Rencontre fortuite ou non (Darlene)

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lus Darlene passait de temps avec son frère, plus elle les sentait complices, plus ça devenait naturel, et la jeune femme était vraiment heureuse de cela. Après tant d'années passées loin l'un de l'autre... et dans son cas, à ne même pas se souvenir qu'il avait fait partie de sa vie, on aurait pu se dire que le lien avait été brisé, qu'Illan et elle ne pouvaient plus espérer partager cette sorte de connexion que partagent beaucoup de frères et soeurs. Mais ce n'était pas le cas. C'était logique de parler et de s'entendre avec lui. C'était assez inexplicable, mais c'était un peu comme si ça coulait de source, en fin de compte. Elle se demandait, parfois, si elle aurait été capable de reconnaître Illan sans qu'il lui dise toute la vérité. Probablement pas, mais Darlene aimait s'imaginer que oui. Que son frère serait resté son frère quoi qu'il advienne... qu'il n'aurait pas pu en être autrement, en réalité.

En tout cas, elle avait encore passé un excellent moment avec Illan, et elle regrettait qu'il s'achève déjà. La jeune femme avait le sentiment que ça passait toujours trop vite. Il faut dire que leurs conversations étaient toujours très animées, sans aucun temps mort possible. Darlene était extrêmement curieuse. Même si son aîné lui avait apprit déjà beaucoup de choses sur sa vie et sur son monde, il en restait toujours plus à apprendre et à découvrir. Chaque réponse entraînait presqu'irrémédiablement une nouvelle foule de questions, qui exigeaient à leur tour de nouvelles réponses. C'était sans fin. Mais Illan devait s'en aller, et Darlene allait pour sa part se contenter de rentrer chez elle. Elle n'habitait pas loin du tout, il ne lui faudrait pas longtemps pour rentrer chez elle et raconter en détails à Wade tout ce que Illan et elle s'étaient dits au cours de leur rencontre. Mais alors qu'elle marchait, la tête dans la lune, elle fut légèrement bousculée par un homme qui, de toute évidence, ne l'avait pas fait exprès (pourquoi s'amuserait-il à le faire exprès en même temps ?).

-Ce n'est rien, répondit-elle en adressant un sourire à l'inconnu. Elle n'était pas du genre à s'emporter pour si peu. Une maladresse était vite arrivée, et elle était la première à les accumuler, à vrai dire. Vous habitez dans le quartier ? J'ai l'impression de vous avoir déjà vu...

Mais ce n'était peut-être qu'une impression. C'était un réflexe nouveau pour Darlene. Maintenant, elle s'interrogeait sur tout, elle remettait toute sa perception de la réalité en question. Quand elle avait une impression de déjà vu, elle se demandait si ce n'était réellement qu'une impression ou si ça cachait autre chose, quand elle rêvait, elle se demandait si ce n'était pas la manifestation d'un souvenir enfoui. Et quand elle croisait un visage familier, elle se demandait toujours s'il appartenait à un moment enfoui de son existence.



   
   

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on, elle ne le connaissait donc pas, elle n'était pas vraiment étonnée de l'entendre et voulait bien croire son interlocuteur sur parole. Elle n'avait jamais été la plus douée pour reconnaître les visages ou retenir les noms. Ne serait-ce que reconnaître ses collègues de travail et savoir qui était qui lui demandait un effort très sérieux, alors il était très probable qu'elle l'ait juste confondu avec quelqu'un d'autre ou se soit fait des idées. S'il y avait bien une chose que son histoire récente lui avait apprise, c'est qu'elle ne pouvait définitivement pas se fier à sa mémoire, surtout pas, cette dernière ne pouvait que constamment lui jouer des tours. C'était assez désarmant, d'ailleurs, de songer que nombre de ses souvenirs lointains étaient faussés par ni plus ni moins qu'un sortilège. Mais bref, elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle-même.

Elle eut envie de corriger son interlocuteur quand ce dernier observa qu'il avait un visage plutôt commun. Elle n'était pas de cet avis. Et s'il en avait eu un, d'ailleurs, elle ne se serait même pas hasardée à suggérer qu'ils aient déjà pu se croiser tous les deux, puisqu'elle se serait contentée de s'imaginer avoir vu quelqu'un qui lui ressemblait. Il était séduisant, il avait un visage qui se remarquait parce qu'il ne passait pas inaperçu, donc non, il ne ressemblait pas à n'importe qui. Mais pas le temps d'épiloguer sur la question, car l'homme passait déjà à autre chose, l'interrogeant sur le quartier, lui demandant comment elle trouvait le voisinnage. Imprudente, la jeune femme n'hésita pas à répondre, sans forcément réaliser combien ses propos pourraient être dangereux si elle avait affaire à quelqu'un de malintentionné.

