Tout péché est le résultat d'une collaboration | Milla & Eduardus

L'

ambiance qui régnait sur le marché noir était complètement délétère et chaotique, et c'était une atmosphère que Milla appréciait beaucoup, même si elle s'épargnait le plus souvent d'y faire acte de présence. Dans un premier temps, sa présence en ces lieux avait été indispensable, pour se faire connaître et faire marcher le business. Mais à présent, le bouche à oreille fonctionnait suffisamment bien pour qu'elle n'ait pas forcément besoin de se frotter à une éventuelle concurrence. Elle préférait traiter les commandes au cas par cas, en tête à tête. Et pour chaque nouvel arrivage, elle savait très bien à qui s'adresser pour que les potentiels intéressés se tournent vers elle et viennent à sa rencontre sans avoir besoin d'aller vers eux.

Et clairement, en ce moment, elle était en vaine. C'était ce qu'on disait bien souvent, il paraît. Quand un aspect de votre vie bat de l'aile, un autre bat son plein pour équilibrer. C'est sûr que sa vie personnelle serait presque aussi chaotique que cet endroit, mais en ce qui concernait son petit business, elle était plutôt fière d'elle. Bon, elle n'allait plus tarder à vendre l'occamy, elle avait fait traîner les enchères suffisamment longtemps et savait bien que certains avaient la ferme intention de le lui prendre sans dépenser un gallion, mais une fois que ce serait fait, elle serait pleine aux as.

Et même sans ça... l'air de rien, l'actualité sorcière faisait du bien à son fond de commerce, ça lui avait amené de nouveaux clients. Et à côté de ça, certains clients plus anciens lui garantissaient aussi un certain confort de vie (dans la mesure de ses critères, du moins), notamment sa collaboration avec Johannes, qui s'était révélée plus que fructueuse. Il lui avait pris la presque totalité de ses échantillons la dernière fois, c'est dire.

Pourtant, elle était bien là. Surtout pour prendre un peu la température des lieux et espionner toute concurrence éventuelle. Affairée, elle avait finalement été rejointe par Eduardus. Elle l'aimait bien, Eduardus, même s'il lui donnait parfois le sentiment de vouloir lui en apprendre sur la vie... alors qu'elle-même était beaucoup trop fière pour admettre que qui que ce soit puisse lui en apprendre sur quoi que ce soit.

-On ne peut mieux, répondit Milla avec un sourire rayonnant. Et toi ? J'ai croisé un de tes avis de recherches, l'autre jour, sympa le petit surnom. En même temps, tu l'as pas volé. Elle marqua une pause avant de reprendre. Qu'est-ce que tu viens faire ici ?

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i Eduardus était un peu moins... inconséquent, il aurait bien des raisons de se plaindre, en réalité, mais le connaissant et de ce qu'elle pensait comprendre de son tempérament, elle n'était définitivement pas surprise qu'il voie les choses de la sorte, et elle se disait que si elle devait se retrouver à sa place, elle serait sans doute de nature à réagir de la même manière, elle serait juste satisfaite d'avoir son affiche placardée sur les murs et un joli surnom à la clé. C'était quelque part flatteur de voir quelle somme on représentait pour certains, même si c'était au regard d'une justice qui rêvait de vous envoyer en prison, ou pire.

Ceci dit, si Milla devait finir dans le collimateur des Aurors (ce qui était déjà un peu le cas, elle se doutait que la somme serait pour sa part modique. Milla, elle, n'était pas un assassin... Mais elle trouvait, pour tout dire, assez fascinant le fait qu'Eduardus en soit un, et plus encore qu'il ne le soit que pour la beauté du geste, sans aucune considération annexe pour ce que ça pourrait lui apporter. C'était assez fascinant, à vrai dire.

-Oh, tu me cherchais ? répondit Milla avec un sourire intrigué en plantant son regard dans celui de son interlocuteur et en détaillant le jeune homme des yeux. Tu voulais admirer ma beauté incandescente ou tu avais une autre idée derrière la tête ?

