Toute amitié rompue d’un côté l’est des deux | Milla & Emmett

A

ujourd'hui, Milla n'avait rien de particulier à faire, et pour la peine, elle ne faisait absolument rien de particulier. Le "métier" qu'elle faisait n'autorisait pas réellement de jours de congés, encore moins de vacances, c'était une affaire d'opportunités, et il fallait savoir rester à l'affût pour n'en manquer aucune. Cela ne dérangeait pas du tout Milla, c'était la voie qu'elle avait choisie, et ça lui allait très bien. Même si, comme n'importe qui, elle avait besoin de faire du profit, et n'était pas totalement libre de faire ce qu'elle voulait comme elle le voulait, elle estimait tout de même disposer de bien plus de libertés que la plupart, et elle savourait cette liberté sans la bouder un seul instant.

Bref, rien de prévu pour aujourd'hui, donc. A moins d'un changement de planning de dernière minute, comme cela pouvait arriver parfois, elle pouvait faire ce qu'elle voulait comme elle le voulait... Et elle n'était pas encore décidé quant à la manière d'occuper son temps libre. Aller boire un verre au Blind Pig ? C'est vrai qu'elle y avait ses habitudes, mais elle n'avait pas forcément envie de s'imposer la présence éventuelle de Gnarlak alors que rien ne l'y contraignait. Et sinon ? Sinon, elle avait envie de retrouver Ethan. Elle songeait même qu'elle pourrait facilement le retrouver chez lui, puisque sa stupide fiancée était dans tous les cas coincée à Ilvermorny la plupart du temps à présent que les cours avaient repris. Mais il était trop tôt dans tous les cas, et il devait encore se retrouver au MACUSA.

Alors, finalement, elle se contenta de sortir dans l'intention d'aller faire un tour, sans objectif vraiment particulier. Et au final, elle n'aurait pas le temps de s'ennuyer bien longtemps. Car elle avait à peine fait quelques pas hors de chez elle qu'elle croisa un visage familier. Elle sourit à Emmett. Elle était heureuse de le revoir. Ils étaient proches, quand ils étaient encore à Ilvermorny, tous les deux, et encore aujourd'hui, elle le considérait comme un ami... Même si une certaine distance s'était instaurée entre eux. Leurs choix de vie par trop différents n'avaient définitivement pas aidé, et creusé un fossé entre eux que Milla pouvait se blâmer de ne pas avoir forcément fait l'effort de combler.

-Emmett, ça faisait un bail ! Tu me cherchais ?

De toute évidence, puisqu'il lui avait demandé si elle était occupée. Elle ne l'était pas, elle était libre comme l'air, mais plus pour bien longtemps, apparemment.

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ême si Emmett et elle ne s'étaient pas vus depuis longtemps, Milla accusait sa part de responsabilité dans l'affaire, et elle voulait bien reconnaître qu'elle n'avait sans doute pas fourni les efforts nécessaires, en fin de compte, pour garder le contact. Alors elle ne voyait certainement pas accabler son ami de reproches, elle était aussi fautive que lui dans l'affaire. Aussi était-elle, pour commencer, dans d'assez bonnes dispositions à l'idée d'engager le dialogue et de rapidement rattraper le temps perdu.

Et elle pensait que c'était une possibilité, vraiment, quand elle entendit le jeune homme affirmer que tout allait bien pour elle. Elle était prête à lui répondre, elle était prête à faire la conversation, à rattraper leurs trains de retard, à lui en dire plus sur sa vie (du moins pour ce qu'il y avait d'avouable à dire - ce qui n'était peut-être pas grand-chose, en réalité, quand on y réfléchissait). Elle s'apprêtait d'ailleurs à prendre la parole, mais le jeune homme reprit la parole, coupant court à cet élan... et à toute envie de le réitérer par ailleurs.

-Ah...

Son ton était devenu froid et, croisant les bras, Milla n'essayait même pas de cacher sa déception. Qu'Emmett ne soit pas venue la voir juste pour ses beaux yeux pouvait se comprendre, mais elle avait le sentiment que le jeune homme n'attendait rien au-delà de cette petite transaction dont il était en train de lui parler. Elle n'était plus une amie - ou à peine, elle était cette fille de mauvaise vie, cette vendeuse à la sauvette, qu'il était bon de garder dans son agenda pour récupérer l'un ou l'autre ingrédient louche, sans plus.

