erpetua se souviendrait toujours, mot pour mot, de ce courrier désespéré, mouillé de larmes par endroits, qu'elle avait tant lu et relu avant de l'envoyer à son destinataire tout en sachant pertinemment que cet homme, brillant et constamment sollicité, n'aurait sans doute même pas l'occasion de mettre la main dessus tant les hiboux devaient constamment lui parvenir par floppées... Et pourtant, un mois à peine après que ce courrier ait été adressé au brillant alchimiste, elle avait reçu une réponse. De cette réponse avait découlé une autre, puis une autre. Jamais Nicolas Flamel n'avait pu ou su accéder à sa requête désespérée, la libérer de ses craintes et de sa malédiction, mais il lui avait apporté autre chose, quelque chose de tout aussi important... et pourtant, à aucun moment elle n'avait eu conscience d'en avoir à ce point besoin avant que tout ceci ne s'impose à elle de façon autrement plus flagrante.
Perpetua n'avait pas juste trouvé en la personne de cet homme six fois centenaire, d'une intelligence redoutable et capable de débattre avec elle de tous les sujets possibles et imaginables et de la conseiller sur ses inventions, une oreille attentive et un mentor.... elle avait trouvé un père. Un grand-père. Un arrière grand-père. Toutes les générations que vous voulez. Bien sûr, elle avait eu conscience de combien ses parents lui manquaient. Elle les avait perdus si brutalement, et sa vie avant changé du tout au tout ensuite, comment ne l'aurait-elle pas pu ? Ce qu'elle n'avait pas cerné, ce qu'elle n'aurait jamais trouvé acceptable de chercher, même inconsciemment, à substituer ses parents à d'autres figures affectueuses et rassurantes, sages et captivantes... Plus elle passait de temps à ses côtés, plus elle s'attachait à lui, et à Pernelle, par la même occasion.
Bien sûr, sa vie était en Amérique, celle de Nicolas Flamel en France, elle n'allait tout de même pas tout envoyer balader pour se trouver une place à Paris. Même si, ayant grandi au Canada, elle maîtrisait bien le français (oui, elle avait quand même réfléchi au sujet, elle ne pouvait pas non plus prétendre le contraire)... Mais tout de même, elle avait cherché à le voir autant que possible. Et grâce à l'Ordre, elle le voyait plus souvent encore, ce qui égoïstement était l'une des raisons qui faisaient qu'elle appréciait le plus cette nouvelle allégeance. Bien sûr, elle prenait très au sérieux son combat contre Grindelwald, il n'y avait définitivement pas de quoi en douter. Mais l'idée d'avoir de bons prétextes et surtout des moyens de transport très pratiques pour se rendre chez lui n'était pas pour lui déplaire.
Et donc, c'était de façon assez informelle qu'elle était arrivée chez les Flamel, espérant tomber directement sur Nicolas, cette fois. Si la vie était bien faite...
▲▼ Our Twisted Fates Nicolas s'est toujours intéressé de très près aux cycles lunaires, bien avant de faire la connaissance de Perpetua. La lune et les étoiles ainsi que leur place dans le ciel ont une importance primordiale quand on fait de l'alchimie. Tout est une affaire de précision. Le mauvais alignement des astres peut se solder par un résultat détestable, et tout est à refaire. Sa longévité lui a permis de procéder à des expériences alchimiques dont d'autres n'auraient pas pu être capables. Il a, par exemple, pu observer des phénomène astraux qui n'ont lieu que tous les deux cents ans, et c'est ainsi qu'il a plu procéder à certaines de ses expériences.
Mais aujourd'hui, s'il s'intéresse à la lune, à sa forme et à ses mouvements, c'est pour une autre raison. Pour celle qui en a facilité l'analyse et l'observation. Nicolas n'oubliera jamais la lettre de détresse que lui a envoyé cette jeune femme alors qu'ils ne s'étaient jamais rencontrés. Il a essayé de l'aider, malheureusement, il n'y a rien que Perpetua puisse faire pour annuler le terrible sort dont elle est victime : lycane elle est, et lycane elle restera, quoi qu'il arrive. Mais il fait en sorte d'alléger sa peine, de lui prêter une oreille attentive, d'être présent à ses côtés, de l'accueillir chaque fois qu'elle en ressent le besoin. Il suit ses progrès et son parcours de près, toujours fier et ému de ses progrès et de son talent. Même si elle reste réservée et mal dans sa peau, elle est devenue une jeune femme brillante et volontaire, une sommité dans son domaine. Il est fier d'elle comme il le serait de cet enfant qu'il n'a jamais eu. Elle est définitivement celle concernant qui il a le plus radicalement rompu avec ses résolutions. Elle est la fille, la petite-fille, l'arrière-petite-fille, peu importe, qu'il n'a jamais eu l'occasion d'avoir. Et il tient à elle tout autant.
