Le monde est une prison où il vaut mieux occuper une cellule individuelle. (Eleanora)

Le Blind Pig n’était pas spécialement bondé, ce qui convenait assez à Joanna en un sens. Parce qu’elle aimait bien profiter un peu du calme avant la tempête avant le moment où de nombreux clients allaient être présent et où elle n’allait pas savoir réellement où donner de la tête. Pas seulement concernant les commandes et le service en lui-même, le fait de remplir les commandes et faire en sorte que tout le monde était satisfait. Mais parce que quand elle était débordée dans les commandes, elle ne pouvait pas prendre le temps de discuter, de tendre l’oreille, afin de pouvoir apprendre un peu plus de chose. Bon, ce n’était pas comme si toutes les informations qu’elle entendait étaient forcément importantes, mais en même temps si elle ne tendait pas l’oreille, elle ne risquait pas d’entendre quoi que ce soit.

Joanna profitait donc un peu du calme, prenant la peine de discuter plus attentivement avec quelqu’un de ses clients. Mine de rien, il y avait quand même pas mal d’habitué dans le coin. Elle voyait régulièrement les mêmes têtes. Ce qui était en soit une bonne chose, du moins la plupart du temps. Parce qu’il y avait des têtes que la jeune femme se serait bien passée de revoir. Comme Eleanora Shanks. Elle avait été envoyée en prison (et pour cause d’ailleurs, Joanna n’avait pas manqué de donner des informations la concernant au MACUSA), et logiquement elle devrait normalement y être encore. Enfin, c’était ce qu’il lui semblait, cela dit elle pouvait très bien se tromper en réalité. Mais elle ne pensait pas. Dans tous les cas, qu’elle soit censée être en prison ou non, ça ne changeait pas le fait qu’en cet instant précis la jeune femme se trouvait au Blind Pig. Joanna n’était clairement pas à l’aise, elle n’aimait pas spécialement recroiser la route des personnes qu’elle avait quand même aidé à coincer, elle craignait toujours qu’on découvre qu’elle était un indic pour le MACUSA. Cela dit, elle n’avait pas réellement d’autres choix que de faire avec, de faire comme si de rien n’était.

« Salut, je te sers quelque chose ? » Demanda-t-elle innocemment donc à Eleanora alors qu’elle s’était installée à une table.

Elle savait bien que la jeune femme n’allait sans doute pas quitter les lieux de ci-tôt et en même temps… ça pouvait quand même être une bonne chose qu’elle ait quelque chose à raconter à son sujet. Tout en sachant parfaitement qu’elle devait se montrer extrêmement prudente et qu’elle ne devait pas trop jouer avec le feu. Cela dit, il était évident que Joanna ne manquerait pas d’être suspect si jamais elle ne faisait pas son travail, donc elle prenait la peine d’agir comme elle le faisait d’habitude et le ferait avec n’importe qui.

Joanna hocha de la tête quand la femme sous ses yeux lui commanda un verre d’hydromel. Elle semblait… normal. Du moins, Joanna ne voyait pas réellement de différence avec les moments où elle venait avant de terminer à l’ombre, grâce aux informations que la serveuse avait eu l’occasion de donner au MACUSA pour qu’ils puissent la trouver. Joanna n’avait clairement pas envie de sauter de joie en cet instant précis. C’était forcément un peu délicat de se retrouver directement en face d’une personne qu’on avait si directement trahi. Joanna osait croire qu’il n’y avait pas de raison pour que la femme remonte jusqu’à elle, qu’il était possible que la trahison vienne de quelqu’un d’autre, mais ça ne voulait pas dire qu’elle était complètement sortie d’affaire non plus. Et la pression ne manquait pas d’être énorme sur les épaules de la serveuse. C’était que mine de rien, ses petites affaires avec le MACUSA pouvaient très bien lui attirer de sacrer ennuis. Et en prime, Eleanora lui demanda si elle avait du temps pour s’installer avec elle. Joanna balaya un instant la salle du regard avant de répondre.

« Ça doit pouvoir se faire. Je vais te chercher ton verre. » Répondit-elle alors, dans un sourire.

C’était dangereux, mais en même temps la serveuse ne pouvait pas passer à côté de la possibilité de récupérer de nouvelles informations sur la jeune femme. Elle s’était confiée à elle une première fois, elle pouvait très bien recommencer. Et quelque chose lui disait que le MACUSA sera ravi de pouvoir mettre de nouveau la main sur elle. Même s’ils avaient des plus gros chat à attraper. Sauf que quelque chose disait à Joanna que ce n’était pas vraiment au Blind Pig qu’on pourrait trouver des informations sur Gellert Grindelwald. Joanna alla chercher ce fameux verre d’hydromel avant de revenir à la table de Eleanora.