-Je sors tout juste de chez moi, à vrai dire, donc oui, je n'habite vraiment pas très loin. Le quartier est plutôt sympa, très dynamique. Mais relativement pauvre, quand même, et cela étonnait assez Darlene qu'un homme comme lui, propre sur lui, puisse vouloir s'installer dans un quartier où élisaient surtout résidence les gens aux faibles revenus ou les étudiants fauchées. Certes, Darlene voulait croire qu'elle aussi était capable de faire preuve d'un semblant d'élégance en dépit de ses maigres moyens, mais on voyait tout de même qu'elle n'était pas à la dernière mode new-yorkaise. Par contre, je ne crois pas qu'il y ait le moindre appartement en vente dans le coin en ce moment.

Enfin, elle disait ça sans en être sûre, elle n'était pas agente immobilier non plus, et l'homme, s'il recherchait un nouvel endroit où vivre, devait s'être renseigné bien mieux qu'elle sur la question. Mais forcément, ça la rendait un peu curieuse. Cet homme, peut-être à cause de ce sentiment de familiarité initial, l'intriguait.

-Au fait, je m'appelle Darlene.

   
   

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arlene ne savait pas forcément quoi penser de son interlocuteur et de cette conversation. La jeune femme était quelqu'un d'aimable et de polie, même si un peu réservée, elle n'était pas du genre à rembarrer inutilement ses interlocuteurs, et le dénommé Johannes ne lui avait donné aucune raison de le faire, au demeurant, mais elle s'interrogeait sur les raisons qui le poussaient encore à lui tenir la jambe alors que, s'il n'était question que de se trouver un appartement dans le quartier, alors sa réponse devrait lui suffire à tracer sa route. Comme souvent quand un homme qu'elle ne connaissait pas l'abordait en pleine rue et lui parlait un peu longuement, elle s'interrogeait sur ses intentions.

Ce n'était pas qu'elle s'imaginait irrésistible non, mais elle savait que pour certains hommes, elle ou une autre femme... Du moment que l'on était en apparence réceptive et souriante, cela pouvait suffire, et elle ne voudrait pas devoir subir un flirt un peu lourd... Pas qu'il lui donne le sentiment que c'étaient ses intentions... mais comme justement, elle n'arrivait pas à mettre le doigt sur la nature exacte de ces intentions, et ça la mettait un peu mal à l'aise. Mais elle n'allait pas non plus commencer à se faire de fausses idées... Elle préférait laisser à son interlocuteur le bénéfice du doute et voir où la conversation était susceptible de les mener. En l'occurrence, il lui demandait depuis combien de temps elle vivait dans le quartier. Ce pouvait être une simple question simple et courtoise, rien de plus... ou bien il y avait une arrière pensée... En fait, pour éviter toute confusion, le plus simple allait peut-être de s'accomoder avec la réalité.

-Si je ne dis pas de bêtises, ça doit faire cinq ans que Wade et moi occupons cet appartement. Et je pense qu'on y sera encore pour un bout de temps, si votre intention est de nous succéder, plaisanta-t-elle, bien que tout à fait consciente que ce ne devait pas être le but de la question. Mais elle tentait, du mieux qu'elle le pouvait de donner de la légèreté à ce dialogue. Et de ne pas trop y réfléchir.

Ce n'était pas pour rien, bien sûr, si elle avait mentionné le nom de Wade. Elle se disait qu'en précisant le nom de son colocataire, son interlocuteur en déduirait sans doute qu'elle était mariée, ou à tout le moins fiancée, et que l'homme qui partageait son appartement était également son amant... Ce qu'à peu près tout le monde pensait, au demeurant. Qu'elle vive vraiment avec un homme sans que leurs relations aient jamais été autre chose qu'amicale semblait dépasser la compréhension de beaucoup, y compris des parents de Darlene, mais la jeune femme n'en avait que faire. Elle aimait sa colocation tout à fait platonique avec Wade.
   
