Un verre entre amis est toujours le bienvenu | Queenie & Ruby

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uby avait remarqué l'attention toute particulière que lui prêtait le serveur, l'inverse aurait surpris Queenie. La jeune felle plaisait et devait le savoir. Il faut dire qu'avec un minois aussi charmant que le sien, elle devait sans doute se lasser de son propre succès, chose que Queenie pouvait comprendre. Elle savait qu'elle plaisait, beaucoup, et si le doute devait être permis, il était rapidement levé par les pensées qu'elle captait au vol, des pensées qui la concernaient et qui n'étaient jamais vraiment très élégante. Quand elle entendait les pensées peu élégantes qui traversaient les hommes qui croisaient sa route, elle était rapidement blasée du genre humain, au final. Les pensées du serveur avaient le mérite d'être raisonnablement courtoises, ce qui était bon à relever, en soi.

Mais Ruby n'avait pas l'air intéressée outre mesure. Il est vrai qu'elle ne s'était pas montrée très réceptive jusqu'ici, mais Queenie avait surtout voulu trouver un sujet de conversation un tant soit peu croustillant, et elle sentait d'avance que sa tentative allait être étouffée dans l'oeuf par la réponse de Ruby, qui ne laissait pas beaucoup de place à la moindre imagination. Le type n'était pas son genre, tout simplement. Certes, il était très mignon,, mais d'un autre côté, ils n'avaient même pas échangé deux mots, donc il n'y avait pas forcément de quoi s'emballer.

-Après, il n'a pas un âge différent du tien, je pense, et tu es très mâture, que je sache. Même si les hommes ont toujours un train de retard sur nous, je te le concède, ajouta-t-elle avec un fin sourire.

Elle ne le pensait pas tout à fait. Parce qu'en vérité, pour sa part, elle savait qu'elle n'était pas forcément très mâture et qu'elle se caractérisait parfois par un comportement naïf et un peu trop enfantin. Mais dans tous les cas, ce n'était qu'une simple conversation, toute informelle, vraiment.

-Mais vas-y, dis-moi, je suis curieuse, c'est quoi ton genre d'homme, exactement ? demanda-t-elle avec un fin sourire.

Voilà un sujet de conversation qui pourra tout à fait l'intéresser. Elle qui voulait leur trouver un sujet de conversation croustillant, celui-ci n'était sans doute pas le pire qu'elle pouvait trouver, vraiment.

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uand Ruby affirmait que tous les hommes pouvaient avoir leur charme, Queenie ne pouvait qu'être d'accord, vraiment, et pour cause, elle n'avait pas imaginé, avant de rencontrer Jacob, que ce serait ce physique-là qui l'attirerait. Sans doute parce qu'à aucun moment elle ne s'était arrêtée à son apparence. C'était naturellement chose facile et naturelle pour elle que de ne pas s'arrêter à la surface compte tenu du fait qu'elle était capable d'entendre les pensées de ses interlocuteurs, et donc d'accéder à une part plus intime de leur personnalité, du premier coup. C'était une chance, quelque part, mais par bien des aspects, Queenie y voyait une forme de malédiction qu'elle se serait clairement épargnée si elle avait eu le choix.

Elle n'avait jamais voulu tout cela. Mais c'était un fait, et si elle était sortie, par complaisance, avec des hommes qu'elle trouvait beau, cela avait presque davantage été pour se prouver des choses à elle-même que parce qu'elle leur trouvait véritablement quelque chose. Au fond, elle réalisait qu'aucun homme ne l'avait jamais réellement attiré en dehors de Jacob. C'était lui, toujours lui, seulement lui, et plus elle s'imprégnait de cette pensée pour le moins catégorique, plus elle s'engageait sur une pente des plus dangereuses... Elle le savait mais ne faisait rien pour s'en extraire.

-C'est sans doute parce que les hommes plus âgés ne se sentent pas obligés de vous impressionner à tout prix, remarqua Queenie avec un fin sourire, s'abstenant d'aller plus loin dans les remarques qui pourtant lui brûlaient les lèvres : mais alors que Ruby acceptait de se confier, Queenie n'avait vraiment pas la moindre envie de la braquer, c'était même la dernière de ses intentions. Je ne doute pas que tu trouveras chaussure à ton pied très vite. Déjà, tu as la sagesse de ne pas t'arrêter à l'apparence, c'est une bonne manière de faire quand on veut s'éviter des déconvenues. Même si les hommes plus âgés sont bien souvent mariés.

Bon d'accord, elle avait fini par le dire tout de même. C'était formulé sans spécialement de malveillance, mais ça avait été en revanche un peu plus fort qu'elle. En même temps, c'était là une observation très objective.

