Il n'est plus dur que la perte d'un frère (Langdon)

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es fêtes de Noël approchaient. Langdon n'avait jamais vraiment apprécié cette période de l'année, elle ne lui rappelait que de très mauvais souvenirs. De fêtes célébrées sans sa mère, de réveillons passés à voir son père accorder plus de temps à ses affaires qu'à ses enfants, de festivités où il avait toujours le sentiment que son frère avait droit à des cadeaux plus dignes d'intérêt que lui... Bref, il n'avait jamais spécialement aimé ce moment de l'année. Et ce ne manquerait pas d'être pire, maintenant, parce que maintenant, il associerait pour de bon ce moment décès de son frère... Il avait passé la journée à chercher un cadeau pour son père, sans succès et sans réelle motivation par ailleurs. Même s'il n'était même pas sûr du fait que son père prendrait la peine de s'intéresser à la tradition cette année. Dans le fond, cela valait sans doute beaucoup mieux... mais Langdon, même en temps de crise, ne changeait pas, il voulait toujours plaire, il pliait au moment de songer se rebeller, invariablement.

Quand il rentra chez lui, le jeune étudiant se sentait exténué, exténué, mais pas apaisé. De toutes les manières possibles, il aurait voulu passer outre les derniers événements et prendre sa vie en main, mais plus le temps passait, plus il songeait qu'il ne pouvait exister qu'une seule et unique manière de sortir de tout ça, de retrouver une certaine paix d'esprit : il devenait urgent que le monde prenne conscience de l'existence de la sorcellerie... Mais de toute évidence, plus une chose est manifeste, plus on refuse de la voir. Langdon était atterré par les explications que la plupart avaient donné à l'assassinat de son frère. Tout était flou, mais il restait sûr que ce qui était arrivé à son frère n'avait rien d'un décès naturel. Quel décès naturel, d'ailleurs ? Henry Jr. était ce qu'il y a de plus sain... C'était en partie ce pourquoi on le louait en tant que sénateur... Il ruminait, oui, encore et encore. Il avait déserté la faculté pou se concentrer sur ses objectifs, mais il ne savait pas par où commencer, en réalité. Perdu dans ses pensées, il ne s'attendait pas à ce que l'on frappe à sa porte. Il n'attendait personne, et de manière générale, personne ne venait chez lui, plus le temps passait, plus il se renfermait sur lui-même. Il prit tout de même la peine d'ouvrir et fut surpris de découvrir qui se trouvait de l'autre côté de la porte.

-Jacob ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

Au fond, il devinait pourquoi. Voilà un moment que tous les deux ne s'étaient pas parlé, pour autant, ils s'étaient toujours bien entendu. Langdon se retrouvait en Jacob... et il pensait que la réciproque était tout aussi vraie. Il devait, comme beaucoup d'autres, avoir entendu parler de la mort de Henry. Qu'il ait pris la peine de venir le voir pour sassurer qu'il allait bien le touchait beaucoup.

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a réponse de Jacob ne surprit pas réellement Langdon, pour cause, elle confirmait ce que l'étudiant en journalisme avait d'ores et déjà deviné en ouvrant la porte de son interlocuteur : il venait le voir par amitié et considération, parce qu'il savait qu'il essuyait une perte douloureuse (il était d'autant mieux placé pour le comprendre d'ailleurs que lui-même avait perdu son propre frère durant la guerre). Langdon ne répondit rien quand son interlocuteur lui dit avoir apprit ce qui était arrivé à son frère. Il avait bien envie de rétorquer qu'il fallait vivre sur une autre planète (enfin, pas à New York, en tout cas) pour ne pas être au courant tant la mort du sénateur Henry Shaw Jr. avait défrayé la chronique. Mais il serait mal avisé de se mettre à dos l'une des rares personnes potentiellement capables de le comprendre, Jacob venait ici par considération, pas par intérêt comme d'autres avaient pu le faire. Et sa compagnie serait très certainement bien moins rébarbative et bien plus soutenable que celles auxquelles il avait eu droit jusqu'ici, alors il devait garder pour lui sa rancoeur. Il la laissait déjà se manifester bien trop régulièrement ces temps derniers, il savait qu'il prenne soin de mieux choisir ses cibles. Langdon ne répondit rien dans un premier temps, il se contenta d'ouvrir grand la porte et de s'écarter afin que Jacob puisse passer.

