Dans un amour vrai que l'on rompt, il y a toujours un cœur que l'on brise. [pv Emmett]

D

arlene revenait du travail. Pas le travail de ses rêves, pas le pire travail qu'elle aurait pu faire non plus. Un travail, voilà tout, qu'elle appréciait assez pour accepter de s'y rendre tous les matins, qui lui déplaisait suffisamment pour être heureuse de s'en libérer une fois le soir venu. La jeune femme ne savait pas trop ce qu'elle allait faire de sa soirée. Elle allait sûrement rentrer chez elle, bavarder un peu avec Wade... ce serait suffisant. Darlene ne courait pas après les grandes aventures, elle ne considérait pas que chaque instant de sa vie se devait de ne pas ressembler au précédent pour réussir à être comblée... Certes, les récents événements, ses retrouvailles avec son frère, la découverte du monde de la magie, tout cela avait forcément eu le don de bouleverser son existence en profondeur, et d'ajouter une certaine forme de magie, justement, dans un quotidien qui en avait manqué, mais ce n'est pas pour autant que sa routine en elle-même lui déplaisait... Elle estimait même que rien ne manquait à sa routine. En revanche, il manquait quelqu'un. Et en parlant du loup...

Darlene avait cru ne jamais revoir Emmett. Certes, ils vivaient tous les deux dans la même ville, et New York avait beau être une grande ville, ça restait... très probable. Mais Emmett avait pris un soin si particulier à disparaître de sa vie du jour au lendemain qu'elle avait cru qu'il mettrait tout autant de soin à ne plus jamais la croiser. Ceci dit, de toute évidence, il ne devait pas l'avoir vue. alors qu'il avançait dans la même rue, dans la direction opposée. Mais elle, elle l'avait vu. Et à présent qu'elle avait remarqué sa présence, elle ne voyait plus que lui, comme si tout le reste devenait flou. Darlene se sentit tout à coup partagée entre une profonde colère et une immense nostalgie. Elle n'avait pas oublié Emmett. Elle n'avait pas pu. L'absence d'explication, son départ précipité, ne lui avaient pas permis de tirer un trait définitif sur leur histoire. Il avait su entretenir, contradictoirement aussi bien son affection que sa colère... Mais la seconde primait tout de même nettement sur l'autre. Certains signes ne trompaient pas. Oui, elle l'aimait encore, à l'avoir face à elle, elle ne puvait prétendre le contraire. Mais surtout, elle lui en voulait à mort.

Elle aurait pu tracer sa route et juste l'ignorer, mais non. Elle détenait peut-être l'occasion, enfin, d'entendre des explications qu'il lui avait refuser. Les poings serrés, le coeur battant, elle s'avança vers lui, décidée.

-Salut, Emmett.


   
   

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S

on regard, sa voix… tout ce qu’elle avait trouvé apaisant autrefois était aujourd’hui douloureux. Elle n’aurait jamais cru, à l’époque, que la présence d’Emmett pourrait lui inspirer tant de rage, elle n’aurait jamais cru qu’une personne qu’elle avait toujours pensée si douce, si prévenante, pourrait lui arracher le cœur et le réduire en morceau. Il n’essayait pas de la fuir. Tant mieux, au fond, parce qu’elle n’aurait pas supporté qu’il lui tourne le dos une seconde fois, mais en même temps, le fait de le voir là, face à elle, de l’entendre s’adresser à elle… c’était plus difficile qu’elle ne l’aurait imaginé. Tous les mots qu’elle avait voulu lui dire, tout ce qu’elle gardait pour elle depuis si longtemps, tout ce qu’elle s’était juré de lui infliger au moment de le revoir, si elle devait le revoir… Tout restait bloqué en travers de sa gorge. Elle restait presque sans voix. Et il semblerait bien que lui aussi… ce qui n’allait pas vraiment l’aider.

-« Bonjour » ? C’est tout ce que tu trouves à me dire ? finit-elle par réussir à articuler, la colère faisant trembler sa voix.