« Tiens. » Dit-elle, tout en prenant place en face d’elle, gardant parfaitement contenance. Forcément, dans son rôle, elle se devait quand même de savoir être parfaitement à sa place. « Comment tu vas ? »

Autant poser directement la question, même si ce n’était pas vraiment l’une des questions qu’elle avait le plus envie de poser. Mais il fallait bien commencer quelque part, il fallait bien entamer la conversation. Et puisqu’elle l’invitait à sa table, Joanna espérait pouvoir diriger un peu cette conversation. Même si ça n’allait surement pas durer bien longtemps, et qu’elle avait conscience qu’elle devait aussi se montrer particulièrement prudente. Comme toujours de toute façon, au vu de sa situation, elle n’avait pas du tout le choix que d’être prudente à longueur de temps, ou préparé à prendre ses jambes à son cou. Parce qu’en fait, elle n’avait quand même pas spécialement envie de mourir.

Joanna avait conscience qu’elle avait un culot assez incroyable de s’adresser à Eleanora comme si de rien n’était, comme si elle ne venait pas de sortir de prison – alors qu’elle devrait encore y être, n’oublions pas qu’en prime elle s’est enfuit de taule –, et que c’était à cause d’elle qu’elle s’y était retrouvé. Joanna ne pouvait pas savoir si elle savait dans tous les cas, elle osait espérer que ce n’était pas le cas. Elle était une indic depuis un moment pour le compte du MACUSA et jusqu’à présent, elle n’avait pas eu trop de souci. Autant dire que ça l’arrangerait que ça continue de la sorte. Il n’avait pas spécialement envie que ça change, il ne fallait pas que sa couverture soit détruite. Et elle espérait quand même que Eleanora n’était pas au courant, pour la simple et bonne raison qu’elle se doutait qu’elle allait avoir des retombés sinon.

Eleanora lui répondit qu’elle allait aussi bien qu’on pouvait l’être après deux ans de prison. Forcément, la jeune femme voulait bien croire que son interlocutrice n’avait pas forcément passé une meilleure vie en prison. Et encore, elle avait de la chance en quelque sorte de ne pas y être encore et une chance qu’elle ne méritait pas du tout d’ailleurs. Ça aurait quand même sacrément arrangé les affaires de Joanna que Eleanora soit toujours en prison, mais ce n’était pas comme s’il était possible de faire quelque chose pour elle pour le moment. En dehors de donner des informations, mais il faudrait qu’elle ne se fasse pas découvrir. Et c’était visiblement déjà le cas…

Joanna sentit son cœur manquer un battement quand la jeune femme lui retourna la question, lui demandant comment elle allait, mais surtout si elle avait toujours la conscience tranquille. D’accord, ça lui semblait évidant maintenant qu’elle était au courant. Joanna garda contenance, elle savait prendre sur elle quand même pour ne pas se faire découvrir, sinon ça ferait longtemps qu’elle aurait été découverte quand même. Mais en même temps, elle n’était jamais aussi attaquée directement.

« Je vais bien, je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas la conscience tranquille. » Répondit-elle, en tentant donc de faire bonne figure et de ne pas montrer qu’elle était quand même touchée par les paroles de son interlocutrice. « Et toi ? Tu n’as pas peur d’avoir des ennuis à trainer dans le coin alors que tu devrais encore être en prison ? »

Bon, Joanna ne devrait pas jouer autant avec le feu, mais elle n’avait vraiment pas envie de se laisser marcher sur les pieds ou montrer le moindre signe de faiblesse. Elle n’avait pas l’intention de se faire découvrir, quand bien même elle avait bien compris que la jeune femme sous ses yeux avait quand même de sacré doute à son sujet. Et elle avait raison, parce c’était bel et bien à cause d’elle qu’elle s’était retrouvé enfermée.

Bon, forcément, ce n’était clairement pas un endroit très… sain dans lequel elles se trouvaient en cet instant précis. Forcément, pour une jeune femme comme celle qui se trouvait sous les yeux de Joanna, ce n’était pas grand-chose de se retrouver dans cet endroit, elle était comme un poisson dans l’eau tout simplement. Comme elle ne manqua pas de l’affirmer, tous les clients de ce bar méritaient très clairement de se trouver en prison et c’était bien pour cela qu’elle parvenait si facilement à trouver des informations pour le MACUSA et que sa place était une place de choix.

