Une blessure d'amour-propre ne se cicatrise jamais.
Nouvelle journée, nouvelle bagarre. À nouveau, on ne l'avait pas raté. Les coups au visage, il pouvait
"faire avec". La douleur au niveau des cotes aussi. Par contre, la blessure à sa main... Elle commençait à lui piquer affreusement. Aisling avait enlevé son bandage de fortune pour constater les dégâts. Verdict ? Ce n'était pas très joli à voir. L'Irlandais avait pesté de longues minutes en contemplant le résultat. Tout cela à cause d'une bouteille. On avait voulu la lui fracasser sur le crâne, il avait tenté de donner un coup avant que cela n'arrive. Résultat, c'était son poing qui avait tout pris. Bon, c'était sans doute mieux que de l'avoir eu sur la tête, mais, quand même... Vu la douleur à chaque mouvement de la main, il aurait préféré que ça soit sa caboche qui prenne, finalement. Pour ce qu'il se servait de sa cervelle... Alors que ses mains, surtout ses poings, c'était quasiment son outil de travail. Non, définitivement, ce n'était pas très reluisant tout ça ! Avec son bol, il restait des éclats de verre dans la plaie. Il était certain d'en avoir enlevé la plupart, c'est-à-dire, les plus gros morceaux, mais il n'y avait rien de plus vicieux que des débris de verre.
Il replaça le tissu crasseux qui lui servait de bandage improvisé en poussant un soupir contrarié. Ouais, le coup de tissu crasseux enroulé autour de la blessure ne devait pas avoir aidé non plus. C'était son habitude, mettre un peu d'alcool dessus et des bandes de tissu arrachés pour recouvrir le tour en espérant que tout cela suffisait, que cela irait mieux le lendemain. Une méthode qui marchait rarement et qui trahissait son appréhension à se rendre à l'hôpital.
Dans d'autres circonstances, il aurait certainement laissé la blessure ainsi. Sauf que la blessure commençait à le gêner et pas uniquement à cause de la douleur. En plus, il devait voir sa fille et il ne se voyait pas lui expliquer pourquoi il avait une main dans un tel état, sans parler de tout le reste. Le cracmol n'en était plus à un stade où il pouvait espérer que la blessure se guérisse tout seul.
Aisling savait exactement où aller pour arranger rapidement les choses, ce qui lui arracha une nouvelle série de jurons et de soupirs. Ces protestations solitaires n'étaient pas dues au fait qu'il détestait la personne qu'il s’apprêtait à aller voir. Cette personne lui avait sauvé la vie durant la guerre. Le genre de truc qu'on n'oubliait pas. Les jurons étaient instinctifs dès qu'une situation allait forcément impliquer de la magie. Parce que le cracmol n'était pas dupe. S'il voulait une guérison miracle, ce n'était pas avec de la médecine moldue qu'il allait l'obtenir.
À grand renfort de grognement à chaque douleur que lui procura son geste, il enfila une veste et sortit. Ses pas le conduisirent presque naturellement vers l'hôpital où travaillait Marlon. Là-bas, il joua les patients dociles en signalant sa présence à l'accueil puis on se pose sur une chaise pour attendre son tour. Lorsqu'il était nerveux, Aisling ne pouvait pas s'empêcher de faire craquer ses doigts comme s'il se tenait prêt à cogner quelqu'un d'un instant à l'autre, sauf que ce geste lui arracha une nouvelle grimace et un juron qu'il étouffa au mieux dans sa barbe. À la place, il tapa nerveusement du pied, le regard passant d'un bout de couloir à une porte, attendant de voir la silhouette familière.