La déception est une étape que tout homme doit surmonter | Marlon & Eduardus

L

a nuit était tombée depuis un moment déjà quand Marlon put quitter l'hôpital sorcier de New York. Il avait largement dépassé ses horaires de travail, mais c'était une habitude. Quand il se retrouvait dans le feu de l'action, il avait toutes les peines du monde à mettre un pas de côté et à s'arrêter. Il fallait généralement que ses collègues l'incitent à partir pour qu'il constate à quel point il avait fait de minutes voire d'heures supplémentaires. Oui, il était grand temps qu'il rentre chez lui, même si rien ne pressait.

Il avait travaillé en partie de nuit, et de toutes les manières, Cassandra était prévenue. Elle serait certainement couchée à son retour, et ne manquerait sans doute pas grand-chose car le médicomage, perclus de fatigue aurait sans doute grand peine à tenir une conversation cohérente pendant trop longtemps. Tant qu'il était dans le feu de l'action, il ne ressentait pas la fatigue. L'adrénaline le maintenait éveillé, et il évitait de s'octroyer des pauses trop longues ou trop nombreuses pour cette exacte raison : parce qu'il savait que s'il tardait un peu trop, alors toute son énergie retombait comme un soufflé, et alors, il n'était plus capable de rien.

Marlon aurait directement pu transplaner jusque chez lui, mais ce ne fut pas ce qu'il fit. Il avait bien envie de marcher un peu. Il appréciait l'ambiance qui régnait dans les rues de New York en pleine nuit, quand la ville qui ne dormait jamais somnolait tout de même un peu... au point que les rues étaient calmes. Peut-être trop calmes, donc dangereuses, diraient certains, mais Marlon ne s'inquiétait de rien à ce sujet. Il devrait peut-être.

Il reconnut la voix d'Eduardus avant de reconnaître sa silhouette, et aussitôt, il tira sa baguette de sa poche. Ils ne s'étaient pas vus depuis une éternité, et pour cause... Les prédictions de Cassandra, comme quasiment toujours, s'étaient révélées d'une précision redoutable. Son grand ami d'Ilvermorny s'était bien transformé en monstre assoiffé de sang, aujourd'hui recherché par les autorités magiques américaines.

-Qu'est-ce que tu me veux, Eduardus ? demanda Marlon, toujours agrippé à sa baguette.

A l'entendre, on pourrait presque croire qu'il lui reprochait d'avoir mis fin à leur amitié, et d'être déloyal, mais franchement, au vu du parcours peu reluisant d'Eduardus, Marlon ne regrettait rien. Certes, on pourrait dire que lui-même n'avait pas mieux tourné en se rangeant du côté de Grindelwald, mais ce serait oublier pourquoi il le faisait. Certainement pas pour satisfaire un sadisme latent, mais justement, pour empêcher des guerres aussi destructrices que celles auxquelles il avait déjà assisté.

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eut-être que c'était le hasard qui les avait placés sur le chemin l'un de l'autre (encore que Marlon en doutait sincèrement, puisqu'il était difficile de croire dans le hasard quand on partageait son quotidien avec une personne qui n'avait de cesse que de vous rappeler que le destin existait bel et bien), mais en attendant, c'était bel et bien lui qui venait l'aborder, donc c'était bien qu'il devait lui vouloir quelque chose, même si c'était juste par plaisir de lui casser les pieds, ce que Marlon s'épargnerait bien et ce qu'il ne trouvait pas, au passage, franchement malin, pas alors que les hommes du MACUSA l'avaient dans le collimateur et qu'il devrait faire profil bas.

Certes, les Aurors avaient d'autres chats à fouetter ces derniers temps, mais il devrait sans doute s'abstenir malgré tout de tenter le diable. C'est ce que Marlon ferait à la place d'Eduardus en tout cas. Mais il n'était pas à la place d'Eduardus évidemment (et il s'épargnerait bien au passage de l'être un jour même si la voie qu'il avait choisie pouvait le rapprocher de contrariétés du genre, il est vrai).

En effet, Cassandra n'avait pas vu venir cette rencontre - ce qui était plutôt bon signe, cela devait signifier qu'elle resterait globalement insignifiante et qu'Eduardus ne laisserait pas parler ses pulsions meurtrières avec lui - c'était préférable. Cassandra n'était pas un calendrier ou miss météo, elle avait mieux à faire que de lui tirer les cartes chaque jour que Merlin faisait. Et par ailleurs, ils étaient plutôt d'accord quant au fait qu'il était préférable qu'il en sache le moins possible sur son propre destin.