Bien sûr, elle se doutait que l'intention d'Eduardus n'avait pas été uniquement de la voir. Même si Milla acceptait le compliment et estimait qu'il ne se fondait pas sur rien (qui pouvait-elle si elle était effectivement très belle - après tout, la modestie, elle laissait ça aux autres et sans vergogne), loin de là, elle se doutait bien que son interlocuteur avait autre chose derrière la tête, raison pour laquelle il avait d'ailleurs mis en avant le fait qu'elle faisait dans le trafic en tout genre... Enfin, de créatures fantastiques et de ce qui leur était associé, mais cela permettait de brasser large, déjà. Peut-être Eduardus avait-il besoin d'ingrédients rares pour l'une ou l'autre potion ? Quand on était en cavale comme lui, avoir du polynectar en rabe n'était pas forcément du luxe, par exemple.

-Dis-moi, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

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illa accepta le compliment, qu'elle était bien évidemment venu quérir avec ses paroles, avec un léger sourire. Elle n'avait pas réellement besoin qu'on la caresse dans le sens du poil pour avoir conscience de sa valeur, loin de là, elle était, bien au contraire, beaucoup trop consciente de ce qu'elle valait, justement, mais ce n'était pas une raison pour ne pas chercher à l'entendre quand l'occasion se présentait, comme c'était maintenant le cas.

Sauf que les compliments, c'était bien, mais les propos qui suivirent ressemblait, aux yeux de la jeune femme, à tout l'inverse. Déjà, elle voyait mal comment la phrase "Tu ne te débrouilles pas trop mal" pouvait être entendue comme autre chose qu'un discours condescendant - en ce qui la concernait, elle ne l'utiliserait pas à d'autre dessein que de rabaisser son interlocuteur, c'est certain. Ensuite, c'était faux, elle se débrouillait bien, elle s'était fait un nom dans son domaine, et même si elle ne pouvait bien évidemment pas se targuer auprès de tous de son petit commerce sans prendre des risques inconsidérés, elle s'en sortait même mieux que bien, en ce moment. Avec l'occamy, elle était assise sur une mine d'or, elle en avait bien conscience, et elle n'avait besoin des conseils de partout, et certainement pas, selon elle, de ceux d'Eduardus qu'elle trouvait d'un culot abusif en cet instant. Certes, elle n'avait rien contre le culot, elle pouvait même trouver cela plutôt séduisant en certaines circonstances, mais disons qu'il fallait savoir choisir son moment.

-Je n'ai absolument pas besoin de ton aide, Eduardus, répondit-elle en le toisant de haut en bas, de bas en haut en croisant les bras.

Milla avait, de toute façon, l'arrogance de croire qu'elle n'avait besoin que d'elle-même et qu'accepter de l'aide était gage de faiblesse. Dans les faits, il était pourtant évident qu'il n'en était rien. Ceci dit, ça ne changeait pas grand-chose au fait qu'elle ne voyait vraiment pas ce qu'il pourrait faire pour elle. Aux dernières nouvelles, les animaux magiques, ce n'était pas vraiment son rayon de compétences (et ça pouvait bien continuer d'être le cas, elle n'était pas spécialement partageuse quand il était question de son business, et encore moins partageuse).

-Mais j'aime perdre mon temps. Dis-moi ce que tu avais en tête.

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eu importe ce que son interlocuteur avait en tête, Milla n'avait aucune intention d'accepter ses services. Parce qu'elle s'en méfiait et qu'elle considérait qu'ils ne seraient pas à la hauteur ? Pas vraiment, non, mais par pur orgueil, ça, très clairement. La jeune femme était quelqu'un de très indépendant. Cela n'avait pas toujours été simple pour elle, mais elle avait la fierté, l'orgueil même, de se dire qu'elle s'était faite toute seule, et elle n'était pas prête de sitôt à renoncer à cette fierté, même si on lui offrait de belles opportunités sur un plateau d'argent. Sa fierté mal placée lui causerait sans doute bien des torts tôt ou tard, c'était déjà un peu le cas, d'ailleurs, mais il était trop tard quoi qu'il en soit.