-Entre, dit-il alors d'une voix un peu cassée.

Il n'était pas difficile de constater, à observer son appartement, que le jeune homme n'avait pas attendu de visite. En même temps, quand bien même ça aurait été potentiellement le cas, il n'aurait pas forcément fait d'efforts. Son appartement était en vrac, complètement dérangé, des papiers et coupures de journaux jonchaient la petite table de sa salle manger et débordaient à même le sol. Dans un climat obsessionnel constant, le jeune homme ne se rendait même pas compte de l'état de désordre où il était rendu.

-J'ai connu mieux..., embraya-t-il en fermant la porte derrière eux.

C'était un euphémisme, il n'allait pas bien du tout, et cela devait se voir comme le nez au milieu de la figure, notamment sans doute parce que des cernes immenses cerclaient ses yeux... Il filait un mauvais coton, et ce n'était pas prêt de s'arranger. Il n'allait pas bien, et le pire, c'est qu'obsédé par sa lubie du moment, il ne prenait pas la peine de faire convenablement son deuil. Tout au contraire, il grillait à peu près toutes les étapes possibles, ne se faisait aucun du bien.

-Tu veux boire quelque chose ? proposa-t-il ensuite sans savoir s'il y avait grand-chose de potable dans son appartement.

Il ne savait pas s'il allait bel et bien être à même d'entretenir une conversation digne de ce nom et surtout cohérente, mais il savait bien en revanche que ce serait loin, bien loin de lui faire du mal, tout au contraire.

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acob déclina poliment la proposition de boire quelque chose que formula Langdon, ce qui valait effectivement sans doute mieux comme ça, pas seulement parce que le jeune homme ne se sentait pas d'humeur à jouer les hôtes de marque mais aussi parce qu'il n'y avait probablement rien de potable dans cet appartement, il y vivotait plus qu'il n'y vivait, et passait plus de temps à ruminer qu'à considérer que boire et manger pourraient être des options judicieuses. Alors oui, il n'y avait rien du tout chez eux, si ce n'est de l'eau, et on faisait mieux quand on accueillait un ami chez soi... Enfin, de toute façon, Langdon n'avait pas spécialement envie de faire le moindre cas de quelque civilité que ce soit, il considérait avoir sa dose au quotidien avec l'environnement à haute superficialité où il était contraint de vivre du fait de sa fichue naissance.

Jacob ajouta qu'il se doutait qu'il n'allait pas bien, Langdon fut tenté de répliquer par un "Sans blague ?" malvenu, mais il savait très bien que ce serait totalement injuste de sa part, d'autant que le jeune homme était en vérité bien placé pour comprendre sa détresse. Jacob lui avait appris, un jour, qu'il avait perdu son frère durant la guerre. Ce n'était pas une information anodine, il l'avait retenue, et maintenant il vivait la même chose. Forcément, il pouvait et devait comprendre. Au moins, Jacob avait conscience du fait d'être impuissant dans ce genre de circonstances. C'était épuisant de s'entendre prononcer des conseils soi-disant éclairés par des personnes qui n'avaient pourtant pas la moindre idée de ce par quoi il passait, qui ne pouvaient en aucun cas se figurer ce qu'il traversait et l'incidence que cela avait sur lui de manière générale. Il promettait d'être présent, c'était déjà beaucoup. Une promesse que beaucoup oubliaient de faire, en réalité. Mais sans surprise, sans doute. Il s'isolait de son propre chef, et rejetait bien souvent les mains tendues dans sa direction, il ne pouvait pas forcément reprocher aux autres d'avoir quelques réticences à aller vers lui, c'était parfaitement normal.

-Merci, répondit Langdon qui n'avait pas totalement oublié les notions élémentaires de politesse. Tu as raison, y a rien à faire... A moins que tu connaisses les gens qui ont fait ça ?

C'était de l'humour. De l'humour noir et dénué du minimum d'enthousiasme que l'on pourrait présumer requis... N'empêche que c'était tout ce qui comptait pour lui dernièrement, que les coupables payent, si puissants devaient-ils penser être, avec leurs pouvoirs. Et il était loin de se douter que Jacob était mêlé plus qu'il n'était capable de le concevoir à toutes ces histoires. Parce qu'il y était mêlé, à sa manière. Non, définitivement, mieux valait que Langdon n'en apprenne rien, car il le vivrait à coup sûr très mal, comme une trahison de plus. Ce serait infondé, bien évidemment, mais ça ne l'empêcherait pas de raisonner ainsi.

