La ponctualité est un art qu'il faut respecter (Maman ! <3)

I

l était tard... Trop tard aux yeux de Mary Lou, et Credence n'était toujours pas rentré. Ces derniers temps, le jeune homme accusait de nombreux retards, et cela ne plaisait pas du tout à la femme à la tête des fidèles de Salem. Le jeune homme était dissipé, dernièrement, lui donnait le sentiment d'avoir la tête ailleurs, et c'était loin, bien loin de lui plaire. Elle tenait à avoir un contrôle ferme et très strict sur ses "enfants", qui ne tolérait aucun écart, aucune entorse à ses principes. Mary Lou n'avait pas adopté ses enfants sans raison, elle les voulait complètement asservis à sa cause, de parfaits petits soldats au service de sa chasse aux sorcières qu'elle menait d'une main de maître. Et elle craignait quelque peu que ses soldats ne lui échappent. Modesty était parfois un peu dissipée, mais en même temps, elle n'était jamais qu'une enfant, il était normal qu'elle ne file pas complètement... au pas. Du moment qu'elle ne faisait pas trop d'écarts, Mary Lou pouvait le tolérer. Chastity était une parfaite disciple de la cause et ne l'avait jamais déçue... Mais en ce qui concernait Credence, en revanche... Le moins que l'on puisse dire est qu'il ne faisait pas montre de toute la dévotion qu'elle souhaiterait à l'heure actuelle. Peut-être qu'elle se montrait trop dur avec son fils adoptif, mais elle avait de bonnes raisons. Pas seulement du fait de la rancoeur que sa naissance lui inspirait, mais parce que plus elle s'imaginait que le jeune homme serait susceptible de lui échapper, plus elle éprouvait la nécessité de resserrer les boulons afin d'éviter que la machine ne s'enraye, afin de gagner la certitude qu'il resterait sous sa coupe.

Elle l'attendait donc de pied ferme, assise à la table de leur salle à manger. Elle avait envoyé ses deux filles au lit, et à présent, elle guettait le retour de Credence, les bras croisés. Il n'accusait peut-être pas tant de retard que cela, mais chaque minute écoulée paraissait sonner le glas du jeune homme. Enfin, la porte s'ouvrit. Sans se lever de sa place, elle le regarda approcher. Son regard, froid, impénétrable, en disait long sur ce que lui inspirait ce retour tardif. Elle le toisa de haut en bas, de bas en haut. Au moins avait-il la décence de ne pas revenir avec entre les mains encore des tracts qu'il n'aurait pas pris soin de distribuer à la cantonade, puisque c'était ce qu'avait été, à l'origine, sa mission.

-Où étais-tu ? demanda-t-elle d'un ton plus que glacial.

Elle se posait vraiment la question. La distribution de prospectus ne devait normalement pas prendre autant de temps, ce n'était qu'une formalité, en soi, et ils avaient plus important à gérer et à traiter. Mary Lou craignait que Credence fasse de mauvaises rencontres, se laisse tout simplement influencer.

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eu importe l'excuse que Credence fournirait à sa mère adoptive, cette dernière n'accepterait pas de s'en satisfaire. Elle l'avait décidé d'avance. Dès l'instant où elle avait considéré que le retour du jeune homme serait trop tardif, elle avait décidé qu'elle le lui ferait payer... C'était plus fort qu'elle, Credence incarnait très précisément tout ce qu'elle haissait le plus au monde, elle n'éprouvait à son égard que de la hargne et du mépris, au point qu'il fallait se demander si elle ne courait pas après tous les prétextes possibles pour molester son fils adoptif. C'était sans doute le cas, mais peu importe, elle n'allait pas s'arrêter en si bon chemin pour autant, elle estimerait toujours être dans son bon droit, et à l'heure actuelle, elle avait grand besoin de passer ses nerfs. Alors ce serait sur lui. Il n'avait qu'à pas se montrer si distrait, si... incompétent, constamment. Elle était convaincue qu'il devait reconnaître mériter endosser une partie des reproches qu'elle lui adressait constamment. En bref, le jeune homme pourrait bien avoir les meilleures excuses du monde à lui présenter, Mrs Barebone, sur le principe, ne les accepterait pas et le rejeterait pas en bloc non plus.