Il a donc plaisir à la retrouver. Grâce au système de portoloins clandestin qu'Albus et lui ont élaboré en commun, il est facile, presque en un claquement de doigts, de se retrouver. Ils ne doivent pas en abuser, bien sûr, c'est un système qui doit leur servir en cas d'urgence, surtout, mais rien n'interdit leurs conversations d'être à la fois agréables et constructives.
Pernelle est sortie faire quelques courses, il espère que Perpetua et elle auront l'occasion de se saluer. En attendant, tout est prêt pour l'accueillir. Il y a du thé sur la table de son salon encombré d'objets divers et variés. Et quelques gâteaux, même si lui-même mange à peine.
Il vient de retourner à son bureau, sans trop de conscience de l'heure. Et il entend la voix de Perpetua, lointaine ou pas tant que ça, mais ces derniers temps, l'audition de Nicolas lui fait défaut. C'est avec une infinie lenteur due aux affres de la vieillesse qu'il avance vers elle et la salue avec prudence, en la prenant dans ses bras, car chaque mouvement doit être calculé. "Perpetua, je suis heureux que tu sois là. Tu n'as pas eu de souci avec le voyage ? Tout s'est bien passé ? J'ai beaucoup pensé à toi ces derniers jours."
erpetua sourit en découvrant la table dressée dans le salon, alors que l'odeur du thé lui réchauffait agréablement les narines. Ce n'était pas grand chose, juste du thé bien chaud et quelques biscuits, mais ces toutes petites choses lui donnaient le sentiment d'être chez elle. La jeune femme avait toujours adoré cet endroit depuis le premier jour où elle avait eu la chance d'y mettre les pieds. La demeure des Flamel était encombrée en tout point, mais justement, ce bric-à-brac, cette impression de désordre organisé, lui faisait penser à celui - bien moins organisé - de son atelier, et elle se sentait chez elle, tout simplement. Elle réalisait combien ça lui faisait du bien. Il n'y avait pas beaucoup d'autres endroits qui lui procuraient le même sentiment.
Son atelier, oui, mais il était à New York, et même si sa vie là-bas avait d'excellents aspects (à commencer par la présence de Jamie), elle ne se sentait pas vraiment à l'aise dans cette grande ville. Le Canada, les grands espaces forestiers couverts de neige où elle et ses parents passaient leurs vacances, lui manquait. A Paris, l'ambiance était différent, mais ne serait-ce que pouvoir dépoussiérer un peu le français qu'elle parlait trop peu depuis son installation aux Etats-Unis, c'était quelque chose qui lui faisait du bien.
Nicolas la rejoignit à son rythme et la prit dans ses bras, le coeur de Perpetua fondit un peu. Cette présence toute paternelle lui mettait du baume au coeur, et ça lui faisait du bien. Elle aimait entendre le souci qu'il y avait dans sa voix quand il s'adressait à elle. Pas parce qu'elle avait envie de le savoir inquiet pour elle, mais parce qu'elle aimait le savoir concerné par son sort, tout comme elle le serait toujours par le sien à lui.
-Le voyage s'est bien passé, je n'ai eu aucun souci, le rassura aussitôt Perpetua avec un fin sourire. La dernière pleine Lune a été compliquée. Plus ça va, plus la cage se fragilise. Je crois que j'étais à deux doigts de défaire le système de déverrouillage, ça devrait être impossible mais...
Elle était fébrile en en parlant. Elle ne voulait pas inquiéter Nicolas inutilement, mais il était celui auprès de qui elle avait toujours eu le plus de facilité à déverser ses angoisses. Elle le savait, un lycan ne pouvait pas défaire un mécanisme scellé par magie, oui mais elle était presque sûre qu'elle y était presque, et en en parlant, elle disait "je", elle ne réussissait pas à se dissocier de la créature, quand bien même elle ne se souvenait rien de cette nuit-là. Si ce n'est du résultat sinistre et douloureux de son acharnement.