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ueenie se refusait d'avoir une vision aussi pessimiste que celle de Ruby sur le mariage. Certes, ce que disait son amie était au fond très vrai, mais Queenie était une indécrottable romantique, elle était incapable de se dire que oui, parfois, les mariages n'étaient pas heureux, et que la plupart ne l'étaient pas parce qu'ils étaient précipités. On se mariait très vite car c'était une convention sociale. La plupart des femmes ne pouvaient pas attendre avant de fonder un foyer sous le prétexte de passer pour de vieilles filles ou tout simplement de ne pas pouvoir vivre convenablement, quant aux hommes... eh bien, les hommes, c'était une autre affaire.

Oui, il était dans la nature de beaucoup de se précipiter, mais en ce qui concernait Queenie, elle devait bien reconnaître qu'elle était de ceux qui estimaient que tergiverser des mois et des années durant quand on était en ménage était une absurde idée. Elle estimait que quand on savait, on savait, et à partir du moment où on savait, il ne servait à rien. Pourquoi patienter ou se poser mille et une questions ? Si on s'aimait, on s'aimait, fin de l'histoire. Et si on s'aimait, on se mariait, voilà tout.

-Tu parles d'un détail, fit Queenie, confuse... C'est tout sauf un détail.

En tout cas, pour elle, ce n'en était pas un. Queenie devait admettre être très probablement conditionnée par son éducation et par son expérience. Ses parents étaient partis trop tôt, mais ils s'étaient aimés, profondément aimés, ils étaient un exemple de mariage réussi, et elle avait envie de penser que tous les mariages autour d'elle devraient se passer d'une manière équivalente. Bien sûr, c'était absolument ridicule, comme manière de penser, mais elle ne savait lutter contre cette vision pour le moins étriquée.

-Bien sûr que l'amour est fait pour durer éternellement. Et quand on a trouvé la bonne personne, c'est... évident.

Elle allait passer pour parfaitement naïve et irrationnelle, elle le savait, dans le fond, et elle regrettait l'idée que croire en l'amour puisse donner de vous une telle image. Mais elle n'arrivait pas à le croire le moins du monde. Non, elle était pétrie de belles images, celles des contes et des belles histoires qui finissent bien. Et elle brûlait d'y croire pour de bon.

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ueenie avait de l'amour une vision très traditionnaliste, et sans doute beaucoup trop romantique. Elle était ainsi, grande rêveuse, bercée aux histoires à l'eau de rose, qui avait désespérément attendu de connaître la sienne... elle refusait catégoriquement l'idée que parfois, les idylles finissaient mal, que certaines personnes n'étaient pas faites pour être ensemble, ou encore que l'amour de toute une vie n'était qu'un concept un peu flou, mais qui au bout du compte ne valait pas franchement grand-chose. Elle ressentait le besoin viscéral de croire au grand amour, c'était plus fort qu'elle, et par tous les moyens, elle devait parvenir à obtenir sa belle histoire, et qui, tout naturellement, se terminerait bien.

Pourtant, ce n'étaient pas les exemples qui manquaient autour d'elle, et qui devaient la convaincre du fait que les affaires de coeur étaient bien plus complexes que cela. Elle qui avait si facilement accès aux pensées de ses pairs, elle n'était pas en mesure d'ignorer les manigances d'un grand nombre d'hommes et de femmes. Combien étaient-ils à se tromper ? Combien étaient-ils à se mentir et se trahir ? Sans doute plus nombreux qu'ils ne l'étaient à être vraiment heureux et amoureux. La jeune femme était contente, vraiment.

-Et moi je le suis trop, affirma Queenie avec un fin sourire quand Ruby suggéra qu'elle n'avait pas nécessairement l'esprit très romantique. C'est le genre de choses qui changent lorsque l'on rencontre la bonne personne, assura-t-elle avant de prendre conscience du fait qu'elle insistait beaucoup trop.

Certes, son amie ne lui en tenait pas rigueur : elle acceptait le point de vue de Queenie, tout comme elle-même acceptait d'entendre le point de vue de Ruby, qui au fond était le plus partagé, surtout par de très nombreuses personnes qui avaient eu l'occasion d'être désillusionnés de longue date. Mais aux yeux de Queenie, ces désillusions ne veulent rien dire. C'est facile de se penser amoureux, mais c'est une autre affaire quand on l'est réellement... C'est comme en amitié, au fond. Les vraies amitiés, celles auxquelles il faut accorder une valeur toute particulière, sont celles que l'on retiendra toujours quoi qu'il advienne.

-Mais je n'insiste pas, je sais que je ne réussirai pas à te convaincre.