En soi, il est vrai que son excuse n'était pas exactement mauvaise puisqu'il était effectivement parti avec des tracts et qu'il revenait les mains vides. Mais rien ne lui garantissait, ceci dit, qu'il ne les ait pas tout simplement jeté dans la poubelle la plus proche. Sur le principe, elle ne comptait pas lui laisser le bénéfice du doute. Qu'importe qu'il ait voulu bien faire ou s'accorder un espace de liberté loin d'elle, le fait est qu'il allait le payer, et chèrement qui plus est. Mary Lou n'avait pas la moindre intention de se montrer attentive ou tolérante. Il faut dire que ni l'une ni l'autre de ces qualités ne seraient capables de la caractériser, loin de là.

-A cette heure-ci ? demanda-t-elle en ne cachant rien de son scepticisme profond et manifeste. Il était bien trop tard à ses yeux pour que son excuse tienne la route, mais une fois encore, c'était tout simplement parce qu'elle l'avait décidé ainsi, et ne l'envisageait par conséquent pas autrement. Tu n'as pas dû rencontrer grand-monde, ajouta-t-elle, catégorique. Et Credence pourrait bien essayer de la convaincre du contraire, il est évident que rien n'y ferait.

Elle ne dit rien de plus, car à ses yeux, cela n'avait rien de nécessaire, à la place, elle se contenta d'un geste qui en disait bien plus long que n'importe quel autre sur la situation. Elle lui tendit sa main, paume tendue vers le ciel, attendant qu'il y dépose sa ceinture, et il devait forcément savoir ce que cela signifiait.

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ary Lou s'empara de la ceinture que lui tendit Credence tout en observant ce dernier d'un oeil sévère. Qu'il ne se fasse pas d'illusion, il n'échapperait en aucune manière à la sentence qu'elle avait la ferme intention de lui infliger. Mary Lou ne se laissait pas attendrir par les suppliques de son fils. A vrai dire, plus Credence avait tendance à le supplier, plus elle sentait sa rage envers lui augmenter. Ce n'était pas quelque chose de complètement rationnel. La haine qu'elle nourrissait à l'adresse de Credence aurait plutôt tendance à être viscéral, et elle se saisissait de n'importe quelle prétexte pour lui faire payer son engeance qu'elle estimait infâme. Pour l'avoir suppliée, et donc avoir cru pouvoir échapper à son châtiment, elle ne lui ferait subir que d'autant plus de mal. Mary Lou ne cherchait pas seulement à punir le jeune homme pour la mauvaise implication des règles qu'elle lui impliquait, mais parce qu'elle avait vraiment besoin de déverser sa rage sur lui, et elle n'allait certainement pas se montrer plus empathique et coulante. A force, Credence devait savoir qu'opposer la moindre résistance était peine perdue. Sa mère adoptive n'était clairement pas femme à entendre raison, mais en revanche femme obstinée quant aux positions qu'elle défendait, si déshonorantes pouvaient-elles sembler être en certaines circonstances. Elle hocha doucement la tête de gauche à droite afin de taire une bonne fois pour toutes ses efforts. Tout cela ne mènerait nulle part.

-En lieu de supplique, je crois que tu me dois plutôt des excuses, considéra-t-elle posément en l'observant avec une sévérité extrême. Tes mains, ajouta-t-elle sans expliciter avantage.

"Tes mains", c'était une invitation à lever ses paumes vers le ciel afin qu'elle y applique ses coups de ceinturons. La méthode n'était pas forcément la plus discrète, mais elle était en revanche l'une des plus efficaces et des plus douloureuses, et c'était ce qu'elle recherchait, lui faire passer l'envie de recommencer une nouvelle fois. Mary Lou, sans plus attendre fit claquer une première fois la ceinture contre les mains de Credence. Ce n'était qu'un début, et le jeune homme était en passe de souffrir, de beaucoup souffrir. Et rien de ce qu'il pourrait dire ou faire n'y changerait quoi que ce soit.