   

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arlene ne savait pas trop sur quel pied danser avec son interlocuteur. Elle hésitait entre une déviance qui tenait de l'instinct de préservation et de la pure curiosité. Mais elle sut vers quoi pencher quand son interlocuteur lui apprit qu'un ami à lui lui avait conseillé le quartier. Darlene n'en revenant pas en entendant le nom de son frère. Se pouvait-il vraiment qu'il s'agisse de son Illan ? C'était bien possible. Illan n'était pas un nom si courant, encore moins à New York, et des qui s'amuseraient à se promener dans le quartier, sans doute encore moins. Alors, qui sait, peut-être que cet homme était véritablement un ami de son frère ? On ne sait jamais, après tout.

Et dans ce cas, eh bien, forcément, ça changeait tout. Bon, elle ne savait pas que son frangin trouvait de l'intérêt au quartier où elle vivait en dehors du fait qu'elle y habitait, justement, mais on ne sait jamais. Peut-être que c'était bien ça, et peut-être effectivement que Darlene était en présence d'un ami de son frère. La curiosité, en cet instant, l'emportait sur la réflexion... car si elle y avait réfléchi plus avant, elle aurait fait preuve d'une prudence qui ne lui effleura même pas l'esprit tandis qu'elle prit le soin d'interroger son interlocuteur afin d'en avoir le coeur net, laissant la surprise dominer toute logique et toute prudence.

-Illan ? Vous ne parleriez pas de mon frère, par hasard ? Illan Williamson ?

D'accord, d'accord, ce n'était pas malin du tout d'agir ainsi. Elle avait bien saisi que pour protéger son frère, elle avait tout intérêt à faire comme elle l'avait toujours fait avant que ce dernier ne fasse son grand retour dans sa vie (qui ressemblait davantage à une arrivée, car elle avait complètement oublié qu'elle l'avait connu auparavant, et aucun souvenir de cette période ne lui était jamais revenu) : prétendre qu'elle ne le connaissait pas. Mais si cet homme était un ami, était-ce si grave ? La jeune femme qui était parfois si défiante ne supposait pas que cet homme puisse la manipuler. Pourquoi ne pas la confronter directement, si c'était le cas ?

Et puis, cet homme, s'il n'avait pas d'intention peu recommandable envers elle, lui semblait quand même plutôt sympathique. De toute manière, il était trop tard pour reprendre les mots qu'elle venait de prononcer. Qui sait, peut-être qu'au bout du ccompte, ils ne parlaient pas du tout du même Illan et que son interlocuteur ne saurait pas du tout de qui elle voulait parler. Ce serait sans doute mieux si ça pouvait être le cas. Mais tout de même... Il était dans tous les cas trop tard pour faire marhe arrière, et maintenant, elle n'avait plus qu'à attendre ce que serait la réponse de son interlocuteur.    
   

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e monde était définitivement petit. Ce n'était pas la première fois que Darlene s'en faisait la remarque, mais c'était en tout cas quelque chose qui se confirmait une fois encore. Combien de chances pour que cet homme connaisse son frère ? Beaucoup, en réalité, si l'on admettait le fait que l'homme l'avait abordée à dessein. Mais Darlene, naïve Darlene, était bien incapable de comprendre qu'il était question de cela. A la place, la jeune femme s'étonnait d'une coïncidence qu'elle devrait pourtant prendre le temps de s'expliquer pour mieux réussir à la comprendre. La jeune femme devrait certainement se montrer plus défiante et se taire, surtout qu'il n'était pas question que d'elle. C'était son frère qui pourrait éventuellement en pâtir si elle décidait de trop parler, mais elle refusait de croire qu'on puisse vouloir du mal à Illan en passant par elle. Bêtement, elle se disait que si Johannes lui parlait de son frère, c'était qu'ils étaient bel et bien amis. Quelle gourde.

Pour cette raison, son coeur se serra un peu quand elle entendit son interlocuteur ajouter qu'il avait perdu contact avec sa famille depuis longtemps. C'était normal qu'il ait conservé cette version, y compris auprès de ses proches, c'était une situation difficile pour lui, il avait fait le sacrifice de sa propre famille, après tout, en allant vivre parmi les sorciers. Elle hésita quant à ce qu'elle devrait répondre. Si Illan n'avait pas informé son ami du fait qu'ils étaient encore en contact, est-ce qu'elle pouvait se permettre de parler du fait que c'était lui qui était revenu vers elle. Sans prendre spécialement conscience d'à quel point cette conversation pourrait avoir de retombées sur son frère, elle savait tout du moins qu'elle ne devait pas totalement parler à la légère non plus.