Clairement, Eleonora ne prit pas la peine de faire dans la dentelle quand elle reprit la parole en lui demandant très clairement combien les Aurors du MACUSA la payait en échange de ses services. Joanna n’avait pas l’intention de se faire découvrir, elle n’avait aucune envie de perdre sa place bien sûr, mais surtout elle n’avait aucune envie que les clients du bar lui tombent dessus. Elle avait une position parfaite pour qu’elle puisse envisager d’avoir enfin une vie différente, elle n’avait aucune envie de tout perdre à cause de son interlocutrice.

« Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre. » Répondit Joanna, en levant les yeux au ciel. Bien sûr, la sorcière tentait surtout de se donner une certaine contenance. Nier était peut-être une mauvaise idée en soit, parce que Eleanora était sûre d’elle… mais en même temps, elle ne pouvait pas l’avouer non plus. Il était hors de question qu’elle prenne le risque d’avouer, même si la jeune femme sous ses yeux attendrait qu’elle le fasse. Même si clairement, Joanna ne pouvait que savoir que Eleanora avait pleinement conscience de ce qu’elle avait fait, que c’était à cause d’elle qu’elle s’était retrouvée en prison et qu’elle aurait mieux fait d’y rester d’ailleurs. « Ça ne sert à rien de ressasser le passé tu sais ? Tu devrais juste tourner la page. »

Joanna disait ça, mais elle savait parfaitement que son interlocutrice ne le ferait pas. Elle-même aurait bien du mal à le faire dans cette situation de toute façon. Ça l’arrangerait pourtant vraiment bien que Eleanora se contente simplement de ne plus se préoccuper d’elle, qu’elle ne cherche pas à se venger de quoi que ce soit… Elle n’avait aucune envie de perdre tous les efforts qu’elle avait fait depuis tout ce temps simplement parce que Eleanora aurait décidé de se montrer trop bavarde. Ce qu’elle ne pourrait en soit pas vraiment lui reprocher, parce qu’elle avait fini en prison parce que Joanna avait décidé de trop parler. Mais clairement, la serveuse n’était pas prête du tout pour le retour de bâton, même si elle avait conscience qu’elle prenait ce risque depuis le début où elle avait commencé à jouer les indics pour le MACUSA.

Joanna avait eu pleinement conscience que son rôle d’indic pouvait lui causer énormément d’ennuis dans le milieu, elle savait qu’elle prenait beaucoup de risque. Mais ce qu’elle pensait, à tort peut-être, c’était que le MACUSA serait là dans le but de la protéger. Mais évidemment, dans l’équation, il n’était pas normalement prévu qu’elle se retrouve de nouveau devant Eleanora. Quand elle avait décidé de balancer tout ce que la sorcière lui avait raconté, elle avait cru qu’elle ne la verrait jamais plus, qu’elles ne se recroiseraient à aucun moment pour la simple et bonne raison que la jeune femme terminerait ses jours en prison. Mais ce n’était pas le cas, elle avait pu se libérer et maintenant la serveuse se retrouvait dans la pire situation possible.

Joanna devrait sans doute chercher à convaincre Eleanora qu’elle était innocente en effet, mais elle savait aussi que l’ancienne prisonnière ne serait pas dupe. Si elle avait été son amie… elles avaient été amies en un sens, Joanna avait vraiment apprécié les conversations qu’elles avaient eu toutes les deux et sa compagnie mais, elle avait dû faire un choix tout simplement. Ça avait été Eleanora ou elle, elle avait décidé d’aider son propre destin en détruisant celui de son interlocutrice. Et vu ce que Eleanora faisait, ça lui pendait au nez en un sens, et Joanna n’était même pas sûre qu’elle aurait pu avoir confiance en elle. Elle lui reprochait maintenant ce qu’elle lui avait fait, mais Eleanora avait fait bien pire dans sa vie et elle ne pouvait pas être sûr qu’elle ne lui aurait rien fait non plus.

En tout cas, ce qui était sûr maintenant c’était qu’elle avait l’intention de se venger. La serveuse tentait de garder contenance le plus possible, mais elle ne pouvait pas nier qu’elle était complètement flippée en cet instant précis. Elle savait ce dont cette femme était capable, elle savait qu’elle pouvait très bien la tuer à tout moment. Elle serait même capable de le faire tout de suite. Alors elle n’était vraiment pas sereine d’entendre les propos de son interlocutrice, qui lui affirmait qu’elle tournerait la page que quand elle l’aura conduite six pieds sous terre, elle et toutes les personnes qui lui servaient d’employeur. Pour le coup, Joanna regrettait un peu de devoir se débrouiller seule… ça lui irait parfaitement bien si les Aurors prenaient la peine de la protéger, mais elle savait que ce n’était pas évidemment. Et elle ne pouvait pas juste se contenter de disparaitre, elle avait besoin de pouvoir obtenir plus d’information. Elle tenait tenir le coup, elle ne devait pas se laisser impressionner, mais en même temps elle n’avait aucune envie de mourir maintenant, pas à l’aube de la nouvelle vie qu’elle méritait d’avoir. Elle y était presque, elle le sentait, elle ne pouvait pas laisser Eleanora tout gâcher.