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a réponse de Jacob ne se fit pas attendre, et elle n'avait rien d'étonnante du tout, étant donné les circonstances. La surprise se lisait sur ses traits et dans sa voix, et pour cause, les propos de Langdon se distinguaient de la version officielle, celle qui voulait que son frère n'ait été que la victime d'un malheureux accidents, ce que toutes les personnes présentes semblaient avoir cautionné. Toutes sauf lui... c'en était presque incompréhensible, d'ailleurs, à croire qu'ils n'avaient pas tous vu la même chose que lui... mais il faut dire que Langdon avait des prédispositions à croire en l'incroyable. Le jeune homme était convaincu de l'existence de la magie avant même le décès de son frère. Ce dernier n'avait servi qu'à le conforter dans des certitudes de plus en plus grandes. Bien sûr, Langdon n'allait pas reprocher à Jacob de croire en la version officielle. Il n'était pas présent, il ne pouvait pas se douter de la vérité. Ceci dit, il était toujours temps de chercher à le convaincre de la vérité. Quitte à passer pour un illuminé auprès d'une personne de plus. Au stade où il en était, on pouvait clairement affirmer qu'il avait l'habitude. Même si ça ne l'empêchait pas d'insister pour autant. Un jour ou l'autre, il aurait gain de cause, c'était impossible autrement. Langdon fit non de la tête avant de répondre quoi que ce soit, une manière de faire comprendre à son interlocuteur qu'il ne devait rien croire des mensonges que l'on cherchait à lui servir (mais en même temps, il n'avait pas eu besoin d'attendre après le témoignage de son ami pour le savoir, ce qu'il valait mieux que son interlocuteur n'apprenne surtout jamais).

-J'étais là, lui expliqua-t-il alors d'un ton très sérieux, l'émotion affleurant à chaque mot qu'il prononçait comme à chaque fois qu'il parlait de son frère et surtout du moment et des circonstances de sa mort. C'était pas un accident...

Il le savait, pour son témoignage, il y en avait des dizaines qui arguaient le contraire, et même son père, qui était portant également présent ce soir-là, n'irait pas cautionner son discours. Il n'empêche qu'il était sûr de ce qu'il affirmait, et il ne laisserait personne croire qu'il avait été victime d'une illusion ou de quoi que ce soit du même ordre... Il n'alla pas plus loin dans son propos. Il pourrait pourtant pousser le vice un peu plus loin encore en lui affirmant tout de suite que son frère avait été assassiné par magie. Chaque chose en son temps. Il valait mieux, quand même, éviter de le faire fuir. Même si ce n'était pas forcément évitable au vu des circonstances. Parce que Langdon était trop borné, obnubilé.

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u'est-ce qui s'était passé ? De façon parfaitement contradictoire, Langdon voulait qu'on lui pose cette question autant qu'il redoutait qu'on le fasse. Oui, il voulait qu'on lui demande ce qui s'était réellement passé le soir où son frère était mort, car il était soucieux de rétablir la vérité, parce qu'il voulait qu'on le croie, tout simplement (même si faire le récit de ce qu'il avait vu n'y suffisait pas toujours). Mais il redoutait bel et bien cette question, car il savait que faire le récit des événements allait irrémédiablement l'y replonger, et c'était une chose qu'il appréhendait terriblement. C'était comme revivre le traumatisme constamment, encore et encore. Et en même temps, s'il avait réellement voulu soigner ce traumatisme, il était fort à parier qu'il aurait, pour commencer, choisi sciemment de refouler ce souvenir pour enfin se tourner vers l'avenir plutôt que de remuer le passé quitte à deveni fou. Enfin, on ne le changerait pas, pas à ce stade, en tout cas, et puisqu'il trouvait en Jacob une oreille attentive, une personne capable de l'entendre mais aussi et surtout de le croire, il n'allait certainement pas se priver de répondre le plus honnêtement possible à ses interrogations.. si du moins il s'en sentait la force, ce qui était encore une autre affaire, il faut bien le dire. Il commença malgré tout.