-Excuse-toi.

Au fond, qu'il s'excuse ou non, cela ne changerait absolument rien. Dans tous les cas, le sort du jeune homme était scellé, et il était voué, à l'heure actuelle, à la souffrance. Ses excuses, même s'il devait les formuler, arriveraient forcément trop tard de toute manière. Dans tous les cas, elle avait envie de le remettre à sa place, pas seulement en frappant mais en obtenant de lui précisément ce qu'elle lui demandait. Et à ses yeux, c'était la moindre des choses.

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chaque fois que Credence subissait la violence de sa mère abusive, cette dernière éprouvait comme une sorte de réconfort. Credence, par sa simple existence, incarnait tout ce qu'elle haïssait. Il était l'engeance d'un être dont l'existence même aurait dû être une aberration aux yeux de tous, et même si elle faisait tout pour l'élever comme quelqu'un de "normal", elle ne pouvait s'ôter de l'esprit qui il était vraiment, elle ne pouvait oublier qui était sa mère, et quelle genre de personne elle avait été. Le mal qu'elle lui faisait subi physiquement, c'était celui qu'elle voulait faire endurer à tous ceux qu'elle combattait au sein de la ligue des fidèles de Salem. Credence était son canal, son exutoire, et elle n'y allait pas de main morte quand il était question de s'acharner sur lui, qu'importe le prétexte. Ses filles aussi, subissait parfois ses accès de violence, ceux-là même qu'elle dissimulait au monde sous des atours calmes et polis en temps normal, mais Credence était clairement sa cible privilégiée. Et puisqu'il lui servait sur un plateau d'argent un prétexte digne de son ire, elle comptait bien laisser sa rage exploser. Elle se laissait dominer par elle et ne ménageait pas ses coups. Quand elle voyait la chair de sa main s'en détacher doucement à chaque coup de ceinture, le tout ponctué des gémissements de douleur du jeune homme martyrisé, elle se sentait, pour ainsi dire, apaisée. Et les excuses que le jeune homme daigna lui formuler étaient une douce mélodie à ses oreilles. Objectivement, elle aurait pu considérer qu'il n'avait pas tant de raisons que cela de s'excuser auprès d'elle. Mais pourquoi prendrait-elle la peine de se montrer objective, après tout ? Elle n'y voyait nul intérêt.

-Jure que tu ne recommenceras pas et que tu vas enfin m'obéir, dit-elle avec une immense froideur, toisant son fils adoptif d'un regard ferme qui pouvait glace le sang de celui qui se hasarderait - grand mal lui fasse - à le soutenir.

Qu'il fasse cette promesse ou non ne changerait rien, en réalité, Mary Lou trouverait toujours un autre prétexte, une autre raison d'exprimer sa rage et son dégoût à l'adresse de Credence, parce qu'il lui suffisait d'être là, d'exister, pour qu'elle éprouve déjà à son adresse une haine profonde et manifeste. Même s'il devait se montrer parfaitement respectueux des règles qu'elle lui imposait, même s'il devait lui obéir au doigt et à l'oeil sans faillir à un seul moment, il y avait fort à parier qu'elle trouverait encore et toujours à y redire malgré tout. Mais plus il lui ferait de promesses qu'il ne serait pas capable de tenir, plus elle pourrait légitimement déverser toute sa haine à son adresse, sans se contenir une seule seconde. et c'était de cela qu'il était question.