En vérité, elle pouvait admettre qu’Emmett faisait bien de ne pas trop en dire, parce que dans tous les cas, Darlene n’était capable d’entendre aucune de ses justifications. S’il devait s’excuser, ou en tout cas se trouver des excuses, rien ne saurait pour autant lui faire pardonner son abandon, à ses yeux proprement inexcusables. Elle avait eu envie d’entendre ses excuses, bien sûr… mais ces excuses arrivaient beaucoup trop tard pour être accepté. Quoi qu’il puisse dire, c’était aussi simple que ça, il était effectivement trop tard. Elle hésita à reprendre la parole. C’était le moment ou jamais, c’est vrai, d’avoir cette conversation qu’il lui avait refusée des mois auparavant. Mais il était si difficile de savoir seulement par où commencer, en réalité… Il y avait cette question, lancinante, qui brûlait de dépasser le seuil de ses lèvres. Un mot, rien qu’un : Pourquoi ? Mais ce ne fut pas ainsi qu’elle s’exprima finalement.

-Tu me dois des explications, tu ne crois pas ?

Oui, il les lui devait. Elle les méritait, même. Ça ne changerait rien, il était hors de question que ça change quoi que ce soit, mais peut-être qu’il serait plus simple pour elle de tourner la page si elle apprenait ce qui avait vraiment motivé la manière d’agir de son interlocuteur. Après son départ, elle avait tout remis en question, absolument tout, il y avait eu un avant et un après lui. C’était indéniable.

   
   

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D

arlene savait quelle attitude elle devrait sans doute privilégier, elle devrait simplement rétorquer à Emmett qu'il était trop tard, que s'il avait quelque chose à lui dire, c'était ici et maintenant ou jamais, ou même décider qu'il était trop tard pour l'écouter. Oui, elle savait que ce serait la chose à faire... mais elle n'y arrivait pas. Emmett était là, face à elle, et même si elle éprouvait à son encontre une colère et une déception profondes, elle était tout simplement incapable de le laisser partir sans explication. Ce n'était pas pour lui donner une occasion de se dédouaner, pas même pour leur donner une occasion de se réconcilier, pas du tout.

C'était en revanche une façon pour elle d'obtenir enfin les réponses aux questions qu'elle se posait sans cesse depuis leur rupture. Bien sûr, elle ne pensait pas constamment à lui, elle apprenait, lentement mais sûrement, à tourner la page... mais elle pensait tout de même à lui beaucoup trop souvent. Et le chapitre ne pourrait sûrement jamais être cloturé s'ils ne se parlaient pas franchement, s'ils ne se disaient pas directement ce qu'ils avaient à se dire. C'était le moment, c'était l'occasion. Alors cette discussion, elle tenait à l'avoir, elle ne voulait pas donner à Emmett l'occasion de se dérober... Même si cela exigeait de faire selon ses conditions.

Elle pouvait admettre que tant qu'à faire, il était sans doute mieux que leur discussion n'ait pas lieu au milieu de la rue, même s'il y avait quelque part quelque chose de rassurant à être dans le mouvement. La sécurité de pouvoir facilement se soustraire à la discussion. Sauf que c'était prendre le risque qu'Emmett prenne de nouveau la fuite. Alors soit... mais ils allaient faire selon ses règles à elle. Elle hocha la tête, décidée.

-D'accord. Suis-moi.

Elle ne lui dit pas où, mais il devait comprendre. Elle n'habitait pas loin, et c'était une adresse qu'il avait bien connue, même s'il y avait cessé toute visite. L'inviter directement chez elle était... cavalier, c'est le moins que l'on puisse dire, mais elle pensait maîtriser la situation. Elle savait que Wade serait à l'appartement, ce qui voulait donc dire qu'il serait là pour surveiller ses arrières si besoin. Elle ne descella pas ses lèvres jusqu'à ce qu'ils soient arrivés à l'intérieur.

-Installe-toi, je suppose que tu te rappelles où est le salon, dit-elle froidement tout en retirant son manteau et ses chaussures.

Elle s'éclipsa le temps d'expliquer la situation à son colocataire (pour ce qui était explicable en tout cas), le sommant de ne venir les déranger que si elle le lui demandait, avant de rejoindre Emmett. Elle prit place face au jeune homme, planta son regard dans le sien.

