En amour, qui doute accuse (Ethan)

Elizabeth n'avait pas prononcé le moindre mot durant tout le trajet qui les avait reconduits chez eux. Leur rencontre abrupte et déplaisante avec cette pimbêche de Milla l'avait bouleversée, plus qu'elle ne le voudrait, et la jeune femme se sentait perdue, partagée entre une multitude d'émotions toutes plus désagréables les unes que les autres, et dans lesquelles elle ne réussissait définitivement pas à faire le tri.

Elle se sentait inquiète, elle se sentait perdue, elle se sentait en colère... et elle ne savait pas vraiment vers qui orienter cette colère, cette inquiétude, ce désoeuvrement. Voilà un moment qu'elle savait que Milla Holloway avait des vues sur son époux. Cela n'avait clairement rien d'une nouveauté, et elle avait oublié de s'en cacher depuis un moment. De la même manière, elle savait que cette femme était une manipulatrice et qu'elle s'inventait une vie dans l'espoir de la déstabiliser. Et ça marchait trop bien.

Oui, les intentions de cette jeune femme, trop dangereuse et bien trop belle, ne lui échappaient en rien. En revanche, ce qui demeurait un mystère à ses yeux, c'était ce qu'en pensait son fiancé. Qu'il soit flatté d'attiser l'attention d'une femme comme Milla était compréhensible, au fond, mais elle redoutait qu'il joue avec le feu, elle craignait, profondément, qu'il se laisse avoir par le petit jeu de cette femme.

Jusqu'ici, elle avait surtout eu peur qu'il ne finisse par déraper... Maintenant, la peur qu'elle avait, c'était qu'il ait déjà dérapé. D'accord, il avait clairement envoyé la jeune femme balader, et Elizabeth en avait ressenti une certaine satisfaction qu'elle ne pouvait certainement pas nier. Mais il y avait eu quelque chose. Elle ne réussissait pas à le décrire, ce n'était rien de tangible... C'était... une impression. Quelque chose dans leurs regards, quand ils s'étaient toisés comme si elle-même n'existait pas, comme si elle n'existait plus. C'étaient sans doute ses insécurités qui parlaient à sa place plus qu'une éventuelle infidélité d'Ethan.

Mais elle avait besoin, impérieusement, impérativement, de mettre les choses au clair, ce qu'elle se décida finalement à faire une fois qu'ils aient dépassé la porte de l'appartement. Une fois la porte refermée derrière eux, elle posa la question de la seule manière qui lui venait, de la seule manière qu'elle savait appréhender.

"Tu as eu une liaison avec elle ?"

« Je peux savoir ce qui te prend de poser une question aussi idiote ? »

Elizabeth savait qu'elle aurait pu s'y prendre autrement, tenter une approche plus subtile, moins frontale, ménager les sentiments de son fiancé... mais le fait est que ses sentiments, à elle, n'avaient pas du tout été ménagés de leur côté, et cela ne l'invitait pas forcément à se montrer conciliante ou patiente. Elle ne demandait qu'à entendre qu'elle se faisait des films, qu'il y avait une explication valide à tout cela, mais il fallait bien qu'elle regarde les choses en face. Elle était parfois naïve mais elle ne s'estimait pas stupide.

Raison pour laquelle elle fut d'autant plus blessée par la réaction d'Ethan, qui la traitait bel et bien comme si elle était stupide, comme si ses suspicions n'avaient aucun fondement. Il ne jouait pas vraiment les atterrés, il se montrait agressif avec elle. Chose qu'il n'avait jamais été avant. Dernièrement, elle ne le reconnaissait vraiment plus. C'était comme cette habitude qu'il avait prise de boire... elle détestait ça...

Elle serra les dents, les poings, elle n'avait pas l'intention de s'excuser. Ses suspicions étaient légitimes, et si un homme lui avait tourné autour et lui avait servi exactement le même numéro de son côté, elle voulait croire que lui aussi aurait eu ce genre de réaction et de questionnements... A moins de ne vraiment rien en avoir faire d'elle.

"Aie au moins le cran d'admettre tes torts plutôt que de m'insulter et de me traiter comme..."

Une merde. C'est ça, elle se sentait comme une merde, mais elle avait encore trop de fierté et de dignité en cet instant pour daigner prononcer ces mots directement même s'ils lui semblaient malheureusement appropriés et lui brûlaient les lèvres.

Est-ce qu'elle était en train de lui piquer une crise de jalousie inutile ? Est-ce qu'elle était en train de perdre les pédales ? Est-ce que c'était elle qui était en tort dans tout ça ? Elle n'en savait rien, elle ne savait plus rien. Elle avait pourtant eu tant de certitudes les concernant. Elle avait su se convaincre que leurs sentiments étaient si évidents qu'il n'était pas nécessaire de les remettre en question. Est-ce que c'était là son erreur ? ce qui l'avait poussé à se détourner ? De l'avoir considéré comme acquis. Elle prit une grande inspiration. Un des deux devait réussir à se contenir. Alors elle décidait que ce serait elle.

"Si c'est le cas, si vraiment vous avez eu une aventure, je suis prête à l'entendre, tu sais... Peut-être que j'ai pas été assez présente pour toi, et tu étais anxieux à cause du mariage, en plus de ton travail, et moi qui te mettais la pression..." Elle marqua une pause. "Dis-moi juste la vérité, s'il te plaît."

« Je… J’ai une liaison avec elle. »

La nouvelle n'était pas une surprise en soi, et Elizabeth aurait eu du mal à entendre une autre réponse en admettant qu'elle était vraie, mais elle tombait malgré tout comme un couperet, et avait le don de lui arracher quelques lambeaux de coeur au passage. Elle ne s'était pas du tout sentie prête pour cela. Elle avait beau l'avoir soupçonnée, mais à présent placée face à la réalité de sa situation, elle se sentait démunie.

Leur couple avait été à ses yeux si fort, si solide, qu'il était difficile pour elle d'en accepter les failles, de reconnaître que tout n'allait pas si bien que cela, que des choses horribles s'étaient bel et bien déroulées dans son dos, qu'ils étaient peut-être au bord de la rupture.

Elizabeth en avait mal au ventre et au coeur, elle se sentait atrocement mal, pour tout dire. Elle se demandait ce qui allait se passer, à présent. Est-ce qu'ils allaient se séparer, est-ce que ce passage aux aveux signifiait qu'Ethan allait se précipiter dans les bras de sa maîtresse ? Elizabeth ne savait pas du tout quoi penser, pour tout dire. Elle avait le coeur meurtri, et elle s'était rarement senti plus mal que cela... Mais en même temps, maintenant que les aveux étaient faits, ils allaient pouvoir en discuter concrètement, ce serait pplus simple que de continuer encore à appliquer la politique de l'autruche.

"D'accord", fit-elle en tentant de rationnaliser une situation qui ne l'était pas franchement à ses yeux. Elle essayait d'observer cette situation avec distance, comme si elle n'avait pas du tout le coeur brisé. Sauf que si, son coeur l'est complètement. Elle était convaincue d'être en présence de l'homme de sa vie, mais elle n'était pas certaine d'être la femme de la sienne. "Depuis combien de temps ?"

Elle n'avait pas vraiment envie d'entendre tous ces détails, mais c'était nécessaire, il n'y avait que de cette manière qu'il saurait à quoi s'en tenir plus précisément. Qu'ils pourraient progresser.

"T'es amoureux d'elle ?"

De toutes les questions qu'elle pouvait lui poser au sujet de sa liaison, il était évident que la réponse à celle-ci était celle qu'elle redoutait le plus. Mais il fallait qu'elle le lui demande néanmoins.