-Je crois que j'ai de plus en plus faim, aussi...
Elle releva sa manche pour montrer à Nicolas la trace de morsure sur son avant-bras. Elle s'était rongée presque jusqu'à l'os, de rage semble-t-il.
-Je suis allée trouver Albus dès mon réveil, on ne voit presque plus rien, mais...
Il restait une trace, qui ne serait sans doute pas la dernière... et elle en avait terriblement honte.
▲▼ Our Twisted Fates Il est soulagé d'entendre que le voyage s'est passé sans dommages pour Perpetua. Quand il est question d'elle, il est presque paranoïaque quand il s'agit de s'inquiéter, de se soucier de son bien-être, il a toujours peur qu'il lui arrive quelque chose, comme si quelque chose ne lui est jamais arrivé. Voilà qui n'est pas très juste pour elle, d'autant qu'elle est bien plus forte qu'elle n'y paraît en premier lieu, mais elle lui semble toujours si fragile... une sorte de brindille que l'on pourrait trop aisément briser. Mais tout a bien été, et c'est une première source de soulagement pour lui, il est rassuré.
Il sait qu'il ne doit pas non plus s'enthousiasmer trop vite, elle le lui confirme quand elle évoque la dernière nuit de pleine Lune qu'elle a endurée. Il apprécie qu'elle aborde le sujet d'elle-même, pour bien des raisons. Déjà, parce qu'elle a suffisamment confiance en lui pour lui parler sans détours, ensuite parce que cela lui évite d'aborder le sujet de lui-même, chose qui est forcément toujours un peu délicate. Trop délicate, mais justement. Il sait qu'elle n'osera pas se confier à grand monde à ce sujet. Qu'elle le fasse avec lui, c'est nécessaire. Elle le fait depuis le début de leurs conversations, qui n'étaient que par lettres, jusqu'ici.
Malheureusement, ce qu'elle a à lui apprendre n'a rien de rassurant, c'est tout l'inverse même, et une lueur de vive inquiétude traverse son regard. Elle a eu peur de s'échapper. Nicolas estime qu'elle a tort. Elle est l'inventrice la plus brillante qu'il ait rencontré, et il a eu le temps d'en rencontrer, des gens, en six siècles. Il a même croisé brièvement Léonard de Vinci, c'est dire. Alors il sait que si son système est infranchissable, c'est qu'il est infranchissable. Mais s'il doit la rassurer, il le fera. Il y compte, mais elle ne s'arrête pas là. Elle lui présente son bras mordu. Il a été guéri, la cicatrice est infime. Il fallait au moins le talent d'Albus pour rendre ce bras à l'état neuf. Mais c'est inquiétant malgré tout. La créature ne supporte plus l'enfermement et se défend en s'attaquant elle-même. Il récupère le bras de Perpetua et l'observe silencieusement. "Est-ce que ça te fait mal ?" demande-t-il, soucieux. "Je peux rester avec toi, la prochaine fois... Je pourrai t'empêcher de te faire du mal, et vérifier l'état de la cage... ?" propose-t-il, incapable de rester de côté.
erpetua laissait en toute confiance Nicolas considérer sa blessure dont il ne restait dorénavant, et grâce aux bons soins de Dumbledore, qu'une infime cicatrice. Elle était d'un naturel très farouche, pas tant pour se protéger des autres que pour protéger les autres d'elle, et ce n'était pas à tout le monde qu'elle accorderait la confiance nécessaire à l'examen qu'il fait de la marque sur son bras, mais il avait largement gagné ce droit. Il avait fait preuve de bien assez de douceur et de bienveillance pour que ses intentions ne fassent aucun doute pour elle. Quand bien même observer sa blessure ne servira pas à grand-chose. Il n'y a plus grand chose à faire, à présent, il n'y a qu'à constater, en revanche, ce que l'alchimiste ne se prive pas de faire.
Elle fit doucement non de la tête quand il lui demanda si elle avait mal. Non, ça ne lui faisait plus mal du tout. A son réveil, la douleur avait été sourde, insupportable, mais à présent, elle n'éprouvait vraiment plus aucune douleur, même quand elle devait appuyer sur sa cicatrice : Albus avait fait un excellent travail (qu'attendre d'autre de sa part, en même temps ?).Physiquement, elle allait bien, aussi bien qu'elle pouvait l'être après une nuit de pleine lune agitée qui la mettait toujours un peu à plat. Mais moralement, c'était une autre affaire. Moralement, elle se sentait faible, fragile, inquiète. Et ça n'allait pas si bien que cela.