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redence lui adressa la promesse tant escomptée, à grand renfort de supplications déchirantes. Le spectacle de ces supplications briseraient sans doute le coeur de n'importe qui... Mais celui de Mary Lou Barebone était de glace, et elle demeurait insesnible à la douleur et à la détresse de l'enfant (plutôt un adolescent, mais passons) qu'elle avait adopté. Elle le considéra avec un mélange de dégoût et de souverain mépris. En toute honnêteté, son comportement la révulsait... En fait, tout en lui la révulsait, quoi qu'il dise ou quoi qu'il fasse. Qu'il cède ou choisisse de se rebeller, ça ne changeait rien. Elle le détestait. Du plus profond de son être, elle le détestait. Il ne lui communiquait que le plus grand dégoût. Alors oui, il promettait, et si Mary Lou était une femme de parole, elle arrêterait peut-être les sévices qu'elle lui faisait subir... Mais elle n'avait aucune parole... du moins tant que cela ne concernait pas directement les fidèles de Salem et sa pure intention de débarrasser le monde de la menace sorcière. Elle le regarda de haut, longuement, son visage exprimant toute sa haine, avant de daigner prendre la parole, de son habituel ton froid qui avait quelque chose d'infiniment douceureux tout en étant particulièrement tranchant. On pouvait s'y laisser prendre quand on ne la connaissait pas, mais Credence, lui, la connaissait. Alors, évidemment, il savait, il comprenait... Il ne pouvait pas être ignorant du sous-texte dans chacune des phrases qu'elle prononçait, avec mépris et autorité.

-Comment puis-je encore te croire, Credence, répliqua-t-elle avec amertume. Combien de fois m'a-t-il fallu te punir. Crois-tu vraiment que j'y prends du plaisir ? Non, c'est toi qui m'obliges à être ainsi.

C'était évidemment faux. Credence était loin d'être de la mauvaise graine (même si sa naissance laissait tout de même présager le pire), il était la plupart du temps docile et obéissant, mais même quand il se comportait de la sorte, il l'énervait. Elle avait envie de le secouer, de faire quelque chose, n'importe quoi, pour le rendre moins passif. Et s'il devait être actif, elle le corrigeait dans les règles de l'art. C'était ainsi, sûr et viscéral. Tout ce qui émanait de lui ne recquérait que sa plus puissante intolérance. Et elle ne s'en cachait pas. Elle voulait voir Credence faire des efforts et ne pas en faire, elle voulait simplement le punir, lui faire payer, lui faire payer ce qu'il était, ce que sa mère était. Alors elle mentait, bien sûr, oui, elle prenait du plaisir à le faire souffrir, chaque coup de ceinture était une libération pour elle, même si, malheureusement, le moment était trop fugace et la laissait immédiatement sur sa faim. Sur lui, elle déchaînait sa haine et sa frustration, et quoi qu'il dise ou fasse, ça ne changerait pas. Il pourrait bien supplier, encire et encore, la messe était dite. Il n'y avait rien à faire, tout simplement.

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e jeune homme lui promit de ne plus recommencer... C'était la moindre des choses, mais des mots, de simples mots, n'avaient rien pour satisfaire ou convaincre Mary Lou. Voilà longtemps qu'elle n'entendait plus rien aux promesses, même sincères, de son fils adoptif. Dans tous les cas, elle n'était pas capable d'admettre qu'il puisse changer ou agir selon ses directives. Dans tous les cas, il ne pourrait rien faire qui autorise la cheffe de file des fidèles de Salem à lui accorder plus d'estime... Il n'y avait pas le droit. Dès l'instant où il s'était retrouvé entre ses griffes, ça avait été l'évidence même. Cet enfant pourrait êut-être être récupérable, mais il subsisterait toujours en lui ce quelque chose qui avait perverti son être dès la naissance. Il était l'enfant d'une mère diabolique et dégénérée.

Il y avait peut-être des aspects de sa personne à sauver, mais sa personne en entier, il était certain que non. Non, clairement, le fait que Credence promette de ne plus recommencer n'avait plus la moindre valeur à ses yeux... Si elle le battait, si elle s'en prenait à lui, ce n'était pas réellement dans l'espoir de lui mettre du plomb dans la cervelle, c'était par accès de rage, pour se défouler, parce qu'elle ne supportait tout simplement pas l'existence même de cet enfant. Elle le garderait sous son toit le temps nécessaire, mais il ne fallait espérait d'elle aucune tolérance, aucune clémence.