-D'abord, il y a eu comme un bruit diffus. Comme une bourrasque, ou plutôt... un souffle. Il marqua une légère pause. Il savait bien qu'il allait être d'office difficile de le croire, mais tant pis, il voulait être précis dans son discours et ses observations. Il voulait que Jacob comprenne, tout simplement. La lumière s'est éteinte d'un coup, et là... ça a été un carnage, il y avait... du verre brisé, les meubles filaient dans toutes les directions. Cette... chose se dirigeait directement vers Henry, et alors...

La voix de Jacob se brisa. Il n'était pas capable de continuer plus avant. C'était une chose que d'évoquer ce qui s'était passé juste avant, des événements factuels, et qui n'avaient blessé en soi personne (et que tout le monde semblait avoir oublié sauf lui, au passage - mais il ne réalisait pas devoir cet exercice de mémoire à sa fuite prématurée, qui n'avait pas permis aux sorciers du MACUSA de l'appréhender)... C'en était une autre que de parler directement de l'agression de son frère, et ça, il n'y arrivait tout simplement pas. Et si c'était pour se faire taxer de victime d'hallucination collective, comme l'avait supposé Elsa, il préférait largement se l'épargner.

-Tu vas me prendre pour un fou, comme tous les autres, soupira Langdon, d'avance défaitiste, il est vrai, mais en même temps, il savait comment ses explications avaient l'habitude d'être accueillies... Ce qui a attaqué mon frère... c'était pas humain.

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acob affirma qu'il ne le trouvait pas fou... Et quelque chose, dans le ton de sa voix, dans son regard, dans son attitude laissait penser à Langdon qu'il était sincère, qu'il ne prononçait pas ces mots uniquement pour tromper la solitude de son ami. Et ça faisait du bien, d'entendre de tels mots. Car en temps normal, quand il exprimait ses craintes et ses suspicions, il se confrontait soit à l'hilarité générale, soit à l'incompréhension la plus totale. Pourtant, ses arguments étaient ce qu'il y a de plus rationnels. C'étaient ceux qui ignoraient les preuves qui se trouvaient juste sous leur nez qui oubliaient de l'être... Et pour lui, ce n'était tout simplement plus tolérable. Non seulement il devait affronter et apprivoiser une réalité difficile et complexe, mais en plus, il devait se confronter à l'absence totale d'ouverture d'esprit de ses interlocuteurs. Mais Jacob n'était pas comme ça... Est-ce que, pour cette raison, Langdon devrait trouver son attitude suspecte ? Peut-être, en effet... Mais ce n'était pas le cas. Il était trop heureux, pour une fois, de ne pas être pris pour un fou, et c'était tout ce qu'il gardait à l'esprit, ça et rien d'autre. Le jeune homme sentait que son ami cherchait surtout à comprendre ce que Langdon avait vu et vécu, et le futur journaliste espérait que quand il exposerait sa théorie (qui relevait plus du fait à ses yeux), il ne serait pas regardé de travers par Jacob, qui pour le moment paraissait prêt à tout attendre. Il n'y avait qu'une seule manière de le savoir, évidemment.

-C'est de la sorcellerie, répondit-il donc sans ciller, espérant que son interlocuteur continuerait d'appréhender ses explications avec le même sérieux qu'il l'avait fait jusqu'ici. "Sorcellerie" semblait être le mot proscrit. Dès qu'il était entendu, on le moquait, et pourtant rien n'expliquait mieux les récents événements que ce phénomène dont on retrouvait des traces et manifestations absolument partout dès lors que l'on s'y montrait attentif. Oui, c'était de la sorcellerie, ni plus ni moins. Les preuves sont partout et tout le monde s'obstine à l'ignorer. Mais les sorciers existent, et je les ai vus de mes propres yeux, ajouta-t-il avec presque autant de verve que celle dont aurait été capable Mary Lou Barebone si elle s'était retrouvée à prononcer un discours équivalent - ce qui lui arrivait fréquemment. Il apprenait décidément beaucoup à son contact. Tu me crois, n'est-ce pas ? demanda-t-il alors, se doutant que s'il avait été plus simple jusqu'ici de ne pas considérer Langdon comme un fou furieux, Jacob aurait certainement beaucoup plus de mal à présent.