Et ce n'était pas à elle de la convaincre de ce genre de choses quoi qu'il en soit.

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ueenie afficha un sourire. Au fond, à ses yeux, ce n'était pas juste une question de point de vue. Il était question d'une certitude à laquelle elle avait besoin de se raccrocher désespérément, et qui faisait qu'elle prenait probablement ce sujet beaucoup trop à coeur, bien plus qu'elle ne le devrait en réalité. Elle en avait conscience, au fond, mais c'était plus fort qu'elle. Queenie était amoureuse, et elle agissait et s'exprimait en femme non seulement amoureuse mais terriblement meurtrie du fait de ce même amour. Elle avait besoin d'être comprise et, assez injustement, il est vrai, elle avait aussi envie que tout un chacun soit capable de lire entre les lignes sans avoir besoin d'exprimer son point de vue d'une manière plus concrète et intelligible.

Car à la question que Ruby venait de le poser, elle ne pouvait que répondre une seule et unique chose. La réponse était si évidente, si réelle, si concrète pour elle qu'elle transcendait absolument tout le reste. Bien sûr qu'elle avait rencontré la bonne personne... Le problème, c'est qu'elle et lui avaient été les seuls à voir les choses ainsi. C'est difficile, vraiment, de réaliser avoir trouvé son âme soeur et de ne pas être capable pour autant de faire les choses de la bonne manière, de la meilleure des manières, même... De se sentir entravé dans ses décisions et dans ses choix, au point même d'avoir le sentiment que ces derniers nous étouffent et nous empêchent à plus d'un titre de se révéler et d'être ni plus ni moins que nous-mêmes.

-J'ai rencontré la bonne personne, oui. Mais... Elle poussa un soupir. C'est compliqué.

Compliqué signifiait ici impossible. Elle hésitait à s'épancher plus en détails sur la question auprès de son interlocutrice mais même si elle lui faisait confiance, ça restait trop dangereux. Il fallait qu'elle étouffe cette histoire, qu'elle l'enterre... Elle ne pourrait jamais mettre fin à ses sentiments, mais elle pourrait en tout cas s'efforcer de garder la face, ne serait-ce que parce qu'elle savait pertinemment que c'était là ce que Jacob attendait d'elle... Même s'il ne le savait plus à présent.

-C'est compliqué quand tu rencontres ton âme soeur et que tu dois accepter de ne pas pouvoir être avec elle.

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tre capable de comprendre et de mesurer les émotions et pensées d'autrui ressemble bien souvent à une malédiction, terrible, insupportable, car elle vous oblige à constater tous ces mensonges que l'on prononce à voix haute dans l'intention de faire le moins de mal possible à la personne à qui nous nous adressons. Seulement, en l'occurrence, Queenie n'est pas déçue de ce qu'elle perçoit des pensées de son interlocutrice - bien au contraire, même.

Ruby lui dit être désolée de la savoir dans une situation telle que la sienne... et Queenie sait qu'elle est totalement sincère. Ce ne sont pas des paroles qu'elle prononce dans le seul but de lui être agréable ou parce que c'est ce qui serait attendu d'elle. Elle le dit parce qu'elle le pense, tout simplement, et ce constat va droit au coeur de la jeune femme. Son coeur meurtri n'est pas apaisé
pour autant, bien sûr, il en faudrait bien davantage pour que ce soit le cas, mais Queenie parvient à se sentir apaisée malgré tout, parce que l'absence de Jacob pèse terriblement sur son coeur... et elle ressent le besoin impérieux d'en parler, et d'être comprise autant que possible.

-Pas autant que moi, répond Queenie, qui se fait violence pour ne pas pleurer en présence de son amie.

Elle ne veut pas que la pauvre Ruby devienne le témoin privilégié de ses crises de larmes et de ses coups au coeur, mais le fait est qu'elle ne sait tout simplement plus quoi faire et quoi dire, elle se sent... perdue. En parler fait du bien, mais elle se retient de parler, la plupart du temps, songeant que cela fera plus de mal que de bien à ceux de son entourage. Elle sait que ce n'est pas très juste, mais c'est plus fort qu'elle, sa douleur n'est pas la pire qui puisse être, mais elle lui étreint le coeur comme s'il s'agissait de la pire épreuve qu'elle puisse affronter au monde. C'est insoutenable, mais c'est la réalité.

-Mais il n'y a rien à faire donc... Elle hausse les épaules, même dire ces mots fait trembler sa voix d'une manière absolument incontrôlable. Tant pis.

Tant pis. Elle se déteste d'avoir à dire une chose pareille. Qu'elle ne pense pas le moins du monde.

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