-Eh bien, qu'est-ce que tu as Eduardus, tu es jaloux, peut-être ? Tu penses me couvrir de honte en suggérant le fait que j'aime et admire la femme que j'ai épousé. Il est certain qu'il n'est pas nécessaire d'être voyant pour deviner qu'une telle relation te sera pour toujours inconnue, mais si tu estimes que tes propos sont une attaque, alors tu devras considérer ton discours. Il afficha un fin sourire. Si Cassandra me demandait de me jeter par la fenêtre, je le ferai, aveuglément, et en étant complètement certain que c'est la meilleure chose à faire pour moi-même. Tu ne connaîtras jamais un tel sentiment de confiance et de sécurité, et rien que pour cette raison, entre autres nombreuses autres, je te plains sincèrement.

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duardus devait sans doute se penser très fin et croire ses remarques blessantes, la vérité était qu'elles laissaient complètement Marlon de marbre. Il y avait longtemps qu'il avait dépassé la phase de remise en question quand il était question de Cassandra. Elle lui avait bien assez prouvé qu'il pouvait croire en elle aveuglément, et au demeurant, le sens du sacrifice dont il se sentait capable pour elle était absolument partagé, aussi ne gâchait-il absolument rien ni ne se gâchait-il en donnant tant d'importance à son mariage.

Il vivait, bien au contraire, une expérience terriblement unique, qu'il était impossible de comprendre tant qu'on ne l'expérimentait pas soi-même. Rien d'étonnant, donc, qu'Eduardus la moque et l'accueille avec cynisme. Fort heureusement, son opinion ne représentait absolument rien pour lui... En même temps, il se verrait mal prendre ombrage des remarques d'un type qui tuait pour passer le temps et qui considérait le meurtre comme un loisir ou comme un prétexte pour faire du tourisme.

Cette considération bien établie, évidemment que seule l'indifférence méritait de faire office de réaction à ses remarques. D'ailleurs, il ne devrait même pas répliquer tant c'était idiot et peine perdue. Mais forcément, quand on touchait à son épouse et à l'intégrité de celle-ci, il avait tendance à devenir un peu tatillon. Il était sur la défensive parce qu'il voulait la défendre, elle. Quand bien même il savait pertinemment que Cassandra n'avait absolument pas besoin de lui pour ça et était tout à fait capable de se défendre par ses propres moyens, et sans l'aide de qui que ce soit.

-C'est drôle de constater que ta virilité est à ce point fragile que tu penses atteindre autrui en remettant en question la leur. Marlon fourra ses mains dans ses poches. A vrai dire, j'ai du mal à comprendre ce qui peut vraiment t'intéresser dans ma relation avec ma femme ni en quoi ce qu'elle fait de moi ou non mérite qu'on en débatte tous les deux.

A plus forte raison qu'il l'avait connu avant qu'il ne rencontre Cassandra. Il devrait donc savoir que non, sa relation ne l'avait pas transformé en lavette. Il n'avait au contraire jamais été plus brave, plus sûr de lui et plus déterminé que depuis qu'il l'avait à ses côtés.

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en prendre à sa femme, ce pouvait être la meilleure façon d'atteindre Marlon tant elle était au centre de son univers. Il serait capable de renoncer à absolument tout ce qu'il possédait pour peu que cela lui permette de rester auprès de son épouse, et il n'y avait rien qui pourrait changer ce sentiment. L'attaquer, c'était, par conséquent, prendre le risque de subir sa colère. Mais l'attaquer lui sous le prétexte qu'il serait soumis à sa femme, en revanche, ne lui faisait ni chaud ni froid. Il voulait bien être traité de lavette des milliers de fois contre une seule journée en compagnie de la femme qui faisait battre son coeur.

Aussi, il ne se laissait pas spécialement affecter par les propos de son interlocuteur, y compris quand ce dernier voulait remettre en question sa virilité. Donnant-donnant, Marlon faisait de même, mais à la vérité, il s'en fichait bien. Le fait qu'Eduardus se sente tout de même la nécessité d'affirmer que sa virilité se portait bien le fit franchement sourire. Généralement, ceux qui s'en justifient sont ceux qui ont quelque chose à cacher... pas qu'il considère que c'était le cas de son interlocuteur, mais il aimait se faire cette observation, quoique silencieusement.

-Tu as l'air d'en parler comme quelque chose de grave. Oui, ma vie tourne autour de ma femme, et je ne vois pas le moins du monde en quoi c'est un problème.

En fait, ce n'était pas tant que sa vie tournait autour d'elle que leurs vies étaient si fondamentalement liées qu'ils ne pouvaient être dissociables. Leurs vies étaient liées par des dizaines d'aspects. Ils formaient un tout, et loin de les affaiblir, cela les rendait plus forts. Ceux qui n'étaient pas capables de connaître et de comprendre cela devaient être, à ses yeux, profondément malheureux.