Elle grimaça quand son interlocuteur la qualifia de "tigresse", elle n'appréciait pas spécialement qu'on lui donne ce genre de surnom, mais peu importe, elle croisa les bras sur sa poitrine. elle n'avait certainement pas l'intention de se calmer sous le prétexte que son interlocuteur le lui demanderait, ce serait bien mal lui ressemblait. Non, il n'en était pas question le moins du monde, définitivement pas.

-Parce que tu crois que j'ai besoin de ton aide pour commercer avec l'étranger ? C'est déjà le cas. Elle marqua une pause. J'ai entendu que tu avais passé plus de temps à tuer qu'à marchander au cours de tes petites escapades à travers le monde, au passage, je ne suis pas certaine que ça fasse de toi un très bon commerçant.

En vérité, il se pouvait bien qu'il ait les contacts et les compétences, mais elle n'avait pas l'intention de se laisser amadouer. Au moins, en travaillant selon ses termes, elle n'était pas emmerdée, et encore moins par un homme, et elle voudrait bien que cela continue, tant qu'à faire. Ceci dit, objectivement, ses affaires marchaient très bien en soi, elle n'avait pas vraiment besoin de changer son business plan. Certes, elle était un panier percé et elle ne gardait jamais bien longtemps l'argent qu'elle gagnait, mais ça, ce n'était pas quelque chose qui changerait sous le prétexte qu'elle se trouverait son associé.

-Je peux savoir au passage pourquoi tu te soucies soudainement de mes affaires - des affaires qui ne te concernent absolument pas, au passage ?

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ipolaire, elle ? Milla fronça les sourcils. Elle ne pensait pas que son attitude il est vrai agressive l'impressionnerait ou l'irriterait. Eduardus était un grand garçon, et qui en avait clairement vu d'autres. Et par ailleurs, Milla n'avait pas vraiment eu le sentiment d'être si agressive. Désagréable, peut-être, mais elle le devait au fait qu'elle n'était pas partageuse quand il était question de son business, et elle n'aimait pas non plus que l'on empiète sur ses plates-bandes. Peut-être aussi, au fond, que Milla n'était tout simplement pas dans son assiette. Ces derniers temps, elle était à cran pour absolument tout et n'importe quoi, définitivement.

-C'est toi qui débarque en suggérant que je pourrais être meilleure et que j'aurais besoin de ton aide pour ça. Je suis peut-être bipolaire, mais toi, tu dois bien admettre que tu t'es montré franchement condescendant : et je déteste qu'on me prenne de haut. Elle marqua une pause. Il y a une chose dans la vie à laquelle je tiens plus à quoi que ce soit d'autre, et c'est à mon indépendance. Je ne suis pas prête à y renoncer, pour quoi que ce soit au monde. Je me suis faite toute seule, et je continuerai de m'en tirer toute seule, reprit-elle alors pour clarifier son propos.

Ce qui était pour lui peut-être une proposition d'aide tout à fait innocente ne l'était pas du tout aux yeux de Milla, elle le considérait plutôt comme une insulte à ses talents et à ses compétences, comme si on imaginait, visiblement, qu'elle devrait compter après d'autres pour élargir ses horizons et revoir ses ambitions.

Dans le fond, il a raison, bien sûr, elle y gagnerait à compter un peu sur les autres et à ne pas vouloir tout faire par elle-même, mais cen'était certainement pas ici et maintenant qu'elle allait l'admettre, encore moins au moment où on la traitait ni plus ni moins que comme une incompétente, en la taxant en plus du reste de folle, comme si tout ce qui avait précédé ne suffisait pas encore... Bon, vous l'aurez compris, Milla était vexée, tout comme Eduardus l'avait probablement été. A partir de là, ils n'iraient pas loin.

-Donc tes réflexions déplacées, tu te les gardes.

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