« Je comprends que tu ais la haine contre les Aurors du MACUSA, parce qu’ils ont réussi à t’arrêter si facilement. » Elle ne devrait pas la provoquer, mais elle devait jouer son rôle et nier constamment les faits. Il ne faudrait pas qu’on commence à croire qu’elle était bel et bien au service du MACUSA. « Mais tu es complètement paranoïaque ma pauvre. Tu es juste incapable d’accepter le fait que tu t’es fait avoir comme une bleue. Ils n’ont eu besoin de l’aide de personne pour te mettre la main dessus. »

Joanna sentait son cœur battre si rapidement dans sa poitrine, comme s’il allait exploser. Elle n’était vraiment pas sereine, pour la première fois depuis qu’elle avait commencé, elle sentait que tout pouvait s’arrêter maintenant.

Dans un monde idéal, Eleanora serait encore en prison, et les deux femmes n’auraient clairement pas cette discussion toutes les deux, Joanna n’aurait pas peur que sa couverture soit complètement détruite. Mais évidemment, ce serait sans doute trop facile. La serveuse savait bien qu’en s’alliant au MACUSA elle prenait un risque, mais elle avait espéré que ça ne durerait pas suffisamment de temps pour qu’on découvre son rôle, et qu’elle puisse rapidement passer à autre chose. Grosse erreur sans doute. Et Joanna avait un peu le sentiment d’être mise aux pieds du murs, aboyant pour se défendre, ce qui n’était pas forcément la meilleure des techniques.

Eleanora n’avait pas tort, elle devrait sans doute agir différent, tenter de la convaincre que leur amitié n’était pas factice. Joanna ne pouvait pas affirmer qu’elle avait détesté cette criminelle, les conversations qu’elles avaient eu étaient vraiment intéressantes, elles avaient passé de bons moments ensemble. Mais dans ce monde de pourri, c’était chacun pour soi et Joanna n’avait pas tiqué une seule seconde à sacrifier la criminelle pour pouvoir espérer de son côté s’en sortir mieux. Et maintenant, il semblait évident que la criminelle n’allait pas se retenir de la sacrifier à son tour. Joanna tentait de garder contenance, mais ça n’était pas vraiment évident alors que Eleanora parlait du fait qu’elle allait lui faire sa petite réputation auprès de ses clients, et qu’elle allait aussi la griller auprès du MACUSA.

Elle aurait sans doute ne pas la provoquer en effet, parce qu’on ne pouvait pas réellement dire qu’elle avait des arguments à présent. Même en partant du principe que Eleanora puisse se tromper, si elle détruisait sa réputation, coupable ou pas, Joanna savait qu’elle risquait gros. Non pas qu’elle appréciait plus que cela son travail et elle avait hâte de partir d’ici, mais elle n’avait aucune envie qu’on la tue dans un coin de rue parce qu’on pensait – à raison – qu’elle était une indic…

« Avouer quelle vérité Eleanora ? Je n’y suis pour rien si tu t’imagines des choses. » La défense de Joanna était bien pauvre, mais elle continuait de jouer la carte de l’innocence jusqu’au bout. Pas dit que ça allait grandement l’aider, mais elle n’avait aucune envie d’avouer la vérité, il était hors de question qu’elle affirme haut et fort qu’elle avait réellement aidée le MACUSA à mettre la main sur elle. « Je ne sais pas ce qui a pu t’arriver là-bas, mais ce n’est pas moi qui aie changé de comportement. » D’accord, elle s’enfonçait sans doute un peu plus. Elle avait conscience qu’elle ne pourrait pas convaincre Eleanora de sa bonne fois, elle tentait de rester droite dans ses bottes et de ne pas se laisser démonter. Avec un peu de chance, personne n’allait la croire. « Tu vois le mal partout, mais tu es en train de te planter. Je n’ai rien à voir avec ton arrestation. »

Elle le disait sans baisser ses yeux, tentant d’être le plus crédible possible.