Mais il comptait bien faire ce qu'il fallait pour le convaincre. Ses arguments, il les avait ressassés tant et tant qu'il les connaissait par coeur;

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angdon ne savait pas s'il pouvait réellement croire son interlocuteur quand ce dernier affirmait le croire. C'étaient des mots qu'il avait déjà entendus, et souvent, ceux qui l'avaient prononcé n'accordaient en réalité aucun crédit à son propos, ils cherchaient seulement à le faire taire, à le rassurer sans pour autant prêter la moindre attention à ses arguments. Jacob lui semblait sincère, mais comment savoir ? Il avait bien compris qu'il devait avoir l'air d'un fou, et résultat des courses, ça le rendait encore plus dingue, certains devaient se dire qu'il n'était après tout pas si grave de l'encourager dans ses névroses, d'autant plus qu'il restait campé sur ses positions quoi qu'on puisse lui dire... mais il avait envie de croire que Jacob serait susceptible d'être son allié dans cette affaire. Jacob était quelqu'un de bien, compréhensif et compatissant, il saurait comprendre ce qu'il traversait et à quel point c'était difficile pour lui. Langdon aurait bien aimé que son interlocuteur se contente de lui affirmer qu'il le croyait sans lui demander plus de preuves, ce qui ressemblait à ses yeux à une preuve concrète des incertitudes de son interlocuteur. Il ne pouvait pas lui reprocher, pourtant, de rechercher ces preuves. Il lui sortait, comme ça, que les sorciers existaient et étaient parmi eux, n'importe qui d'un peu sensé réclameraient des preuves.

-La mort de mon frère, pour commencer, dit-il d'un ton sombre, même s'il savait ne pas avoir besoin de revenir là-dessus, il en avait déjà parlé et Jacob avait parlé. Et tous les incidents étranges qui se sont produits dernièrement et que personne n'a été capable d'expliquer... Un dérèglement climatique, tu parles... Il était agité, la voix presque tremblante, comme à chaque fois qu'il évoquait le sujet, mélange d'excitation et... de manque manifeste de sommeil, également, ça ne faisait pas le moindre doute. Est-ce que tu as déjà entendu parler de l'association des fidèles de Salem ? lui demanda-t-il d'un ton très sérieux.

Il savait qu'il s'éparpillait totalement dans son discours. Il savait bien qu'il devrait fragmenter, mais il avait un peu du mal. C'était quelque chose qui pourrait lui faire défaut dans ses études de journalisme, mais ce n'est pas vraiment comme si cet aspect de son existence revêtait encore réellement de l'intérêt à ses yeux. Non... pour le coup, la seule chose qui l'intéressait, c'est de retrouver la paix qui l'avait déserté depuis beaucoup trop longtemps, et s'il parvenait à convaincre d'autres personnes, même une seule, de ce qui se tramait, des difficultés de la situation telle qu'elle était vraiment... il se sentirait un peu apaisé. Peut-être. Même si ça ne lui rendrait pas son frère, même s'il continuerait d'avoir le sentiment de brasser du vent.

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angdon n'avait pas attendu après cette situation complexe et la mort de son frère pour développer un délicat contexte d'abandon. Il avait constamment peur d'être rejeté, c'est certain, et pour cause, il ne s'était jamais considéré à la hauteur de la personne qu'il avait cherché le plus au monde à impressionner, à savoir son père. En amitié, cette peur de l'abandon se ressentait, de fait, également. Il s'était progressivement isolé de tous ses amis, et il avait peur que le peu qu'il lui reste se détournent à leur tour. Bien sûr, on pourrait lui faire remarquer - et on aurait raison - qu'il était entièrement responsable de ce qu'il lui arrivait, que c'était lui-même qui, avec son comportement, mettait les autres à l'écart.

C'était le cas. Au fond, tout ceci n'était jamais qu'un cercle vicieux de grande ampleur, auquel il ne savait tout simplement pas échapper. Il ne réfléchissait pas aussi loin en cet instant, ceci dit, il ne songeait qu'à la crainte d'être rejeté par Jacob, parce que lui aussi le prendrait pour un illuminé. Certes, il lui assurait qu'il le croyait, mais il en avait entendu d'autres faire de même, avant lui, parce qu'ils n'avaient pas osé le contredire, pas su comment réagir ou se disaient simplement que Langdon surmontait son deuil de cette manière et qu'il fallait par conséquent le ménager du mieux possible. Lui, il n'avait pas envie qu'on le ménage. Si on ne le croyait pas, il avait envie qu'on le lui dise, un point c'est tout... Mais avant tout et surtout, il avait envie qu'on le croie, qu'on écoute ce qu'il avait à dire de bout en bout et qu'on en admette la logique, sans essayer de lui marteler des fausses vérités surgies de nulle part.

