Il n'est plus dur que la perte d'un frère (Langdon)

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angdon se sentait soulagé d'entendre son ami ne plus le contredire, et à la place tenter de le comprendre, de se mettre à sa place et d'entendre son point de vue. Ce cas de figure ne se présentait pas si souvent. Alors, oui, il pourrait constater qu'il avait Jacob à l'usure et qu'il n'autorisait en réalité personne à avoir une opinion contraire à la sienne, mais il restait néanmoins convaincu de ses positions, et s'il pouvait réussir à faire que d'autres adoptent la même, même si ça devait être en leur forçant un peu la main, alors il aurait le sentiment d'y avoir gagné quelque chose, ou en tout cas d'avoir fait ce qu'il fallait.

Ce "d'accord", c'était l'assurance qu'il ne le contredirait plus, qu'il acceptait ses arguments, qu'il était même prêt à leur accorder un semblant de crédit... et cela arrivait si rarement que Langdon en aurait presque les larmes aux yeux. Dernièrement, il se sentait seul, démuni, ridicule, seul face à une menace si grande. Certes, il n'était pas totalement seul, il avait les fidèles de Salem, mais au contact de Mary Lou Barebone, il avait gagné des convictions et perdu presque toute vie sociale, tant cette femme, qui détenait pourtant une vérité à ses yeux indéniable, avait tendance auprès de tous à passer pour la plus pure des illuminées.

-Honnêtement, répondit Langdon après avoir laissé passer un temps de silence quand Jacob l'exhorta à la prudence. Si c'est ce qu'il faut pour que le message soit entendu, pour que le monde sache... Je me fiche de finir comme mon frère.

C'était dur, comme propos... Pourtant, Langdon le pensait vraiment. Il ne s'estimait pas suicidaire, il ne se prétendrait même pas dépressif (pourtant il l'était très clairement, et n'importe qui d'extérieur serait à même de le lui faire remarquer), mais il était prêt, oui, à se sacrifier pour la cause. Qu'avait-il vraiment qui doive le décider à survivre, de toute façon ? Sa quête de vérité, sa soif de justice, son besoin de révéler l'existence de la sorcellerie au monde, c'était la seule chose qui le tenait debout. C'était la seule raison qu'il trouvait à se lever le matin. Il se fichait royalement de ses études, de son héritage, il n'avait pas de vie sentimentale, ses amis se comptaient sur les doigts d'une seule main et le nombre se réduisait de jour en jour, son père le prenait pour un cinglé, son frère était mort... Ce n'était pas comme s'il perdrait grand-chose à s'en aller pour la bonne cause... Ce n'est pas comme s'il manquerait à grand monde non plus. Même Jacob, qui semblait se soucier sincèrement de son sort, s'en remettrait sans doute bien vite, au fond.

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angdon avait des mots durs, des mots fermes, et des mots alarmants. Pourtant, non, son but n'était pas de se précipiter vers la mort dans la seconde, pas du tout. Par ces propos, il cherchait surtout à faire entendre à son interlocuteur qu'il était prêt à aller jusqu'au bout, peu importe les sacrifices auxquels il fallait qu'il consente pour parvenir à ses fins, pour faire éclater la vérité. Il n'était même plus tant question de venger son frère (même si, bien évidemment, ça lui tenait à coeur aussi), ça allait au-delà. Il tenait à ce que le monde sache pour pouvoir se protéger, se défendre, attaquer cette menace obscure qu'était la sorcellerie. Et il se doutait qu'il y aurait forcément un prix à payer. Comment pourrait-il en être autrement ?

-Et c'est ce que je compte faire, répondit Langdon qui se désespérait de ne pas suffisamment savoir faire passer son message, si bien que le conseil que lui donnait Jacob ne devrait pas avoir lieu d'être, parce que Jacob aurait dû comprendre que c'était son but avant toute autre chose.

Langdon regrettait de ne pas avoir le charisme et l'éloquence de Mrs Barebone. Certes, elle-même rencontrait bien des détracteurs, mais quand elle parlait, on l'écoutait, on l'entendait... Le jeune homme était bien loin du compte, de son côté. Il s'agitait beauoup et il brassait du vent, si bien qu'on finissait par lui conseiller une démarche qu'il avait cru être la sienne depuis le début.