-Recommencer quoi, exactement, Credence ?

La réponse semblait simple, trop simple pour que Mary Lou l'accepte en tant que tel. Il s'excuserait sans doute d'être rentré tard encore une fois et promettrait de ne plus jamais dépasser le couvre-feu imposé par ses soins... Mais ce n'étaient pas réellement ses retards que Mary Lou reprochait à Credence, au-delà du fait qu'elle lui reprochait qui plus est sa vile existence... C'était le motif de son retard. Et elle ne goûtait pas à cette excuse. Peut-être était-il sincère, qui sait, mais Mary Lou ne l'admettrait pas ni ne le reconnaîtrait pour autant.

Quoi qu'il ait à dire pour sa défense, il était évident que Credence aurait constamment tort. Il avait eu tort de venir au monde pour commencer, c'était après tout normal qu'il en assume (pour ne pas dire subisse) les conséquences, à présent. C'était la moindre des choses. Credence, au fond, devrait louer son indulgence, cas à la vérité, elle devrait vouer à ce garçon un châtiment bien pire... Elle songeait d'ailleurs que les quelques coups déjà portés ne seraient que les premiers d'une série beaucoup trop importante. Alors oui, elle était vraiment impatiente de découvrir ce qu'il en était. Si Credence aurait l'intelligence de lui donner une réponse sincère. Même si elle ne l'épargnerait pas pour autant.

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lus Credence se montrait suppliant à son adresse, plus Mary Lou éprouvait de rage le concernant, et plus fort elle voulait porter ses coups. Quelle importance, qu'il le supplie de toutes les larmes de son corps d'arrêter ses coups, tout ce qu'il était, tout ce qu'il incarnait à ses yeux, lui inspirait un dégoût et un mépris qu'il lui était tout bonnement impossible de contenir. Et chacune des réponses qu'il lui donnait lui insufflait un sentiment d'agacement encore plus violent. Bien sûr, à ses questions, aucune réponse n'était la bonne, mais celles qu'il lui donnait étaient encore plus frustrantes que toutes les autres.

Elle avait le sentiment qu'il se moquait de lui, et que toute la douleur qu'elle pourrait lui communiquer n'avait jamais le don que de l'amuser sans porter ses fruits. Que fallait-il donc faire pour lui mettre du plomb dans la cervelle ? Honnêtement, elle n'en avait pas la moindre idée, mais ce qu'elle savait en revanche, et avec la plus grande certitude, c'est qu'elle avait envie de lui faire mal, c'était plus fort qu'elle, et elle n'arrêterait certainement pas son geste pour si peu... non, elle l'arrêterait le jour où Credence deviendrait complètement muet et docile, quand il cèderait enfin à ses exigeances, quand il refoulerait si profondément sa nature qu'il deviendrait enfin le garçon innocent et malléable qu'il oubliait beaucoup trop souvent d'être.

-Et de quelle manière m'as-tu désobéi, exactement ?

Elle ne lâchait pas le morceau, mais en même temps, elle avait le sentiment que si elle ne lui tirait pas les vers du nez, elle n'obtiendrait jamais rien de sa part. Ce qui était une fois de plus agaçant, car même de la sorte, elle ne pourrait certainement pas lui adresser ne serait-ce qu'un semblant de confiance. Bien sûr, il ne fallait attendre aucune affection de sa part, mais pour ses autres enfants, elle pouvait au moins avoir un minimum, disons, de considération... Credence, lui, ne faisait jamais naître qu'une rage sourde et une volonté toujours plus puissante de le réduire à néant.

Alors elle voulait entendre la vérité sortir de sa bouche. Elle ne retiendrait pas ses coups pour autant, mais elle aurait du moins la satisfaction d'entendre la vérité sortir de sa bouche, pour une fois. Elle lui reprochait autant de désobéir que de lui dissimuler les vraies raisons de sa désobéissance. Et elle ne voulait pas une réponse aux frontières floues de type "J'ai été en retard", elle voulait une réponse sûre et définitive, les vraies raisons de son retard qui, elle s'en était tout du moins convaincue, n'avait que peu de rapport avec une éventuelle distribution de tract qui l'aurait retenu si longtemps. Elle avait l'amer sentiment que Credence lui cachait des choses, parce que c'était dans sa monstrueuse nature, et elle voulait savoir quoi.

