Le cirque est un petit bout d'arène close, propre à l'oubli. (Jacob & Nagini)

U

n jour comme les autres pour Nagini... et ce depuis des années. Sa petite escapade à l'extérieur n'aurait pas duré bien longtemps... Skender avait eu tôt fait de la retrouver, et convaincu de s'être montré trop "conciliant" (selon ses termes) avec elle, il n'avait pas tardé à durcir ses traitements vis-à-vis d'elle, à réduire ses rations de nourriture, à augmenter la cadence de ses apparitions et de ses transformations (ce qui représentait toujours un danger pour elle, car ça pourrait bien être la dernière foi), à réduire son espace de confort au sein de sa cellule. Nagini ne s'était pas plainte, n'avait pas cherché à contester, elle avait accepté son sort, tout simplement. Elle parvenait à accepter sans ciller, parce qu'elle avait un objectif, dorénavant, et cet objectif lui permettrait d'endurer le temps qu'elle devait encore passer au sein du cirque Arcanus (en espérant tout de même que ce ne serait plus très long). Depuis qu'elle avait rencontré Credence, elle avait compris que sa soif de liberté n'égalait pas la sienne, et que ses chaînes ne valaient en définitive pas grand-chose en comparaison de celles qui entravaient Credence et le maintenaient captif d'une vie qui n'était pas à sa hauteur. Elle l'aiderait, mais pour l'aider, il fallait qu'elle soit libre. En attendant, elle avait tout intérêt à faire profil bas, et ça, elle l'avait parfaitement compris.

Aussi, à la fin du spectacle, elle s'était traînée sans discuter jusqu'à sa cellule où Skender avait pris grand soin de l'enfermer à double tour, non sans avoir vérifier les verrous à plusieurs reprises pour s'assurer que sa petite attraction ne lui échapperait pas une nouvelle fois. Il pouvait faire ses vérifications autant qu'il le voulait, ça ne changerait rien, ce soir, elle comptait se tenir à carreau. Plus besoin de plan d'évasion hasardeux plus besoin de partir à tâtons dans l'inconnu, elle avait un objectif... et en attendant, elle resterait muette, patiente.... Enfin... sauf si on venait la déranger devant sa cellule. C'était déjà la deuxième fois qu'on venait s'adresser à elle, ça devenait une habitude. Encore un Auror ? Nagini l'espérait. Si le petit trafic de Skender devait être démentelée, l'affaire se réglerait à sa place. Raison pour laquelle elle comptait adresser à ses interlocuteurs l'attention qu'ils attendaient d'elle. D'autant plus qu'elle se sentait véritablement curieuse.

-Qui êtes-vous ? demanda-t-elle tout de même avant toute chose, en se rapprochant nobn sans une certaine défiance des barreaux de sa cage aux fausses allures de boudoir.

D'abord, savoir à qui elles avaient affaire. Ensuite, elle accepterait peut-être d'accéder à leur requête, si cela pouvait finir par lui servir à elle aussi, et elle l'espérait bien.

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I

ls s'appelaient donc Jacob et Newt... Des noms, non, juste des prénoms, en fait. Rien qui puisse réellement permettre à Nagini de les identifier ou de comprendre qui ils étaient réellement ? Travaillaient-il pour Skender ? Ou bien était-ce à nouveau des Aurors du MACUSA ? Que fallait-il en penser ? Tout ce qu'elle savait, c'est que leurs prénoms ne lui disaient absolument rien, ne lui permettaient pas de savoir si ces personnes étaient dignes de confiance ou non, et si elle risquait quoi que ce soit en décidant de lui parler.

Le plus corpulent des deux hommes reprit la parole et lui apprit qu'ils étaient à la recherche d'une créature, qui appartiendrait donc à l'homme qui se faisait appeler Newt. Nagini, peut-être parce qu'elle était en partie animale et vouée à en devenir un sur le long terme, avait envie de penser que les créatures n'étaient la propriété de personne (ironique de la part de celle qui deviendrait pour sa part la propriété d'un autre être humain... et sans être entravée par les barreaux d'une cellule)... Mais ce n'était pas la question, et à dire vrai, ces deux hommes avaient tout de même le don de l'intriguer un peu. Que devait-elle comprendre de leur comportement ? De leurs questions ? Difficile de le savoir, mais ce qu'elle savait en revanche, c'est qu'il était possible qu'ils se trouvent au bon endroit. Nagini ne savait pas exactement de quelle manière s'approvisionnait Skender, mais elle n'ignorait pas qu'il ne faisait jamais rien d'une manière vraiment légale, même s'il s'arrangeait toujours pour passer entre les mailles du filet de la Justice. Des créatures qu'il exposait avec fierté, il y en avait très peu qu'il ait récupéré à la loyale (un comble pour un monsieur loyal d'ailleurs).