-Ne t'en fais pas, j'ai pas l'intention... de finir comme Henry... Je dis juste que c'est un risque que je suis prêt à prendre.

Il marqua une pause. Puis adressa à son ami un regard presque suppliant. Au moins, il semblait retirer ceci de cette discussion houleuse : Jacob semblait vraiment s'être rangé de son côté. Il semblait le croire et être prêt à le soutenir, à encourager sa cause... peut-être davantage dans le but de le protéger, y compris de lui-même que par conviction pure, mais Langdon était capable de s'en satisfaire si, à côté de ça, son ami voulait bien ouvrir progressivement les yeux au monde qui était désormais celui de Langdon. Et avec le temps, Jacob allait comprendre.

-Tu... tu serais d'accord de m'aider ? demanda-t-il, presque suppliant, en réalité.

Il voulait l'aide de Jacob, oui, il voulait l'aide de tous ceux qui lui étaient proches, et le fait est que plus le temps passait, plus le nombre des amis de Langdon qui ne lui avaient pas tourné le dos (ou à qui il n'avait pas tourné le dos) s'amenuisait... Et s'il devait être seul avec lui-même, jamais il ne s'extirperait de ce cercle infernal, qui le poussait, encore et encore, dans des retranchements qu'il n'aurait pas imaginés.

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angdon afficha un sourire empreint de la plus profonde gratitude à l'adresse de son interlocuteur. Toute l'aide qu'il était susceptible d'obtenir, il la prenait avec grand plaisir, à plus forte raison qu'il avait singulièrement le sentiment d'en manquer dernièrement. C'était comme si tout lui échappait, constamment, et il ne s'était jamais senti aussi seul de toute sa vie. Certes, il n'avait jamais eu masse d'amis ou de fréquentations, mais il s'était à l'évidence coupé de tous ceux qui avaient fait partie de son cercle jusqu'ici, et c'était devenu inacceptable. Langdon avait plus que jamais besoin de respirer, de se sentir bien, de se sentir mieux, de se sentir en phase avec lui-même, et pour cela, il n'y avait qu'une seule solution, il fallait qu'il aille au bout de sa quête incessante de justice et de vérité. C'était un chemin qu'il ne pouvait pas se permettre d'arpenter seul, il était évident que ce serait impossible pour lui. Il devait compter, à tout prix, sur le soutien de ses proches, de ceux qui acceptaient encore de le croire, de ceux qui seraient capables de ne pas le prendre pour un fou... Il avait besoin du soutien de Jacob, et c'était un soulagement que de constater qu'il était prêt à le lui offrir.

Certes, ça ne voulait pas forcément dire grand-chose, il se pouvait tout à fait que Jacob prononce ces mots et finisse par se dérober en fonction de ce que seraient les exigences de Langdon, mais ce dernier avait tout de même encore envie de croire en sa loyauté. Leur conversation avait eu ses hauts et ses bas, mais au bout du compte, Jacob était toujours présent, et toujours décidé à lui rendre service, toujours fidèle au poste... Des amitiés comme celle-ci étaient précieuses, n'avaient pas leur pareil, et il en avait pertinemment conscience.

-Pour l'instant, je ne sais pas trop, répondit tout de même Langdon, qui ne voulait pas se servir de la réponse favorable de son ami pour en abuser. Nul doute que ce ne serait absolument pas une bonne chose. Non, c'était un risque qu'il ne pouvait absolument pas prendre. Il devait être mesuré dans ses décisions, réfléchi dans ses choix. Rien ne devait être laissé au hasard, absolument rien. Juste... Sois présent le jour où je te demanderai de l'aide, d'accord ?

C'était beaucoup demander, il ne pouvait pas attendre de Jacob qu'il soit à sa disposition, et c'était pourtant ce qu'il se permettait de faire, et il avait très peu de scrupules à ce sujet, en réalité. Parce qu'il estimait que ça ne concernait pas que lui, après tout, l'affaire était beaucoup plus complexe que cela, et elle exigeait qu'on lui adresse le regard le plus attentif.

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