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ary Lou cessa un instant ses traitements cruels à l'adresse de son fils adoptif quand ce dernier accepta de reconnaitre ses torts dans le détail. Est-ce que ça siginifiait qu'il allait s'épargner de nouveaux coups ? Non, bien sûr que non... Elle lui accordait seulement un léger répit, disons, si on ne ménageait pas les coups de temps à autre, ils finissaient par ne plus avoir aucun impact, et ce n'était bien évidemment pas ce que Mary Lou voulait. Elle hocha donc la tête avec gravité en entendant Credence reconnaître qu'il avait effectivement menti, qu'il était en retard, qu'il avait dépassé le couvre-feu exigé par sa mère d'adoption. Il ajouta même quelques mots supplémentaires qui relevaient presque d'un trop-plein de curiosité, en l'occurrence. Elle le jaugea de son regard le plus sévère et assassin, tout en croisant ses bras sur sa poitrine.

-Tu ne voulais pas rentrer, répéta-t-elle d'un ton glacial.

En vérité, elle savait pertinemment pourquoi le jeune homme n'avait pas voulu rentrer... pour éviter une scène de la sorte, pour ne pas se confronter à elle, pour retarder le moment au cours duquel il souffrirait une fois encore. Seulement, il ne se serait pas pris cette volée de bois vert s'il était rentré à l'heure.

Est-ce que Mary Lou croyait son fils. Eh bien oui... Certes, elle restait sur ses gardes, elle conservait le sentiment que Credence avait légèrement changé, et qu'il se tramait peut-être quelque chose qui lui échappait. La preuve, la réponse qu'il lui adressait, et qui confinait à l'effronterie... Jamais, il n'y a pas si longtemps, il aurait osé avouer qu'il ne voulait tout simplement pas rentrer chez lui. Ce n'était pas une forme de courage qu'elle applaudirait, mais au moins, elle pouvait s'opposer très directement à l'inacceptable insolence du jeune homme, et elle ne comptait pas s'en priver. Elle restait la maîtresse des lieux, et celle dot dépendraient toujours les enfants Barebone. Que ceci leur plaise ou non, c'était ainsi, et ça ne changerait jamais.

-En quoi est-ce si terrible de rentrer chez toi ? demanda-t-elle d'une voix doucereuse mais teintée d'une menace sourde. Tu t'infliges à toi-même la douleur que tu ressens. Tu me désobéis, je suis malheureusement contrainte de te punir. Crois-moi, cela ne me fait pas plus plaisir qu'à toi. Elle marqua une pause. Est-ce que je ne te nourris pas ? Est-ce que je ne t'offre pas le gîte et le couvert. En échange, je ne demande qu'un peu de gratitude, et voilà comment tu me récompenses...

Elle en rajoutait, bien sûr, et ce n'était pas sans raison. Elle ne laisserait plus jamais Credence s'exprimer en des termes si effrontés. Il pourrait bien penser ce qu'il voulait, mais jamais il ne devrait l'exprimer, encore moins muer ses pensées en actes.

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a réaction de Credence était pathétique, mais également la seule acceptable en ces circonstances. Car quoi qu'il puisse ajouter pour sa défense, il ne ferait évidemment qu'empirer son cas. Il suffisait de bien le regarder... misérable, pathétique. La plupart le prendraient sans doute en pitié, voudraient le rassurer ou le consoler, mais en Mary Lou, son comportement de petite chose tremblante et vulnérable n'éveillait qu'un seul sentiment : le dégoût. Oui, Credence la dégoûtait, il la dégoûtait profondément, plus que quoi que ce soit d'autre en ce bas monde... il incarnait tout ce qu'elle exécrait du plus profond de son être, tout ce qu'elle ne pouvait que haïr plus qu'il n'est nécessaire. Et elle le lui faisait payer. Les coups de ceinture fusèrent après cela.