-C'était le cas, on n'avait plus de nouvelles depuis super longtemps, mais quand je me suis installée ici, j'ai voulu reprendre contact avec lui. On ne se débarrasse pas de moi si facilement, que voulez-vous, ajouta-t-elle en espérant que faire un peu d'humour dissiperait un peu de son embarras.

Elle ne savait pas trop si elle se mettait en difficulté, si elle mettait son frère en difficulté, ou bien ni l'un ni l'autre ? En revanche, elle se rendait bien compte du fait qu'elle parlait trop. Et pour cause, ça ne datait pas d'hier, ça. Au contraire, même, c'était une sérieuse - et mauvaise - habitude. Et elle aurait sans doute dû tracer son chemin plutôt que de répondre à son interlocuteur, en réalité.

-C'est normal qu'il ne vous en ait pas parlé, c'est vraiment tout récent, ajouta-t-elle dans l'espoir de noyer un peu le poisson. Comment vous l'avez connu, Illan ? Vous êtes amis depuis longtemps ? demanda-t-elle autant par curiosité que dans l'espoir de noyer le poisson.

   
   

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a réponse de Johannes faisait s’en poser des multitudes d’autres à Darlene. Elle n’avait pas envie de commettre d’impairs, et encore moins mettre son frère en difficulté parce qu’elle se serait montrée trop imprudente, mais elle avait envie de croire que son interlocuteur était sincère. Elle ne pouvait pas s’imaginer que tout ceci ne soit qu’un guet-appens. Non, c’était plus un hasard qu’aucun des deux n’auraient pas pu planifier, et parce qu’elle avait fini par se dire cela, elle finissait doucement par abandonner toute prudence, même si c’était évidemment la pire chose à faire.

Elle devrait ne plus parler à son interlocuteur, interroger son frère au sujet de cette connaissance afin de s’assurer qu’ils étaient bel et bien amis et qu’elle ne se faisait pas embobiner, mais non, il n’en était rien. Elle avait peut-être un peu trop envie de discuter avec quelqu’un qu’elle pensait susceptible de la comprendre. Et puis, elle avait l’impression d’avoir suffisamment fait de conneries comme ça sans avoir besoin d’en ajouter encore davantage à son palmarès. Bref, Darlene écoutait son interlocuteur, et la conclusion qu’elle en retirait, c’est que son interlocuteur avait connu une trajectoire similaire à Illa, et si c’était le cas, c’était normal que toute cette situation le mette dans une situation délicate.

- Vous êtes un sorcier aussi, n’est-ce pas ? Je regrette vraiment que vous n’ayez plus de contacts avec votre famille.

Darlene trouvait cela si profondément injuste, intolérable de cruauté, en réalité. Elle se disait que Johannes aussi avait dû renoncer à ses proches, qui avaient perdu la mémoire pour lui permettre de mener une autre sorte de vie. Quelque part, de la part de sa famille, c’était un grand et beau sacrifice, mais Darlene avait du mal à considérer cela autrement que comme fondamentalement injuste. Même si la pilule était difficile à avaler, elle appréciait que son frère ait fait la démarche de le retrouver. Elle aurait, sinon, toujours ressenti son absence sans savoir d’où lui venait cette impression de vide, elle était absolument sûre de cela.

Elle avait envie de dire à son interlocuteur que lui aussi devrait reprendre contact avec ses proches, mais elle ne devrait pas trop aller vite en besogne non plus. Avant cela, elle avait envie d’entendre ce qu’était plus exactement l’histoire de Johannes Jonker.

-J’ai bien conscience d’être très chanceuse, confirma-t-elle avec douceur, en espérant ne pas se montrer trop brusque en affirmant cela trop directement, d’un autre côté, elle ne peut pas prétendre le contraire. Oui, elle avait été chanceuse, et au final, c’était peut-être une chance déméritée, mais elle n’avait aucune envie de s’excuser pour cela, pas le moins du monde. Oui, elle avait eu de la chance, mais il ne fallait pas juste attendre que la chance se présente, il fallait aussi savoir la saisir et la chérir, et ça, c’était évidemment quelque chose de tout à fait différent. De particulièrement différent. Et elle le savait pour, à certaines occasions aussi, avoir laissé passer sa chance quand elle aurait dû, à la place, s’y accrocher comme si sa vie en dépendait.


   
   

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