-Non ! répondit d'instinct Perpetua, sans doute un peu trop vivement, quand Nicolas lui assura qu'il pourrait l'accompagner au cours de sa prochaine transformation, pour l'empêcher de se faire du mal et pou s'assurer qu'elle ne s'échappe pas de sa cage.
L'attention la touchait, vraiment. Et au fond, elle aimerait bien ne pas être seule, ces nuits-là, ce serait sûrement moins éprouvant si elle pouvait partager tout ça avec quelqu'un d'autre. L'attention la touchait, oui, mais il était hors de question que Nicolas presque un tel risque pour elle. Qu'il accepte de le faire, ça lui faisait honnêtement du bien, et elle se contenterait de ce bien-là. La jeune femme tenait bien trop à lui pour lui faire prendre le moindre risque. Lui qui avait traversé bravement tant d'âges. Il ne manquerait plus qu'il soit mis en danger par sa seule et unique faute.
-Je ne veux pas te faire courir le moindre risque, je ne me le pardonnerais jamais s'il devait t'arriver quoi que ce soit.
Et elle savait que si la situation dégénérait, elle pourrait bel et bien tuer Nicolas en dépit de sa profonde affection et de son estime pour lui. Son père les avait tant aimé, elle et sa mère, ça n'avait pas empêché le drame de se produire. Et ça recommencerait.
-Si tu veux, on pourra aller voir la cage quand tu seras de passage à New York ? Tu auras peut-être des idées pour l'améliorer ?
▲▼ Our Twisted Fates La réponse de Perpetua est vive et ne tolère pas vraiment de contradictions. C'est une réponse qui lui ressemble. Sous ses airs doux et conciliants, la jeune femme a toujours su ce qu'elle voulait. Et plus encore ce qu'elle ne voulait pas. Il comprend la vivacité de sa réaction tout comme il devine également ce qu'elle sous-tend. Elle a de longue date décidé qu'elle devait porter son fardeau seule. Cela se comprend. Ce n'est pas son père et son aventure familiale qui l'auront convaincue du fait qu'il existe d'autres options, qu'elle n'a aucune nécessité d'en arriver là. Il veut l'aider de bonne grâce, et il pense ne rien craindre, mais il comprend aussi que pour Perpetua, ce serait un déchirement total de ne serait-ce que lui causer la moindre égratignure. C'est un risque que Nicolas est prêt à prendre, il en a vu d'autres au cours de sa très longue vie.
Mais s'il veut convaincre Perpetua d'en faire de même, il va lui falloir ruser, il le comprend aussi très vite. Il continue de penser, tout de même, qu'une présence extérieure est bien la seule chose qui pourra et saura soulager la jeune femme quoi qu'il advienne. Il sait qu'il va devoir ruser. Elle ne ment pas en affirmant qu'elle ne s'en remettra pas s'il doit lui arriver quoi que ce soit. Elle est très honnête avec ses émotions, et lui ne veut pas la mettre dans ce genre de situation. Tout comme il ne veut pas qu'il lui arrive quoi que ce soit non plus. S'il s'est échiné à la fabrication de la pierre philosophale, c'est bien qu'il n'est pas prêt à voir la mort en face. Même si celle-ci finit toujours par vous faucher tôt ou tard et que personne ne doit se croire invincible au point d'être à même d'y échapper.
"On va commencer par ça, oui", répond Nicolas, quand même soulagé que la jeune femme lui suggère une alternative qui puisse l'aider un peu. "Même si je vois mal ce que je pourrais te proposer qu'un esprit aussi brillant que le tien n'ait pas déjà mis en oeuvre." Il lui adresse un sourire. "Tu es l'une des sorcières les plus douées de ta génération, la deuxième sorcière la plus douée que je connaisse - tu m'en vois désolé, mais personne ne saura jamais détrôner Pernelle", fait-il le choix de présenter pour mettre celle qu'il considère comme sa fille en confiance. "Il serait grand temps que tu te fasses confiance, tu sais ? Et que tu aies confiance dans la capacité des autres à t'aider. Crois-moi, tu n'as vraiment pas besoin d'affronter ça toute seule."