Aucune larme ni aucune supplique n'aurait pu arrêter ces gestes. Elle voulait qu'il souffre, et elle prenait un malin plaisir à observer cette souffrance. Ce n'était pas de la cruauté. Credence recevait simplement la monnaie de sa pièce, pour son insolence insupportable, pour son comportement absolument invivable. Elle voulait que Credence prenne définitivement conscience de son statut, de son incapacité totale à s'échapper d'une vie qui était dans tous les cas la meilleure qu'il puisse espérer. Il aurait pu finir à la rue, elle avait accepté de "prendre soin de lui" en dépit de ce qu'il était, ou du moins de ceux qui l'avaient engendré. Ce ne fut qu'après un long moment qu'elle voulut bien cesser de frapper, la ceinture cessa de fendre l'air, et après avoir laissé peser sur la situation un long silence qu'elle refusait d'entendre entrecoupé des sanglots de son fils adoptif.

-Je veux que tu me présentes de nouveau tes excuses, et sincèrement, cette fois. Je veux que tu reconnaisses tout ce que j'ai fait pour toi.

Elle estimait que c'était la moindre des choses. C'était facile, de jouer les victimes, mais la véritable victime, ici, elle considérait que c'était elle, victime de ses jérémiades, du fardeau qu'il était pour elle depuis l'instant où, encore bébé, on avait négocié son adoption auprès d'elle. Depuis, Credence n'avait été qu'une source de déceptions et de contraintes. Bien sûr, Chastity et Modesty n'étaient pas exemptes de défauts non plus, et elle le leur faisait payer à l'occasion, mais Credence était définitivement le pire entre tous. Pas une once de reconnaissance ou de gratitude. Il incarnait tout ce qu'elle détestait plus que tout au monde. Elle ne pouvait qu'espérer le voir souffrir, elle ne pensait pas pouvoir le rendre à la raison, mais en attendant, elle se défoulait comme elle le pouvait, et ça lui faisait du bien. Et elle considérait encore que Credence ne payait que faiblement le prix des sacrifices qu'elle avait fait pour lui, lui qui se montrait si ingrat, terriblement ingrat.

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e temps que Credence passa à ne pas répondre, se contentant de trembler comme une feuille, loin d'attendrir ou d'appitoyer Mary Lou, lui déplut et l'agaça plus que tout autre chose, elle n'aimait pas que Credence se laisse passer pour une victime. Il pouvait avoir mal, oui, mais selon elle, il méritait largement le supplice qu'il lui infligeait. Il n'était pas question pour elle de faire preuve de compassion ou de largesse. Elle n'attendait de son fils adoptif qu'une seule chose, et c'était de le voir plier, une bonne fois pour toutes, accepter son châtiment sans plus faire preuve d'insolence, ni plus se trouver de fausses excuses. Mais il plia, finalement, et, retenant ses sanglots, il lui présenta ses excuses.

Dès lors qu'elle entendit un "Je suis désolé" franchir le seuil de ses lèvres, un sourire satisfait décora ses lèvres. Elle avait voulu l'entendre, et elle aimait entendre de la sincérité dans ses propos. Le message était clairement passé... Elle l'espérait, du moins, car si une nouvelle situation du genre devait se produire, il était assez évident que Mary Lou ferait passer au-delà d'un sale qart d'heure à son fils d'adoption. Pour le moment, elle acceptait ses excuses, mais elle n'oubliait pas ce moment, elle ne risquait certainement pas de l'oublier. Tout ce qui concernait Credence laissait une trace, douloureuse et amère, dans son esprit.