-Voilà, je t'écoute.
   
   

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I

l commença par un soupir. Autant dire qu'il ne commençait pas très bien, car ce soupir, Darlene ne savait vraiment pas de quelle manière l'interpréter. Elle était rongée par le ressentiment et la rancoeur, si bien qu'elle était capable d'analyser le moindre petit détail de travers. En l'occurrence, elle songeait qu'il n'avait peut-être pas la moindre envie d'être là. Et le fait que ce puisse être le cas lui faisait, à elle-même, vraiment beaucoup de mal.

Mais finalement, il s'excusa. Elle ne savait pas combien de fois elle avait espéré l'entendre prononcer ces mots. Et ces mots lui faisaient du bien, oui... mais pas autant qu'elle l'aurait voulu. Peut-être parce que ces excuses arrivaient beaucoup trop tard, ou encore parce qu'elle n'avait pas été préparée à cette situation, si bien qu'elle ne savait pas vraiment de quelle façon y réagir exactement. Tant mieux, sans doute, car Emmett ne lui laissait pas le temps de réagir.

Certaines vérités devaient être dites, elles devaient l'être depuis bien longtemps, et de toute évidence, c'était le moment. Et au final, elle n'avait même pas à lui tirer les vers du nez. C'était comme si le jeune homme se déchargeait purement et simplement de tout ce qu'il avait eu sur le coeur pendant bien longtemps. Et ce faisant, il allait peut-être alléger son coeur à elle aussi. Encore que la vérité qu'il lui dévoilait à présent, sans censure, sans prétextes... ça allait bien au-delà de tout ce qu'elle s'était figurée.

Il était un sorcier... Elle l'aurait pris pour un fou, oui, quelques mois plus tôt. Là... Elle était juste... sonnée. Elle se demanderait presque s'il ne se fichait pas d'elle tant la coïncidence lui paraissait improbable. Et d'un autre côté... Il n'avait aucun intérêt à prétendre être un sorcier, et c'était la pire excuse à lui avancer si cette excuse ne devait pas être vrai. Il était un sorcier, et il y avait la loi. Oui, sauf que cette loi qui avait handicapé d'autres couples mixtes qui l'avaient vécu sans même le savoir (mais elle le savait), il le disait lui-même, il l'avait enfreinte sans ciller. Elle savait à peine quoi dire, par quoi commencer.

-Tu es un sorcier..., répéta-t-elle dans un souffle. Si t'as pu me mentir à ce sujet, comment je peux être sûre que ce que tu me dis est vrai ? Et même si c'était vrai... Ultimatum ou pas, c'est toi qui est parti. Tu aurais dû m'en parler tout de suite, on aurait trouvé une solution...
   
   

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D

arlene prit une grande inspiration, tentant de donner du sens à ce qu'elle entendait. C'était... beaucoup d'un seule coup, et elle se sentait submergée, partagée entre l'angoisse, la curiosité, l'animosité, la réticence, le soulagement... le bonheur de l'avoir sous les yeux. Beaucoup trop de sentiments qui n'avaient rien à voir les uns avec les autres, et qui ne devraient, sous aucun prétexte, cohabiter.

Elle consentait à admettre qu'il disait la vérité. Elle pourrait lui faire remarquer qu'il lui avait menti sur sa vraie nature tout au long de leur relation, ce qui signifiait donc qu'il était capable de mentir, mais au fond, elle voulait bien croire qu'il lui ait menti par omission, jamais droit dans les yeux. Elle ne lui avait posé aucune question, alors il n'avait pas eu besoin d'y répondre. Et plutôt que de lui mentir une ultime fois, droit dans les yeux, il avait préféré prendre la fuite. Oui, au fond, Emmett n'était pas un grand menteur... ou en tout cas, Darlene voulait le croire. Il y avait une sorte de différence manifeste entre l'image qu'elle avait de lui avant et après leur rupture. Et maintenant, elle ne savait pas vraiment à qui le Emmett qu'elle avait sous les yeux ressemblait le plus.