-C'est grâce à eux que j'ai réussi à y voir plus clair, à comprendre ce qui s'est vraiment passé. Ils ont accumulé un nombre de preuves... incroyable... Ils m'ont vraiment ouvert les yeux.

Il n'avait peut-être pas intérêt à lui parler des fidèles de Salem si tôt, mais il avait réellement envie qu'il comprenne sa situation, et si ses mots à lui ne suffisaient pas, il savait qu'une autre pouvait se montrer beaucoup plus convaincante. Il regrettait bien souvent de ne pas avoir l'éloquence qu'avait su avoir son frère et le sens de la rhétorique que possédait sans conteste Mary Lou Barebone. Il lui serait ainsi bien plus simple de convaincre son entourage de ce qu'il s'évertuait à penser et à vouloir transmettre sans jamais trouver les mots réellement adéquats.

-Si tu les rencontrais, je suis sûr que tu comprendrait mieux de quoi je parle, tu n'aurais plus le moindre doute.

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acob assura à Langdon qu'il le comprenait, et le jeune homme voudrait être capable d'apprécier ces mots à leur juste valeur, malheureusement ce n'était pas le cas. Il avait le sentiment de les entendre constamment, souvent accompagnés d'un fond de pitié qui les rendait totalement insupportable. Peut-être qu'à une époque, Langdon se laissait convaincre par ces paroles et y trouvait un certain apaisement, mais cette période était révolue. Maintenant, il ne savait que se montrer sceptique envers tous ceux qui lui assuraient le comprendre. Si c'était le cas, pourquoi alors se sentait-il si seul ? Pourquoi avait-il le sentiment de hurler dans le vide, de s'égosiller sans que personne n'entende ? D'accord, il appréciait la démarche de Jacob, il appréciait qu'il prenne la peine de l'écouter, et même il ne lui donnait pas le sentiment de le juger ou de se moquer, ce qui était en soi un progrès agréable. Mais ce n'était pas suffisant. Est-ce que quoi que ce soit pouvait être suffisant, d'ailleurs ? Il n'en était pas convaincu pour tout dire. Et c'était bien le problème, d'ailleurs.

Quand Jacob reprit la parole, le peu d'espoir que Langdon avait eu de pouvoir convaincre son ami sans lutter s'effacèrent, fondirent comme neige au soleil. Comment pouvait-il être sûr que les sorciers avaient un rapport avec la mort de son frère ? Il avait l'impression d'entendre cette question constamment, et ça le rendait complètement dingue. Plus qu'il ne l'était déjà. Comme si ça ne suffisait pas qu'il ait vu Henry mourir sous ses yeux, il devait sans cesse se justifier de ce qu'il avait vu. Mais le doute n'était pas permis. Ce n'étaient pas de vagues suppositions qui le poussaient à penser de la sorte, il était là, il avait tout vu, c'était de la sorcellerie, point final, rien d'autre n'expliquait ce qui s'était passé, et encore moins l'absurde hallucination collective que certains avaient voulu invoquer.

Quand Jacob ajouta que les sorciers n'étaient peut-être pas aussi mauvais que ce que les fidèles de Salem prétendaient, il se sentit totalement vriller. Il s'était confié à coeur ouvert à Jacob, il avait évoqué un épisode vraiment traumatisant de sa vie, et voilà qu'une fois encore, on remettait son discours en question. Il se souvenait qu'Elsa lui avait posé des questions similaires. Comment pouvait-on admettre l'existence de ces assassins et dans le même temps suggérer qu'ils n'étaient peut-être pas si mauvais que ça ?

-Et tuer mon frère, c'était un acte de charité, c'est ça ? répliqua-t-il vivement, à bout de nerf. Le vague espoir de soutien qu'il avait escompté disparaissait. C'était définitif, il cesserait de convaincre ceux de son entourage. C'était son entourage tout court qu'il devrait changer. Si c'est tout ce que tu trouves à dire, tu ferais mieux de t'en aller tout de suite.