Est-ce qu'elle pouvait l'aider ? Sans doute. Si les ingrédients étaient d'origine animale, elle aurait peut-être de quoi le fournir, et pour le reste, elle connaissait quelques adresses. Mais elle n'était pas certaine de vouloir se montrer conciliante, pour tout dire.

-Et pourquoi je t'aiderais ? demanda-t-elle, blessée dans son orgueil. En souvenir du bon vieux temps ? Quand il s'agit de récupérer un ou deux ingrédients suspects pour je ne sais pas quelle potion tordue, tout à coup, les milieux que je fréquente te dérangent moins, on dirait.

Fini de sourire, son visage s'était fermée. Elle était susceptible, malheureusement, et surtout, elle était déçue.

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N

on, c'est vrai, Emmett n'avait jamais prétendu que le milieu qu'elle fréquentait le dérangeait, mais selon elle, il n'avait pas eu besoin de dire quoi que ce soit pour que le message soit tout à fait clair. Peut-être qu'il ne l'était pas tant que ça, peut-être qu'elle devrait laisser sa chance à son interlocuteur plutôt que de se braquer d'entrée de jeu, mais c'était loin d'être facile pour la jeune femme. Il était toujours plus simple à ses yeux de remettre en cause le comportement des autres que de se remettre elle-même en question, il fallait bien qu'elle le reconnaisse.

En l'occurrence, les paroles du jeune homme ne réussissaient pas à la convaincre du fait qu'elle ait pu être dans l'erreur, en vérité. Elle fréquentait le milieu qu'elle voulait, encore heureux, mais elle, de mauvaise foi, sans doute, sentait qu'Emmett devrait y ajouter un "du moment que tu le fréquentes sans moi". D'accord, elle ne pouvait pas lui reprocher non plus de vouloir en règle générale se tenir à l'écart des milieux peu fréquentables qui faisaient partie de son quotidien, elle espérait pour lui-même, d'ailleurs, qu'il s'en tienne éloigné... Mais la déception restait la même.

Milla était tout simplement vexée, déçue que son ami soit venu la trouver dans l'unique but de lui demander un service. A des fins professionnelles, en somme. Elle n'avait certes pas souvent imaginé leurs retrouvailles, mais si elle avait dû le faire, il était évident à ses yeux qu'elle ne se les serait pas figurées ainsi. Quand il parla de rémunération, elle se sentait presque plus vexée encore. Alors qu'en vérité... encore heureux, qu'il la payait, qu'il n'espérait pas qu'elle lui rendrait service au nom de leur complicité passée.

-J'en veux pas, de ton argent, déclara-t-elle sèchement. C'était évident, un jour ou l'autre, son ego mal placé lui jouerait des tours, si ce n'était pas déjà le cas. Quitte à devoir accepter le fait que cette conversation ne soit jamais qu'une simple transaction, elle devrait au moins s'arranger pour que cette dernière lui rapporte quelque chose. Mais non... Elle ne voulait vraiment pas que l'homme la paye et qu'il devienne en conséquence un client comme n'importe quel autre. C'est quoi, les ingrédients dont t'as besoin ?

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illa n'avait pas du tout envie de se retrouver dans cette situation. Ca faisait un moment qu'Emmett et elle ne s'étaient pas vus, elle n'avait pas envie que la situation reste à ce point froide... Elle préférerait largement passer un bon moment avec lui et rattraper le temps perdu... Mais elle était fière, et rancunière. Alors elle n'était pas capable de pardonner à son ami cette situation, même si elle en était tout autant responsable que lui. Il était venu la voir parce qu'il savait qu'elle pouvait l'aider, et il avait été prêt à la payer pour ça.