à-dessus, Perpetua ne transigerait pas, ne transigerait jamais. Qu'il s'agisse de Nicolas, de Jamie, de n'importe qui... il était hors de question pour elle que qui que ce soit assiste à ses transformations. Elle n'avait aucune envie de faire courir ce risque aux personnes qu'elle aimait. Même à celles qu'elle n'aimait pas, d'ailleurs. C'était comme ça, c'était ainsi. C'était un fardeau qu'elle devait porter seule, à tout prix, et quoi qu'il advienne. Et rien au monde ne saurait lui faire changer d'avis à ce sujet. Même si elle savait que Nicolas était puissant, même si elle savait qu'il serait sans doute à même de se protéger d'elle le cas échéant, elle ne voulait vraiment pas en arriver là, sous aucun prétexte. Perpetua, donc, ne changerait pas d'avis là-dessus, en revanche, elle aurait grand besoin de l'expertise de l'alchimiste.
Il avait beau la couvrir de compliments, elle ne cesserait jamais de le tenir pour un sorcier éminemment plus doué qu'elle. Il avait sa propre vision, et une expérience que personne d'autre que lui (si ce n'est sa femme, bien sûr) ne pouvait se targuer d'avoir. Bien sûr que oui, qu'il pourrait lui prodiguer des conseils auxquels elle-même n'aurait pas songé. Et elle y comptait. Surtout, elle comptait sur lui. Même s'il n'avait rien à redire à son dispositif, ne serait-ce que le voir y jeter un coup d'oeil, ça la rassurerait vraiment beaucoup. Ses joues rosirent tout de même légèrement en entendant Nicolas lui assurer qu'elle était parmi les sorcières les plus brillantes qu'il ait jamais connu, la plus brillante, même, après Pernelle. L'estime qu'il avait d'elle valait tous les gallions du monde à ses yeux. Il lui communiquait une confiance en elle-même qu'elle avait trop souvent tendance à perdre ou à négliger.
Nicolas avait raison, et il n'était pas le premier à le lui faire remarquer : il était grand temps qu'elle se fasse confiance. Mais il ne suffisait pas qu'on le lui dise ou le lui répète pour qu'elle réussisse à changer. Ses insécurités étaient là, bien présentes, et elle ne trouvait rien qui sache vraiment les calmer. Elle savait être rassurée temporairement. Mais jamais, en revanche, elle n'arrivait à se voir comme la voyaient ceux qui tenaient à elle et cherchaient à tout prix à la tirer vers le haut.
-Je sais que vous êtes capables de m'aider, c'est vraiment pas le problème... Mais il est hors de question que je vous fasse courir le moindre risque bêtement. Rien que le fait de pouvoir t'en parler librement, tu sais, de savoir que tu ne me juges pas... ça me suffit. C'est immense.
C'était le plus cadeau qu'il lui avait jamais fait : sa tolérance sans bornes, qui n'avait jamais été démentie, en aucune circonstance. Il avait toujours été là pour elle, et il avait su dès le début qui elle était, pourtant.
▲▼ Our Twisted Fates Nicolas regrettait la réponse de Perpetua, mais il n'en attendrait pas réellement d'autres de sa part. C'était malheureux, mais ce n'était pas sans lui ressembler. La jeune femme ne sous-estimerait jamais la valeur d'autrui, en revanche, elle remettait en question la sienne sans arrêt, sans se rendre compte de combien était précieuse sa vision, étaient remarquables ses compétences. Obsédée par la perspective d'un danger qui était certes envisageable mais était plus imaginaire que réel, les mains se tendaient sans retour de sa part. Il fallait la comprendre. Elle avait vécu une épreuve particulièrement traumatisantes, de celles dont personne au monde ne saurait revenir indemne. Elle en était perturbée, fragilisée, c'était normal, mais ce dont son père s'était rendu coupable, Perpetua ne le serait pas.