Ceci dit, quand Newt parla d'un demiguise, Nagini dut bien reconnaître qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce à quoi ils faisaient précisément référence. Elle fronça les sourcils, regarda alternativement les deux hommes.

-J'ignore ce que c'est, mais il n'y a rien de tel ici.

Si une nouvelle créature avait intégré le cirque, Nagini l'aurait forcément su. Skender aimait beaucoup trop se vanter, il n'aurait manifestement pas réussi à s'en empêcher. Elle aimerait pouvoir être plus précise, mais elle ne savait rien, et elle n'avait rien entendu. De manière générale, son horizon se limitait, et très largement, aux frontières du cirque, et elle avait de bien nombreuses lacunes à ce sujet, elle en avait complètement conscience. Elle n'était pas aussi cultivée que d'autres, on ne lui avait pas donné l'occasion de l'être. En l'occurrence, elle n'avait pas la moindre idée de ce que pouvait bien être un demiguise. Elle n'avait tout simplement pas cette connaissance.

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Q

uand bien même le ton et l'attitude de ses deux interlocuteurs étaient au fond tout à fait bienveillants, la jeune femme ne savait s'empêcher de se sentir quelque peu... opressée, en cet instant. Elle avait le sentiment qu'on attendait beaucoup d'elle, et elle n'était pas capable de donner en retour ce que l'on espérait d'elle. Et quand bien même en était-elle capable, ferait-elle bien de leur parler ? De leur dire ce qu'elle savait ? Elle n'en avait pas la moindre idée, et ce qui était certain, c'est qu'elle n'éprouvait pour l'heure qu'un vague mélange d'appréhension et de culpabilité. Elle ne savait définitivement pas sur quel pied danser, et elle n'aimait pas ça, elle n'aimait pas ça du tout. Elle aimerait qu'ils la laissent tranquille, qu'ils se contentent de sa réponse et qu'ils s'en aillent. Mais visiblement, ce n'est pas ce qui était prévu au programme.

Est-ce qu'elle était sûre ? Oui, Skender se vantait de toute nouvelle créature qui intégrait son cirque, et il était impossible à ses pensionnaires de passer à côté de l'information. Pour l'heure, l'homme se contentait de ses attractions phares et ne cherchait pas vraiment à varier les phénomènes. Possible que cela finisse par arriver à un moment ou à un autre, mais à l'heure actuelle, il ne semblait pas s'être intéressé à un demiguise. Une créature capable de se rendre invisible. Si tel était le cas, certes il était possible qu'elle ne l'ait pas vu, mais elle n'était pas certaine non plus que Skender aurait trouvé un sincère intérêt à l'animal. Une bestiole qui demeure invisible tout au long de sa représentations, ce n'était ni sensationnel, ni vendeur... Dans tous les cas, Nagini ne pouvait définitivement pas en dire plus que ce qu'elle avait déjà affirmé. Elle n'en savait pas plus, un point c'est tout.

-Rien du tout, répondit-elle avec un peu plus de volonté.

La présence de ces deux hommes la mettait mal à l'aise, elle avait peur que cela lui retombe dessus, d'une manière ou d'une autre. Elle se tenait éloignée autant que possible de tout ce qui était susceptible de lui attirer des ennuis, elle s'en adressait déjà suffisamment à chaque tentative d'évasion infructueuse dont elle se faisait l'actrice. Alors tant qu'ils rôdaient autour de sa cellule, elle prenait le risque d'en accuser les conséquences, et c'était bien évidemment la dernière chose dont elle puisse avoir envie à l'heure actuelle.

-Vous devriez poser la question à Skender directement, ajouta-t-elle alors simplement.

Même si elle devinait sans mal pourquoi ils ne le faisaient pas, en réalité. Si cette créature appartenait vraiment à l'un de ces hommes, ils avaient tout intérêt à la récupérer en douce plutôt que de se frotter au propriétaire du cirque, tout légitimes pouvaient-ils bien être.

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agini ne pensait pas forcément que son interlocuteur obtiendrait gain de cause en parlant à Skender, mais elle estimait, quoi qu'il en soit, que cela ne la regardait pas. Quoi que ces deux hommes décident de faire, elle estimait qu'il était sans doute préférable qu'ils le fassent loin d'elle. Sans les connaître, elle appréhendait qu'il ne leur apporte que des ennuis dans tous les cas. Qu'ils recherchent leur créature s'ils le voulaient, mais elle préférait ne pas être mêlée à tout cela, elle craignait trop que cette situation ne lui apporte au final que des ennuis. C'était hors de question. Elle avait assez de ses propres problèmes. Oui, ces deux hommes avaient l'air bienveillants, mais elle avait appris depuis longtemps à se méfier des apparences. Il était sans doute impossible de se laisser piéger quand on était déjà pris au piège, mais elle n'avait pas la moindre envie de prendre le risque malgré tout.

