Checkmate ••• D'un geste délicat, Lucius effleura du bout des doigts le marbre de son plateau d'échecs. C'était un objet précieux, auquel il tenait tout particulièrement. Il le conservait généralement à l'abri, loin des regards et de la maladresse dont pouvaient parfois faire preuve ses invités, ne le ressortant que pour des adversaires qui en valaient la peine. Il faut dire que sa valeur sentimentale était immense. Ce plateau d'échecs moldu était un cadeau de sa femme pour leur anniversaire de mariage, sachant ô combien il adorait ce jeu.
Le professeur aimait les échecs car il fallait se montrer patient, stratégique. Il parvenait régulièrement à surprendre ses adversaires, usant de ses pions avec intelligence et finesse. Il n'était pas comme tous ces rustres qui cherchaient surtout à prendre le plus de pièces pour espérer le piéger. Lucius sacrifiait ses pièces, revêtait une allure de faiblesse, poussait son ennemi à l'imprudence.
Son ennemi préféré, c'était Adalbert. Jouer avec lui était d'une distraction infinie. A dire vrai, aucun d'entre eux ne semblaient chercher réellement à gagner lorsqu'ils jouaient ensemble. Le véritable plaisir était de comprendre le fonctionnement de l'autre. De déduire sa stratégie, ses coups futurs, ses souhaits et ses ambitions... Chacune de leur partie était unique.
C'était justement pour se mesurer à l'écrivain qu'il l'avait invité chez lui. Une fois son salon préparé pour accueillir Adalbert, Lucius s'était rendue dans sa salle de bain, offrant à son corps la froideur d'une douche glacée. Un coup de fouet pour éveiller son esprit... C'était ce qu'il lui fallait pour se lancer dans cette bataille à venir. Il le sentait, cette partie d'échecs ne serait pas ordinaire. Qu'importe la victoire ou la défaite. Son miroir lui renvoya malgré tout le reflet d'un homme fatigué, mais présentable. C'était suffisant. Le voici prêt. La sonnette se fit entendre. Tout était en place. Il ouvrit la porte et accueillit Adalbert :
- Pile à l'heure. Bien le bonsoir. Je t'en prie, entre. Il afficha un faible sourire à son ami. Il était très heureux de le revoir, mais sa joie de vivre n'était toujours pas vraiment au rendez-vous. Une partie d'échecs avec Adalbert était un remède efficace pour oublier ses problèmes. Il invita le sorcier à prendre place dans un fauteuil du salon. Tu veux boire quelque chose ?
dalbert n'était pas un joueur. Ou plutôt, disons que beaucoup de jeux échappaient à son intérêt... Pour peu que le hasard y ait un rôle, il n'en voyait pas l'intérêt. La gagne pour la gagne n'avait vraiment aucun attrait pour lui. On pouvait d'ailleurs rayer le fait d'être mauvais perdant de la liste de ses défauts (autrement plutôt nombreux, n'allons pas prétendre le contraire). Les seuls jeux qui étaient susceptibles d'avoir sa faveur étaient donc ceux qui exigeaient réflexion et stratégie, de quoi satisfaire son esprit alerte et infatigable, qu'il ressentait le besoin constant de challenger de toutes les façons possible. Les échecs, par conséquent, étaient un jeu que le théoricien de la magie affectionnait tout particulièrement.
Encore fallait-il trouver à ce jeu un adversaire non pas à sa mesure, car Adalbert n'estimerait pas être un champion d'échec non plus, du moins digne de rendre chaque partie passionnante et différente de la précédente. Et c'était le genre d'adversaire qu'il avait su trouver en la personne de Lucius, en plus d'un ami devenu proche, à force de débats passionnés et animés et de réflexions conjointes sur des sujets qui les fascinaient tous les deux. A ce titre, Adalbert était ravi de s'interrompre un instant dans ses recherches (ce qui était suffisamment rare pour être signalé) pour passer du temps avec Lucius. D'autant qu'en règle générale, deviser avec son ami ne signifiait pas forcément mettre son travail de côté, au contraire, Lucius avait toujours une opinion intéressante et son regard avisé savait l'éclairer parfois sur des sujets en y apporter une lumière différente. Il serait assez curieux d'ailleurs de lui parler de son projet commun avec Eulalie Hicks, qu'il devait forcément bien connaître pour être une de ses collègues à Ilvermorny, et qui avait de bonnes chances de le concerner, puisque la legilimancie faisait partie des formes de magie qu'il avait l'intention, entre autres, d'étudier.