Eh bien, elle l'aiderait, mais jamais de la vie il ne paierait. Si leurs relations commençaient à devenir "commerciales", elle aurait le sentiment d'avoir dépassé un nouveau seuil avec lui, et c'était une pensée infiniment déplaisante, qu'elle n'avait pas la moindre envie de concevoir, en aucun cas. En revanche, elle comptait l'aider tout de même. Quand bien même cette situation n'était pas plus agréable pour lui que pour elle, elle n'avait pas du tout envie que leur discussion touche à son terme ici et maintenant. Même s'ils devaient, au final, ne rien se dire d'autre que le minimum syndical.

-J'ai dit que j'allais t'aider alors je vais t'aider. Je fais rarement quoi que ce soit en me forçant, répondit Milla, avec un soupçon de mauvaise foi tout de même, car ce n'était pas franchement de bonne grâce qu'elle consentait à lui rendre service.

Ceci dit, son esprit de contradiction jouait son rôle, là aussi. Le jeune homme se cherchait-il un prétexte pour mettre un terme rapide à cet entretien ? Dans ce cas, elle ne lui donnerait pas raison et ferait en sorte qu'il dure, bien au contraire, le plus longtemps possible. Qui sait, peut-être que les esprits s'imposeraient au bout d'un moment.

- Et puis, si c'est pour que tu te tournes vers je sais pas qui qui va te la mettre à l'envers en te refourguant je sais pas quelle camelote, c'est de toute façon hors de question. Elle croisa les bras. Alors, tu as besoin de quoi ? répéta-t-elle afin de bien lui faire comprendre qu'elle ne changereait pas d'avis quoi qu'il en soit. Comme sur le fait de ne pas être payée.

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M

illa balaya les remerciements d'Emmett d'un revers de la main tout en déchiffrant du mieux qu'elle pouvait l'écriture sur la liste que son ami (s'il l'était encore) lui avait confié. Elle se fichait bien de ses remerciements, ce qu'elle voulait, c'était retrouver leur amitié telle quelle avait été. Mais cette situation jetait définitivement un froid qui n'allait probablement pas se dissiper en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. C'était tout du moins bien peu probable.

La jeune femme fronça les sourcils. Elle avait un peu de mal à tout décoder de l'écriture fine et tordue sur le bout de papier tendu par le jeune homme. Elle avait comme l'intuition que cette écriture n'était même pas celle du jeune homme. Elle ne savait pas vraiment dans quoi Emmett s'était embarqué exactement, mais de ce qu'elle parvenait à comprendre de ce qu'elle avait entre les mains, ce n'était pas forcément une situation très enviable. En même temps, il ne serait pas venu la trouver si les ingrédients qu'il cherchait à obtenir pouvaient être facile à obtenir sur un marché disons plus... légal.

-Va falloir que tu m'aides à déchiffrer certains ingrédients, observa-t-elle alors en relevant le nez de la liste pour poser son regard sur Emmett. Mais dans l'ensemble, de ce que le vois, je devrais pouvoir t'apporter ce que tu veux d'ici une à deux semaines à peu près.

Elle avait des contacts, en plus des éléments déjà à sa disposition, alors si elle tirait sur quelques ficelles, si elle s'adressait aux bonnes personnes, ça ne devrait pas lui demander trop longtemps au bout du compte.

-Je suis pas potioniste mais... j'ai quand même l'impression que tout ça, c'est pas juste pour fabriquer une bête potion contre les furoncles, observa-t-elle ensuite. Ce semblait évident mais elle le faisait remarquer tout de même, plus dans l'espoir que son interlocuteur satisfasse sa curiosité qu'autre chose. Même s'il laisserait peut-être ses questions en plan et se contenterait de la remercier une fois de plus pour sa contribution avant de disparaître du paysage. Dans quel merdier est-ce que tu t'es fourré, Emmett ?

Le temps avait passé, leurs chemins avaient des trajectoires différentes, mais qu'ils se recroisent dans ce contexte particulier n'était pas du tout rassurant, loin de là.