La situation était différente, les conditions étaient différentes : Perpetua avait su prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter tout drame éventuel, et elle s'y prenait très bien. Elle ne s'en rendait peut-être pas compte, mais elle était tout à fait apte à faire face, à faire front... Elle avait simplement besoin de cette compagnie qu'elle se refusait afin d'invoquer à elle la douceur et le bénéfice d'une vie qui ne serait pas renfermée. En rejoignant l'Ordre, elle avait déjà consenti à faire partie d'un groupe, et c'était un très bon début, et cela rassurait Nicolas de la voir s'ouvrir aux personnes qui l'entouraient et qui appartenaient au même groupe, comme par exemple Jamie dont la présence et le message lui semblaient plus que bénéfiques. Mais ça ne suffisait jamais. Il y avait toujours une réticence, un distance, et Nicolas ne savait que faire exactement pour y mettre un terme, pour la résoudre, pour l'apaiser. "Je sais bien tout cela", commença-t-il avec prudence. "Mais quand tu as fait appel à moi, c'est dans l'espoir de davantage, et je ne l'ai pas oublié."
Elle était venue le trouver pleine d'espoir, celui d'être acceptée sans doute, d'être regardée comme un humain à part entière et non une bête curieuse, et Nicolas avait respecté ses engagements envers elle, l'avait considérée comme la jeune femme brillante qu'elle était corps et bien, et non comme le monstre qu'elle croyait encore être. Et c'était ce qui l'inquiétait le plus. Elle se félicitait d'être acceptée, même par une minorité, mais elle ne s'acceptait pas elle-même. "Je t'ai fait une promesse, et je sais que je ne l'ai pas encore tenue." Il poussa un léger soupir. "Mais garde ce que je t'ai dit à l'esprit. Quant à moi, je ne reviens jamais sur mes promesses." Il marqua une pause. "Je ne devais pas me rendre à New York avant une bonne semaine, mais je vais avancer mon voyage. Je pourrais repartir avec toi, par exemple ? De toutes les façons, j'ai beaucoup à faire là-bas. J'aimerais faire le point avec Albus, notamment. Tu as rencontré officiellement tous les membres de l'Ordre ?" :copyright: 2981 12289 0
erpetua se mordilla légèrement la lèvre inférieur, signe habituel d'embarras chez elle, quand Nicolas lui fit remarquer qu'elle avait fait appel à lui pour une raison particulière, à l'époque, et qu'il n'avait pas oublié. Bien sûr, comment pourrait-il avoir oublié, en effet. Elle non plus, d'ailleurs, n'avait pas oublié. Elle l'avait tant écrite et réécrite, cette lettre qu'elle avait finalement trouvé le courage d'envoyer à l'alchimiste émérite, qu'elle serait capable de la réciter par coeur encore aujourd'hui. Mais quand bien même c'était le cas, ce n'est pas pour autant qu'elle se sentait plus à l'aise avec l'idée d'y revenir.
C'était le désespoir qui l'avait poussée à s'adresser à lui à l'époque. et c'est vrai, il n'avait pas trouvé la solution qu'elle espérait tant, parce que cette solution n'existait tout simplement pas. En revanche, il lui avait offert quelque chose de bien plus précieux que n'importe quelle formule alchimique complexe et indéchiffrable. Il lui avait offert de l'affection, cet amour quasi-paternel qui lui faisait si ce n'est autant peut-être même plus de bien que tous les calmants qu'elle pouvait ingurgiter les soirs de pleine lune dans l'espoir d'assagir la bête, toujours avec un résultat on ne peut plus relatif.
Donc si elle n'avait pas oublié et lui non plus, elle ne tenait pas en revanche à ce qu'il tienne cette promesse à tout prix. Dans tous les cas, ils avaient plus important à faire que de se soucier de son sort à elle. Elle pouvait gérer - à peu près - ses démons. Mais le mal qui menaçait de se répandre sur les mondes magique et non magique était, lui d'une ampleur bien différente, et il fallait à tout prix qu'ils le considèrent avec tout l'intérêt et toute l'inquiétude qu'il méritait.
-Il y a longtemps que je n'attends plus de toi que tu tiennes cette promesse, tu le sais, pas vrai ? dit-elle avec douceur. Elle marqua une pause. Tu es le bienvenu si tu veux repartir avec moi, ainsi que Pernelle si elle veut se joindre à nous. Ce n'est pas très grand, chez moi, mais ça me fera plaisir de vous héberger quelques jours, si vous voulez. Et Jamie devrait être ravi de vous voir aussi, ajouta-t-elle en référence à son bailleur et voisin de palier, à l'évocation duquel ses joues rosirent légèrement.