En effet, Adalbert arriva pile à l'heure chez Lucius. Bien qu'il lui arrivait de se laisser déborder et de ne pas voir le temps passer, il essayait en règle générale de respecter ses rendez-vous, qu'ils soient personnels ou professionnels, avec ponctualité. Lui-même détestait attendre, alors il ne voulait pas faire attendre les autres. Il entra chez son ami à sa demande.
-Je prendrai ce que tu prendras, répondit le théoricien de la magie en adressant un sourire à son ami. Comment vas-tu ?
Il ne semblait pas au meilleur de sa forme, mais en même temps... cela faisait un long moment maintenant qu'il n'était pas au meilleur de sa forme, et Adalbert savait malheureusement pourquoi.
code by Mandy
Lucius Miller
Messages : 101 Date d'inscription : 09/04/2020 Age du joueur : 25
Checkmate ••• Ce sera donc un café si Adalbert lui laissait le choix de la boisson. Il le sentait, la soirée risquait d'être longue, alors autant prendre quelque chose qui leur permettrait de rester attentifs et éveillés. Lucius se dirigea dans la cuisine et entendit le théoricien de la magie demander de ses nouvelles. Il jeta un bref regard à son interlocuteur, avant de reporter son attention sur la préparation du café. Il répondit :
- Je ne vais pas très bien.
Mais ça, Adalbert en avait parfaitement conscience. Il n'allait pas bien du tout et cela ne faisait qu'empirer de jour en jour. Il y avait son travail, ses amis, qui représentaient des piliers solides sur lesquels il pouvait s'appuyer. Mais lorsqu'il se retrouvait seul, ses démons ressortaient et il se sentait incapable de les affronter, se laissant submerger par ses idées noires. Le professeur estimait que l'écrivain était un sorcier avec qui il pouvait discuter librement de ses problèmes. Il appréciait grandement les opinions d'Adalbert, alors même si la plupart de leurs discussions tournaient autour de leurs travaux, Lucius pouvait échanger avec le théoricien de la magie sur des choses plus personnelles. Même si Adalbert connaissait les raisons de la souffrance de Lucius, ça pouvait sans doute lui faire du bien d'en parler. Tout en tendant la tasse de café à son ami, il ajouta :
- Depuis qu'elles ne sont plus là, je me sens... bloqué. J'ai du mal à respirer, du mal à penser, du mal à écrire.
Il n'arrivait pas à aller de l'avant. Tout lui paraissait si simple autrefois. Désormais, les choses étaient extrêmement compliquées. Il appréciait toujours autant son travail, ses recherches, mais il lui manquait quelque chose. Il n'avait pas encore eu ce déclic qui lui permettrait de retrouver complètement ses esprits. L'aurait-il un jour ? Il n'en avait pas la moindre idée. Quoiqu'il en soit, l'heure n'était pas à la dépression mais à la concentration. D'un geste, Lucius choisit de prendre les pièces noires.