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illa voulait bien croire Emmett sur parole quand ce dernier lui répondait par un "c'est compliqué", c'était au-delà d'évident. Oui, c'était clairement compliqué, parce qu'on ne réclamait pas de tels composants si ce n'était pas dans l'intention de procéder à une expérience qui, au mieux, flirtait seulement avec la magie noire, au pire, y plongeait à coeur perdu. En tous les cas, Milla ne se sentait pas à l'aise avec l'idée de fournir tous ces éléments à son ami. D'un autre côté, si elle ne le faisait pas, dans l'espoir de le préserver, peut-être exposerait-elle le jeune homme à des risques plus importants encore, et il n'en était bien sûr pas question. Pas le moins du monde. Emmett ajouta qu'il ne pouvait vraiment pas lui en parler, ce qu'elle aimait encore moins, pour tout dire. Il était loin, le temps où ils pouvaient tout se dire. Si ce temps avait seulement déjà existé.

-Mais je m'en fiche totalement, des répercussions que ça peut avoir sur moi, si tu savais à quel point. Je t'ai pas attendu pour me faire des ennemis, tu sais.

Au vu du milieu qu'elle fréquentait et des pratiques auxquelles elle s'adonnait, elle n'était clairement pas blanche comme neige, et définitivement, ce ne serait pas du tout un problème pour elle que de s'attirer plus d'ennuis. Elle savait faire avec, elle ne s'inquiétait très honnêtement de rien, de rien du tout, même. Et pour le coup, la jeune femme préférait largement privilégier la sécurité de son interlocuteur que la sienne propre. Elle savait se défendre et prendre soin d'elle(même, elle y était habituée.

-Ce qui m'inquiète, c'est les répercussions que ça peut avoir sur toi. Elle n'avait pas l'intention de lâcher le morceau, elle avait besoin de comprendre dans quoi son interlocuteur s'était embarqué pour essayer, si possible, de l'aider du mieux qu'elle le pouvait, ou encore de le sortir de là une bonne fois pour toutes.

La façon dont il lui parlait de sa situation lui laissait présager le pire. Elle espérait de tout coeur se tromper, et que la situation ne soit pas si grave que cela. Mais elle était loin d'être naive à ce point. Elle évoluait dans ce milieu depuis beaucoup trop longtemps pour avoir ne serait-ce que conservé quelques bribes d'illusions.

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illa sentait qu'il allait être difficile de tirer les vers du nez de son interlocuteur, si elle pouvait seulement y parvenir. Emmett n'en donnait pas forcément l'air, ou pas toujours, parce qu'il avait laissé une autre gérer les principaux aspects de sa vie. Mais quand il le voulait, il pouvait vraiment tenir bon et rester campé sur ses positions. Alors il était bien possible que, peu importe la manière dont elle présenterait les choses, il ne voudrait pas lui répondre... Mais ça lui était bien évidemment égal, elle comptait insister dans tous les cas.

Non, elle n'oubliait pas miraculeusement les tensions entre eux, et oui, elle avait toujours de la rancoeur envers lui... il n'empêche qu'il avait été son ami avant toute autre chose, et elle ne pouvait pas non plus balayer d'un revers de la main leur amitié passée. C'était bien parce qu'elle ne pouvait pas tirer un trait dessus si facilement qu'elle ne pouvait pas le voir fourrer son nez dans elle ne savait quelles affaires sordides sans chercher à intervenir, ne serait-ce qu'un minimum.

Il avait peut-être perdu une part de son estime, voire de son affection, mais certaines choses demeuraient et ne pouvaient pas être effacées, une sorte de loyauté tacite qu'elle aurait bien du mal à expliquer, et qui faisait qu'en ce moment même, elle était beaucoup trop inquiète en plus d'intriguée pour accepter d'accéder à la demande d'Emmett sans broncher et sans exiger davantage d'explications. Non, ce n'était pas possible, elle avait besoin de savoir. Même si la réponse allait peut-être lui déplaire ou l'obliger à reconsidérer une nouvelle fois le regard qu'elle portait sur son ancien ami.

-Pourtant c'est simple : je veux que tu me dises ce que tu comptes fabriquer avec tout ça, dit-elle en désignant la liste qu'il lui avait tendue plus tôt. Je veux situer à quel point tu es dans la merde ou non. Pourquoi t'as besoin de tout ça... pour qui t'as besoin de tout ça ?