-Je te crois, pour la magie, parce que je connais un sorcier. Elle n'osait pas lui apprendre qu'il était question de son propre frère. Elle ne voulait pas mettre Illan en danger, même si une part d'elle voulait croire que son secret resterait protégée avec Emmett. Mais comment être sûre ? Comme être encore sûre de quoi que ce soit ? J'ai eu le temps de me faire à l'idée. Et j'aurais aimé que t'aies le courage de m'en parler, à l'époque. Elle marqua une pause. C'était tellement compliqué. Elle ne savait plus vraiment quoi dire, où donner de la tête. Tout était flou, embrumé... Si on s'était pas croisés, il se serait passé quoi ? Si t'as pas voulu me parler directement de tout ça avant, pourquoi tu le fais maintenant ?

Elle voulait bien reconnaître qu'elle s'était montrée assez... directive, mais il aurait tout à fait pu prendre ses jambes à son cou et s'en aller. Mais il était resté, il l'avait suivie, et il lui avait parlé.
   
   

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D

arlene ne s'attendait pas à une autre réponse de la part d'Emmett, mais elle lui faisait du mal malgré tout. Il ne savait pas ce qui se serait passé s'ils ne s'étaient pas retrouvés par hasard tous les deux. Ce dont elle se doutait, en revanche, c'est qu'il ne serait pas venu frapper à sa porte, implorer son pardon ou quoi que ce soit de la sorte. Elle pourrait se dire que c'était le destin qui les avait remis sur le chemin l'un de l'autre, mais elle ne raisonnait absolument pas ainsi. Bien au contraire, elle considérait simplement que le hasard avait poussé Emmett au train, et elle aurait préféré que ce soit son initiative plutôt qu'un bête concours de circonstances.

Dans tous les cas, il lui parlait maintenant au lieu de prendre la fuite une fois de plus, et quelque part, c'était un progrès... Pour quel résultat ? Honnêtement, elle n'en avait pas la moindre idée. Elle se sentait, en cet instant, totalement perdue. Rien ne l'avait préparée à ces retrouvailles, ni au discours d'Emmett. Elle n'avait rien vu, elle n'avait rien deviné. Elle s'était laissé avoir. Et maintenant. Maintenant, elle était partagée entre l'incompréhension, l'émotion, la rancoeur... et son fichu coeur qui battait toujours plus vite quand Emmett lui laissait entendre combien il était désolé, combien il regrettait... Forcément, quand il affirmait qu'il regrettait l'avoir quittée, ça lui faisait quelque chose. Elle n'avait jamais réussi à l'oublier... Et ce n'était pas forcément cette discussion qui l'aiderait en quoi que ce soit à mettre de l'ordre dans ses sentiments.

-Oui, moi aussi je regrette que tu m'aies quitté, déclara-t-elle avec un grain d'amertume au creux de la voix. Elle regrettait, mais en même temps, elle n'était pas sûre de pouvoir croire Emmett alors qu'il n'était pas revenu en dépit de son envie... Même si elle devinait la raison sous-jacente, bien sûr. Tu en es où, avec ta mère ?

Est-ce qu'il était toujours autant sous sa coupe ? Est-ce qu'il était capable de s'émanciper pour de bon ? Toutes ces questions avaient du sens, pour elle. Afin de comprendre vraiment où il en était dans sa vie. Est-ce que ça changerait quoi que ce soit pour elle ? Elle n'en savait rien, mais quoi qu'il en soit, elle avait besoin, envie même de le comprendre.
   
   

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D

arlene ne savait pas réellement ce qu'elle attendait de la réponse de son interlocuteur. Même s'il lui affirmait qu'il avait pris ses distances avec sa mère, est-ce qu'elle pourrait le croire pour autant ? Et même si elle acceptait de le croire, est-ce que ça changerait quoi que ce soit, en réalité ? Pas le moins du monde... ou du moins... il ne fallait pas que ça change quoi que ce soit. Ce n'était pas parce qu'Emmett aurait réussi à s'émanciper que ça changerait quoi que ce soit pour eux. Cela n'ôtait rien au fait qu'il l'avait abandonné, qu'il l'avait trahie... Alors oui, il s'en était justifié, en partie, avec une excuse à laquelle elle ne s'attendait pas le moins du monde, mais tout retour en arrière n'était pas pour atant possible, en réalité.