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ombien de fois l'avait-il entendue, celle-là ? Et combien de fois avait-il été déçu ensuite. "Je suis de ton côté". Si seulement c'était vrai. Les gens voulaient être de son côté, soit, mais dès qu'il s'exprimait, dès qu'il tentait d'ouvrir les yeux à son entourage, tous se braquaient comme si tout ceci ne pouvait avoir aucune forme de sens. C'était encore pire, en vérité, quand on voulait bien lui reconnaître l'information la plus difficile à encaisser : à savoir que la sorcellerie existait bel et bien. Le tout pour vouloir nuancer le propos par la suite. D'accord, c'était important, d'avoir le sens de la nuance, et lui-même savait bien que tout n'était pas tout noir ou tout blanc. Mais non. En l'occurrence, on ne parlait pas d'être humains normaux, on ne parlait même pas d'être humains, d'ailleurs.

Langdon ne se souvenait pas avoir, à aucun moment, parlé de ces individus autrement que comme des entités maléfiques, ne cherchant que l'assujetisation des leurs et la destruction. Alors pourquoi, à la fin, voudrait-on que ces gens-là puissent être de bonnes personnes ? Entendre Jacob lui rappelait sa conversation houleuse avec Elsa. C'était exactement la même chose. On faisait mine de le comprendre, il avait le sentiment de s'être trouvé un allié. Et puis, finalement... finalement, c'était la déception, comme à chaque fois. Il en avait marre. Il n'avait pas envie de se justifier, il n'avait pas envie de débattre, il avait juste envie d'être compris, point. Alors, évidemment, c'était totalement égoïste, comme démarche, et ce serait mentir que d'affirmer le contraire (en même temps, au point où il en était).

Mais c'était comme ça. Il avait seulement envie que, pour une fois, quelqu'un (qui ne serait pas un membre des fidèles de Salem, s'entend) accepte simplement de l'entendre et reconnaisse que oui, il avait raison, oui, cette situation était tout à fait inacceptable, et oui, il fallait y remédier. Il ne demandait pas à Jacob de rejoindre les fidèles de Salem ou de se jeter à corps perdu dans la chasse aux sorcières. Il lui demandait juste... eh bien, d'être d'accord avec lui. Sincèrement. Alors forcément, c'était stupide, comme démarche, mais à force d'en entendre vouloir "le faire revenir à la raison", il devenait toujours plus catégorique. Il faudrait un vrai miracle pour qu'il accepte de voir la vérité telle qu'elle était, à ce stade.

-Ces gens-là ne sont pas comme nous, répliqua-t-il forcément. Je ne vois même pas pourquoi tu cherches à prendre leur défense, tu n'avais aucune idée de leur existence avant que je t'en parle. Normalement, mais forcément, il devenait paranoïaque, lui, avec tout ça. Pas vrai ?

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angdon devait vraiment essayer d'arrêter de voir le mal partout... ou il allait finir par perdre tous les amis qu'il lui restait encore. Mais il n'y pouvait rien... ce n'était pas faute de vouloir faire des efforts, mais plus le temps passait, plus le constat était clair à ses yeux : ce n'est pas juste qu'il voyait le mal partout, c'est que le mal était partout, purement et simplement. Enfin, il pouvait faire quelques exceptions tout de même. Par exemple, il lui semblait tout de même évident que Jacob était, et de loin, l'une des personnes les plus aimables et saines d'esprit qui existent, mais justement, si quelqu'un de fondamentalement bien se mettait à son tour à ne pas vouloir reconnaître la présence du mal quand celle-ci était pourtant évidente (à ses yeux en tout cas), alors vers qui pouvait-il encore espérer se tourner ?

-C'est parce que ce ne sont pas des personnes comme toi et moi, répliqua Langdon d'un ton obstiné.