Raison pour laquelle la jeune femme se montrait naturellement défiante et farouche quand le jeune homme lui demanda si on la traitait bien ici. La réponse était simple : non, elle n'était pas bien, elle détestait cet endroit, elle détestait la manière dont on la traitait, elle détestait la vie qu'elle menait. Mais elle n'avait pas le droit de dire quoi que ce soit. Enfin... elle le pourrait. Mais ça ne servirait, selon elle, à rien. Ce n'était pas cet homme qui venait de nulle part qui changerait tout à coup sa vie. Du moins en doutait-elle plus que fortement. La jeune femme, quoi qu'il en soit, n'en savait pas assez sur cet homme pour bien vouloir se confier, au bout du compte. Cet homme recherchait sa créature, cela voulait dire qu'il en possédait une, peut-être d'autres. Qui sait si ce n'était pas un braconnier ou elle ne savait quel collectionneur bizarre qui avait envie de l'ajouter à sa collection. Elle ne pouvait pas courir ce risque. Peut-être qu'il aurait bel et bien une conversation avec Skender, peut-être qu'il déciderait, pour la peine, de balancer tout ce qu'elle venait de lui dire. Cela aussi, elle ne pouvait pas prétendre ne rien en savoir, ne pas en avoir conscience. Elle hésita un instant avant de prendre la parole.

-Je... Elle baissa les yeux, avec hésitation, mais finalement, la réponse était évidente. Elle ne pouvait rien dire d'autre dans tous les cas. Je ne me plains pas.

Non, elle ne se plaignait pas... Mais ce n'était pas parce qu'elle ne se plaignait pas qu'elle ne le devrait pas, en réalité. Si les choses restaient telles qu'elles étaient, elle se promettait à elle-même une vie particulièrement maussade et malheureuse. Mais peu importe. Ce n'était pas ici, ni maintenant, qu'elle changerait quoi que ce soit.

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tait-elle vraiment certaine de n'avoir aucune raison de se plaindre ? Non, bien sûr que non. En fait, c'était même tout le contraire. La jeune femme était tout sauf heureuse de son sort. Elle y était familière par la force des choses, mais cela ne changeait rien au fait qu'elle rêverait avant tout d'être libre. Ce n'était pas pour rien qu'elle tentait de s'échapper si souvent... Mais ce n'était pas pour rien non plus si elle finissait presque toujours, invariablement, par rebrousser chemin. Elle avait de bonnes raisons de se plaindre, parce que Skender la traitait de la même façon que n'importe quel animal dressé du cirque, parce qu'elle voulait aspirer à une vie meilleure, plus douce...

Mais elle ne se voyait pas accepter l'aide de ces deux inconnus. Ils semblaient sincèrement vouloir l'aider, mais combien de loups se dissimulaient-ils en habit de mouton pour prétendre être ce qu'ils n'étaient pas. Elle était bien placée, peut-être même mieux que personne, pour savoir combien les apparences pouvaient être trompeuses. Alors même s'ils lui promettaient qu'elle pouvait leur faire confiance, elle n'arrivait tout simplement à accepter que ce puisse être entièrement vrai.

-Vous feriez mieux de partir..., trancha-t-elle d'un ton hésitant.

A la vérité, elle n'avait pas vraiment envie qu'ils partent. Peut-être qu'ils lui mentaient, peut-être qu'elle devrait se défier d'eux comme de la peste, mais la vérité, c'est que ça lui faisait du bien, même quelques secondes, même au cours d'une très brève intermède, d'être considérée comme un être humain à part entière. Elle ne voulait pas prendre le risque de suivre ces deux hommes dont elle ne savait rien, mais elle avait peur d'être laissée seule avec ses démons, et pis encore avec le démon personnel que Skender représentait à ses yeux.

-Skender n'appréciera pas de vous savoir ici.

Il serait idiot que non seulement ils ne parviennent pas à l'aider, mais par-dessus le marché, ils se mettent également en danger de leur côté. La jeune femme ne voulait pas ça pour eux... Même si elle n'était pas certaine de devoir vouloir quoi que ce soit pour eux. Peut-être n'étaient-ils que désireux de l'exploiter, comme d'autres avaient cherché à le faire avant eux, comme d'autres tenteraient de le faire après eux. C'était un risque inutile à prendre que de décider de se fier à la seule impression qu'elle avait d'eux. Peut-être qu'elle passait à côté d'une opportunité, mais tant pis, sa décision était prise. Elle avait l'intention de partir, oui, mais quand et comme elle l'aurait décidé. Et elle savait très précisément quelle serait la première chose qu'elle ferait : elle retrouverait Credence, tout simplement.

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