Est-ce qu'elle aurait le pouvoir ou la possibilité de le sortir de ce merdier si elle en apprenait plus ? Ce n'était franchement pas dit du tout, et rien, définitivement rien, ne le garantissait. Mais Milla tenait malgré tout à le savoir, à le comprendre.

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illa grimaça en entendant Emmett affirmer que la potion était pour sa mère. Elle acceptait de le croire, parce qu'elle savait combien le jeune homme était dévoué à cette femme, mais ce n'était pas pour autant qu'elle se sentait plus rassurée. Ce n'était pas parce que tous ces items n'étaient pas pour lui qu'il n'allait pas accuser les répercussions de ce qui se tramaient, surtout si sa mère était dans le coup.

Mina Presley serait tout à fait capable d'entraîner son fils par le fond avec elle juste pour ne pas avoir à se séparer de lui... enfin... c'est ce qu'elle supposait de ce qu'Emmett lui avait dit de cette femme et des liens qui les unissaient, mais elle n'était pas forcément à la page, vu l'état actuel de leurs relations, qui ne ressemblaient plus vraiment à de l'amitié, même si le sang d'encre que Milla se faisait pour son interlocuteur lui prouvait bien qu'elle était loin d'être indifférente ou de se ficher de celui qu'elle devait donc encore considérer comme un ami sans pour autant daigner le dire en ces termes.

-Et elle pouvait pas faire les courses elle-même, ta mère ? soupira Milla.

Bon, elle ne savait pas pourquoi elle insistait. Emmett ne lui dirait rien, et après tout, il n'avait aucune raison de lui dire quoi que ce soit : il n'avait aucun compte à lui rendre. Elle devrait considérer cette transaction (encore que comme elle ne voulait pas être payée, ce n'en était pas réellement une en fin de compte) comme elle considérait toutes les autres et ne pas faire dans le sentimentalisme déplacé et abusif. C'était jamais bon de mélanger le business et le personnel, peu importe les circonstances. C'est pas comme si elle n'était pas au courant, en plus.

-Si t'étais en danger, tu me le dirais, pas vrai ? osa-t-elle quand même demander tout en sachant que la question était finalement inutile.

Elle savait d'avance ce qu'Emmett allait lui répondre, qu'il n'était pas en danger et que tout allait bien... Sans compter que non, il n'avait aucune raison de lui dire quoi que ce soit. C'était cette conversation, là, et les circonstances bizarres de leurs retrouvailles qui faisaient que l'inquiétude prenait le pas sur la rancoeur, mais elle ne devait pas oublier que leur amitié appartenait au passé. Et quand les choses appartiennent au passé, le mot d'ordre est de ne jamais regarder en arrière. Elle le savait, pourtant.

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illa, en entendant la réponse de son interlocuteur, eut la confirmation de ce qu'elle redoutait bel et bien : cela ne faisait donc plus le moindre doute, son ami s'était bel et bien fichu dans la panade, il était sans doute dans les ennuis jusqu'au cou, et même si la situation était particulièrement tendue entre eux dernièrement, ce n'est pas pour autant qu'elle avait l'intention de demeurer indifférente à un sort qui pourrait lui être si ce n'est fatal du moins dangereux. Elle était rancunière, certes, mais elle restait une amie loyale, même quand elle décidait de ne plus le montrer. Elle ne pouvait demeurer insensible à la détresse de son ami, même si ce dernier la faisait passer pour autre chose. Si elle pouvait, de quelque manière que ce soit, intervenir, elle ne se priverait pas de le faire. Elle estimait même qu'il était de son devoir que de le faire, d'ailleurs.

Donc oui, il était évident pour Milla qu'Emmett s'était fichu dans le pétrin. Dans le cas contraire, il se contenterait d'affirmer que tout se passait bien pour lui et qu'elle s'imaginait des choses qui n'avaient pas lieu d'être. Elle n'y croyait pas une seule seconde. Elle ne s'imaginait rien, il était bel et bien en train de se tramer quelque chose chez lui, et elle avait envie, besoin même de savoir quoi afin de pouvoir convenablement lui porter secours. Mais
pour cela, il fallait qu'il parle, et ça, ce n'était pas gagné.