Un autre "pardon", et il reconnut par la même occasion qu'il lui devait tout : voilà pile ce qu'elle avait voulu entendre. Et oui, elle considérait qu'il lui devait effectivement tout, et ce n'était pas faire montre d'orgueil que de l'admettre, à ses yeux. Oui, il lui devait tout, c'était un fait, c'était une certitude. Elle l'avait hébergé, elle l'avait nourri, elle lui avait permis de survivre, elle avait acceptéde s'occuper de lui en dépit du profond dégoût qu'il lui inspirait, lui qui était le fruit même de tout ce qu'elle avait toujours haï, du plus profond de son être. Une fois encore, quand il lui assura qu'il lui devait tout, elle acceptait d'y croire. Elle ne pensait pas qu'il puisse véritablement être capable de mentir, pas à elle. Elle estimait trop bien le connaître pour cela. Beaucoup trop bien le connaître. Et c'était pour cette raison qu'elle pensait pouvoir toujours le recadrer à chaque fois qu'il dépasserait les bornes.

-Tu sais ce qui t'attend si tu devais à nouveau me décevoir à ce point, n'est-ce pas ? dit-elle alors. Je serais beaucoup moins tendre la prochaine fois.

Et pourtant, il était assez évident qu'elle n'avait pas été un exemple de douceur et de délicatesse. Elle ne l'était jamais, et elle l'avait encore moins été en cet instant.

-C'est bien compris ?

Oui, forcément.

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a réponse de Credence était brève mais se suffisait à elle-même. Un simple "oui" en guise de réponse n'était pas gage de vérité absolue, Mary Lou ne pouvait occulter la possibilité que son fils adoptif soit en train de lui mentir, mais elle ne pensait pas que ce soit le cas néanmoins. Elle avait élevé Credence dans la crainte de ses coups, puisqu'il n'y avait que de cette manière à ses yeux qu'elle pouvait potentiellement réussir à exorciser les démons qu'il se traînait comme des boulets depuis la naissance. Mais elle pensait tout de même que parfois, à grands renforts de chair lacérée, le message rentrait mieux. En l'occurrence, elle avait l'impression qu'il avait effectivement compris. Quelques corrections supplémentaires seraient sans doute nécessaires plus tard, mais pour l'heure, il paraissait tout de même avoir compris et assimilé ce qu'elle attendait de lui précisément. Et qu'est-ce qu'elle attendait de lui exactement ? Une obéissance absolue, bien sûr. Il lui était formellement interdit de faillir, peu importe le moment, peu importe le motif. Il se devait, c'était impératif, de se montrer irréprochable et de respecter la moindre de ses consignes à la lettre, y compris celles qui, de prime abord, pouvaient lui sembler injuste. Plus tard, sans doute, il comprendrait que c'était pour son bien... Même si ce message-là en particulier semblait tout de même avoir du mal à rentrer.

Mary Lou afficha un sourire satisfait en entendant ce "oui" de soumission. Et elle ne perdit pas ce fin sourire quand Credence arrosa ses joues de larmes qui la laissaient proprement indifférente. Elle était complètement insensible à la souffrance de son fils, elle ne pourrait s'en moquer davantage, à vrai dire. Parce qu'il n'était pas son fils, d'une part, et d'autre part parce que la souffrance qu'il extériorisait en cet instant était on ne peut plus méritée. Cela ne fonctionnerait pas avec elle que de se placer en victime. Mary Lou était absolument convaincue du fait que Credence n'en était pas une, et sous aucun prétexte - et encore moins en pleurant - le jeune homme n'arriverait à la convaincre qu'il en était autrement, et qu'elle se fourvoyait.

-Sèche donc ces larmes, ordonna-t-elle avec froideur. Elles n'apitoieront personne. Et certainement pas elle en tout cas, qui aurait bien plus tendance à se réjouir du malheur et de la souffrance de Credence que de les déplorer, quand bien même elle poursuivait d'assurer à qui voulait bien l'entendre que tout ce qu'elle faisait, et peu importe ce qu'elle faisait, elle le faisait bien sûr dans l'intérêt de ce garçon qu'elle avait un jour eu la bonté d'âme d'adopter alors qu'elle aurait tout aussi bien pu le noyer directement dans l'océan sans qu'il ait jamais manqué à personne. Allez, hors de ma vue.

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