les faits : il ne pouvait en effet rien contre elle pour le moment. Devait-elle malgré tout continuer de jouer la carte de la provocation comme elle ne se privait pas de le faire ? Bob, elle aurait plutôt intérêt à calmer le jeu, mais il ne fallait pas tant en attendre de sa part, incapable qu'elle était de ne pas savourer la petite victoire qu'elle avait en cet instant sur son interlocuteur. Elle savait que ça ne durerait sans doute pas, que s'ils devaient se retrouver dans des circonstances différentes, elle pavoiserait sans doute beaucoup moins, mais elle n'en était pas là pour le moment.

Pour le moment, elle savourait simplement ce sentiment de supériorité que lui conféraient les circonstances. Bien sûr qu'Ethan Bryce était un sorcier redoutable, et dans l'idéal, il vaudrait mieux qu'elle ne l'ait pas, ni lui ni aucun Auror du Macusa, dans le collimateur : mais demander une telle chose revenait, en fin de compte, à demander l'impossible. Que ce soit lui ou un autre, elle aurait toujours des Aurors à ses trousses. Certes, ils avaient mieux à faire en ce moment, alors qu'ils devaient tous être en train de courir après Grindelwald... mais justement. Matildus se doutait que l'on finirait par découvrir qu'elle comptait parmi ses fidèles, et quand ce moment viendrait, elle aurait droit à plus que des menaces.

-Mais c'est qu'on n'est pas très professionnel, dis-moi. Des menaces de mort, rien que ça ? Je suis sûre que la présidente apprécierait de savoir comment se comportent ses Aurors.

Visiblement, il y avait chez son interlocuteur une part d'ombre qui le poussait dans des extrêmes qui étaient assez séduisants à observer de loin mais pourraient bien se révéler dangereux pour elle. Billie pavoisait beaucoup, mais elle n'avait aucune envie d'avoir à subir les foudres d'un représentant de l'ordre qui estimerait tout à coup que la loi qu'il s'appliquait à faire appliquer ne le concernait plus lui.

-J'ai hâte à notre prochain tête-à-tête, tu as su m'en rendre la perspective absolument irrésistible.

Elle n'avait pas tant hâte que cela, non. Car dans d'autres circonstances, elle pourrait tout à fait y laisser sa peau, mais en revanche, ce petit jeu du chat et de la souris ne la dérangeait pas du tout. C'était même tout l'inverse, elle ne pouvait s'empêcher d'y trouver un immense attrait. Elle ne devait pas trop jouer avec le feu. Elle s'était déjà brûlée à ce feu-là, et pour rien au monde elle ne voudrait retourner en prison. Mais en attendant...

-A bientôt, Ethan.

Sans rien ajouter, elle choisit cette opportunité pour disparaître en transplanant. Tenter le diable était bien sûr amusant. Mais il restait préférable de ne pas en abuser.

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