-Ah, c'est donc de ça qu'il s'agit ? répliqua Marlon, amer, quand Eduardus développa son propos. Tu es jaloux ? Est-ce que tu ne t'es jamais demandé si le fait que j'ai pris mes distances avec toi avait plus affaire avec tes choix de vie qu'avec mon mariage, par le plus grand des hasards ? demanda-t-il avec froideur.

Quelque part, il était touchait parce que sous-entendaient les propos de son interlocuteur, mais il était bien décidé à ne pas le montrer.

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Eduardus le voie comme un cas désespéré, Marlon l'avait bien compris. De la même manière, il avait aussi intégré que son opinion à son sujet, à ce stade, ne changerait pas, il n'est visiblement pas en mesure de comprendre les sentiments qui l'animent et ce qu'ils signifient à ses yeux, il n'était pas capable de se mettre à sa place, et puisque ce ne serait jamais le cas, autant ne pas insister, il était assez évident que cela ne servirait absolument à rien.

-On change tous, Eduardus, ça s'appelle mûrir et évoluer, et c'est une bonne chose. Si tu n'es pas capable de t'en rendre compte, qu'est-ce que tu veux que je te dise...

Eduardus ne s'excuserait certainement pas d'être l'homme qu'il était devenu grâce à Cassandra. Il ne serait jamais, bien au contraire, suffisamment reconnaissant pour tout ce qu'elle avait fait pour lui, pour tout ce qu'elle lui avait apporté. C'étaient des choses importantes pour lui, et qui lui allaient droit au coeur. Pour le reste, il pouvait se passer de l'opinion et de l'approbation de son interlocuteur. C'était dommage que les choses en soient arrivées là au point qu'ils soient dorénavant irréconciliables tous les deux, mais cela aussi faisait partie de la vie. Certaines personnes ne devaient faire qu'un bout de chemin avec vous, pas plus, avant que la situation ne s'aggrave finalement.

-Si tu refuses de croire Cassandra, c'est ton problème, si tu estimes qu'elle est une mauvaise influence sur moi, je suppose que je n'arriverai pas à te convaincre du contraire, mais en ce qui me concerne, je n'ai jamais été plus heureux que depuis qu'elle est mon épouse, et jamais de la vie je ne m'excuserai pour le bonheur qu'elle m'apporte.

Autant dire, donc, que cette conversation était complètement stérile. Tant qu'à faire, elle aurait tout intérêt à s'arrêter là, mais ce ne serait pas le cas, n'est-ce pas ? Bien sûr que ce ne serait pas le cas, ça ne pouvait bien évidemment pas l'être : la rancoeur d'Eduardus était manifeste et il ne pouvait rien faire contre. Ils avaient de sincères reproches à se faire l'un à l'autre et étaient irréconciliables : ainsi va la vie.
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arlon se permit d'adresser un sourire des plus éloquents à l'adresse de son interlocuteur au moment où ce dernier répliqua qu'il n'avait jamais parlé avec Cassandra. A ses yeux, la conversation pouvait s'arrêter là. Il ne la connaissait pas, il n'avait même pas échangé un seul mot avec elle (et vu la nature de ses activités, il avait le droit de continuer comme ça, ce n'était certainement pas Marlon qui allait encourager les deux à faire ami-ami, certainement pas), et pourtant, il posait des jugements extrêmement sévères autant qu'absurdes sur leur remation. Comme s'il avait quoi que ce soit à en dire dans tous les cas. Marlon aurait envie de dire qu'Eduardus comprendrait le jour où lui-même serait marié, mais il doutait fort que cela finisse par arriver, pour être totalement honnête.

-Je ne sais pas du tout d'où tu sors le fait que je me contente d'écouter sans me poser de questions, mais s'il te plaît de penser ainsi... pense bien que je ne vais attacher aucune valeur à la parole d'un homme qui admet de son propre chef se faire des jugement sur une situation dont il ne sait absolument rien puisqu'il n'a même pas pris la peine de connaître un des deux partis concernés. Il marqua une pause. Pas que ton opinion ait beaucoup de valeur à mes yeux, cela dit... d'un homme tel que toi, mieux vaut ne rien obtenir du tout, et notre conversation a déjà bien trop duré à mes yeux. Il esquissa un fin sourire. Tu me dégoûtes, tu me répugnes et je ne veux plus que tu m'approches. A ta grande surprise peut-être, cette opinion, je me la suis forgée toute seule. Encore que ta réputation ne t'a certainement pas aidé.

Il y allait fort, mais à force d'être piqué, il répliquait. Par ailleurs, il n'avait pas tort de s'exprimer ainsi, pas vrai ? Non, pas alors que le type tuait à tour de bras pour aucun autre motif que le plaisir morbide de n'en faire qu'à sa tête et rien d'autre.

-Quant à ce qui compte pour toi, je m'épargnerais bien d'en savoir plus. Il marqua une pause. Je m'en vais, je t'ai assez accordé de mon temps.

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