-Emmett, tu sais parfaitement comment je vis, pas vrai ? C'était même sa manière de vivre qui avait engendré de premières frictions entre eux, c'était dire. Je n'ai besoin ni de toi ni de personne pour me mettre en danger, je le fais très bien par moi-même, répliqua-t-elle alors très sérieusement.

C'était on ne peut plus vrai. Elle n'avait définitivement besoin de personne pour cela, elle savait très bien y faire par elle-même pour se mettre dans les pires situations possibles. Elle n'avait besoin de l'aide de personne : elle fréquentait sans cesse les mauvaises personnes, elle se montrait particulièrement imprudente, et elle préférait choisir les dangers dans lesquels elle se fourrait, comme choisir, par exemple, de se mêler des affaires d'Emmett, peu importe qu'il ne soit pas d'accord.

-Si tu ne m'expliques pas ce qui t'arrives, je le découvrirai autrement.

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on, en effet, ce n'était pas un danger que Milla connaissait. Ce n'était pas un danger que Milla connaissait parce qu'Emmett ne lui donnait pas accès à la vérité, sous quel prétexte exactement ? Qu'elle ne comprendrait pas, peut-être, ou qu'elle s'y retrouverait impliquée, soit... C'était sans doute noble en soi, mais Milla s'en fichait bien. Elle avait le pied, voire les deux, dans tellement de coups fourrés qu'elle avait bien du mal à croire qu'elle pourrait être réellement inquiétée ou impressionnée par ce qu'Emmett pouvait lui cacher. Certes, ses réticences l'inquiétaient, mais cela ne venait finalement que conforter son intuition première. Elle ne pouvait pas laisser le jeune homme seul avec les démons qu'il devait manifestement affronter, qu'importe leur nature.

Certes, leur amitié en avait à peine le nom à l'heure actuelle, mais ce n'était certainement pas pour autant qu'elle avait l'intention de le laisser et d'écouter son discours alarmant en décidant qu'elle n'en avait rien à faire. Oui, Milla était tout à fait capable de faire preuve d'un insupportable égoïste quand elle s'y mettait, et ses intérêts pouvaient aisément passer avant ceux des autres, mais elle conservait tout de même un certain sens de la loyauté, y compris en compagnie des personnes qui l'avaient pourtant déçue. Plus il parlait, plus il cherchait à la dissuader, plus il voulait lui faire comprendre qu'elle devait rester à l'écart moins elle avait envie de l'écouter.

Chaque pas en arrière qu'il faisait lui donnait, à elle, l'envie d'en faire deux en avant, histoire de le rejoindre, peu importe les méandres dans lesquels il s'était engouffré. Et pas qu'un peu, à l'évidence. Il en trop peu, mais à son discours, il n'était tout de même pas difficile de comprendre qu'il était dans la merde jusqu'au cou. Il était coincé, et elle n'avait aucun mal à croire que c'était bel et bien ainsi qu'il l'interprétait, et qu'il se voyait incapable d'interpréter les choses d'une autre façon. Mais parfois, quand on était coincé dans ce genre de spirale infernale, on avait du mal à voir et à comprendre qu'on avait justement besoin d'une aide extérieure pour nous sortir de là. Il pouvait s'en sortir, mais il devait accepter sa main tendue. Et ce n'était clairement pas gagné, il lui donnait plus que du fil à retordre, en l'occurrence.

-Avant de décider que je ne peux rien y faire, laisse-moi au moins l'opportunité d'en juger par moi-même. Elle marqua une pause. S'il te plaît, dis-moi ce qui t'arrives. Je continuerai d'insister jusqu'à ce que tu craques, crois-moi on gagnera du temps tous les deux si tu craches le morceau tout de suite.

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lairement, Milla s'était montrée beaucoup trop insistante, mais au regard de ce que son interlocuteur était en train de lui apprendre, elle ne regrettait certainement pas d'avoir insisté. Elle aurait vraiment aimé se tromper, ou encore que la situation soit moins grave que ce qu'elle présumait, mais à l'évidence, c'était même pire encore que tout ce qu'elle avait bien pu envisager. Allez savoir comment il s'y était mis, mais ce qui était certain, c'est qu'Emmett Presley s'était définitivement mis dans un sale pétrin.