Il pouvait comprendre le point de vue de Jacob, qui venait du moins confirmer la bonté d'âme naturelle du jeune homme, qui voulait voir le bien en n'importe qui. Sauf que ce n'était pas comme s'il était question ici de personnes comme eux. Non, ils n'avaient de commun avec ces individus que l'apparence. C'était l'erreur que commettait Jacob, celle de considérer ces individus comme des êtres humains. Sauf que ce n'était pas le cas, il s'agissait de créatures puissantes, viles, cruelles, qui utilisaient la magie aux pires fins possibles, qui n'avaient absolument aucune sorte de scrupule et qui étaient capables de commettre les pires horreurs au nom du seul plaisir de satisfaire leur égo sadique : leur motivation était simple, les écraser jusqu'à ce qu'ils n'existent plus. Il n'y avait aucun besoin de nuancer le propos ou de chercher des nuances de gris dans tout ça. Il fallait cesser de croire que les choses n'étaient pas toutes noires ou toutes blanches. Si la pensée manichéenne devait se justifier, c'était dans ces circonstances. Et il ne supportait pas l'idée que l'on cherche des excuses à ceux qui avaient violemment tué son frère, et sans doute commis un nombre incommensurable de crimes du même acabit.

-Ce sont des monstres qui cherchent à nous détruire. Ce n'est pas parce qu'ils nous ressemblent qu'ils sont comme nous. Non, ça c'est juste une de leurs ruses.

Ils pouvaient se mélanger à eux comme si de rien n'était, et cette pensée était très franchement désagréable aux yeux du jeune no-maj, qui ne pouvait s'empêcher de se demander, chaque fois qu'un passant dans la rue lui semblait un tant soit peu suspect s'il appartenait au camp ennemi ou pas. Une situation qui rendrait dingue n'importe qui. Et pour être dingue, il était dingue.

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acob ne lui fit pas l'affront de le contredire ou d'essayer de le raisonner encore une fois, et Langdon devait bien reconnaître qu'il préférait cela. C'était sans doute de mauvaise foi de sa part, c'est vrai, compte tenu du fait que lui s'exaspérait à chaque fois que ses interlocuteurs n'écoutaient pas ce qu'il avait à dire quand lui-même ne réussissait plus à écouter les autres, mais c'était comme ça, il était buté, obstiné, et plus il y avait de portes qui se fermaient juste devant son nez, plus il avait envie de les défoncer à coups de pied. Au-delà du message, de son impact, et des solutions qu'il était important de trouver, il avait besoin d'être entendu, il avait besoin d'être cru. Est-ce que Jacob lui accordait cette faveur ? Encore maintenant, Langdon était bien incapable de le dire, alors que le jeune homme lui demandait ce qu'il comptait faire à présent... Si seulement il savait... Il n'en était qu'au début d'un long chemin de croix. Il aurait aimé progresser plus vite que cela, mais il aurait fallu, pour cela, que la parole qu'il cherchait à répandre se diffuse bien plus largement. Ce n'était pas le cas.

-Ce que je fais déjà, répondit alors Langdon, faire entendre la vérité au plus de personnes possibles. Plus nous seront nombreux à avoir conscience de la menace, plus il sera simple d'y faire face.

Ce ne serait pas gagné pour autant, bien sûr, car l'ennemi était un grand inconnu. La sorcellerie était quelque chose de puissant, d'instable, de destructeur, et il était difficile de savoir de quelle manière lutter contre. Malgré tout, il était plus simple de lutter contre un adversaire identifié et identifiable que contre des chimères... Si déjà, le commun des mortels réussissait à prendre conscience, et pour de bon, de la vérité, alors ils auraient fait, définitivement, un immense bond en avant.

-Je veux que tout le monde sache pourquoi et comment mon frère est mort. Ensuite... on attendra qu'ils attaquent de nouveau. Sauf que cette fois, on sera prêts, on sera armés, et on saura se défendre.

C'était bien utopique, comme discours, évidemment, il ne pouvait que faire mine d'en être convaincu, alors que pour le moment, le nombre des alliés des Fidèles de Salem se réduisait à peau de chagrin. Ce n'était pas avec seulement Mary Lou, toute charismatique soit-elle, et une tripotée d'orphelins qu'ils arrivaient à quoi que ce soit. Mais il ne désespérait pas. Un jour ou l'autre, d'une manière ou d'une autre, lrtains, indéniables, exploseraient à la face du monde, et personne ne pourrait y échapper, personne ne pourrait prétendre y être indifférent ou n'avoir rien vu venir. Ce serait là, certain, évident, concret. Un point c'est tout.

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