Et pour le coup, Emmett lui donnait la réponse qu'elle avait voulu entendre, au fond, mais qui n'était pas la plus simple à entendre pour autant, parce que Darlene, si elle avait simplement entendu son ex petit-ami lui apprendre qu'il était complètement dépendant de sa mère, ça aurait été vraiment très simple. Excessivement simple, même. Elle l'aurait mis à la porte et se serait rappelé cette conversation pour l'oublier. Mais non, il lui semblait terriblement honnête. Parce qu'il ne prétendait pas être totalement libéré de l'emprise de sa mère. En revanche, il admettait en avoir conscience et faire du mieux qu'il le pouvait pour s'en défaire. Et même si ça ne devrait pas, ça la touchait, c'était comme ça.

-Un peu, oui, répondit Darlene sans le penser réellement quand Emmett suggéra que ce qu'il disait était pathétique.

Basse vengeance pour le mal qu'elle avait ressenti. Elle se sentait encore incapable de simplement le rassurer sur ses insécurités. Même si une part d'elle en avait terriblement envie, bien évidemment. A l'avoir là, en face d'elle, elle se rappelait tous ses sentiments, loin d'être éteints, qu'elle avait encore pour lui, et qui n'attendaient que son retour pour se réveiller. Qu'elle le veuille ou non, elle l'avait dans la peau. C'était plus fort qu'elle.

-Ce que je vais te dire va peut-être te sembler horrible, mais je pense... que tant que ta mère sera dans ta vie, il n'y aura aucune chance pour que je sois dans la tienne.

   
   

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L

a réaction d'Emmett prit Darlene un peu au dépourvu. Pourtant, pouvait-elle prétendre qu'elle ne l'avait pas cherché, au moins un peu ? Non, elle ne le pouvait pas, elle l'avait complètement cherché, mais sans espoir d'une telle réponse de la part du jeune homme malgré tout... Parce qu'elle ne pensait tout simplement pas que ce qui l'avait éloignée de lui à l'époque allait tout à coup miraculeusement se résoudre... Et d'ailleurs, même s'il lui affirmait à présent qu'il était prêt à tout pour elle, et même si elle aimait entendre ces mots plus qu'elle le saurait le dire, elle restait sur ses gardes... Elle avait eu le coeur brisé, il lui avait fait du mal, comme rien d'autre au monde ne lui avait fait du mal... Elle refusait de souffrir à nouveau... Elle refusait de se laisser convaincre, tenter, pour finalement être abandonnée une nouvelle fois. La première l'avait vaccinée à vie d'une telle perspective. Oui mais...

Mais elle ne pouvait pas non plus faire comme si l'entendre lui dire qu'il serait capable de tout pour elle, y compris de couper les ponts pour toujours avec sa mère, ça ne lui faisait rien, ça lui était égal. C'était tout sauf le cas. Bien sûr que ça lui faisait quelque chose. Le temps avait passé, beaucoup de rancoeur s'était accumulée, mais au-delà et en dépit de tout cela, elle aimait toujours Emmett. Un seul regard dans sa direction suffisait à l'en convaincre. Elle l'aimait comme jamais elle n'avait aimé personne ni ne se sentait capable d'aimer qui que ce soit. C'était facile de tirer un trait sur leur relation tant qu'Emmett ne faisait plus partie du paysage, mais à présent qu'il était de retour et lui promettait, qui plus est, monts et merveilles, elle était dans l'incapacité totale de demeurer indifférente.

-Je... j'en sais rien, Emmett, c'est tellement...