Elle le comprit immédiatement quand il prononça le nom de Gellert Grindelwald. Elle ne prit pas la peine de répondre à sa question, qui forcément devait être rhétorique. Bien sûr qu'elle connaissait Grindelwald. A ce stade, et plus encore depuis les événements du Nouvel An, il fallait clairement avoir vécu ni plus ni moins que dans une grotte pour ne pas savoir qui c'était. Et même s'il avait été un obscur mage noir à peine connu du Macusa, elle en aurait forcément entendu parler. Après tout, elle gravitait dans les milieux les moins conventionnels du domaine de la sorcellerie, alors elle en savait clairement quelque chose.

Mais c'était un nom qu'elle n'avait surtout pas voulu associer à Emmett, et se retrouver dans l'obligation de le faire lui déplaisait terriblement, force était de le dire. Surtout la manière dont il lui en parlait. On aurait presque dit qu'il parlait de quelque chose de tout bête, de banal, alors que c'était de son avenir et de sa liberté qu'il était question, ce n'était pas comme si c'était un choix que l'on faisait à la légère, ou une contrainte de laquelle l'on pouvait s'exempter à n'importe quel moment. Non, c'était, bien sûr, beaucoup plus compliqué que cela.

-On n'est jamais "plus ou moins" contraint de travailler pour Grindelwald. On travaille pour lui ou non, et quand on ne travaille plus pour lui, on n'en revient pas, mais je ne t'apprends rien, pas vrai.

Elle savait qu'il n'était pas temps de le réprimander, mais il lui était difficile de faire autrement, parce qu'elle avait peur qu'il ne réalise pas la gravité de la situation, et surtout, elle était inquiète, vraiment très inquiète pour lui.

-Merlin, Emmett ! Comment est-ce que tu t'es retrouvé dans une telle galère ?

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ien sûr, la question de Milla était rhétorique. Elle était bien placée pour savoir que quand on se retrouvait dans ce genre de situation, on ne l'avait pas décidé... Enfin, tout dépend... Milla avait souvent des ennuis, mais ce n'est clairement pas sans raison. Mais en même temps, Emmett n'avait jamais été comme elle, et ça avait même été un sujet de discorde entre eux. Bref, elle se doutait que s'il était dans les ennuis jusqu'au cou, ce n'était pas pour rien, mais ça ne la rassurait pas du tout. Elle ne savait pas si elle serait capable de faire quoi que ce soit, mais dans tous les cas, elle avait la ferme intention d'y mettre son grain de sel : elle ne pouvait certainement pas tolérer ça.

-J'ai toujours su que ta mère t'attirerait des emmerdes, soupira Milla, et pour cause, sans savoir le détail de la relation entre la mère et le fils, elle avait toujours été convaincue du fait qu'elle avait une trop forte influence sur lui. C'était quelque chose qu'elle avait souvent constaté, une chose qu'elle avait souvent redouté. Vraiment, elle n'aimait pas apprendre ça, mais qu'importe. Par contre, on n'arrive à rien dans la vie en se contentant de se dire qu'on ne peut s'en prendre qu'à soi-même. C'est trop facile, ça ! Tu ne peux pas te contenter de te dire que les choses sont comme elles sont et de les accepter alors qu'elles te rendent malheureux sous le prétexte que tu ne serais pas capable de faire autrement.

Elle connaissait le tempérament d'Emmett, elle savait que ce n'était pas simple pour lui, mais ce n'est pas pour autant qu'elle avait l'intention de le ménager, loin de là, même. S'il fallait qu'elle le bouscule, et bien elle le bousculerait, et sans hésiter. Elle laissa passer un temps de pause. Elle savait que ce n'était vraiment pas si simple, mais passons.

-Si tu penses que tu n'es pas capable de te sortir de ce bourbier, je vais te prouver le contraire. Moi je vais t'en sortir, tu verras, ajouta-t-elle avec un fin sourire. Ne perds pas espoir : je te laisse pas tomber, je te le promets.

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