Très égoïstement, la perspective de savoir que Nicolas l'accompagnerait à son retour et qu'elle pourrait bénéficier de ses lumières ainsi que de sa compagnie plus longtemps, ça lui faisait un bien immense.
-Je crois que j'ai rencontré tout le monde... en fait j'en suis à peu près sûre. Le courant est... plus ou moins bien passé, mais je comprends pourquoi vous les avez choisis, toi et Albus.
▲▼ Our Twisted Fates Nicolas savait en effet que Perpetua n'attendait plus de lui qu'il tienne la promesse qu'il lui avait faite autrefois. Il le savait, mais ce n'était pas pour autant qu'il décidait d'en faire quoi que ce soit. Nicolas restait en réalité fidèle à lui-même. Quand il faisait une promesse c'était avec l'obligation impérieuse de la tenir. Ce n'était pas une obligation qu'il se donnait envers autrui mais envers lui-même. Si le temps de la vie de Perpetua ne devait pas suffire à l'élaboration d'une solution, alors il continuerait malgré tout, pour celles et ceux qui comme elle souffraient et souffriraient de la même obscure et terrible malédiction. Les attentes de la lycane n'étaient donc pas en question.
Elle lui assurait qu'il était le bienvenu s'il le voulait, et Pernelle également. L'invitation n'entrait pas dans l'oreille d'un sourd. Perpetua avait besoin de sa présence et de son soutien, c'était ce qui importait. Et il avait la ferme intention d'être là pour elle, et ce peu importe les circonstances. Dans tous les cas, le temps passé avec sa fille de coeur ne relevait jamais de la moindre corvée. Et il était plus simple de séjourner quelques fois plus longtemps à New York dans les circonstances actuelles, notamment pour assister aux réunions de l'Ordre ou pour répondre présent au rendez-vous quand il décidait de rencontrer Albus pour mettre au point leurs plans d'action, par exemple. Alors ce n'était ni une plaie ni une vraie corvée, c'était davantage une solution qui pouvait leur convenir à tous les deux. "Nos choix sont toujours très sûrs, je te remercie de le remarquer.", répondit Nicolas avec une légère malice dans la voix et dans le regard. Oui, ils avaient choisi avec beaucoup de soin les membres de leur groupe.
Rien n'avait été décidé avec légèreté. Certains choix pouvaient peut-être déstabiliser en premier lieu, mais ils trouvaient très vite une justification quand on daignait y regarder de suffisamment près. Des caractères qui quand ils ne semblaient pas compatibles se complétaient en fait très bien, et autorisaient un esprit de groupe remarquable. "J'apprécie de constater combien le courant passe bien entre toi et Jamie. C'est vraiment un jeune homme exceptionnel. Et il t'apprécie beaucoup, tu sais."
Pourquoi ne mettre qu'un pied dans le plat quand il y avait de la place pour deux. :copyright: 2981 12289 0
icolas ne releva pas quand Perpetua lui fit remarquer qu'il n'avait aucun engagement envers elle et qu'elle n'attendait pas de lui qu'il tienne une promesse qui n'était de toute façon pas tenable. Elle ne pensait pas avoir besoin d'entendre sa réponse pour la connaître. Il n'attendait pas après des remarques du genre, puisqu'elles ne changeraient absolument rien à ses décisions. C'était ainsi, il était décidé à tenir cette promesse qu'il lui avait faite il y a des années, et elle n'avait pas envie de batailler pour l'en empêcher, d'autant qu'elle ne pouvait s'empêcher malgré tout de cultiver cet espoir, fin mais au fond nécessaire, de voir ce rêve se concrétiser. Peut-être que c'était en vain, peut-être que ça ne servirait à rien, mais ils le savaient tous les deux, et il n'y aurait ni regrets, ni rancoeurs, même si laisser un semblant de place à l'espoir était peut-être déjà une démarche un peu trop cruelle en elle-même, un écueil qu'ils devraient chercher à éviter.... mais n'évitaient donc pas.