Elle cherchait un adjectif, mais elle n'en trouvait aucun qui sache répondre de manière exacte au tourbillon de sentiments qui l'assaillait. C'était... inattendu, terrifiant, exaltant, tentant, suicidaire, nécessaire... c'était trop de choses à la fois, positives comme négatives. Et elle, au milieu de tout ça, elle se sentait complètement paumée. Elle avait besoin d'y réfléchir... C'était peut-être une pure connerie. Il y avait tant à prendre en considération... Et si Emmett finissait par lui en vouloir de l'avoir éloigné de sa mère ? Et si la mère d'Emmett décidait vraiment de s'en prendre à elle ? Et si son frère apprenait qu'Emmett est un sorcier et décidait de mettre son grain de sel dans leur histoire ? Et si quelqu'un d'autre l'apprenait et qu'elle finissait oubliettée à cause de ça. Et si, et si.... Et si tout pouvait juste redevenir comme avant, quand ils étaient vraiment heureux ensemble ? Finalement, elle hocha la tête, un peu perdue.

-Je t'ai pas oublié... J'ai jamais réussi, et crois-moi, c'est pas faute d'avoir essayé. Et t'avoir, là, devant moi, c'est... Elle baissa les yeux. Je veux pas avoir mal à nouveau.

Ce qui, dans son langage à elle, signifiait : oui, je veux te laisser une seconde chance.
   
   

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D

arlene sentit un frisson mourir dans son échine quand le jeune homme caressa doucement sa joue du bout des doigts. C'était ça, précisément ça, ce genre de geste de tendresse et de complicité qui lui avait manqué le plus. Ce genre de choses qu'elle ne pouvait retrouver avec personne d'autre.

Qu'elle n'avait eu aucune envie de retrouver avec personne... Elle avait envie de revivre ça, de revivre ça avec lui... mais elle restait sur ses gardes. Elle ne pouvait pas l'autoriser à chambouler sa vie de nouveau, encore moins à présent qu'elle connaissait sa véritable nature, si c'était pour disparaître l'instant ni d'après sans le moindre mot ni le moindre signe. Une fois l'avait dévastée. Une seconde fois l'anéantirait, elle n'était définitivement pas prête pour ça. Elle ne pouvait ni ne voulait être prête pour ça, sous aucune forme de prétexte.

Elle savait qu'il était sincère quand il affirmait s'en vouloir terriblement de l'avoir fait souffrir. C'était une chose dont elle n'avait jamais vraiment doutée, même si elle avait pu se plaire à prétendre le contraire dans le moment où la rancoeur avait été la plus forte. Il l'avait fait souffrir, mais jamais ça n'avait pas été volontaire.

Emmett n'était pas un garçon sadique, Emmett était un garçon paumé, ce qui étaient deux choses très différentes, cela va sans dire...  Mais c'était aussi le soucis. Les circonstances, l'influence néfaste de sa mère, pouvaient suffire à saper sa volonté malgré ses désirs, malgré ce qu'il voulait réellement, et rien ne lui garantissait que cette fois changeraient, que les choses seraient à présent différentes.

-Il va me falloir plus que des promesses, répondit prudemment Darlene, tout en sachant qu'elle n'apprendrait rien à Emmett. Il devait le savoir mieux qu'elle, pour la reconquérir (ou du moins pour se refaire une place dans sa vie, car son coeur était déjà conquis, et il n'y avait rien qu'elle sache faire contre cela - ce n'était pas faute d'avoir essayé pourtant),  elle allait avoir besoin d'actes, de preuves conquêtes. Et pour commencer, il devait très bien savoir ce qu'elle attendait de lui au-delà de tout le reste. Commence par couper les ponts avec ta mère, définitivement. Il faut que tu le fasses, et pas seulement pour moi...

Mais parce qu'avec une mère à ce point intrusive, il ne pourrait jamais avancer dans quelque aspect que ce soit de sa vie.
   
   

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D

arlene, au fond, se doutait qu'elle n'apprenait rien au jeune homme qu'il ne sache déjà. Ce paraissait même évident qu'il devait être le premier à savoir combien toxique pouvait être la relation qu'il entretenait avec sa mère. Elle n'estimait pas qu'il puisse en être encore au stade du pur aveuglement à ce sujet. Non, il avait déjà suffisamment perdu, y compris elle, pour savoir ce qu'il en était, pour comprendre que cette femme lui gâchait la vie de toutes les manières possibles et imaginables.