- Honneur à l'invité. laissa tomber le professeur en s'asseyant face au plateau d'échecs. Il se demandait déjà quelles stratégies adopterait Adalbert, au cours de cette partie. Il leva les yeux dans sa direction, attendant posément qu'il commence le jeu, puisqu'il lui avait laissé les blancs. Et toi alors, tout va bien ?
alheureusement, la réponse de Lucius n'avait rien d'une surprise. Il allait mal. Il allait mal depuis qu'il avait perdu son épouse et sa fille, et cela serrait le coeur du théoricien de la magie qui, malheureusement, n'avait guère à sa disposition les clés nécessaires pour aider son ami à se sentir mieux, pour peu que ces clés existent bel et bien. Adalbert était un homme intelligent, observateur, curieux et raisonné, mais il manquait cruellement et définitivement d'intelligence émotionnelle. Il était incapable de se mettre véritablement à la place de son interlocuteur.
Lui-même n'était jamais tombé amoureux, sa seule maîtresse avait toujours été le savoir et la quête de vérité. Il n'avait jamais fondé de famille et commençait à se dire (sans forcément de regret car ce n'était pas une perspective qui l'avait spécialement attiré) que cela n'arriverait jamais. Il ne pouvait deviner la souffrance qu'engendrait la perte d'une épouse, la perte d'un enfant. Il comprenait la douleur dans la mesure où elle était manifeste chez son interlocuteur, mais ne serait pas en mesure de la guérir. Alors il espérait seulement que leurs échanges, ces moments aussi anodins qu'une partie d'échec, l'aidaient à se sentir mieux, même si ce ne devait être qu'un temps, avant que les sentiments les plus néfastes ne le submergent de nouveau.
Du mal à respirer, du mal à penser, du mal à écrire. Que répondre à cela ? Adalbert pourrait répondre qu'il était désolé, et il l'était, mais c'étaient là des mots que Lucius avait déjà dû beaucoup trop entendre... il n'avait sans doute pas besoin qu'il se joigne à la foule de ceux qui se contentaient de cette simple formule, au fond très creuse, sans substance, sans écho à ce qu'il endurait réellement. Agir concrètement pour aider son ami, c'est cela qu'Adalbert voudrait. Malheureusement, il ne voyait pas dans quelle mesure il en serait capable. Lui-même, si on le privait d'écrire ou de réfléchir, de toute évidence, il se sentirait... au plus mal. L'esprit incapable de formuler la moindre pensée construite, c'était sans doute à ça que ressemblerait son épouvantard, si un épouvantard pouvait réellement se métamorphoser en quelque chose d'à ce point abstrait.
-Tout va bien, je travaille à la réédition de Magie théorique, et j'ai un nouveau projet sur le feu. Adalbert, puisque les blancs lui avaient été attribués, avança son premier pion. Je voudrais pouvoir faire quelque chose pour toi, ne put-il s'empêcher d'ajouter dans le même temps.
code by Mandy
Lucius Miller
Messages : 101 Date d'inscription : 09/04/2020 Age du joueur : 25
#Sujet: Re: Checkmate | AdalbertLun 11 Mai - 16:01
Checkmate ••• Lucius était heureux d'apprendre que l'écrivain se portait bien. Apparemment, ce dernier travaillait sur la réédition de Magie théorique, et avait même un nouveau projet. Adalbert ne s'arrêtait donc jamais. Lucius se demandait s'il lui arrivait de se reposer un peu, de temps en temps. Parce qu'à chaque fois qu'ils discutaient, le théoricien de la magie avait toujours une montagne de choses à faire. Nul doute que le jour où son ami se retrouverait sans projet sur le feu, il serait le plus malheureux des hommes. Mais en même temps, il se reconnaissait assez bien dans cette attitude. Mieux valait pour le professeur de se concentrer sur un travail, une recherche, plutôt que sur ses émotions.
Son invité commença le jeu en avançant son premier pion. Lucius allait en faire de même, mais fut coupé dans son action lorsqu'Adalbert ajouta qu'il voudrait pouvoir faire quelque chose pour lui. Il regarda l'écrivain et afficha un sourire. Il trouvait que son ami l'aidait déjà beaucoup. Adalbert n'avait pas la capacité de ressusciter les morts, mais l'air de rien, leurs échanges lui faisaient un bien fou. Il adorait discuter avec le théoricien de la magie, et ça lui changeait les idées. Rien que pour ça, Lucius était reconnaissant envers son ami.