A la place, il décida de se focaliser uniquement sur le sujet de l'Ordre et de ses membres, ce qui n'était certainement pas un sujet moins passionnant. En revanche, un sujet beaucoup plus sûr et moins dangereux, c'était certain aussi. Il était préférable que ni Nicolas, ni Perpetua, n'insistent où ils préféraient ne pas insister. Mais l'Ordre, c'était présent, c'était bien réel, et il y avait de quoi en dire... Et oui, les choix conjoints de Nicolas et Albus étaient sûrs. Perpetua ne pourrait sans doute pas s'empêcher de vouloir remettre en cause la présence de certains membres, Jeshua par exemple, qui détonnait avec le reste du groupe, mais ses compétences et les raisons de sa présence étaient malgré tout manifestes.
Mais ils ne parlaient finalement pas vraiment de tout le groupe, puisque Nicolas finit par parler uniquement de Jamie. A l'évocation de son logeur, Perpetua sentit malgré elle le rose lui monter aux joues, et quand Nicolas évoqua l'affection que Jamie avait pour elle, elle sentit que le rose était en train de doucement virer au rouge tomate. Ce n'était franchement pas glorieux, en somme.
-Oui, Jamie est vraiment... hum... Elle se racla la gorge, très, très, très mal à l'aise. Vraiment quelqu'un de bien, sut-elle articuler d'une traite en espérant ne pas avoir l'air trop ridicule. Je l'apprécie beaucoup aussi.
Beaucoup trop, faudrait-il préciser, mais même si à Nicolas, elle pourrait à peu près tout confier, ce sujet-là restait... délicat, pour ne pas dire épineux, même, en fin de compte.
▲▼ Our Twisted Fates La façon dont Perpetua évoquait Jamie amusait beaucoup Nicolas. Il n'était pas né de la dernière pluie (ah ça non, il avait connu des pluies, des orages, de tempêtes et des épidémies, alors on ne la lui faisait pas), il avait bien compris qu'il se tramait quelque chose entre les deux. Peut-être rien de concret, parce que les deux avaient l'air d'avancer à reculons, mais pour Nicolas, ça ne faisait quand même aucun doute, et s'il avait dû en rester un, de doute, il aurait bien vite été effacé par la gêne affichée de sa fille de coeur et par la jolie couleur rose que prenaient ses joues à l'évocation du demi-elfe. Nicolas avait très envie de jouer les entremetteurs, d'autant qu'il estimait que les deux se refusaient depuis trop longtemps et inutilement le bonheur, comme s'ils ne pourraient être bons pour personne alors qu'ils étaient bien l'un pour l'autre, de manière assez certaine. Ce n'était pas à lui de les pousser dans les bras l'un de l'autre, mais quand il pouvait y mettre son grain de sel, il n'hésitait pas. "J'avais cru le remarquer", répondit Nicolas avec sur les lèvres un sourire qui en disait long.
Il avait bien envie d'en rajouter une couche afin de pousser Perpetua à se confier davantage, mais il la connaissait, qu'elle reconnaisse en rougissant qu'elle appréciait beaucoup Jamie, c'était certainement le sommet de confidences qu'elle était prête à lui faire. Il n'y avait pas d'âge pour jouer les fouines, même après plus de six siècles d'existence, Nicolas restait très amusé par tous ces atermoiements qui étaient loin derrière lui.
Les choses du coeur avaient cessé de le concerner personnellement très tôt dans sa vie. Dès l'instant où il avait rencontré Pernelle, en somme. Mais ça ne voulait pas dire qu'il ne pouvait pas s'intéresser aux histoires des autres, ça non. Et il s'en donnait à coeur joie à ce sujet. Alors, même s'il avait très envie d'insister, il décida de ne pas en dire plus au risque de vraiment mettre Perpetua très mal à l'aise, et il ne voulait pas ça non plus.
"Tu sais quoi ? Je vais prévenir Pernelle et préparer mes affaires de ce pas. Plus tôt nous serons partis, mieux ce sera. Et bien sûr, tu peux me donner un coup de main, ce ne sera pas de refus."
Il était souvent agacé de lui-même quand il considérait les difficultés que lui demandait le moindre geste quotidien à mesure qu'il progressait en âge. Mais sa détermination et sa volonté affichée n'avaient jamais eu le loisir de vieillir, elles. Et quand il décidait de quelque chose, il ne remettait pas ça à plus tard, il agissait immédiatement. En l'occurrence, il était donc temps de se préparer et d'y aller, surtout qu'il sentait qu'il serait plus simple de rassurer Perpetua en la rejoignant à New York. :copyright: 2981 12289 0
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Ven 11 Sep - 18:44