A ce stade, on pouvait même dire que c'était un talent, et la jeune femme ne serait pas étonnée d'entendre que cette femme y prenait une sorte de plaisir un rien vicieux, l'air de rien. Enfin, elle ne la connaissait pas, ceci dit, elle estimait cela sans la connaître. Mais elle n'avait pas particulièrement besoin de prétextes, cela dit, pour détester celle qui avait gâché sa plus belle, pour ne pas dire son unique, histoire d'amour. A présent, quoi qu'il se passe entre eux, ce n'était pas comme s'ils pourraient faire comme si de rien n'était ou passer l'éponge sur son départ : non, c'était bel et bien là, et ils n'avaient d'autre choix que de l'accepter.

-C'est déjà une bonne chose que t'en aies conscience, même si c'est pas suffisant, répondit doucement Darlene.

Elle tentait de se montrer aussi ferme que possible. Elle ne voulait pas retomber dans ses anciens travers, elle ne voulait pas prendre le risque de se laisser attendrir ou de pardonner trop vite. Pour le coup, elle se félicitait d'être d'un naturel plutôt rancunier, même avec lui. Elle ne voulait rien envisager tant qu'Emmett n'aurait pas fait le grand ménage dans sa vie, loin de toutes les influences nocives qui le freinaient et l'entravaient pour le moment, l'empêchaient de progresser sur la bonne voie.

-Je dis pas que si tu reviens me voir en me jurant sur tout ce que tu possèdes que toi et ta mère, vous n'avez plus aucun contact, je serais capable de tourner la page sur ce qui s'est passé et de te laisser une seconde chance, mais j'ai besoin que tu le fasses. En fait, on en a besoin tous les deux... Sans ça, on sait très bien comme ça va se terminer, et j'ai pas envie d'avoir de nouveau mal comme j'ai eu mal quand tu es parti.
   
   

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D

arlene baissa le regard en entendant la réponse de son interlocuteur. "Je comprends", c'étaient les seuls mots qu'il lui répondit. Mais "je comprends", ça ne voulait pas dire qu'il parviendrait à agir en conséquence. Elle pensait vraiment qu'il comprenait, en effet, parce qu'au fond de lui, il devait avoir toujours su qu'il fallait qu'il coupe le cordon pour avancer dans sa vie, pas seulement pour elle mais pour lui-même, mais ces mots ne lui offraient en rien la garantie qu'il allait faire ce qu'il fallait pour reprendre sa vie en main. On pouvait comprendre les choses et ne pas savoir prendre les bonnes initiatives pour autant.

Elle ne savait pas ce qu'elle aurait voulu qu'il lui réponde d'autre, mais elle aurait voulu qu'il dise autre chose. Quelque chose qui lui aurait donné l'assurance immédiate qu'il reviendrait vers elle, libéré de l'emprise de sa mère, et qu'ils pourraient reprendre le cours de leur histoire comme elle s'était arrêté. Qu'il lui donne peut-être un jour, un lieu, une heure... elle n'en savait rien... Là, elle restait pétrie de toutes les incertitudes du monde. Ceci dit, quoi qu'Emmett ait pu lui assurer, elle ne l'aurait pas si facilement cru sur parole. Elle avait besoin de plus que des mots à l'heure actuelle. Elle laissa passer un temps de silence, sans doute beaucoup, beaucoup trop long.

-Je crois que tu ferais mieux d'y aller...

Elle n'avait pas envie qu'il parte, pas du tout, même. Si elle écoutait son coeur plutôt que sa raison, elle lui demanderait de rester, peu importe que rien ne soit résolu avec sa mère et que leurs anciens conflits ne soient toujours pas réglés. Mais sa raison gardait encore suffisamment d'influence sur le reste. Elle avait beaucoup trop souffert, elle ne voulait plus revivre ça, plus jamais, son coeur ne le supporterait pas.

Elle avait besoin que les choses soient claires, et que ses sentiments ne soient plus piétinés. Et pour cela, il était à l'évidence préférable qu'elle se tienne le plus loin possible de son ex-petit ami tant que ce dernier n'aurait pas réglé ses propres problèmes. Elle n'était pas certaine que sans cela, leur relation leur ferait le moindre bien, à lui comme à elle. Alors oui, elle s'épargnerait de le retenir, même si elle en avait envie.
   
   

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