- Tu m'aides déjà, ne t'en fais pas.
Le professeur d'Histoire de la magie considérait Adalbert comme un brillant écrivain et un éminent théoricien. Sa soif de connaissance ne semblait avoir aucune limite, alors les sujets de discussion étaient infinis.
- Donc dis-moi. De quel projet s'agit-il ?
En attendant la réponse de son interlocuteur, il avança son premier pion, libérant les mouvements de sa tour, à l'extrémité gauche du plateau. Dans un premier temps, il lui importerait de déployer ses pièces, de prendre possession de l'échiquier, tout en préservant son roi. Il lui faudrait développer ses cavaliers, ses fous... D'un regard, Lucius jaugea les pièces de son ami. Il ne prendrait ses pions que dans la plus ultime nécessité. Il s'agissait de pièces faibles, pouvant difficilement représenter une véritable menace. Des faiblesses qui, bien employées, s'avéraient essentielles à la réussite d'une partie. Le tout était de savoir bien les jouer. Le laissant réfléchir, il prit une gorgée de café.
#Sujet: Re: Checkmate | AdalbertLun 11 Mai - 20:21
Checkmate
A
dalbert ne pouvait que croire son ami sur parole quand ce dernier lui assurait qu'il l'aidait déjà beaucoup. Il n'avait pas cette capacité qui lui aurait été très utile en cet instant (mais très handicapante en d'autres circonstances - il avait déjà du mal à faire le tri dans ses pensées, alors s'il devait commencer à s'intéresser à celles des autres, il ne serait définitivement pas sorti de l'auberge) de lire dans les pensées de son ami pour s'assurer de sa sincérité, mais il est vrai que Lucius n'avait pas pour habitude de mentir. Pourtant, Adalbert avait vraiment du mal à croire qu'il puisse être d'une si grande aide que ça.
Il avait tendance à se croire aussi mauvais ami que bon théoricien de la magie, pas parce qu'il négligeait volontairement ses proches, mais parce qu'il se laissait trop souvent distraire par son travail, et avait du mal à le mettre de coté, même au cours de conversations cordiales qui exigeraient évidemment qu'il les mette de côté. Pour autant, si leurs conversations et leurs parties d'échecs pouvaient réellement avoir le don d'aider et d'apaiser un peu Lucius, alors il en était heureux. Il ne savait pas toujours se comporter comme le meilleur des amis, mais ça ne changeait tout de même rien au fait qu'il ne voulait que le bonheur des personnes qui avaient été capables de gagner son affection.
Il décida de ne pas insister, puisque Lucius semblait en exprimer la volonté tout en l'engageant sur un sujet qui promettait - comme à son habitude - de le rendre intarissable. Forcément, si on lui demandait de parler de son travail, inutile de le faire deux fois, aussitôt, Adalbert était capable de vous tenir un monologue sur son travail et sur toutes les hypothèses qu'il était en train d'analyser... Ce pouvait être épuisant pour beaucoup, mais c'était comme ça qu'il était. De manière générale, dans tous les cas, la personnalité d'Adalbert était épuisante. Parce qu'il était... non-stop. Et il était bien difficile de réussir à le canaliser.
-C'est une collaboration. Avec Eulalie Hicks, une de tes collègues, si je ne m'abuse, j'imagine que tu la connais bien. Et il serait assez curieux de connaître l'opinion que Lucius avait d'elle, si toutefois il en avait une. Sur la magie primitive. Autant te dire que c'est un travail de longue haleine, mais c'est absolument fascinant.
Ces mots prononcés, il se reconcentra sur la partie - et la joueuse derrière son écran laissera à sa partenaire de rp le soin de décider de son prochain mouvement car elle-même ne sait absolument pas jouer aux échecs.
Accueil 
Mar 5 Mai - 0:54
